L’Encéphale (2009) 35, 90—96
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MISE AU POINT
Durées d’hospitalisation des patients souffrant de
schizophrénie : facteurs cliniques de variations et
leurs conséquences
Schizophrenic patients’ length of stay: Clinical
factors of variability and consequences
D. Capdeviellea,,b, K. Ritchieb, D. Villebrunb, J.-P. Boulengera,b
aService universitaire de psychiatrie adulte, hôpital La-Colombière, centre hospitalier universitaire, 39, avenue
Charles-Flahault, 34295 Montpellier cedex 5, France
bInserm U888, Montpellier, France
Rec¸u le 31 d´
ecembre 2007 ; accepté le 13 juin 2008
Disponible sur Internet le 18 d´
ecembre 2008
MOTS CLÉS
Schizophrénie ;
Durée de séjour ;
Désinstitutionalisation ;
Variables cliniques
Résumé Au cours des dernières années, la plupart des pays industrialisés ont mis en
place, pour les patients souffrant de schizophrénie, des programmes de désinstitutionalisa-
tion s’accompagnant d’une baisse importante du nombre de lits en intrahospitalier, les soins
s’orientant vers des prises en charge en extrahospitalier. Mais cette réduction des durées
d’hospitalisation a de nombreuses répercussions qui sont encore mal connues. Les hospitali-
sations au cours d’une année seraient plus nombreuses mais la question qui est de savoir si
le nombre total de jour d’hospitalisation sur une année a été modifié reste non résolue. Par
ailleurs, de nombreux facteurs liés aux patients et aux traitements sont impliqués dans les varia-
tions de la durée de séjour. Ces facteurs sont actuellement peu pris en compte dans les prises
en charge des patients. Enfin, les répercussions de ces diminutions des durées de séjours sont
encore discutées. La plupart des auteurs vont dans le sens d’une amélioration de la qualité de vie
avec une meilleure réinsertion socioprofessionnelle mais soulignent l’importance d’être vigilant
sur le risque suicidaire et la nécessité d’un accompagnement soutenu en extrahospitalier.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
KEYWORDS
Schizophrenia;
Length of stay
Summary
Background. — Schizophrenia is characterized by profound disruption in cognition and emotion,
affecting the most fundamental human attributes: language, thought, perception, affect and
sense of self. The clinical picture is further complicated by the multiple secondary conse-
quences of the disorder; notably disrupted education, unemployment, impoverished social
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (D. Capdevielle).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2008.06.012
Durées d’hospitalisation des patients souffrant de schizophrénie : facteurs cliniques de variations 91
relationships, isolation, legal difficulties, family stress and substance abuse. Not surprisingly,
the disorder is also associated with suicidal behaviour. The management of schizophrenia is thus
extremely difficult with high rates of relapse, treatment refusal and poor treatment outcome.
In Europe and the United States there has been a general trend towards decreasing the former
long duration of hospital care in favour of short-term pharmacological stabilization in the hos-
pital setting, followed by longer multidisciplinary follow-up within the community. This change
reflects, on the one hand, the evolution in aetiological conceptions towards a predominantly
neurobiological model of the disorder, with complex social consequences and also social and
economic constraints. The clinical consequences of these changes were not, however, evaluated
prior to the implementation of these changes.
Literature findings. — Several studies have shown a clear relationship between reductions in
duration of stay and increases in readmission rates and suggest that the development of com-
munity services may not in fact significantly improve clinical outcome, and may also possibly
increase relapse rates due to the instability of the clinical condition at first discharge. There has
been some unsettling evidence to suggest that shortening hospital stays may not be a general
panacea. Authors reported in 1999 that deinstitutionalization policies in Denmark had led to
premature discharge and subsequently a 100% increase in suicide, a doubling of the rates of
criminal acts committed by psychotic patients, and increases of 80 to 100% in acute admission
rates. A large follow-up study of psychotic patients in the USA found that hospital stays of
less than 14 days were significantly associated with increased suicide risk; on the other hand,
shortening hospital stays appears to be linked to higher rates of care satisfaction.
Conclusion. — Indeed, studies of patients returning to the community compared to those remai-
ning in institutions show not only better quality of life and larger friendship networks, but also
reductions in dependence on pharmacotherapy and lower mortality rates. The essential ques-
tion of whether shortened hospital care may lead to premature discharge or, on the other hand,
decreased patient dependency and social deviance, has not been adequately addressed.
Deinstitutionalization;
Clinical variables
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
La schizophrénie est une pathologie d’évolution souvent
chronique entraînant un retentissement social et profes-
sionnel très péjoratif. Au cours de la maladie, du fait de
leur symptomatologie (troubles cognitifs, faible conscience
des troubles), les patients peuvent arrêter leurs traite-
ments et/ou leur prise en charge ce qui entraîne alors
des hospitalisations répétées et la nécessité de mettre
en place des suivis lourds et rapprochés [45]. Depuis plu-
sieurs années la tendance générale des politiques de santé
va vers une diminution des séjours hospitaliers de longue
durée au profit d’une stabilisation à court terme à l’hôpital
suivie d’une prise en charge sur le long terme en ambula-
toire. Mais les conséquences cliniques de ces changements
doivent maintenant être évaluées pour s’assurer du bien
fondé de ces prises en charge et des modifications de
nos pratiques. Ainsi, une des questions qui se pose est de
savoir si des hospitalisations plus courtes ont l’avantage
de réduire la dépendance du malade et sa désinsertion
sociale ou l’inconvénient d’augmenter le risque de rechute.
La durée des hospitalisations devient souvent au sein de
nos hôpitaux un sujet de discussion, voire de polémique
avec les autorités administratives concernant surtout la
«durée moyenne de séjour ». Au vu de la littérature, les
facteurs pouvant influencer les durées d’hospitalisation sont
très nombreux. Connaître ces facteurs, leurs implications et
leur rôle dans les durées de séjours pourrait permettre de
mieux maîtriser cette variable des durées d’hospitalisation
et ainsi adapter nos prises en charge et projet pour les
patients et proposer ainsi des soins plus spécifiques et
individualisés.
L’objectif de cette revue de la littérature est de faire
le point sur les données cliniques actuelles concernant
les durées d’hospitalisation des patients souffrant de schi-
zophrénie. Cet article développera successivement trois
points :
le lien entre durée d’hospitalisation et risque de rechute ;
les facteurs cliniques pouvant faire varier la durée
d’hospitalisation ;
les conséquences connues en termes clinique et de qualité
de vie.
La première étape de cette revue de la littérature a
consisté à effectuer une recherche bibliographique sur la
base de données PubMed. Une équation de recherche a été
construite en utilisant les mots clés du medical subject hea-
dings (MeSH). Sa formulation était la suivante :
(«delivery of health care »[MeSH Terms] OR «health
services accessibility »[MeSH Terms] OR «patient accep-
tance of health care »[MeSH Terms] OR «patient
admission »[MeSH Terms] OR «outcome and process
assessment (health care) »[MeSH Terms] OR «referral
and consultation »[MeSH Terms] OR «social support »
[MeSH Terms] OR «social isolation »[MeSH Terms]) AND
(«schizophrenia »[MeSH Terms] OR «psychotic disor-
ders »[MeSH Terms]) AND «hospitals, psychiatric »[MeSH
Terms].
92 D. Capdevielle et al.
Sur la période 1994—2004, 277 références ont été obte-
nues. Suite à cette sélection, 117 références ont été
retenues auxquelles s’ajoutent celles d’articles cités dans
les études retrouvées. Une mise à jour effectuée en mars
2006 a permis d’actualiser cette bibliographie en fournissant
92 nouvelles références. Nous avons souhaité nous limiter à
cette question des durées d’hospitalisation chez les patients
souffrant de schizophrénie ou de troubles schizoaffectifs au
vu du nombre de ces patients dans les prises en charge en
hospitalisation à temps plein.
Durée d’hospitalisation et risque de rechute
L’objectif de cette partie est d’étudier le lien entre durée
d’hospitalisation et taux de réhospitalisation, celui-ci étant
vu comme un indicateur de rechute. De plus, ce taux
de réhospitalisation de patients souffrant de schizophrénie
est important, pouvant atteindre 71 % à cinq ans comparé
à 59 % pour des patients souffrant de trouble bipolaire
ou 48 % pour des patients souffrant de dépression [6].
Plusieurs études se sont intéressées à cette association
entre durée d’hospitalisation et taux de réadmissions mais
les résultats sont assez contradictoires. Plusieurs études
retrouvent qu’une diminution de la durée d’hospitalisation
des patients souffrant de schizophrénie est associée à une
augmentation des réadmissions au sein des services de psy-
chiatrie (Tableau 1)[2,3,11,18,32,36]. Mais ces études ont
plusieurs limites. Premièrement, il s’agit essentiellement
d’études rétrospectives réalisées à partir de fichiers de
données. Deuxièmement, si les résultats sont statistique-
ment significatifs dans ces études, la taille de l’effet est
souvent assez faible. Enfin, les échantillons de patients
sont hétérogènes (patients âgés, patients en hospitalisations
volontaires seulement, patients ne souffrant pas seulement
de schizophrénie) et il paraît donc difficile de porter des
conclusions sur ces seules études.
D’autant plus qu’une autre étude ne retrouve pas de
corrélation entre durée d’hospitalisation et taux de réhos-
pitalisation [34] ce qui confirme des données plus anciennes
d’études randomisées réalisées dans les années 1970. Dans
ces études, les patients étaient orientés soit vers des soins
de courte durée en intrahospitalier (entre une semaine et
28 jours), soit vers des séjours plus longs (90 à 120 jours).
Il n’est pas retrouvé de lien entre durée du séjour initial
et nombre de réadmissions dans les un à deux ans suivants
[13,14,19,20]. Par ailleurs, plusieurs études montrent que
de longues hospitalisations augmentent le nombre de réhos-
pitalisations [9,10,12,28]. Mais dans ces articles il n’existe
aucune spécificité concernant les patients souffrant de schi-
zophrénie, les groupes étant très hétérogènes une fois de
plus et il est donc très difficile de tirer des conclusions de
Tableau 1 Études montrant qu’une diminution de la durée d’hospitalisation est associée à une augmentation du taux de
réadmission.
Études Types d’étude Nombre de patients Résultats
Appleby et al. [2] Rétrospective 1500 patients souffrant de
schizophrénie
Durée d’hospitalisation est significativement
associée au taux de rechute à 30 jours et à 18
mois. Les patients avec des hospitalisations
brèves sont plus réhospitalisés que les patients
ayant bénéficié de longues hospitalisations
Appleby et al. [3] Cohorte 3 groupes de 55 patients
souffrant de schizophrénie
Les patients traités pendant 30 jours ou moins
rechutent plus tôt que ceux qui restent plus de
30 jours
Les hommes ayant débuté une schizophrénie
jeune et ayant déjà eu plusieurs
hospitalisations sont plus à risque de rechuter
si la durée d’hospitalisation est courte
Olesen et Mortensen [36] Rétrospective 8953 patients schizophrènes Plus la durée d’hospitalisation est courte, plus
le risque de réadmission augmente
Heeren et al. [18] Rétrospective 1099 patients
psychogériatriques : 30 % de
troubles psychotiques
Association temporelle entre diminution de la
durée d’hospitalisation et nombre de
réadmission. Les patients réadmis souffrent
principalement de troubles de l’humeur et de
troubles psychotiques
Figueroa et al. [11] Rétrospective 5735 patients dont 6,4 % de
troubles psychotiques
Durée d’hospitalisation a un significatif impact
mais modeste sur taux de réadmission
Lin et al. [32] Rétrospective 29 373 patients ICD 9 pour
trouble schizophrénique
mais seulement
hospitalisation volontaire
42,5 % des patients sont réadmis 30 jours après
sortie de l’hôpital. De très courtes
hospitalisations (1 à 13 jours) sont associées à
une augmentation du taux de réadmission à 30
jours
Durées d’hospitalisation des patients souffrant de schizophrénie : facteurs cliniques de variations 93
ces travaux. Il est intéressant de noter que ces résultats
contradictoires sont aussi retrouvés pour d’autres patholo-
gies telles que la dépression. En effet, Wickizer et Lessler,
en 1998, montrent que les patients ayant une courte durée
d’hospitalisation pour cette pathologie ont des taux plus éle-
vés de réadmissions dans les 60 jours suivant la sortie de
l’hôpital [46]. Mais Lauber et al., en 2006, ne retrouvent
pas de lien entre durée de la première hospitalisation pour
épisode dépressif majeur et le nombre d’hospitalisations
futures [30]. Ces données soulignent donc le lien complexe
entre durée d’hospitalisation et taux de réadmission.
Certains auteurs ont aussi tenté de répondre à cette
question du lien entre durée d’hospitalisation et taux de
réadmission en comparant plusieurs périodes au sein d’un
même pays, périodes ayant des durées d’hospitalisation dif-
férentes du fait de politique de santé ou de problèmes
économiques. Ces études vont dans le sens d’une diminu-
tion de la durée d’hospitalisation avec une augmentation du
nombre d’hospitalisations courtes sans qu’une relation cau-
sale nette entre les deux soit établie car de nombreux autres
facteurs entrent en ligne de compte, par exemple des modi-
fications socioéconomiques. Elles ne permettent donc pas
de porter des conclusions claires du fait de l’hétérogénéité
des groupes observés aux différents temps et du nombre de
paramètres pris en compte [15,27].
Un autre point important serait de savoir si la diminution
de la durée de séjour pour une hospitalisation diminue le
nombre total de jours d’hospitalisation sur une année. En
2000, Goldstein et Shemansky retrouvent une diminution de
la durée de séjours entre deux périodes avec une augmenta-
tion du nombre de réadmissions lorsque cette durée est plus
courte mais un nombre de mois total d’hospitalisation sur
une année identique. Mais les auteurs soulignent le fait que
les différences sociodémographiques de leurs deux groupes
(vétérans de la guerre de Corée hospitalisés entre 1965 et
1975 et vétérans de la guerre du Vietnam hospitalisés entre
1991 et 1994) pourraient en partie expliquer ce résultat. La
seconde cohorte avait en effet un âge plus jeune de début
de la maladie et était évaluée environ 20 ans après le début
des troubles contre dix ans pour la première cohorte. Les
patients étaient alors à des stades différents de leur patho-
logie [15]. Une fois de plus, il est difficile de porter des
conclusions sur une seule étude et il serait très intéressant
d’approfondir cette question.
Facteurs faisant varier la durée
d’hospitalisation
Il existe une littérature assez importante concernant ce
sujet mais une fois de plus avec peu de données spécifiques
sur les patients souffrant de schizophrénie. Au vu des don-
nées actuelles de la littérature il semble adéquat de séparer
ces facteurs en trois groupes :
les facteurs liés aux patients ;
les facteurs liés aux traitements ;
les facteurs liés aux systèmes de soins.
Les facteurs liés au système de soins ne seront pas déve-
loppés dans cet article.
Facteurs liés aux patients
Un facteur important à prendre en compte dans la durée
d’hospitalisation est l’intensité des symptômes au moment
de l’hospitalisation. Les scores à la Brief Psychiatric Rating
Scale (BPRS) ont été utilisés dans deux études. Dans la pre-
mière étude, il est retrouvé dans une analyse avec quatre
sous-scores que les sous-scores de résistance, de symptômes
positifs et d’inconfort psychologique étaient corrélés avec
une hospitalisation prolongée dans 78 % des cas, et cela,
dans une population de 2430 patients hospitalisés dont 33 %
de patients schizophrènes [23]. En revanche, la seconde
étude, portant sur 61 patients dont 28 souffraient de schi-
zophrénie, ne retrouve pas de corrélation entre score à
la BPRS à l’entrée et durée d’hospitalisation. Mais il est
retrouvé une corrélation entre le pourcentage de dimi-
nution de la BPRS au cours des deux premières semaines
d’hospitalisation et la durée d’hospitalisation [17]. En 2003,
Oshima et al., se sont intéressés plus particulièrement à la
place des symptômes négatifs. Ils retrouvent une corrélation
positive entre présence et intensité des symptômes négatifs
et durée d’hospitalisation [37]. Pour Durbin et al., en 1999,
la sévérité des symptômes permettrait de prédire9à11%
de la variabilité de la durée de séjour des patients souffrant
de schizophrénie [8]. Ces études mettant en lien durées
d’hospitalisation et symptomatologie sont peu nombreuses
et n’explorent pas plusieurs domaines de la symptomatolo-
gie schizophrénique. Ainsi, à notre connaissance il n’existe
pas d’étude mettant en lien les troubles cognitifs et les
durées d’hospitalisation, alors que l’impact de ces troubles
sur les problèmes de réinsertion socioprofessionnelle est
maintenant très largement admis [22].
L’âge est un deuxième facteur important à prendre en
compte et il est parmi les variables les plus souvent retrou-
vées dans les études recherchant des causes de variabilité
des durées de séjour [24]. Mais cette variable âge serait à
prendre en compte en fonction de la variable sexe. En effet,
plusieurs études montrent que parmi les patients souffrant
de schizophrénie dans la population de sujets jeunes hospi-
talisés il existe une surreprésentation masculine tandis que
les femmes sont surreprésentées pour des âges au-dessus
de 50 ans. Les femmes sont donc hospitalisées plus tardi-
vement au cours de l’évolution de leur maladie et/ou la
débutent plus tardivement permettant alors une meilleure
intégration socioprofessionnelle et ainsi un meilleur pronos-
tic. En revanche, il existerait une augmentation de la durée
de séjour avec l’âge des patients qui touche donc plus spé-
cifiquement les femmes [43,44].
Une troisième variable importante est celle des comor-
bidités. Parmi ces comorbidités l’une des plus décrite et
des plus étudiée est la comorbidité addictive (alcool, can-
nabis, autres...). Les effets délétères de ces comorbidités
sont maintenant bien connus. Il a en effet été montré que
la présence d’une comorbidité addictive chez des patients
schizophrènes pouvait entraîner une majoration de la symp-
tomatologie, une utilisation plus fréquente des services
d’urgence ou une désocialisation importante. De plus les
patients ayant cette comorbidité présentent un taux plus
élevé d’arrêt des traitements, de non-compliance aux soins
et de plus nombreuses sorties d’hospitalisation sans avis
médical [16]. Deux études se sont intéressées à la présence
de cette comorbidité et aux durées d’hospitalisation. Les
94 D. Capdevielle et al.
deux retrouvent une corrélation négative avec donc des
durées de séjour plus brèves pour les patients présentant
un double diagnostic comparés aux autres. Pour les auteurs,
ces patients se stabiliseraient plus rapidement lorsque le
problème de l’addiction est pris en charge et qu’un sevrage
est entrepris ce qui est habituellement le cas lors d’une
hospitalisation [24,42]. Cependant, ces résultats pourraient
aussi indiquer des sorties prématurées des soins, indices de
mauvaise stabilisation et d’échappement au soin. Des études
prospectives seraient nécessaires pour démontrer cela. Les
comorbidités somatiques sont aussi à prendre en compte et
augmentent significativement les durées de séjour dans les
hôpitaux psychiatriques [33].
En conclusion de cette partie, de nombreuses variables
cliniques liées aux patients ont été étudiées afin d’évaluer
leur impact sur la durée de séjour des patients souffrant de
troubles psychiatriques et plus particulièrement de schizo-
phrénie. L’étude de Huntley et al. retrouve deux modèles
à quatre et cinq variables n’expliquant que 16 à 20 % de
la variabilité de la durée de séjour. Ainsi, un diagnostic
de schizophrénie, un diagnostic de trouble de l’humeur, un
âge élevé et un nombre important d’hospitalisations anté-
rieures prédisent une longue durée d’hospitalisation. En
revanche, une comorbidité addictive prédirait une courte
durée d’hospitalisation [24]. En 2004, Jimenez et al. ont mis
en évidence un modèle à six variables pouvant prédire 37,4 %
de la variabilité de la durée de séjour. Les six variables sont :
l’âge ;
la réponse au traitement ;
un trouble de la personnalité ;
un traitement par sismothérapie ;
un trouble des conduites alimentaires et sexuelles ;
des symptômes psychotiques [25].
Ces chiffres sont bas et montrent la complexité de ce
problème des durées de séjour. Il existe donc probablement
de nombreuses autres variables, ayant un poids important
mais qu’il est plus difficile d’évaluer comme les systèmes
de santé et les pratiques des médecins, par exemple.
Facteurs liés aux traitements
Le traitement paraît bien sûr être une des variables impor-
tante à laquelle s’intéresser lorsque l’on évoque les durées
d’hospitalisation des patients. Pourtant, peu d’études
spécifiques existent malgré les changements importants sur-
venus au cours des 20 dernières années avec notamment
l’apparition des neuroleptiques de seconde génération et
plus récemment les techniques de réhabilitation inspirées
des thérapies cognitives et comportementales. Renkel et
Rasmussen, en 2006, se sont intéressés au traitement phar-
macologique de patients souffrant de schizophrénie et à
leur impact sur la durée de séjour mais dans le cadre d’une
unité de sécurité maximum et donc sur une population bien
particulière de patients. Ils montrent que malgré une aug-
mentation des doses de neuroleptique entre 1987 et 2000 la
durée de séjour n’a pas changé [41]. En 2005, Ahn et al. se
sont intéressés à la place du traitement par clozapine dans
la prise en charge des patients souffrant de schizophrénie
résistante. L’utilisation de clozapine permet une diminution
significative du nombre et des durées des hospitalisations
[1]. Enfin, de fac¸on très novatrice des auteurs se sont inté-
ressés à la place de la pharmacogénétique dans la prise en
charge des patients schizophrènes et plus particulièrement
au rôle que ces tests pourraient jouer dans la prédiction de
la durée d’hospitalisation. Ce génotypage, portant essen-
tiellement sur les polymorphismes CYP2D6 et CYP2C19 du
cytochrome P450, a montré que les patients «poor meta-
bolizers »ont des durées plus longues d’hospitalisation. Les
auteurs en concluent alors que ce génotypage pourrait per-
mettre, en donnant le traitement le plus adéquat le plus
rapidement possible et à la bonne dose, de diminuer la
durée d’hospitalisation [29]. À notre connaissance, aucune
étude ne s’est intéressée à la place des prises en charge
psychothérapeutiques au cours des hospitalisations (théra-
pie cognitive et comportementale, remédiation cognitive,
psychoéducation) ou à la prise en charge des familles.
Conséquences cliniques de la diminution des
durées d’hospitalisation
La question de la durée des hospitalisations des patients
souffrant de schizophrénie rejoint assez clairement la ques-
tion de la diminution du nombre de lits dans les services de
psychiatrie. Certains ont des données très pessimistes. Ainsi,
Munk-Jorgensen en 1999 rapporte les données suivantes pro-
venant des registres danois. Parallèlement à la diminution
du nombre de lits, ilyaeuuneaugmentation de 100 % du
taux de mortalité par suicide pour les patients psychotiques,
une augmentation exponentielle de 6,7 % par an des actes
criminels commis par des personnes présentant un trouble
mental, une augmentation des temps d’occupation des lits
de 80 à 100 % et une augmentation des admissions pour état
aigu de 80 à 100 %. En revanche, il n’est pas retrouvé de
diminution, ni d’augmentation du taux de réadmission à
un an parmi les patients schizophrènes [35]. Ces données
sont présentées telles quelles en lien avec la désinstitu-
tionalisation mais on peut penser que de nombreux autres
facteurs, notamment économiques peuvent entrer en ligne
de compte. Mais elles soulignent un point important qui
est les risques qu’une sortie prématurée d’hospitalisation
pourrait faire encourir aux patients. Parmi ces risques, le
risque suicidaire est bien sûr à prendre en compte et ce
risque à la sortie d’une hospitalisation peut être un indi-
cateur de la qualité des soins rec¸us. Une étude de grande
ampleur réalisée au États-Unis portant sur 121 933 patients
souffrant de schizophrénie, trouble bipolaire, dépression et
syndrome de stress post-traumatique montre qu’une durée
de séjour inférieure à 14 jours ainsi qu’un manque de suivi
après l’hospitalisation sont significativement associés avec
un risque plus élevé de suicide [7]. Il existe deux pics à risque
de suicide durant une hospitalisation : la première semaine
d’hospitalisation et la première semaine suivant la sortie de
l’hôpital, et cela, d’autant plus que la durée de séjour aura
été courte (inférieure à 14 jours) [40].
La question de la qualité de vie est ensuite aussi une
question majeure dans la prise en charge des patients. À Syd-
ney, une expérience de désinstitutionalisation de patients
souffrant de schizophrénie a été suivie pendant six ans.
Le principal résultat a été l’amélioration de la qualité de
vie des patients qui étaient restés en moyenne huit ans à
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