Les états dépressifs chez le sujet agé

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CHAPITRE XIII : LES ETATS DEPRESSIFS DU SUJET AGE
I- Epidémiologie
II- Facteurs de risque
III- Aspects sémiologiques
IV- Hétérogénéité des tableaux cliniques
A- La dépression masquée
B- La dépression anxieuse
C- Dépression et hypochondrie
D- La dépression hostile
E- Dépression avec altération cognitive anciennement appelée « pseudo-démentielle »
F- La dépression avec symptômes psychotiques
G- Syndrome de glissement
V- Evaluation du patient dépressif
VI- Evolution
VII- Traitements
A- Traitements pharmacologiques
B- Elecroconvulsothérapie (ou sismothérapie ou ECT)
C- Approches psychologiques
VIII- Conclusion
Item 63 : Objectifs terminaux
Diagnostiquer un état dépressif chez une personne âgée. Argumenter l’attitude thérapeutique et
planifier le suivi du patient.
Dernière remise à jour : mars 2007
149
CHAPITRE XIII : LES ETATS DEPRESSIFS DU SUJET AGE
Les états dépressifs du sujet âgé (EDA) sont fréquents et de diagnostic difficile en raison surtout de
leur hétérogénéité clinique. Une des raisons de l’augmentation du taux de suicides chez les plus de
80 ans est probablement la non-reconnaissance des EDA.
Les plaintes thymiques et affectives surviennent fréquemment avec l’avancée en âge et sont trop
souvent attribuées aux conséquences du vieillissement normal, qu’accompagnent les pertes
successives qui caractérisent la vieillesse. Cependant, il faut insister sur le nécessité de reconnaître
l’existence d’un trouble thymique que l’on pourra traiter car ce dernier sera à l’origine, outre d’une
souffrance excessive mais aussi d’un handicap important dans le fonctionnement quotidien du sujet.
Nous allons tenter dans ce chapitre de souligner les spécificités de cette pathologie chez la personne
âgée.
.
I- Epidémiologie
Les résultats des études épidémiologiques sur la dépression varient en fonction des définitions de la
dépression et des méthodes d’identification et d’évaluation. Il semble que le problème principal
réside dans le choix des critères diagnostiques et des arguments existent en faveur de l’hypothèse
selon laquelle la dépression de la personne âgée peut présenter des profils symptomatiques différents
de ceux observés chez les adultes jeunes. Il ne s’agit pas d’une maladie différente mais plutôt d’une
forme clinique où les différences symptomatiques peuvent représenter des sous-types de troubles liés
au vieillissement du cerveau.
On sait, par ailleurs, que l’état de santé des personnes âgées s’est globalement amélioré au cours de
ces dernières années. Il faut toutefois souligner que cette observation recouvre des situations
fortement hétérogènes. En effet, l’état de santé d’une personne institutionnalisée n’a rien de
commun avec celui d’une personne autonome vivant à son domicile. On retrouve également cette
hétérogénéité lorsqu’on s’intéresse à la prévalence de la dépression. C’est ainsi que les auteurs
s’accordent pour décrire cette prévalence en fonction de la situation des sujets. Il existe des études en
population générale, des études en structure de soins et d’hébergement et les résultats sont forts
différents.
En population générale, le taux de prévalence est estimé entre 2 et 3 % pour un épisode dépressif
majeur défini selon le DSMIV après 65 ans. Si on s’intéresse à la dysphorie, c’est-à-dire les épisodes
dépressifs moins bien caractérisés, les taux peuvent s’élever jusqu’à 10 à 15 %.
Les études réalisées en médecine générale sont dignes d’intérêt car ce sont les médecins généralistes
qui voient, plus que les psychiatres, des sujets âgés dépressifs, du fait de leur disponibilité et surtout
du regard souvent péjoratif que les sujets âgés portent sur la psychiatrie. Environ 15 à 30 % des
personnes âgées qui consultent en médecine générale, présentent des symptômes dépressifs
150
significatifs. C’est souvent un trouble somatique qui pousse le sujet à consulter, ce qui rend le
diagnostic plus difficile.
Chez les sujets institutionnalisés, les auteurs parviennent à repérer un taux de prévalence atteignant
les 40 %. Parmi ces sujets, certains présentent des formes de dépression chroniques et sévères (10 %)
qui persistent longtemps et peuvent empêcher la résolution de problèmes somatiques concomitants.
Globalement, la dépression majeure et les symptômes dépressifs sont plus fréquents chez la femme
mais la fréquence de suicide est plus élevée chez l’homme. La prévalence du suicide dans la
dépression du sujet âgé semble être 4 fois plus élevée que chez le jeune. En effet, les sujets âgés
« réussissent » leur suicide dans 54 à 79 % des cas.
La dépression constitue un facteur important de mortalité dans les populations âgées
institutionnalisées et constitue un facteur de risque pronostique très péjoratif en cas de pathologies
associées (infarctus, AVC, fracture de hanche…).
II- Facteurs de risque
Les causes ou les facteurs de risque de la dépression sont schématiquement de 3 grands types :
biologiques, psychologiques et sociaux.
La dépression est plus fréquente chez les malades souffrant d’affections somatiques graves ou
chroniques, en perte d’autonomie ou ayant des déficits sensoriels invalidants. Les changements de
mode de vie, les séparations, les deuils, la perte des liens et des rôles sociaux et familiaux ou au
contraire un rôle nouveau (comme celui qui consiste à assumer son conjoint malade) sont autant de
facteurs favorisant les EDA. Les travaux épidémiologiques montrent par ailleurs que les sujets à plus
faible niveau de revenu ainsi que ceux de bas niveau culturel sont plus à risque de dépression que les
autres.
Les études familiales et biologiques suggèrent l’éventuelle implication des facteurs génétiques dans la
dépression majeure. Toutefois, le terrain familial a un rôle bien moins important chez le sujet âgé
par rapport à l’adulte jeune.
Les modifications d’activité et de métabolisme des neurotransmetteurs avec l’avance en âge sont
également des facteurs de risque de survenue de dépression.
Certains traitements peuvent déclencher ou aggraver un état dépressif. Ces formes « iatrogènes » sont
parfois difficiles à reconnaître, la symptomatologie pouvant se développer quelques jours après
l'initiation comme des semaines plus tard. Les corticoïdes en sont un exemple.
Les changements neuroendocriniens semblent également affecter l’humeur. En effet, certains travaux
mettent en évidence une association positive entre l’augmentation de sécrétion du cortisol et la
présence d’une dépression. Les dysrégulations de l’axe thyréotrope peuvent également s’associer à des
EDA. Citons enfin, la grande fréquence des états dépressifs en péri-ménopause soulignant le rôle du
déficit œstrogènique dans l’apparition de ce type de symptômes.
151
En résumé, il existe de nombreux facteurs de risque mais l’expérience montre que chez les sujets
âgés, la dépression est particulièrement fréquente chez les femmes, les sujets célibataires ou veufs, les
sujets ayant subi des deuils récents ou des évènements stressants. Il existe donc des facteurs de risque,
facilement repérables si on prend la peine de les considérer à leur juste valeur.
III- Aspects sémiologiques
La dépression est plus difficile à reconnaître chez le sujet âgé du fait des modifications somatiques
qui accompagnent le vieillissement, de l’intrication fréquente avec les affections somatiques avec
l’idée qu’une anhédonie ou manque de plaisir accompagne inéluctablement la vieillesse. De ce fait,
la dépression du sujet âgé sera sous diagnostiquée dans environ 40 % des cas.
Toute tristesse n’est pas non plus signe de dépression. Les mouvements émotionnels sont fréquents
chez le sujet âgé et peuvent être la conséquence du vieillissement physiologique ou des symptômes
induits par une affection somatique ou iatrogène fréquente à cette âge.
La tristesse ne devient pathologique que lorsqu’elle s’associe à une perte d’intérêt et à un
ralentissement et il y a des circonstances comme le deuil par exemple où elle doit être respectée.
La perte d’intérêt vécue comme désagréable doit attirer l’attention, surtout lorsqu’elle est
disproportionnée par rapport aux aptitudes physiques et cognitives du sujet.
L’ensemble des signes rencontrés dans la dépression du sujet adulte peuvent se retrouver dans la
clinique de la dépression du sujet âgé. Cependant, il faut souligner que la personne âgée a du mal à
se reconnaître déprimée et à s’en plaindre. Il faut donc s’attacher à repérer, outre les symptômes
centraux de la dépression qui ne seront pas exprimés, les signes tels que la perte d’intérêt, l’asthénie
et la perte d’énergie, la diminution de l’appétit, les changements observés au cours du cycle éveilsommeil, le ralentissement psychomoteur et la difficulté à se concentrer, qui devront alerter le
médecin.
Critères de définition de la dépression majeure et mineure (selon le Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders ou DSM-IV)
DEPRESSION MAJEURE
DEPRESSION MINEURE
A- Humeur triste ou perte des intérêts ou des plaisirs
A- Humeur triste ou perte des intérêts ou des plaisirs
depuis plus de 2 semaines
depuis plus de 2 semaines
Associées à au moins 4 des 7 symptômes suivants :
B- Pas d’antécédent de dépression majeure
-
perte de poids ou perte d’appétit
Associées à au moins 2 (mais moins de 5) des 7
-
insomnie ou hypersomnie
symptômes suivants :
-
agitation ou ralentissement psychomoteur
-
perte de poids ou perte d’appétit
-
fatigue ou perte d’énergie
-
insomnie ou hypersomnie
-
sentiments de culpabilité ou d’indignité
-
agitation ou ralentissement psychomoteur
-
baisse de la concentration
-
fatigue ou perte d’énergie
-
idées morbides ou suicidaires
-
sentiments de culpabilité ou d’indignité
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B- Les symptômes retentissent sur les différentes
-
baisse de la concentration
activités sociales ou fonctionnelles
-
idées morbides ou suicidaires
C- Les symptômes ne sont pas dus à l’effet direct de
C- Les symptômes retentissent sur les différentes
certaines substances (drogues, médicaments)
activités sociales ou fonctionnelles
D- Les symptômes ne sont pas dus à l’effet direct de
certaines substances (drogues, médicaments)
En conclusion, les présentations dépressives sont souvent atypiques:
- les plaintes somatiques sont considérées comme un moyen d’exprimer le vécu douloureux de la
dépression. Ces plaintes sont en général plus fréquentes chez le patient âgé par rapport à l’adulte
jeune.
- les plaintes cognitives, en raison du ralentissement idéomoteur signe de la dépression, sont
souvent mises en avant par le patient.
Elles constituent un double piège car elles peuvent masquer la dépression et priver le patient d'une
prise en charge thérapeutique. Par ailleurs, ces plaintes peuvent être la première manifestation d'une
pathologie dégénérative débutante.
La dépression peut aussi s’exprimer par des troubles anxieux, caractériels ou encore de l'irritabilité,
ou impulsivité. Un alcoolisme compulsif récent peut également traduire une dépression débutante.
IV- Hétérogénéité des tableaux cliniques
Schématiquement, on peut repérer divers tableaux cliniques :
A- La dépression masquée
C’est un tableau fréquent où l’absence de l’abattement habituel ne permet pas d’exclure le diagnostic
de dépression. Ce sont alors plutôt des symptômes physiques avec de nombreuses plaintes somatiques
qui deviennent prédominantes. Dans ces formes, le déni des sentiments de dépression et une absence
de tristesse gênent le diagnostic.
B- La dépression anxieuse
Les symptômes somatiques et psychiques de l’anxiété co-existent avec la dépression. Des études
suggèrent que l’anxiété est 15 à 20 fois plus fréquente chez les sujets âgés dépressifs. Les rapports entre
anxiété et dépression mais aussi maladies somatiques sont complexes. La maladie physique est associée
à de l’anxiété, l’anxiété peut être à l’origine des symptômes physiques, enfin, l’anxiété grave peut causer
un épuisement psychique.
L’agitation fait partie de ce tableau. Une activité augmentée, le fait de marcher de long en large, de se
tordre les mains de manière incessante, ainsi que des insomnies rebelles, sont souvent retrouvées.
C- Dépression et hypochondrie
Les plaintes somatiques sont fréquentes. Elles sont principalement cardio-vasculaires, urinaires et
gastro-intestinales. Ces idées hypocondriaques peuvent parfois prendre une allure délirante, surtout
chez le sujet âgé hospitalisé. Cependant, la survenue de la dépression dans un contexte maladie
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physique concomitante n’est pas rare. Cet aspect doit pousser le médecin à la prudence afin d’éviter
des erreurs diagnostiques.
D- La dépression hostile
Les sujets âgés dépressifs sont souvent irritables et même parfois agressifs. Ils peuvent s’installer dans
des attitudes de refus, notamment alimentaire.
E- Dépression avec altération cognitive anciennement appelée « pseudo-démentielle »
Le terme de pseudo-démence désigne le patient dépressif qui présente une perte apparente de ses
facultés cognitives et surtout de la mémoire. La dépression et la démence entretiennent entre-elles des
rapports étroits. Il faut se souvenir qu’une maladie neuro-dégénérative comme la maladie d’Alzheimer,
peut se révéler par un syndrome dépressif. Par ailleurs, la dépression est beaucoup plus fréquente chez
des sujets âgés déments par rapport à des sujets de même âge non déments. Enfin, tout syndrome
dépressif s’accompagne d’une altération plus ou moins importante des fonctions cognitives telles que
l’attention, les fonctions exécutives et surtout la mémoire. Une évaluation neuro-psychologique précise
est primordiale.
F- La dépression avec symptômes psychotiques
La présence d’idées délirantes ou d’hallucinations sensorielles signe la gravité de l’épisode dépressif.
Ces signes psychotiques peuvent prendre le devant de la scène. A côté des thèmes de culpabilité,
d’auto-dépréciation ou d’incurabilité, il est fréquent de retrouver des idées de type persécutoire, de
jalousie ou de préjudice. Le classique syndrome de Cotard ou syndrome de négation d’organes dans
lequel le sujet est convaincu d’un dysfonctionnement majeur de ses organes profonds, qui associe un
sentiment de damnation, de nihilisme et d’immortalité est fréquent chez le sujet déprimé âgé.
L’ensemble de ces signes réalise le tableau de mélancolie délirante qui peut s’accompagner de signes
confusionnels en marge des idées délirantes. Il s’agit là d’une urgence thérapeutique et cette situation
clinique peut être une indication à l’éléctro-convulsothérapie.
G- Syndrome de glissement
Ce tableau clinique est une présentation sémiologique sévère de dépression du sujet âgé. Le sujet âgé ne
s’exprime pas. On retrouve une altération franche de l’état général avec asthénie majeure, perte de
l’appétit jusqu’au refus de nourriture, amaigrissement rapide et déshydratation. Il existe un
désinvestissement total de ce qui l’entoure. Il n’existe pas de tristesse exprimée mais le sujet semble se
laisser mourir. Ici aussi, il s’agit d’une urgence thérapeutique.
Une évaluation clinique doit être aussi physique avec un examen somatique approfondi. La réalisation d’examens
complémentaires peut être aussi utile dans certains cas. Les patients âgés sont extrêmement disposés à des troubles
métaboliques et hydro-électrolytiques secondaires aux effets d’une dépression sévère, comme par exemple une
déshydratation.
154
V- Evaluation du patient dépressif
A l’heure actuelle, il n’existe encore aucun consensus concernant les procédures à utiliser pour dépister
la dépression chez le sujet âgé.
Il existe un instrument très souvent utilisé qui est une échelle à 30 items destinés à l’auto-évaluation et
qui est peut être ramenée à 15 items sans rien perdre de sa sensibilité. Il s’agit de la Geriatric
Depression Scale (GDS) (Annexe 1)
Certains auteurs ont suggéré l’utilisation de 4 items de cette échelle afin que des médecins généralistes
ou des infirmières, intervenant au domicile, puissent dépister un syndrome dépressif.
Ces 4 items sont les suivants :
- êtes vous fondamentalement satisfait de votre vie ?,
- considérez-vous que votre vie est vide ?,
- redoutez-vous que quelque chose de mauvais vous arrive ?,
- vous sentez-vous heureux la plupart du temps ?.
Cette échelle à 4 items constitue un bon point de départ et peut être complétée par une liste de
facteurs prédisposants : le patient a-t-il des antécédents de dépression ?. Le patient est-il isolé
socialement ?, le patient souffre t-il de problèmes de santé chroniques ?, a-t-il subi récemment un
deuil ?
L’histoire clinique est l’aspect le plus important de l’évaluation. Il existe 7 points principaux qu’il
convient d’envisager dans tous les cas :
- anamnèse familiale : antécédents familiaux de dépression ou d’autres maladies psychiatriques,
- antécédents psychiatriques personnels : le patient a-t-il des antécédents documentés ?, a-t-il des
antécédents d’alcoolisme ou de toxicomanie ?, y a-t-il eu précédemment des traitements psychotropes
prescrits ?, dans le cadre d’antécédents de dépression, quels ont été les traitements efficaces ?
- personnalité : comment le patient fonctionne-t-il sur le plan de la personnalité lorsqu’il est non
déprimé ?. Des informations sur cet aspect devraient être recueillies auprès d’une personne proche du
patient.
- antécédents sociaux : quel est le niveau de fonctionnement optimal du patient ?, vit-il seul ?, sort-il,
bénéficie-t-il d’une aide à domicile ?,
- suicide : le patient présente-t-il un risque de suicide ?, a-t-il commis plusieurs tentatives de suicides ?
- troubles somatiques : le patient présente-t-il des troubles somatiques ?, quels médicaments prend-il au
quotidien ?.
- évolution du symptôme dépressif : depuis quand la symptomatologie évolue-t-elle ?, quelle a été sa
rapidité d’installation ?.
155
L’évaluation cognitive, même si elle va être fortement perturbée par la symptomatologie dépressive,
doit être réalisée et ce avec des instruments simples. Pour cela, pourra être utilisé le « Mini-Mental
State Examination » (MMSE) qui donnera un point de repère avant de débuter le traitement
antidépresseur. S’il existe une altération cognitive, celle-ci devra s’améliorer avec le traitement si le sujet
ne présente pas de pathologie neuro-dégénérative.
Par ailleurs, il faut savoir qu’un sujet âgé présentant des signes d’altération cognitive aura 4 fois plus
de risque de présenter une maladie d’Alzheimer quelques années après comparé à un sujet âgé déprimé
chez qui les fonctions cognitives sont préservées.
VI- Evolution
La fragilité du sujet âgé déprimé est sans conteste. Même après la résolution de l’épisode dépressif, ces
sujets restent à risque soit de rechute, soit de complications somatiques. Le taux de mortalité a été
évalué à 15 %. La mortalité peut déprendre des complications immédiates des épisodes dépressifs
(décubitus, dénutrition) mais survient également plusieurs années après du fait du mauvais état
physique des sujets.
Le pronostic de la dépression dépend de la sévérité du trouble. L’évolution peut se faire vers sa
guérison complète sans rechute, mais un taux important de patients présente des rechutes de la
maladie et ce, au cours de la première année. Une proportion non négligeable de déprimés (environ 10
%), présenteront une évolution chronique avec persistance d’une symptomatologie dépressive
invalidante.
Enfin, soulignons que la dépression du sujet âgé en elle-même reste un facteur de risque de démence
non négligeable.
VII- Traitements
La prise en charge du sujet âgé déprimé est en premier lieu une prise en charge globale. Elle doit
s’intéresser aux facteurs environnementaux ayant favorisés le syndrome dépressif mais aussi aux
pathologies somatiques associées ainsi qu’à la personnalité antérieure du sujet.
Outre les thérapeutiques pharmacologiques représentées par la prescription des psychotropes,
notamment des médicaments antidépresseurs, il ne faut pas oublier que les sujet âgé répond à la
psychothérapie et que l’âge n’est pas en lui-même une contre-indication.
A- Traitements pharmacologiques
Les sujets âgés sont de grands consommateurs de psychotropes. La consommation moyenne en
institution est plus élevée qu’à domicile. Les benzodiazépines seront plus prescrites en ambulatoire alors
que c’est le neuroleptique qui arrive en tête des prescriptions dans les structures médicales.
Dans une étude récente réalisée dans les maisons de retraite en France, sur 2510 patients, les auteurs ont
relevé que 69 % des résidents prenaient un traitement psychotrope. Les indications sont parfois mal
156
respectées ainsi que les contre-indications et malgré la tolérance meilleure des nouveaux antidépresseurs
par rapport aux tricycliques, la dépression du sujet âgé est encore sous-traitée.
Le vieillissement s’accompagne d’une modification de la pharmacocinétique des médicaments par une
résorption digestive parfois réduite, par un effet de premier passage hépatique, par une réduction de
l’excrétion hépatique, de l’élimination rénale ou de la fixation protéique. Ces remarques générales
doivent susciter un comportement de prudence chez le prescripteur et il faut se souvenir que dans la
plupart des cas, les posologies doivent être diminuées ainsi que fractionnées dans la prise.
La polypathologie entraînant la polymédicamentation est un facteur limitant dans la prescription de
psychotropes et le patient risque souvent des interactions médicamenteuses.
Le taux des effets secondaires serait aussi plus important chez le sujet âgé. Les iatrogénies les plus
souvent rencontrées sont :
-la confusion
-le déclin cognitif du fait des effets des psychotropes sur les fonctions cognitives,
-le syndrome parkinsonien retrouvé avec la prescription de neuroleptiques mais aussi avec les
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine qui peuvent être à l’origine d’un syndrome extra-pyramidal,
-les chutes,
-l’hypotension,
-les effets cardio-vasculaires avec les troubles de la conduction, et enfin,
-les hyponatrémies car il existe un risque de survenue d’un syndrome de sécrétion inappropriée de
l’hormone anti-diurétique lors de la prise d’un inhibiteur de la recapture de la sérotonine.
Toute prescription d’un traitement pharmacologique repose bien évidemment sur l’établissement d’un
diagnostic clinique fiable. Par ailleurs, la compliance médicamenteuse des personnes âgées est un
problème très fréquent. Ce dernier oblige à une information médicale du patient et de son entourage
sur sa dépression et son traitement qui reste une condition indispensable à la réussite du traitement.
Une fois que le traitement antidépresseur est prescrit, la durée du traitement est en fait liée à la
prévention des récurrence lorsqu’il a été efficace sur des épisodes aigus. Il a été montré que la poursuite
des antidépresseurs permettrait une prévention significativement plus grande contre les récurrences que
le placebo. En règle générale, le traitement doit être maintenu 6 mois après guérison du premier épisode
et 12 mois à 2 ans après le second.
Il faut souligner que l’adage « start low, go slow » « débuter à petite dose, augmenter lentement » est
particulièrement adapté à la conduite d’un traitement antidépresseur chez le sujet âgé. Ces précautions
permettent, en débutant à des posologies basses, d’éviter les effets secondaires rencontrés en début de
traitement et en augmentant par de petits paliers, permet d’éviter des modifications trop brutales de
taux sériques responsables très souvent de iatrogénies.
157
Devant l’existence de modifications importantes dans la pharmacocinétique, ainsi que l’existence d’une
poly-médicamentation une autre règle est celle de la surveillance du taux sérique des antidépresseurs qui
doit être de pratique plus répandue chez le sujet âgé. Devant l’inefficacité d’un traitement bien conduit,
cette pratique permettra d’expliquer la plupart des situations par la découverte d’un taux sérique trop
bas, mais elle permettra d’expliquer aussi l’apparition d’effets secondaires inattendus dans les cas
d’accumulation du produit.
Les stratégies thérapeutiques sont guidées par la tolérance des produits disponibles. En premier lieu, il
s’agira de prescrire les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine qui sont en règle générale bien tolérés
et souvent efficaces sur les symptômes dépressifs. L’effet ne sera pas immédiat et est souvent retardé par
rapport aux délais retrouvés chez l’adulte. Il faudrait donc savoir patienter au moins un mois avant de
juger un traitement inefficace et d’augmenter la posologie. Les changements de molécule pour
inefficacité doivent être guidés par un raisonnement clinique cohérent et attentif en essayant d’éliminer
toutes les causes d’inefficacité comme la non observance avant de déclarer le trouble résistant à la
molécule.
Les antidépresseurs imipraminiques sont prescrits en deuxième intention, du fait de leurs effets
secondaires non négligeables. Ils seraient pour certaines auteurs plus efficaces dans les dépressions
résistantes que les antidépresseurs sérotoninergiques.
B- Elecroconvulsothérapie (ou sismothérapie ou ECT)
L’ECT est un traitement auquel il faut avoir recours dans la dépression du sujet âgé résistante. Les modes
d’action restent inconnu mais leur efficacité demeure sans conteste.
Les indications chez le sujet âgé sont le syndrome dépressif avec troubles délirants, les formes « pseudodémentielles » et la présence de contre-indications aux antidépresseurs ou la mauvaise tolérance à ces
derniers. Les effets secondaires restent très modérés et les contre-indications se limiteraient à celles de
l’anesthésie. Cette technique supporte encore une image très négative tant de l’opinion publique que
chez les médecins, pourtant le taux de mortalité serait compris entre 1 cas sur 10 000 ou 50 000, ce qui
en ferait un des traitements médicaux sous anesthésie les plus sûrs.
C- Approches psychologiques
La sollicitation du patient à une plus grande participation familiale et sociale n’est pas à négliger
(activité physique, club de troisième âge …).
La psychothérapie (thérapie de soutien, thérapie cognitive) peut jouer un rôle important dans la prise
en charge de la dépression.
Toutefois, l’expérience montre que cette approche est rarement mise en place chez le sujet âgé.
158
VIII- Conclusion
La personne âgée peut se déprimer. Le reconnaître cliniquement n’est pas chose aisée du fait d’une
symptomatologie souvent spécifique mais aussi parce que tristesse et ralentissement psychomoteur sont
trop souvent compris comme simple conséquence de l’avancée en âge.
La dépression du sujet peut être une situation médicale grave qui engage le pronostic vital du sujet et un
traitement adapté doit toujours être discuté, parfois en hospitalisation. Au traitement pharmacologiquee
doit s’associer une prise en charge globale, psychothérapeutique et sociale.
159
Annexe 1 : La Geriatric Depression Scale ou GDS
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
Etes-vous satisfait de votre vie?
Avez-vous renoncé à un grand nombre d'activités?
Vous ennuyez-vous souvent?
OUI /
Etes-vous de bonne humeur la plupart du temps?
Avez-vous peur que quelques chose de mauvais vous arrive?
Etes-vous heureux la plupart du temps?
Avez-vous le sentiment d'être désormais faible?
Préférez-vous rester seul dans votre chambre, plûtot que de sortir?
Pensez-vous que votre mémoire est plus mauvaise que celle de la plupart des gens?
Pensez-vous qu'il est merveilleux de vivre à notre époque?
Vous sentez-vous une personne sans valeur actuellement?
Avez-vous beaucoup d'énergie?
Pensez-vous que votre situation actuelle est désespérée?
Pensez-vous que la situation des autres est meilleure que la votre?
SCORE: …. / 15 (1 point pour les caractères en gras)
/ NON
OUI /
/ NON
OUI /
/ NON
OUI /
OUI /
OUI /
/ NON
OUI /
/ NON
OUI /
OUI /
Normal: 3 + 2
Moyennement déprimé: 7 + 3
Très déprimé: 12 + 2
160
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