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Après des années de bouleversements économiques, la crise nancre
a frappé la Pologne de façon spectaculaire. Parallèlement à une hausse du
chômage et à une diminution de la production industrielle, la crise a entraîné une
division entre partisans d’une politique libérale et partisans d’une politique sociale.
En juin 2008, un célèbre journaliste polonais a annoncé dans Polityka, l’heb-
domadaire le plus inuent de Pologne : « un zloty fort, une baisse du dollar,
des faibles droits de douane à l’importation donnent enn à des millions de
Polonais la possibilité de consommer, ce dont aucune génération encore en vie ne
peut même se souvenir. Des millions de Polonais ordinaires sont rapidement en-
trés dans le monde ludique de la consommation ». Moins de quatre mois plus tard,
le même journaliste, déclarait : « C’est une crise. Nous ne pouvons pas nous atten-
dre à ce quelle se termine à la n dun cycle économique typique. Elle se traduira
par un changement fondamental de mentalité, de civilisation, d’idéologie et par un
changement géopolitique qui est déjà en partie perceptible ». Pendant des mois en
Pologne, on a observé avec curiosité le déclin du marché nancier aux États-Unis
et les épreuves de nombreux citoyens étatsuniens ordinaires chassés de leur
maison parce qu’ils étaient devenus insolvables. C’était, croyait-on, un monde
lointain qui n’avait rien à voir avec la Pologne.
Les bouleversements économiques
Le climat social en Pologne, l’an dernier, était le meilleur depuis la trans-
formation du système en 1989. Les centres de recherche sur l’opinion publi-
La crise en Pologne
Krzysztof Pilawski
173
La crise en Pologne
que enregistraient des niveaux de satisfaction inégalés à la suite de l’aboli-
tion du communisme et de son remplacement par un nouveau système. En
juillet 2008, le salaire moyen en Pologne était équivalent à mille euros. C’était
11,6 % de plus qu’en juillet 2007. Les augmentations de salaires dépassaient
de trois fois le taux d’ination. On pouvait croire que les Polonais allaient
bientôt cesser de chercher des emplois mieux payés à l’étranger.
Augmentation du PIB en Pologne de 2001 à 2008 sur la base des données de
l’Ofce central de statistiques (Główny Urząd Statystyczny)
La hausse des salaires s’est accompagnée d’une diminution du chômage.
En 2008, pour la première fois depuis novembre 1998, le chômage est tom-
au-dessous de 10 %. Les travailleurs de la construction, les ouvriers et les
Année Salaire (en zlotys)
2001 2.062
2002 2.133
2003 2.201
2004 2.290
2005 2.380
2006 2.477
2007 2.691
2008 2.944
Salaire annuel moyen en Pologne de 2001 à 2008 sur la base des données de
l’Ofce central de statistiques (Główny Urząd Statystyczny)
Année
Évolution du PIB par rapport
à l'année précédente (en
pourcentage)
PIB (en milliards de
zlotys)
2001 17508
2002 1,4 7811
2003 3,8 8147
2004 5,3 8837
2005 3,2 9677
2006 6,1 10602
2007 6,7 11753
2008 4,8 (données estimées)
174
Krzysztof Pilawski
innieurs de nombreux secteurs, les vendeurs et les conducteurs pouvaient
choisir parmi de nombreuses offres d’emploi. Les employeurs qui souffraient
de nuries de personnel attiraient les employés potentiels avec des salaires
élevés. Pendant une courte période, la plupart des Polonais ont pensé que cet
état de choses la hausse des salaires et la sécurité d’emploi durerait éter-
nellement. Et cette conviction était partae par les analystes d’institutions
nancières de haut niveau. Le climat social qui en a résulté reétait l’opti-
misme des consommateurs et cela a été l’un des moteurs du développement
économique. Les Polonais ont ache des maisons et des appartements, des
voitures, de nouveaux meubles, des téléviseurs à écran plasma et des ordina-
teurs. Un nombre croissant de personnes ont déci d’aller en vacances deux
fois par an à l’étranger en été et en hiver. An de nancer tout cela, ils ont
contracté des prêts auprès de banques qui rivalisaient les unes avec les autres
et offraient de l’argent sans se préoccuper des capacis de remboursement ou
des garanties.
Taux de chômage en Pologne de 2001 à 2008 sur la base des données de l’Ofce
central de statistiques (Główny Urząd Statystyczny)
La baisse du zloty
La baisse du taux de change du zloty à partir du mois d’août a été le premier
indice de l’approche de la crise. En octobre, on a vu pour la première fois
des mouvements rapides du taux de change. Certains disaient qu’une attaque
spéculative sur le zloty avait été lancée par des institutions nancières étran-
res (en vrier 2009, la banque Goldman Sachs a révélé qu’elle avait atteint
un niveau de bénéce de 7,9 % avec ses opérations sur le zloty polonais). Le
zloty a continué à perdre de sa valeur par rapport aux devises étrangères : euro,
Mois et année
Taux de chômage
(en pourcentage)
Décembre 2001 17,5
Décembre 2002 20,0
Décembre 2003 20,0
Décembre 2004 19,0
Décembre 2005 17,6
Décembre 2006 14,8
Décembre 2007 11,2
Décembre 2008 9,5
175
La crise en Pologne
dollar, franc suisse et livre britannique. Lorsque, à la mi-février 2009, le taux
de change est passé à 4,06 zloty pour un euro (en juillet 2008, il était de 3,2
zloty pour un euro), le Premier ministre Donald Tusk a annoncé que le gou-
vernement interviendrait en vendant des euros si le taux de change tombait en
dessous de cinq zlotys pour un euro. Ce point n’a pas encore été atteint.
anmoins la baisse du zloty a é mal accueillie par les citoyens polonais
ordinaires qui avaient contrac des prêts pour l’achat d’une maison ou d’un
appartement en devises étrangères ; elle a aussi été mal accueillie par les entre-
preneurs. Des milliers d’entreprises avaient pris des options sur devises avec
des banques lorsque le zloty était fort, esrant vendre des euros aux banques
à un taux plus élevé que le taux ofciel. Toutefois, avec la faiblesse du zloty,
le taux de change est tombé beaucoup plus bas que le taux ofciel. Des entre-
prises ont vendre des euros aux banques à un taux de change beaucoup
plus bas que le taux ofciel. Certaines entreprises n’ont pas pu honorer les
obligations de leurs prises d’options sur devises et ont déclarer faillite.
Ce sont les sociétés dont les propriétaires étaient polonais qui étaient les
perdantes ; les vendeurs d’options sur devises étaient en revanche des ins-
titutions internationales. Quatre-vingt quinze pour cent des accords portant
sur des options sur devises ont été conclus en juillet 2008, date à laquelle le
zloty était le plus fort. La police polonaise enquête pour déterminer s’il y a
eu violation de la loi dans cette affaire. Le vice-Premier ministre et minis-
tre de l’Économie, Waldemar Pawlak, qui est aussi un dirigeant de Polskie
Stronnictwo Ludowe (PSL-Parti paysan polonais), parti qui a formé une coa-
lition avec Platforma Obywatelska (PO-Plateforme civique), déclare vouloir
annuler les options sur devises qui, selon lui, constituent « un vol aux dépens
des entreprises polonaises ».
La baisse du zloty a entraîné une perte pour plus de 1,3 million de proprié-
taires d’exploitation agricole qui, en fonction de la supercie de leur exploita-
tion, reçoivent des paiements calcus sur la base d’une règle de l’UE fone
sur les taux de change au 30 septembre 2008. Or la valeur du zloty était consi-
rablement plus faible à cette date qu’aujourd’hui, et le coût des moyens de
production de l’agriculture (les machines agricoles, les engrais, etc.) pend
dans une large mesure du taux de change de l’euro.
Au cours du premier trimestre de 2008, le PIB a augmenté de 6 % par rap-
port au premier trimestre de l’année précédente au cours du deuxième tri-
mestre, de 5,8 %, et au cours du troisième trimestre, de 4,8 %. Ce n’est pas
avant le quatrme trimestre qu’un ralentissement plus important du taux de
croissance a éno avec une augmentation du PIB de 2,9 %. Cependant, par
rapport à d’autres pays de l’Union européenne, ce taux de croissance était
encore favorable à l’économie polonaise. Le PIB dans la zone euro a dimin
de 1,2 % au quatrième trimestre de 2008 alors qu’en Pologne il a augmenté
de près de 3 %.
176
Krzysztof Pilawski
Variation du PIB au quatrième trimestre de 2008 par rapport au quatrième trimestre
de 2007 en Pologne et dans certains pays de la zone euro Eurostat et données de
l’Ofce central de statistiques (Główny Urząd Statystyczny)
La situation économique de la Pologne est relativement bonne, en particu-
lier par rapport à la situation de la Hongrie, des États baltes, ou de la gion
orientale de l’UE.
Variation du PIB au quatrième trimestre de 2008 par rapport au quatrième trimestre
de 2007 en Pologne et dans d’autres pays de la partie orientale de l’UE (Eurostat et
données de l’Ofce central de statistiques)
Pays
Variations du PIB (en
pourcentage)
Pologne 2,9
Grèce 2,6
Autriche 0,5
Belgique -0,5
Pays-Bas -0,5
Espagne -0,7
France -0,1
Allemagne -1,6
Portugal -2,1
Italie -2,6
Variations du PIB (en
pourcentage)
1 / 12 100%
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