
Revue Médicale Suisse
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4 septembre 2013 1575
lance endoscopique. A douze mois de suivi, une éradica-
tion complète de la dysplasie est obtenue chez 81 et 91%
des patients traités avec une dysplasie de haut et de bas
grades, respectivement. L’éradication complète de la mé-
taplasie intestinale est observée chez 77% des patients.10
Il en ressort également un taux significativement abaissé
de complications tumorales dans le groupe ARF (p = 0,045).
Les facteurs de risque associés à un traitement ablatif insa-
tisfaisant sont un EBO long ou une guérison de la mu-
queuse incomplète entre les séances du traitement.11
L’effet de l’ARF est durable. Shaheen et coll. ont suivi,
durant une période de trois ans, les patients traités dans
l’étude susmentionnée. Le taux d’éradication complète de
la MI a persisté chez 91, 96 et 100% des patients traités
avec succès en cas d’EBO sans dysplasie, EBO avec dys-
plasie de haut grade et EBO avec dysplasie de bas grade,
respectivement.12 Un taux de récidives d’environ 5% par an
est démontré, rétrospectivement, parmi les patients ayant
initialement présenté une éradication complète d’un EBO
avec lésions dysplasiques ou cancer précoce.13 Dans ce
contexte, une surveillance endoscopique et la prise régu-
lière d’inhibiteurs de la pompe à protons doivent impéra-
tivement être poursuivies après le traitement ablatif. Les
facteurs prédictifs d’une récidive de la MI sont les suivants :
les patients non caucasiens, un âge plus avancé, la longueur
de l’EBO et le nombre réduit des séances de traitement.14
L’ablation endoscopique peut «enterrer» la MI en des-
sous du néo-épithélium squameux et maintenir ainsi un
potentiel de dégénération maligne. Il semble que le taux
de muqueuse métaplasique «enterrée» est plus bas après
l’ARF, en comparaison avec la thérapie photodynamique
(0,9% vs 14,2%).15 Des cas rares de progression vers la dys-
plasie de haut grade ou l’adénocarcinome intramuqueux
(1,9% par an) ont été rapportés après l’ARF, mais la plupart
ont été traités par une mucosectomie.13
Dans une analyse de coût-efficacité, Hur et coll. ont con-
clu à une meilleure efficacité à un prix moins élevé pour
l’ARF en cas de dysplasie de haut grade comparée à la sur-
veillance endoscopique. L’ARF peut être aussi rentable dans
la dysplasie de bas grade, mais par contre elle est très coû-
teuse pour l’EBO sans dysplasie.16
complications
L’ARF a un excellent profil de sécurité. En comparaison
avec d’autres thérapies ablatives, le taux de complications
est plus faible, avec une meilleure efficacité pour l’éradica-
tion de la MI.17
Des effets secondaires ou des complications graves n’ont,
à ce jour, que rarement été rapportés. Des douleurs rétro-
sternales transitoires et modérées sont, cependant, souvent
observées.10 L’antalgie est gérée facilement en ambulatoire.
Cette symptomatologie douloureuse peut se prolonger au-
delà d’une semaine pour s’amender ultérieurement. Des
nausées modérées sont également possibles. Un état fé-
brile post-traitement est attribué au processus inflamma-
toire en lien avec la destruction tissulaire générée, mais
cette manifestation est rare.
Les complications hémorragiques sont peu fréquen-
tes.10,11 Elles présentent une incidence accrue parmi les
patients au bénéfice d’une antiagrégation. En 2009, Sha-
heen et coll. rapportaient un unique épisode hémorragique,
chez un patient sous aspirine seule, pour un total de 298
traitements.10 Une antiagrégation ne constitue cependant
pas une contre-indication. L’hémorragie est généralement
traitée par voie endoscopique. Une sténose œsophagien ne
cicatricielle est décrite comme une complication tardive
dans 6-8% des cas. Le risque est accru lorsqu’une mucosec-
tomie précède l’ARF ou chez les patients sous AINS.11 En
cas de dysphagie, une dilatation endoscopique permet de
corriger cette symptomatologie. Une moyenne de 2,6 séan-
ces de dilatation par patient est escomptée.10
suivi après ablation par radiofréquence
Une alimentation liquide, puis mixée, sur une durée de
72 heures, est préconisée. L’antalgie est assurée par du pa-
racétamol associé à du tramadol en réserve. Un traitement
d’inhibiteurs de la pompe à protons, à double dose, est
pres crit pour une durée de 8-12 semaines après la radio-
fréquence, associé à un anti-H2 sur quatre semaines, afin
d’obtenir un contrôle optimal du pH gastrique. Ainsi, un pro-
cessus de cicatrisation, visant une réépithélialisation mal-
pighienne, est favorisé.
Plusieurs séances d’ablation sont parfois nécessaires jus-
qu’à l’éradication complète de l’EBO. Ceci dépendra, no-
tamment, de l’étendue initiale de l’œsophage de Barrett.
Une deuxième séance d’ARF pourra être envisagée huit à
douze semaines après le traitement initial.
Une endoscopie de contrôle associée à des biopsies est
préconisée à trois, six et douze mois après la fin du traite-
ment, puis chaque année. L’intervalle entre les contrôles
endoscopiques pourra ensuite être espacé chez des pa-
tients ayant bien répondu au traitement, mais des études
prospectives sont nécessaires pour déterminer l’intervalle
optimal.
A ce jour, dix-huit patients avec différents degrés de dys-
plasies ont été traités par ARF au Service de gastroentéro-
logie et d’hépatologie du CHUV (sur un total de 29 traite-
ments), avec d’excellents résultats dans la grande majorité
des cas. Une complication hémorragique sévère est surve-
nue dans les suites d’un traitement, ayant nécessité une
œsophagectomie.
conclusion
L’œsophage de Barrett représente une lésion précancé-
reuse dont le taux de transformations tumorales s’élève jus-
qu’à 0,12% par an. L’ARF est une méthode ablative efficace.
Elle est actuellement reconnue et validée pour le traitement
de la MI associée à une dysplasie de haut grade ou après
la résection d’un adénocarcinome intramuqueux. En outre,
cette méthode constitue une alternative thérapeutique net-
tement moins invasive que l’option chirurgicale tradition-
nelle pour des patients présentant souvent de lourdes co-
morbidités, notamment cardiovasculaires. L’ARF présente
également l’avantage d’un taux bas de complications.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec
cet article.
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