DE L’ARME CHIMIQUE à L’ARME THERAPEUTIQUE Claude Monneret Académie nationale de pharmacie CENTENAIRE des « Premières attaques chimiques » 1915-1918 IRBA 23 septembre 2015 De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Ou De l’ypérite au Mustargen Louis Goodman Fritz Haber Alfred Gilman De l’arme chimique à l’arme thérapeutique 22 avril 1915 Les allemands utilisent le chlore pour la première fois près d’Ypres en Belgique Fritz Haber Le chlore Cl2: Très irritant: yeux, nez, poumons, gorge.. Asphyxie à plus forte concentration Avantages Inconvénients Gaz plus lourd que l’air Libération fonction du vent De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Nuit du 12 au 13 juillet 1917 : les allemands utilisent un nouveau composé toxique: l’ypérite ou gaz moutarde, ou sulfure de 2,2’ dichlorodiéthyle. Obus croix jaune Recherche d’un toxique à action retardée. De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Mécanisme de l’alkylation par l’ypérite (X = S) Toxicité avec effets immédiats et des effets retardés. Pénètre au travers de la peau, du cuir et de la plupart des textiles. Vapeurs toxiques (yeux, nez, gorge, poumons… et peau.) L’ypérite pure est inodore. En fait c’est une impureté qui est la cause de l’odeur d’ail et de raifort. De l’arme chimique à l’arme thérapeutique LA TRAGEDIE DE BARI Reconnaissance au dessus du port de Bari, dans l’après-midi du 2 décembre 1943, du premier-lieutenant Werner Hahn aux commandes de son Messerschmitt Me-210. Environ 200 officiers, 52 techniciens civils et quelques centaines de soldats engagés se trouvaient en ville. De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Pourquoi Bari ? Fin 1943 afflux de navires alliés dans son port. Le 2 décembre, au moins 20 bateaux alliés étaient rassemblés dans le port, de manière si serrée qu’ils se touchaient presque. Principale base de ravitaillement pour le général Bernard Law Montgomery et sa VIIIe armée. Quartier-général de la XVe Air Force américaine dont la première mission était le bombardement d’objectifs dans les Balkans, l’Italie et plus particulièrement l’Allemagne. Le commandant de la XVe Air Force, le major-général James H. « Jimmy » Doolitle, venait d’arriver à Bari le 1er décembre. De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Le John Harvey, commandé par le capitaine Elwin F. Knowles, était un Liberty Ship typique, à peine différent des autres amarrés dans le port. La majorité de son chargement était également conventionnel : munitions, nourriture et équipement. Mais le navire transportait un secret mortel. Environ 100 tonnes de bombes contenant du gaz moutarde se trouvaient à bord. Les bombes étaient une précaution, qui ne serait utilisée que si les Allemands utilisaient des armes chimiques. Le président américain Franklin D. Roosevelt condamnait l’utilisation des gaz par une nation civilisée, mais ajoutait que les Etats-Unis répondraient si l’ennemi osait utiliser ce genre d’arme en premier. Le John Harvey avait été sélectionné pour convoyer une cargaison de gaz en Italie afin qu’elle soit maintenue en réserve si une telle situation venait à se produire. La cargaison de ce gaz fut emmenée dans le secret officiel. Toutefois, le premierlieutenant Howard D. Beckstrom de la 701e compagnie de maintenance chimique se trouvait à bord avec un détachement de 6 hommes. Tous étaient experts dans le maniement de matériel toxique et étaient manifestement là dans un but bien précis. Les Ju-88 descendirent sur Bari comme de gigantesques oiseaux de proie, Le Joseph Wheeler reçut un coup direct et explosa en flammes ; le John Motley vit sa cale n° 5 prendre une bombe. Le John Bascom, ancré à côté du John Motley, fut le prochain sur la liste. A son tour, le John Harvey explosa, disparaissant dans une énorme boule de feu en forme de champignon. Une odeur d’ail, signe révélateur de présence de gaz moutarde se répandit rapidement dans l’air. Commencé à 19h30, le raid ne dura que 20 minutes. De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Les blessés du raid se plaignirent d’avoir des « poussières » dans les yeux et leur état se dégrada en dépit du traitement conventionnel. Leurs yeux étaient enflés, des lésions de la peau apparurent, et leur système respiratoire était très irrité. Environ 628 victimes De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Rôle de la Chemical Warfare Medicine: Lieutenant colonel : Stewart F. Alexander Atteinte de la moelle osseuse Chute des globules blancs 617 autopsies concluantes De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Edward Bell Krumbhaar (1882-1966) était un anatomo-pathologiste renommé mais aussi un passionné d’histoire de la médecine De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Projet sous couvert du secret militaire Professeurs-assistant de toxicologie et de pharmacologie 1942: Alfred Gilman Louis Goodman (1908-1984) (1906-2000) Gustav Lindskog Chirurgien du poumon Yale University De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Premiers essais sur le lymphome chez la souris = remplacement du S par N 27 Août 1942 à 10h, premier patient, un immigrant polonais de 47 ans atteint d’un lymphosarcome déjà traité, sans succès, par radiations. Rémission partielle puis presque totale puis rechute. Décède le 1er décembre Lymphome = cancer du système lymphatique De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Essais cliniques: 67 patients atteints de maladies de Hodgkin, leucémies et Autres pathologies cancéreuses voisines. 7 patients traités par les Dr LS Goodman et A Gilman au New Haven Hospital 34 patients traités par les Drs MM Wintrobe et MT McLenann au Salt Lake County General Hospital, 16 patients traités par le Dr W Dameshek à Boston 10 patients traités par le Dr MJ Goodman à Portland, Oregon 26 patients encore en vie lors de la publication des résultats Nitrogen Mustard Therapy. LS Goodman et al. JAMA 1946 De l’arme chimique à l’arme thérapeutique 1917 FDA 1949 De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Evolution dans la classe des moutardes à l’azote 1950 Chlorambucil Cyclophosphamide Melphalan De l’arme chimique à l’arme thérapeutique L’histoire se répétera avec les inhibiteurs de cholinestérase comme le sarin et les essais thérapeutiques pour la maladie d’Alzheimer*. Nous trouvons de tout dans notre mémoire. Elle est une espèce de pharmacie, de laboratoire de chimie, où on met au hasard la main tantôt sur une drogue calmante, tantôt sur un poison dangereux. Marcel Proust La chimie peut être les deux selon l’usage que l’on en fait De l’arme chimique à l’agent thérapeutique: deux exemples par A Marquet. L’actualité chimique – décembre 2014- n° 391; XIII-XVIII De l’arme chimique à l’arme thérapeutique Merci de votre attention