VERS LA CONSTRUCTION D’UN OUTIL D’AIDE À LA DÉCISION MULTI-CRITÈRES SPATIALISÉ POUR l’ÉCONOMIE CIRCULAIRE ET LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE Auteurs : François Raulin : [email protected] Sébastien Bourdin : [email protected] Institut du Développement Territorial, EM Normandie 9, rue Claude Bloch 14052 CAEN Cedex Thématique : Transition Energétique Logiciel ESRI : ArcGis Public visé : Tout public Mots-clés : économie circulaire, France, méthanisation, Outil d’Aide à la Décision MultiCritères Spatialisé, recherche, transition énergétique. Résumé communication : L’objectif de cette communication est de présenter les premiers résultats d’un travail de recherche en cours autour de l’économie circulaire et la transition énergétique. Un des aspects du programme scientifique DETECTE (Développement économique et territorial, économie circulaire et transition énergétique) consiste à analyser la réalité territorialisée des filières de méthanisation en termes d’efficiences (bio)technique, économique, environnementale et de responsabilité sociale. En particulier, il vise à construire un SIG sous forme d’un outil d’aide à la décision capable d’accompagner les futurs porteurs de projets de méthanisation qu'ils soient publics ou privés. http://www.detecte.org/ Qu’est-ce que l’Institut du Développement Territorial ? L’IDéT (Institut du Développement Territorial) est un institut de recherche intégré au sein d’une école de Management (EM Normandie) et est composé d’une équipe pluridisciplinaire, à savoir trois géographes, trois chercheurs en sciences de gestion et un aménageur. C’est aussi un centre d’expertise et de formation en développement territorial (Master 2 DIMT). Acteur du développement territorial, l’IDéT contribue à la réflexion publique territoriale (rechercheaction, recherche appliquée, groupes de réflexion, etc). Introduction. Le projet de recherche DETECTE (acronyme de « Développement Economique Territorial, Economie Circulaire et Transition Energétique ») est financé par le programme scientifique PSDR « Pour et Sur le Développement Régional », sous l’égide de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique). Il vise à l’amélioration de la connaissance des mutations actuelles et futures des territoires ruraux dans le contexte de la transition énergétique. En effet, la transition énergétique est aujourd’hui considérée par les institutions nationales, européennes et internationales comme une nécessité incontournable, permettant ainsi de faire coexister croissance économique, équité sociale et préservation environnementale via le développement de l’économie circulaire dans les territoires. Plus particulièrement, ce projet propose d’étudier les processus mis en place pour une économie circulaire basée sur la biomasse d’origine végétale, les facteurs de réussite et les moyens pour la développer. Problématique et hypothèse de travail. En partant de la problématique de la gestion des déchets, il faut réfléchir à comment mettre en place un écosystème capable de créer de la valeur par et pour les territoires. De ce fait, comment construire un système énergétique territorial ? L’utilisation de plusieurs méthodes croisées entre les différents champs disciplinaires représentés permettra de produire un outil d’aide à la décision multi-critères spatialisé capable d’aider les acteurs publics et privés pour faire émerger de nouveaux projets de valorisation de la biomasse au service du développement territorial. Cet outil pourrait donc rendre plus aisée la réflexion de la part des élus et des entrepreneurs sur la nécessité de mettre en œuvre un système économique et territorial localisé pérenne et avantageux. Nous nous intéressons exclusivement au procédé de la méthanisation des déchets issus de la biomasse. Notre territoire d’étude recouvre l’ensemble du Grand-Ouest de la France (ex- BasseNormandie, Bretagne et Pays-de-la-Loire). Comment fonctionne la méthanisation ? La méthanisation est une digestion anaérobie qui transforme la matière organique en compost, méthane et gaz carbonique par un écosystème microbien complexe fonctionnant en absence d’oxygène (figure 1). Figure 1. Un exemple de méthaniseur avec deux cuves (une pour le digestat et l’autre pour le collecteur de biogaz) et une ferme d’élevages (source : http://www.cc-rohrbach.fr/grandsprojets/methanisation-agricole/) Le traitement des déchets via ce procédé suit un cercle vertueux, de la collecte à la valorisation (figure 2). La méthanisation permet de transformer les déchets, soit sous forme d’électricité via la cogénération ou sous forme de biogaz via l’injection. Le digestat lui peut être valorisé sous forme d’engrais qui sera ensuite récupéré par les agriculteurs afin de le répandre dans leurs champs. Figure 2. Le cercle vertueux de la méthanisation (source : GRDF) Les déchets méthanisables peuvent être d’origines agricole (lisier, fumier, etc.), ménager (tonte de pelouse, restes alimentaires, etc.) ou agro-alimentaire (carcasses d’animaux, marc de pomme, etc.). Dans notre étude, nous nous intéressons exclusivement aux déchets issus de la biomasse (déchets agricole et vert) et valorisés sous forme de méthanisation collective (au minimum trois associés1). Quant aux acteurs, ils sont variés. Les agriculteurs, bien sûr, mais aussi les opérateurs de méthanisation, les collectivités locales ou encore les organismes consulaires comme les Chambres d’Agriculture. Ces derniers, en tant que parties prenantes d’un projet de méthanisation, font souvent face à la grogne des riverains ou, plus largement, à celle des habitants d’un territoire, pour diverses causes (risques olfactive et chimique, risque de dévalorisation immobilière, augmentation du trafic routier, etc.). Par conséquent, les porteurs de projet doivent composer avec divers facteurs économiques (rentabilité), environnementaux (respect des normes) et sociaux (acceptabilité sociale), d’où l’intérêt de construire un outil d’aide à la décision multi-critères qui intégreraient ces données et paramètres en concertation avec ces différents acteurs. Vers la création d’un outil d’aide à la décision multi-critères spatialisé. Notre projet propose donc de développer un SIG permettant de localiser de manière optimale l’implantation d’unités de méthanisation à partir d’un ensemble de données identifiées en amont, collectées, géolocalisées, traitées et analysées territorialement (figure 3). Des recherches ont été développées dans ce domaine mais elles restent encore très limitées (à ce jour, on ne compte qu’à peine une dizaine de publications scientifiques sur le sujet). Or, notre projet est innovant car il va plus loin dans l’intégration des différents acteurs (agriculteurs, collectivités territoriales, opérateurs de méthanisation, élus, citoyens) dans le système de décision d’implantation (à partir d’une matrice décisionnelle élaborée en amont). Différents scénarii seront établis afin de proposer des recommandations en termes de localisation spatiale du ou des futurs projets. La méthanisation est un processus par nature complexe. Il doit intégrer dans la prise de décision différents acteurs aux objectifs singuliers et généraux divers : l’industriel va chercher à baisser ses charges de traitement des déchets mais aussi récupérer la chaleur issue du procédé méthanogène et, de fait, va chercher à être à proximité des installations de méthanisation ; la collectivité territoriale va vouloir baisser son taux de charge organique et baisser leurs coûts de fonctionnement ; l’agriculteur va chercher à diminuer le coût d’épandage et de fonctionnement de sa ferme en valorisation la matière (fumier, lisier) ; l’élu politique va chercher à la fois à concilier bien-être des habitants, transition énergétique des territoires et baisse des frais de fonctionnement de sa collectivité ; le riverain va chercher à ne pas avoir à proximité de son habitation une unité de méthanisation. La méthanisation est complexe également car elle fait intervenir les questions de disponibilité en terrain (foncier), règlementation, fiscalité, administration, rentabilité économique et rayon d’approvisionnement. 1 Définition donnée par l’Ademe. Figure 3. Phases de construction d’un outil d’aide à la décision multi-critères spatialisé (réalisation : Sébastien Bourdin, 2016) Premières ébauches du SIG en cours de réalisation La première phase de notre SIG à l’aide du logiciel ArcGis© 10.4, en cours d’élaboration lors de notre communication le 6 Octobre 2016 à la Conférence SIG 2016, consiste à recueillir un ensemble de données spatialisées et géolocalisées (ou à géolocaliser), les intégrer dans le SIG et les croiser afin de dégager de zones favorables à l’implantation d’une unité de méthanisation. Figure 4. Intégration de plusieurs données spatialisées dans le SIG. Exemple de l’unité de méthanisation en projet dans la commune de Vire-Normandie (extrait du power-point de la présentation, réalisation : François Raulin, 2016) Parmi les données collectées et intégrées dans le SIG, à partir notamment de la BD TOPO© issue de l’IGN, il y a le réseau routier (circulation des camions ou tracteurs lors de l’acheminement des déchets vers le méthaniseur), le réseau électrique moyenne et haute tensions (afin de connecter l’unité au réseau électrique dans le cadre d’une valorisation par cogénération), l’occupation du sol (localiser les espaces non artificialisés et potentiellement constructibles), le bâti résidentiel (le digesteur d’une unité de méthanisation ne doit pas être construite à moins de 50 mètres d’une habitation) et les surfaces d’eau (toute unité de méthanisation doit être située à plus de 35 mètres d’une surface d’eau). Biensur, d’autres données devront être intégrées comme le gisement des déchets potentiellement mobilisables (effectifs de cheptels, surfaces agricoles, etc.), le réseau de distribution du gaz avec le potentiel d’injection (dans le cadre d’une valorisation par injection de biogaz dans le réseau), les zones naturelles réglementaires (voir s’il y a comptabilité avec les normes environnementales édictées), etc. La deuxième phase du SIG (figure 5) consistera à croiser ces données et de dégager des espaces favorables à l’implantation d’une ou plusieurs unités de méthanisation en concertation avec les acteurs (dimensionnement, déchets méthanisés, etc.). Par exemple, nous avons créé des buffers afin de délimiter des zones non constructibles d’un point de vue réglementaire à partir des habitations (rayon de 50 mètres) et des surfaces d’eau (rayon de 35 mètres). Concernant le réseau routier, plusieurs scénarii seront proposés mais nous avons commencé par prendre l’hypothèse d’un diamètre de 500 mètres autour des principaux axes routiers (hors autoroutes car bien souvent payantes avec des points de connections limités au réseau routier inférieur). Figure 5. Croisement de données spatialisées et réalisation d’un premier traitement automatisé à partir de l’outil Buffer. Exemple de l’unité de méthanisation en projet dans la commune de Vire-Normandie (extrait du power-point de la présentation, réalisation : François Raulin, 2016) Une fois le SIG finalisé, le projet mettra en œuvre un partage de la base de données et de l’outil d’aide à la décision multi-critères spatialisés. Nous rédigerons un « guide de l’utilisateur » qui permettra une appropriation aisée des outils par les différents acteurs de la méthanisation.