L’hypothyroïdie
I- Définition
L’hypothyroïdie est une affection fréquente. Elle est due à une anomalie de fonctionnement de la
glande thyroïde : insuffisance thyroïdienne. L’hypothyroïdie due à un défaut de stimulation de la
glande thyroïde par l’hypothalamus ou l’hypophyse ou insuffisance thyréotrope, s’intègre
généralement dans un tableau plus global d’insuffisance hypophysaire.
II- Etiologies, physiopathologie
1- Origine auto-immune
Les insuffisances thyroïdiennes auto-immunes ont un caractère familial et s’associent
volontiers à d’autres maladies auto-immunes chez le patient ou d’autres membres de
la famille, L’hypothyroïdie est due à :
a. Des anticorps anti peroxydase (TPO) :
- Thyroïdite de HASHIMOTO, accompagnée de goitre avec infiltration
lymphoplasmocytaire de la glande. Elle touche surtout la femme d’âge moyen,
s’accompagne de titres très élevés d’anticorps anti-TPO, plus accessoirement d’anticorps
anti-thyroglobuline.
- La thyroïdite atrophique (ou « Myxœdème idiopathique »). Elle s’accompagne d’une
atrophie de la glande thyroïde, touche surtout la femme âgée. Les anticorps anti-TPO
sont présents à un titre moins élevé que dans la thyroïdite de Hashimoto,
- Thyroïdite du post partum, avec hypothyroïdie précédée ou non d’une phase transitoire
d’hyperthyroïdie. Elle est souvent peu symptomatique. Elle est généralement
spontanément régressive.
b- Origine iatrogène : des cytokines (interféron α et γ)
c- Des anticorps bloquants le récepteur de la TSH :
d- Carence iodée
C’est la cause la plus fréquente d’hypothyroïdie dans les zones de grande carence iodée
et d’endémie goitreuse (Afrique centrale, Népal).
Elle est responsable d’insuffisance thyroïdienne grave existant dès la vie intra utérine
quand la mère est également carencée, avec goitre volumineux, crétinisme, troubles
neurologiques irréversibles.
e- Causes iatrogènes
Médicamenteuses
o Iode. L’apport massif d’iode peut bloquer l’organification de l’iode et entraîner une
hypothyroïdie De nombreux médicaments et produits de contraste iodés peuvent être en
cause, surtout l’amiodarone
o Lithium..
o Antithyroïdiens de synthèse.
Chirurgie
- Thyroïdectomie totale pour cancer
- Thyroïdectomie subtotale
Radiothérapie cervicale externe.
Radiothérapie métabolique par 131I
e- Thyroïdite subaiguë DE QUERVAIN : Après une phase transitoire d’hyperthyroïdie par lyse
cellulaire, la thyroïdite entraîne une hypothyroïdie souvent peu symptomatique et également
transitoire avant la restitution ad integrum.
f- Causes plus rares
- Maladies infiltratives de la thyroïde :
Lymphomes, sarcoïdose, tuberculose, thyroïdite de RIEDEL (thyroïdite fibreuse de cause
inconnue).
- Troubles congénitaux :
Agénésie thyroïdienne
Anomalie de migration de la thyroïde qui reste en position linguale
Troubles de l’hormonosynthèse
Mutation du récepteur de la TSH
Mutations du récepteur aux hormones thyroïdiennes : syndrome de résistance aux
hormones thyroïdiennes.
g- Insuffisance thyréotrope
Elle s’intègre généralement dans le cadre d’une insuffisance ante hypophysaire globale.
Les signes d’hypothyroïdie sont le plus souvent discrets.
Les étiologies sont celles des insuffisances hypophysaires et hypothalamiques qui ne
seront pas abordées ici.
II- Signes cliniques
Ils associent :
des troubles cutanéo-phanériens avec infiltration cutanéomuqueuse
des signes d’hypo métabolisme.
La forme prise pour type de description est celle de l’insuffisance thyroïdienne évoluée, mais en
pratique, les signes cliniques sont souvent beaucoup plus frustres.
A- Troubles cutanéo phanériens et infiltration cutanéo muqueuse
C’est le « Myxœdème », qui donne parfois son nom à la maladie.
1. Infiltration cutanée et sous cutanée
o Visage arrondi, en pleine lune, avec paupières gonflées, lèvres épaisses, faux œdème
élastique comblant les creux sus claviculaires et axillaires.
o Mains, pieds, doigts boudinés
o Masses musculaires tendues, sensibles, lentes à se décontracter, parfois pseudo-
hypertrophie musculaire mais il existe une diminution de la force prédominant aux
racines. Il existe souvent des myalgies, des crampes.
o Paresthésies des doigts dues à l’infiltration du canal carpien
o Prise de poids modérée due à l’infiltration.
2. Infiltration muqueuse
o Hypoacousie,
o Macroglossie, infiltration laryngée et des cordes vocales, avec voix rauque, plus grave,
dysarthrie, troubles qui, joints au ralentissement, donnent à la patiente une voix
particulière.
o Ronflements
3. Troubles cutanés et phanériens
o Peau sèche, écailleuse, teint cireux avec érythrocyanose des lèvres et des pommettes.
o Cheveux secs, clairsemés, sourcils raréfiés (signe de la « queue du sourcil », très
inconstant), aisselles sèches et dépilées, pilosité pubienne peu fournie.
B- Signes d’hypo métabolisme
- Ralentissement global
o Physique : lenteur, limitation des activités, asthénie
o Psychique : syndrome dépressif, entrecoupé parfois de crises d’agressivité.
o Intellectuelle : désintérêt.
- Diminution de la température centrale, frilosité, perte de la sudation
- Troubles cardiovasculaires :
o Bradycardie, assourdissement des bruits du cœur
o Tendance à l’hypotension artérielle
o La diminution du débit cardiaque et de la consommation en O2 du myocarde
peuvent masque une insuffisance coronaire qui ne deviendra symptomatique que
lors de la mise en route du traitement substitutif.
- Constipation
- Troubles neuromusculaires
o Outre l’infiltration, la diminution de la force, la pseudo hypertrophie,
o Ralentissement des réflexes, bien visible lors de la percussion des achilléens
(lenteur à la décontraction).
o Des neuropathies périphériques ont été décrites
- Aménorrhée parfois chez la femme en période d’activité génitale.
C- La glande thyroïde
Elle est modifiée de façon variable selon l’étiologie :
Goitre très ferme, ligneux, souvent pseudo nodulaire dans la thyroïdite de HASHIMOTO
Atrophie thyroïdienne (non palpable) dans le « myxœdème idiopathique »
III. Examens complémentaires
1- Conséquences de l’infiltration et de l’hypo métabolisme
ECG : bradycardie, micro voltage, aplatissement ou inversion des ondes T dans toutes
les dérivations.
Radiographie de thorax et échographie cardiaque : cardiomégalie par infiltration du
péricarde
Anémie souvent macrocytaire
Hypercholestérolémie, parfois hypertriglycéridémie
Hyponatrémie de dilution, qui peut être très profonde
Augmentation des enzymes musculaires
2- Confirmation du diagnostic
TSH augmentée
FT4 diminuée de manière plus ou moins importante selon le degré de l’hypothyroïdie
3- Enquête étiologique
Recherche d’anticorps anti TPO, anti thyroglobuline.
Echographie thyroïdienne :
o petite thyroïde atrophique du myxœdème idiopathique
o grosse thyroïde homogène et très hypoéchogène dans la thyroïdite de
HASHIMOTO
La scintigraphie thyroïdienne ne doit pas être systématiquement demandée : Elle
montrerait :
o un aspect caractéristique « en damier » en cas de thyroïdite de HASHIMOTO,
l’infiltration lymphocytaire de la glande étant souvent irrégulière.
o une hyperfixation dans les hypothyroïdies induites par l’iode ou par trouble congénitaux
de l’hormonosynthèse
Cet examen est surtout utile pour rechercher une thyroïde ectopique dans les
hypothyroïdies congénitales
Dosage de l’iodurie des 24 h à la recherche d’une surcharge iodée.
IV- Complications
1- Complications cardiovasculaires
Troubles de conduction
, blocs auriculo-ventriculaires.
Insuffisance coronaire surtout :
Péricardite et myocardite myxœdémateuses, généralement bien tolérées
2- Coma myxœdémateux
Il s’agit d’une complication rare et grave, mortelle une fois sur deux.
Il complique surtout le myxœdème non diagnostiqué de la femme âgée
Il est déclenché par le froid, les infections broncho-pulmonaires, la prise de sédatifs et de
tranquillisants.
Il se manifeste par :
o Un trouble de conscience plus ou moins profond
o Une hypothermie centrale sévère
o Une bradycardie, une hypotension artérielle
o Des troubles de ventilation avec risque d’obstruction des voies aériennes
supérieures
o Une dilution sévère avec hyponatrémie majeure, parfois hypoglycémie
3- Apnées du sommeil
V- Formes cliniques
1- Formes de l’enfant
a- Etiologies
Anomalies de la morphogénèse thyroïdienne
o Athyréose
o Ectopies thyroïdiennes (linguale surtout)
b. Troubles congénitaux de l’hormonosynthèse
c. Carence en iode dans les zones d’endémie
En l’absence de traitement urgent, le tableau clinique est catastrophique :
o Outre les signes d’hypothyroïdie,
o Retard statural avec nanisme dysharmonieux, aux membres très courts,
dysgénésie épiphysaire, retard de l’âge osseux
o Débilité sévère, irréversible même si le traitement est mis en route.
2- Insuffisance thyréotrope
Généralement modérée et peu bruyante, sans infiltration cutanéomuqueuse, elle s’intègre
dans le tableau de l’insuffisance ante hypophysaire.
Le taux de FT4 diminué avec un taux bas de TSH
Toutes les causes d’insuffisance hypophysaire ou hypothalamique peuvent en être
responsables.
VI- Traitement
L Thyroxine (LT4) 75 à 200 mcg/j en une seule prise à dose progressive, commencer par une
posologie de 12,5 mcg et augmenter par palier de 12,5 mcg tous les 15 jours.
Chez l’enfant
Le traitement est une urgence. On commence par 10 μg/kg (gouttes). Doses à
adapter en fonction des résultats des dosages hormonaux
Coma myxœdémateux
o Mesures symptomatiques et de réanimation (en unité de soins intensifs) :
réchauffement, liberté des voies aériennes, ventilation assistée si besoin,
restriction hydrique en cas d’hyponatrémie, antibiothérapie en cas de foyer
infectieux.
o L’hydrocortisone IV est traditionnellement associée
o Les doses de T4 sont débattues, mais en général on utilise des posologies très
fortes malgré le risque coronarien : 500 à 1000 μg de T4 en IV, relayés par 100
à 200 μg/j PO ou par sonde gastrique.
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