94 D. Capdevielle et al.
deux retrouvent une corrélation négative avec donc des
durées de séjour plus brèves pour les patients présentant
un double diagnostic comparés aux autres. Pour les auteurs,
ces patients se stabiliseraient plus rapidement lorsque le
problème de l’addiction est pris en charge et qu’un sevrage
est entrepris ce qui est habituellement le cas lors d’une
hospitalisation [24,42]. Cependant, ces résultats pourraient
aussi indiquer des sorties prématurées des soins, indices de
mauvaise stabilisation et d’échappement au soin. Des études
prospectives seraient nécessaires pour démontrer cela. Les
comorbidités somatiques sont aussi à prendre en compte et
augmentent significativement les durées de séjour dans les
hôpitaux psychiatriques [33].
En conclusion de cette partie, de nombreuses variables
cliniques liées aux patients ont été étudiées afin d’évaluer
leur impact sur la durée de séjour des patients souffrant de
troubles psychiatriques et plus particulièrement de schizo-
phrénie. L’étude de Huntley et al. retrouve deux modèles
à quatre et cinq variables n’expliquant que 16 à 20 % de
la variabilité de la durée de séjour. Ainsi, un diagnostic
de schizophrénie, un diagnostic de trouble de l’humeur, un
âge élevé et un nombre important d’hospitalisations anté-
rieures prédisent une longue durée d’hospitalisation. En
revanche, une comorbidité addictive prédirait une courte
durée d’hospitalisation [24]. En 2004, Jimenez et al. ont mis
en évidence un modèle à six variables pouvant prédire 37,4 %
de la variabilité de la durée de séjour. Les six variables sont :
•l’âge ;
•la réponse au traitement ;
•un trouble de la personnalité ;
•un traitement par sismothérapie ;
•un trouble des conduites alimentaires et sexuelles ;
•des symptômes psychotiques [25].
Ces chiffres sont bas et montrent la complexité de ce
problème des durées de séjour. Il existe donc probablement
de nombreuses autres variables, ayant un poids important
mais qu’il est plus difficile d’évaluer comme les systèmes
de santé et les pratiques des médecins, par exemple.
Facteurs liés aux traitements
Le traitement paraît bien sûr être une des variables impor-
tante à laquelle s’intéresser lorsque l’on évoque les durées
d’hospitalisation des patients. Pourtant, peu d’études
spécifiques existent malgré les changements importants sur-
venus au cours des 20 dernières années avec notamment
l’apparition des neuroleptiques de seconde génération et
plus récemment les techniques de réhabilitation inspirées
des thérapies cognitives et comportementales. Renkel et
Rasmussen, en 2006, se sont intéressés au traitement phar-
macologique de patients souffrant de schizophrénie et à
leur impact sur la durée de séjour mais dans le cadre d’une
unité de sécurité maximum et donc sur une population bien
particulière de patients. Ils montrent que malgré une aug-
mentation des doses de neuroleptique entre 1987 et 2000 la
durée de séjour n’a pas changé [41]. En 2005, Ahn et al. se
sont intéressés à la place du traitement par clozapine dans
la prise en charge des patients souffrant de schizophrénie
résistante. L’utilisation de clozapine permet une diminution
significative du nombre et des durées des hospitalisations
[1]. Enfin, de fac¸on très novatrice des auteurs se sont inté-
ressés à la place de la pharmacogénétique dans la prise en
charge des patients schizophrènes et plus particulièrement
au rôle que ces tests pourraient jouer dans la prédiction de
la durée d’hospitalisation. Ce génotypage, portant essen-
tiellement sur les polymorphismes CYP2D6 et CYP2C19 du
cytochrome P450, a montré que les patients «poor meta-
bolizers »ont des durées plus longues d’hospitalisation. Les
auteurs en concluent alors que ce génotypage pourrait per-
mettre, en donnant le traitement le plus adéquat le plus
rapidement possible et à la bonne dose, de diminuer la
durée d’hospitalisation [29]. À notre connaissance, aucune
étude ne s’est intéressée à la place des prises en charge
psychothérapeutiques au cours des hospitalisations (théra-
pie cognitive et comportementale, remédiation cognitive,
psychoéducation) ou à la prise en charge des familles.
Conséquences cliniques de la diminution des
durées d’hospitalisation
La question de la durée des hospitalisations des patients
souffrant de schizophrénie rejoint assez clairement la ques-
tion de la diminution du nombre de lits dans les services de
psychiatrie. Certains ont des données très pessimistes. Ainsi,
Munk-Jorgensen en 1999 rapporte les données suivantes pro-
venant des registres danois. Parallèlement à la diminution
du nombre de lits, ilyaeuuneaugmentation de 100 % du
taux de mortalité par suicide pour les patients psychotiques,
une augmentation exponentielle de 6,7 % par an des actes
criminels commis par des personnes présentant un trouble
mental, une augmentation des temps d’occupation des lits
de 80 à 100 % et une augmentation des admissions pour état
aigu de 80 à 100 %. En revanche, il n’est pas retrouvé de
diminution, ni d’augmentation du taux de réadmission à
un an parmi les patients schizophrènes [35]. Ces données
sont présentées telles quelles en lien avec la désinstitu-
tionalisation mais on peut penser que de nombreux autres
facteurs, notamment économiques peuvent entrer en ligne
de compte. Mais elles soulignent un point important qui
est les risques qu’une sortie prématurée d’hospitalisation
pourrait faire encourir aux patients. Parmi ces risques, le
risque suicidaire est bien sûr à prendre en compte et ce
risque à la sortie d’une hospitalisation peut être un indi-
cateur de la qualité des soins rec¸us. Une étude de grande
ampleur réalisée au États-Unis portant sur 121 933 patients
souffrant de schizophrénie, trouble bipolaire, dépression et
syndrome de stress post-traumatique montre qu’une durée
de séjour inférieure à 14 jours ainsi qu’un manque de suivi
après l’hospitalisation sont significativement associés avec
un risque plus élevé de suicide [7]. Il existe deux pics à risque
de suicide durant une hospitalisation : la première semaine
d’hospitalisation et la première semaine suivant la sortie de
l’hôpital, et cela, d’autant plus que la durée de séjour aura
été courte (inférieure à 14 jours) [40].
La question de la qualité de vie est ensuite aussi une
question majeure dans la prise en charge des patients. À Syd-
ney, une expérience de désinstitutionalisation de patients
souffrant de schizophrénie a été suivie pendant six ans.
Le principal résultat a été l’amélioration de la qualité de
vie des patients qui étaient restés en moyenne huit ans à