Gérard Soutadé (directeur du laboratoire de géographie physique et Professeur à l'Université Paris X Nanterre) La peur du déluge : l'exemple catalan L'hydrologie et les crues en Catalogne Le déluge nous guette! Professeur à l'université de Nanterre, Gérard Soutadé s'est spécialisé dans la détection et la prévention des risques de catastrophes naturelles dans le Sud de la France. "La peur du déluge, l'exemple catalan", tel était le thème choisi par Gérard Soutadé, directeur du laboratoire de géographie physique à l'université de Paris X (Nanterre). Lui-même originaire du Languedoc-Roussillon, Gérard Soutadé a longuement étudié la morphologie de la région Midi-Pyrénées, afin de cerner les risques éventuels encourus par la population dans une partie de la France régulièrement sujette aux inondations. C'est ainsi que, dans le pays catalan, la crainte des crues de l'automne fait partie de la vie courante. Depuis l'an 978, date du premier déluge (COMU) qui s'est abattu sur les Catalans, les caprices du temps ont alimenté la mythologie locale, imprégnant profondément l'histoire de la région. La légende veut que Noé fît une courte escale avec son arche sur le sommet du pic Canigou. Plus prosaïquement, les météorologues expliquent aujourd'hui que c'est la rencontre entre une masse d'air chaude venue du Sud (chargée d'eau après son passage au-dessus de la Méditerranée) et une masse froide venue du Nord, qui provoque des catastrophes naturelles, comme celles de Nîmes en octobre 1988 ou de Vaison-la-Romaine en octobre 1992. Dès lors, on peut s'étonner, à l'instar du directeur du laboratoire de géophysique de l'université de Nanterre, que ces inondations puissent faire autant de victimes de nos jours encore, alors qu'on connaît la période de l'année et la zone géographique où elles sont susceptibles de se produire. A la lumière des diapositives projetées lors de la conférence, la vérité saute aux yeux et se décline en deux mots: cupidité et déraison. Après les crues de 1940 à Vernet-les-Bains (date à laquelle on a établi le toujours actuel record de pluviométrie), certains promoteurs peu scrupuleux et à la mémoire courte se sont obstinés à construire sur des zones à risques, à des prix défiant toute concurrence. Les Catalans ne s'y sont bien sûr pas laissé prendre. Mais nombreux sont les métropolitains du Nord, qui, attirés par le soleil, se sont installés sur les plaines à la merci du fleuve Tech, celui-ci débordant vite lorsqu'il est gonflé par les eaux qui dévalent des flancs du massif du Canigou en charriant des tonnes d'alluvions. Le danger est réel, mais pourtant mal apprécié. "L'information ne circule pas", regrette Gérard Soutadé, "elle est bloquée par les élus locaux qui n'ont aucun intérêt à répandre la crainte d'une catastrophe. Depuis 1970, près de 50 % des maisons construites en Roussillon l'ont été sur des terres inondables. Avec l'urbanisation accélérée, les pluies de 1940 produiraient, en comparaison, beaucoup plus de dégâts à l'heure actuelle". Un constat alarmant encore aggravé par certaines négligences, comme le quasi-abandon du vieux système de canaux qui permettait d'évacuer l'eau. Même la digue ne rassure pas les vieux Catalans, qui savent qu'elle peut rompre. Comme lors des inondations en Camargue, l'année dernière. . Pour Gérard Soutadé, il faut envisager d'autres solutions, et notamment celle qui consiste à laisser passer l'eau, en lui offrant la possibilité de s'écouler vers des endroits prévus à cet effet, comme des petites cuvettes naturelles, nombreuses dans la région. En somme, ne pas tenter de contrôler la nature, mais plutôt, vivre en harmonie avec elle, en respectant sa force. Compte-rendu LE JOURNAL DE L' ILE DE LA REUNION. MERCREDI 6 AVRIL 1994