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HAPITRE
XIII :
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ES ETATS DEPRESSIFS DU SUJET AGE
I- Epidémiologie
II- Facteurs de risque
III- Aspects sémiologiques
IV- Hétérogénéité des tableaux cliniques
A- La dépression masquée
B- La dépression anxieuse
C
- Dépression et hypochondrie
D
- La dépression hostile
E- Dépression avec altération cognitive anciennement appelée « pseudo-démentielle »
F- La dépression avec symptômes psychotiques
G- Syndrome de glissement
V- Evaluation du patient dépressif
VI- Evolution
VII- Traitements
A- Traitements pharmacologiques
B- Elecroconvulsothérapie (ou sismothérapie ou ECT)
C- Approches psychologiques
VIII- Conclusion
Item 63
: Objectifs terminaux
Diagnostiquer un état dépressif chez une personne âgée. Argumenter l’attitude thérapeutique et
planifier le suivi du patient.
Dernière remise à jour : mars 2007
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HAPITRE
XIII :
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ES ETATS DEPRESSIFS DU SUJET AGE
Les états pressifs du sujet âgé (EDA) sont fréquents et de diagnostic difficile en raison surtout de
leur hétérogénéité clinique. Une des raisons de l’augmentation du taux de suicides chez les plus de
80 ans est probablement la non-reconnaissance des EDA.
Les plaintes thymiques et affectives surviennent fréquemment avec l’avancée en âge et sont trop
souvent attribuées aux conséquences du vieillissement normal, qu’accompagnent les pertes
successives qui caractérisent la vieillesse. Cependant, il faut insister sur le nécessité de reconnaître
l’existence d’un trouble thymique que l’on pourra traiter car ce dernier sera à l’origine, outre d’une
souffrance excessive mais aussi d’un handicap important dans le fonctionnement quotidien du sujet.
Nous allons tenter dans ce chapitre de souligner les spécificités de cette pathologie chez la personne
âgée.
.
I- Epidémiologie
Les résultats des études épidémiologiques sur la dépression varient en fonction des définitions de la
dépression et des méthodes d’identification et d’évaluation. Il semble que le problème principal
réside dans le choix des critères diagnostiques et des arguments existent en faveur de l’hypothèse
selon laquelle la dépression de la personne âgée peut présenter des profils symptomatiques différents
de ceux observés chez les adultes jeunes. Il ne s’agit pas d’une maladie différente mais plutôt d’une
forme clinique les différences symptomatiques peuvent représenter des sous-types de troubles liés
au vieillissement du cerveau.
On sait, par ailleurs, que l’état de santé des personnes âgées s’est globalement amélioré au cours de
ces dernières années. Il faut toutefois souligner que cette observation recouvre des situations
fortement hétérogènes. En effet, l’état de santé d’une personne institutionnalisée n’a rien de
commun avec celui d’une personne autonome vivant à son domicile. On retrouve également cette
hétérogénéité lorsqu’on s’intéresse à la prévalence de la dépression. C’est ainsi que les auteurs
s’accordent pour décrire cette prévalence en fonction de la situation des sujets. Il existe des études en
population générale, des études en structure de soins et d’hébergement et les résultats sont forts
différents.
En population générale, le taux de prévalence est estimé entre 2 et 3 % pour un épisode dépressif
majeur défini selon le DSMIV après 65 ans. Si on s’intéresse à la dysphorie, c’est-à-dire les épisodes
dépressifs moins bien caractérisés, les taux peuvent s’élever jusqu’à 10 à 15 %.
Les études réalisées en decine générale sont dignes d’intérêt car ce sont les médecins généralistes
qui voient, plus que les psychiatres, des sujets âgés dépressifs, du fait de leur disponibilité et surtout
du regard souvent péjoratif que les sujets âgés portent sur la psychiatrie. Environ 15 à 30 % des
personnes âgées qui consultent en médecine générale, présentent des symptômes dépressifs
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significatifs. C’est souvent un trouble somatique qui pousse le sujet à consulter, ce qui rend le
diagnostic plus difficile.
Chez les sujets institutionnalisés, les auteurs parviennent à repérer un taux de prévalence atteignant
les 40 %. Parmi ces sujets, certains présentent des formes de dépression chroniques et vères (10 %)
qui persistent longtemps et peuvent empêcher la résolution de problèmes somatiques concomitants.
Globalement, la dépression majeure et les symptômes dépressifs sont plus fréquents chez la femme
mais la fréquence de suicide est plus élevée chez l’homme. La prévalence du suicide dans la
dépression du sujet âgé semble être 4 fois plus élevée que chez le jeune. En effet, les sujets âgés
« réussissent » leur suicide dans 54 à 79 % des cas.
La dépression constitue un facteur important de mortalité dans les populations âgées
institutionnalisées et constitue un facteur de risque pronostique très péjoratif en cas de pathologies
associées (infarctus, AVC, fracture de hanche…).
II- Facteurs de risque
Les causes ou les facteurs de risque de la dépression sont schématiquement de 3 grands types :
biologiques, psychologiques et sociaux.
La dépression est plus fréquente chez les malades souffrant d’affections somatiques graves ou
chroniques, en perte d’autonomie ou ayant des déficits sensoriels invalidants. Les changements de
mode de vie, les séparations, les deuils, la perte des liens et des rôles sociaux et familiaux ou au
contraire un rôle nouveau (comme celui qui consiste à assumer son conjoint malade) sont autant de
facteurs favorisant les EDA. Les travaux épidémiologiques montrent par ailleurs que les sujets à plus
faible niveau de revenu ainsi que ceux de bas niveau culturel sont plus à risque de dépression que les
autres.
Les études familiales et biologiques suggèrent l’éventuelle implication des facteurs génétiques dans la
dépression majeure. Toutefois, le terrain familial a un le bien moins important chez le sujet âgé
par rapport à l’adulte jeune.
Les modifications d’activité et de métabolisme des neurotransmetteurs avec l’avance en âge sont
également des facteurs de risque de survenue de dépression.
Certains traitements peuvent déclencher ou aggraver un état dépressif. Ces formes « iatrogènes » sont
parfois difficiles à reconnaître, la symptomatologie pouvant se développer quelques jours après
l'initiation comme des semaines plus tard. Les corticoïdes en sont un exemple.
Les changements neuroendocriniens semblent également affecter l’humeur. En effet, certains travaux
mettent en évidence une association positive entre l’augmentation de sécrétion du cortisol et la
présence d’une dépression. Les dysrégulations de l’axe thyréotrope peuvent également s’associer à des
EDA. Citons enfin, la grande fréquence des états dépressifs en péri-ménopause soulignant le rôle du
déficit œstrogènique dans l’apparition de ce type de symptômes.
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En résumé, il existe de nombreux facteurs de risque mais l’expérience montre que chez les sujets
âgés, la dépression est particulièrement fréquente chez les femmes, les sujets célibataires ou veufs, les
sujets ayant subi des deuils récents ou des évènements stressants. Il existe donc des facteurs de risque,
facilement repérables si on prend la peine de les considérer à leur juste valeur.
III- Aspects sémiologiques
La dépression est plus difficile à reconnaître chez le sujet âgé du fait des modifications somatiques
qui accompagnent le vieillissement, de l’intrication fréquente avec les affections somatiques avec
l’idée qu’une anhédonie ou manque de plaisir accompagne inéluctablement la vieillesse. De ce fait,
la dépression du sujet âgé sera sous diagnostiquée dans environ 40 % des cas.
Toute tristesse n’est pas non plus signe de pression. Les mouvements émotionnels sont fréquents
chez le sujet âgé et peuvent être la conséquence du vieillissement physiologique ou des symptômes
induits par une affection somatique ou iatrogène fréquente à cette âge.
La tristesse ne devient pathologique que lorsqu’elle s’associe à une perte d’intérêt et à un
ralentissement et il y a des circonstances comme le deuil par exemple où elle doit être respectée.
La perte d’intérêt vécue comme désagréable doit attirer l’attention, surtout lorsqu’elle est
disproportionnée par rapport aux aptitudes physiques et cognitives du sujet.
L’ensemble des signes rencontrés dans la dépression du sujet adulte peuvent se retrouver dans la
clinique de la dépression du sujet âgé. Cependant, il faut souligner que la personne âgée a du mal à
se reconnaître déprimée et à s’en plaindre. Il faut donc s’attacher à repérer, outre les symptômes
centraux de la dépression qui ne seront pas exprimés, les signes tels que la perte d’intérêt, l’asthénie
et la perte d’énergie, la diminution de l’appétit, les changements observés au cours du cycle éveil-
sommeil, le ralentissement psychomoteur et la difficulté à se concentrer, qui devront alerter le
médecin.
Critères de définition de la dépression majeure et mineure (selon le Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders ou DSM-IV)
DEPRESSION MAJEURE
A- Humeur triste ou perte des intérêts ou des plaisirs
depuis plus de 2 semaines
Associées à au moins 4 des 7 symptômes suivants :
- perte de poids ou perte d’appétit
- insomnie ou hypersomnie
- agitation ou ralentissement psychomoteur
- fatigue ou perte d’énergie
- sentiments de culpabilité ou d’indignité
- baisse de la concentration
- idées morbides ou suicidaires
DEPRESSION MINEURE
A- Humeur triste ou perte des intérêts ou des plaisirs
depuis plus de 2 semaines
B- Pas d’antécédent de dépression majeure
Associées à au moins 2 (mais moins de 5) des 7
symptômes suivants :
- perte de poids ou perte d’appétit
- insomnie ou hypersomnie
- agitation ou ralentissement psychomoteur
- fatigue ou perte d’énergie
- sentiments de culpabilité ou d’indignité
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B- Les symptômes retentissent sur les différentes
activités sociales ou fonctionnelles
C- Les symptômes ne sont pas dus à l’effet direct de
certaines substances (drogues, médicaments)
- baisse de la concentration
- idées morbides ou suicidaires
C- Les symptômes retentissent sur les différentes
activités sociales ou fonctionnelles
D- Les symptômes ne sont pas dus à l’effet direct de
certaines substances (drogues, médicaments)
En conclusion, les présentations dépressives sont souvent atypiques:
- les plaintes somatiques sont considérées comme un moyen d’exprimer le vécu douloureux de la
dépression. Ces plaintes sont en général plus fréquentes chez le patient âgé par rapport à l’adulte
jeune.
- les plaintes cognitives, en raison du ralentissement idéomoteur signe de la dépression, sont
souvent mises en avant par le patient.
Elles constituent un double piège car elles peuvent masquer la dépression et priver le patient d'une
prise en charge thérapeutique. Par ailleurs, ces plaintes peuvent être la première manifestation d'une
pathologie dégénérative débutante.
La dépression peut aussi s’exprimer par des troubles anxieux, caractériels ou encore de l'irritabilité,
ou impulsivité. Un alcoolisme compulsif récent peut également traduire une dépression débutante.
IV- Hétérogénéité des tableaux cliniques
Schématiquement, on peut repérer divers tableaux cliniques :
A- La dépression masquée
C’est un tableau fréquent l’absence de l’abattement habituel ne permet pas d’exclure le diagnostic
de dépression. Ce sont alors plutôt des symptômes physiques avec de nombreuses plaintes somatiques
qui deviennent prédominantes. Dans ces formes, le déni des sentiments de dépression et une absence
de tristesse gênent le diagnostic.
B- La dépression anxieuse
Les symptômes somatiques et psychiques de l’anxiété co-existent avec la dépression. Des études
suggèrent que l’anxiété est 15 à 20 fois plus fréquente chez les sujets âgés dépressifs. Les rapports entre
anxiété et dépression mais aussi maladies somatiques sont complexes. La maladie physique est associée
à de l’anxiété, l’anxiété peut être à l’origine des symptômes physiques, enfin, l’anxiété grave peut causer
un épuisement psychique.
L’agitation fait partie de ce tableau. Une activité augmentée, le fait de marcher de long en large, de se
tordre les mains de manière incessante, ainsi que des insomnies rebelles, sont souvent retrouvées.
C- Dépression et hypochondrie
Les plaintes somatiques sont fréquentes. Elles sont principalement cardio-vasculaires, urinaires et
gastro-intestinales. Ces idées hypocondriaques peuvent parfois prendre une allure délirante, surtout
chez le sujet âgé hospitalisé. Cependant, la survenue de la dépression dans un contexte maladie
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