PROGRAMME SCIENTIFIQUE « POUR ET SUR LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL » Responsable scientifique et opérationnel : Sébastien BOURDIN, enseignant-chercheur, docteur en géographie Institut du Développement Territorial - Ecole de Management de Normandie UMR IDEES CNRS 6266 [email protected] 06.19.85.10.68. Résumé du projet Notre projet vise – à partir d’une double compétence thématique et méthodologique – à l’amélioration de la connaissance des mutations actuelles et futures des territoires1 ruraux dans le contexte de la transition énergétique. Plus particulièrement, nous étudierons par quels processus meton en place une économie circulaire basée sur la biomasse d’origine végétale, les facteurs de réussite et les moyens pour la développer sur d’autres territoires. Le projet propose notamment l’utilisation de plusieurs méthodes croisées entre les différents champs disciplinaires représentés (géographes, aménageurs, sociologues, gestionnaires et ingénieurs) qui, in fine, permettront de produire un outil d’aide à la décision capable d’aider les acteurs publics et privés pour faire émerger de nouveaux projets de valorisation de la biomasse au service du développement territorial. Il aura donc une utilité politique et entrepreneuriale forte puisqu’il rendra plus aisée la réflexion de la part des élus et des entrepreneurs sur la nécessité de mettre en œuvre un système économique et territorial localisé pérenne et avantageux pour ses parties prenantes. Dans un contexte de transition énergétique, de tensions diverses sur les budgets des collectivités territoriales et de la nécessité de repenser les business models des entreprises, l’économie circulaire constitue une réponse durable pour créer du développement territorial en particulier dans les espaces ruraux. Le contexte politique, économique et sociétal : de la transition énergétique à la transition territoriale La transition énergétique est aujourd’hui considérée par les institutions nationales, européennes et internationales comme une nécessité incontournable. Dans le cadre systémique qui caractérise les sociétés actuelles, les institutions et nombre de chercheurs identifient cette transition comme l'unique voie permettant de faire coexister croissance économique, équité sociale et 1 En préambule, il nous semble opportun de définir le concept de « territoire » qui constituera un cadre d’analyse pour notre projet. Aussi, nous reprenons la définition de Bailly et al. (1995) selon laquelle il s’agit d’« une organisation spatiale complexe, à la fois économique, sociale et politique, caractérisée par une localisation, un ensemble d’agents en interaction, un mode d’organisation et une dimension temporelle qui relie héritage et projet ». préservation environnementale. Le discours dominant – et par ailleurs assez récent – indique notamment que cette transition passe par le développement et la mise en œuvre de l’économie circulaire dans les territoires (Brullot, 2009 ; Buclet, 2011). En France, les intervenants de la conférence environnementale de septembre 2012 insistaient sur la nécessité de réfléchir à une réforme des modes de production et de consommation de l’énergie afin de promouvoir les énergies renouvelables et les dynamiques d’innovation qui leur sont associées. Parmi elles, se trouve la méthanisation encore insuffisamment développée et pourtant nécessaire. A une échelle plus fine, les collectivités locales sont confrontées à des contraintes budgétaires fortes. Ces dernières se caractérisent par une baisse des dotations de l’Etat et une gestion des déchets onéreuse et difficile à organiser. Dans ce cadre, les territoires et les industries sont amenés à réfléchir à des solutions technologiques permettant (i) un traitement plus économe et plus efficace des déchets, (ii) de produire de l’énergie par et pour le territoire. Parmi les technologies actuelles, nous nous intéresserons plus spécifiquement à la biométhanisation comme source de développement économique et territorial qui permet également une protection environnementale. Comme le souligne Barthe (2009), les espaces ruraux constituent des « générateurs de bioressources ». Ces dernières constituent des facteurs de maintien, de relance ou de création d’activités pour les dynamiser. Le contexte scientifique : l’émergence de travaux sur la valorisation de la biomasse et ses impacts sur le développement territorial La stratégie d’affranchissement des énergies fossiles repose sur une intensification de l’effort de recherche dans les biotechnologies et la méthanisation (Delgenes et al., 1996 ; Mshandete et al., 2006 ; Ward, 2008 ; Moletta, 2009 ; Bollon, 2012 ; Nordmann, 2012). Du point de vue des sciences humaines et sociales, on observe une multiplication des travaux étudiant (i) les enjeux organisationnels et sociaux dans le développement des bioénergies (ii) les processus d’ancrage local et les impacts socio-économiques et environnementaux de la valorisation des déchets verts. Le cadrage théorique de ces études est triple. On s’attache à étudier les projets comme des Systèmes Productifs Locaux/Systèmes Energétiques Territoriaux (Ibrahim et De Sède-Marceau, 2006 ; Barthe, 2009 ; Flety et De Sede-Marceau, 2009 ; Sède-Marceau et al., 2011 ; Tritz, 2012). L’analyse par la Proximité (Rallet et Torre, 1998 ; Pecqueur et Zimmermann, 2004 ; Torre, 2010) permettra également d’apporter une grille de lecture intéressante (proximité organisée et proximité géographique) dans le cadre de notre projet. Enfin, l’Ecologie Industrielle Territoriale (Allenby, 1992 et 1999 ; Boons et Baas, 1997 ; Duret et al., 2007 ; D’arras, 2008 ; Brullot, 2009 ; Beaurain et Brullot, 2011 ; Buclet, 2011 ; Bahers, 2012 et 2014) qui fait référence directement au principe d’économie circulaire nous permettra d’avoir un cadre d’analyse cohérent des projets étudiés. Objectifs scientifiques et opérationnels L’économie circulaire est un modèle économique global conciliant développement économique, préservation de l’environnement et emploi local. Ce nouveau paradigme a été très peu exploré sur le plan scientifique. Aussi, nous souhaitons l’éclairer d’un point de vue conceptuel, théorique et méthodologique. Pour cela, nous nous appuierons sur une analyse empirique élaborée sur cinq territoires : la Basse-Normandie avec les communes de Caen-Métropole (14), Moyaux (14) et Gravigny (50), la Bretagne avec Saint-Gilles du Mené (22) et enfin les Pays de la Loire avec les Herbiers (85). Dans un premier temps, l’objectif sera d’analyser la réalité territorialisée des filières de méthanisation en termes d’efficiences (bio)technique, économique, environnementale et de responsabilité sociale. Il s’agira également d’étudier le territoire comme un construit d’acteurs qui nécessite coordination et dispositifs de médiation. Nous devrons alors identifier quels sont les limites des systèmes actuels et proposer des leviers pour accroître leur durabilité (efficacité, viabilité). A lumière des résultats obtenus, nous proposerons un outil d’aide à la décision couplant les méthodes utilisées par les sciences biotechnologiques et les sciences humaines et sociales. En l’espèce, nous proposerons de développer une plate-forme de ressources qui pourra être appropriée par les acteurs publics et privés avec pour objectif de favoriser l’émergence de nouveaux projets de méthanisation désormais nécessaires. En effet, le 4 septembre 2014, Ségolène Royal annonçait le lancement d’un appel à projets pour le développement de 1 500 installations de méthanisation en 3 ans2 réparties dans les territoires ruraux. Or, une étude menée par le Club Biogaz en 2011 faisait état de la présence sur le territoire national de seulement 200 installations de méthanisation contre 7 000 Outre-Rhin. Les enjeux de cette recherche sont donc très forts aussi bien d’un point de vue scientifique, qu’opérationnel et politique. L’objectif affiché est de penser l’économie circulaire comme un modèle de développement territorial en particulier en milieu rural. Torre (2015) rappelle d’ailleurs que les territoires ruraux regorgent de ressources énergétiques multiples qui sont autant de possibilités de mettre en œuvre la stratégie pour la croissance européenne (Europe 2020). Comme lui, nous pensons qu’un développement intelligent (« smart development ») est possible au sein des espaces ruraux européens. 2 Le défi est énorme et l’Etat compte investir pas moins d’1,5 milliards d’euros d’investissement pour cet objectif.