- Support de Cours (Version PDF) - Item 105 : Surveillance des porteurs de valves et de prothèses vasculaires I Auteur(s) Collège des Enseignants de Cardiologie Date de création du document 10/01/09 - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - Table des matières * Introduction ................................................................................................................................ 1 1 Item 105 - 1 : Expliquer les risques inhérents aux valves artificielles et aux prothèses vasculaires et les mesures préventives correspondantes...............................................................1 1 . 1 Prothèses mécaniques .........................................................................................................1 1 . 2 Prothèses biologiques.......................................................................................................... 1 1 . 3 L'annuloplastie mitrale....................................................................................................... 1 1 . 4 La surveillance type.............................................................................................................1 2 Item 105 - 2 : Diagnostiquer une complication liée au matériel prothétique ou au traitement associé............................................................................................................................. 2 2 . 1 Thromboses : la thrombose valvulaire.............................................................................. 1 2 . 2 Les accidents emboliques ................................................................................................... 1 2 . 3 Les accidents des anticoagulants .......................................................................................1 2 . 4 Les endocardites sur prothèses...........................................................................................1 2 . 5 Les autres complications.....................................................................................................1 * Conclusion ...................................................................................................................................3 OBJECTIFS ENC : ● Expliquer les risques inhérents aux valves artificielles et aux prothèses vasculaires et les mesures préventives correspondantes. ● Diagnostiquer une complication liée au matériel prothétique ou au traitement associé. - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - INTRODUCTION Depuis la première implantation d’une prothèse valvulaire en France, d’immenses progrès ont été réalisés. Chaque année, plus de 9000 actes de réparation valvulaire sont faits. La mortalité globale supérieure à 15% dans les années 1980 est aujourd’hui inférieure à 5 %, alors que dans le même temps la sévérité des cas opérés et l’âge moyen n’ont cessé d’augmenter. Sur l’orifice aortique la majorité des réparations est réalisée par remplacement valvulaire alors que sur l’orifice mitrale plus de 75 % de la chirurgie se fait par plastie réparatrice selon les principes décrits par le chirurgien français A. Carpentier. Quelque soit le type de prothèse et le type de chirurgie, ces patients sont exposés à trois types de complications liées au matériel : - La thrombo-embolie - Les accidents des AVK - L’endocardite sur prothèse Dans ces trois éventualités, c’est la prévention qui reste le moyen le plus efficace pour les éviter. - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - ITEM 105 - 1 : EXPLIQUER LES RISQUES INHÉRENTS AUX VALVES ARTIFICIELLES ET AUX PROTHÈSES VASCULAIRES ET LES MESURES PRÉVENTIVES CORRESPONDANTES GENERALITES Bref rappel historique : Les grandes dates • • • • • • • • • • • • 1952 : Hufgnagel implante une valve anti-retour 1960 : Braunlwald utilise la CEC pour implanter une valve 1961 : 1ère implantation d'une valve de Starr 1962 : Valve biologique de D. Ross 1965 : Valve française biologique de Binet - Carpentier 1969 : 1ère valve à disque de Bjork 1970 : Naissance de la plastie (réparation) de la valve mitrale 1977 : 1ère valve à double ailettes de SJM 1988 : Apparition des valves sans armature 1996 : Guideline d'Edmunds pour l'évaluation des résultats 1997 : 1ère intervention par abord limité 2007 : Les premiers essais d'implantation percutannée La valve aortique est constituée de 3 cuspides posées sur l’orifice (anneau) fibroélastique du cœur (voir figure 1), il n’y a pas d’appareil de suspension sous valvulaire. La valve mitrale est formée par deux feuillets, une petite et une grande valve, celles-ci sont tendues par un appareil sous valvulaire comprenant des cordages et des piliers (voir figure 2). Il existe une continuité mitro-aortique, en diastole la valve mitrale est ouverte et la valve aortique fermée, pendant la systole la valve aortique est ouverte et la valve mitrale fermée (voir figure 3). La prothèse idéale n’existe pas et si plus de 100 modèles différents ont été mis sur le marché, 6 modèles se partagent 90 % du marché mondial. Il y a surtout deux types de prothèses : les valves biologiques et les valves mécaniques. Figure 1 : Valve aortique - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - Trois cuspides et pas dappareil sous valvulaire. Figure 2 : Orifice mitrale Une petite et une grande valve avec un appareil sous valvulaire comprenant des cordages et des piliers. Figure 3 : Diastole La valve mitrale est ouverte. La valve aortique est fermée. Figure 3 bis : Systole La valve mitrale est fermée. La valve aortique est ouverte. - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - I.1 PROTHÈSES MÉCANIQUES Les premières utilisées étaient à bille (Starr) (voir figure 4), les suivantes à disque unique (Bjork, Lillehey, Medtronic-Hall), (voir figure 5) puis à doubles ailettes (SJM, Carbomédisc, Sorin) (voir figure 6). Aujourd’hui, elles sont pratiquement toujours faites en carbone pyrolytique. Les avantages des valves mécaniques sont : une très bonne durabilité et une hémodynamique performante dans les tailles adultes. L’inconvénient essentiel est la nécessité d’un traitement anticoagulant à vie avec son cortège de contraintes et de complications. Figure 4 : Valves mécaniques - Valve de Starr Figure 5 : Valves mécaniques - Valve mono disque Figure 6 : Valves mécaniques - Valve à double ailettes - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - I.2 PROTHÈSES BIOLOGIQUES Elles sont construites en péricarde bovin ou avec des valves natives du porc (voir figures 7 et 8). L’avantage principal est l’absence de besoin de traitement anticoagulant chez les patients en rythme sinusal, les inconvénients majeurs sont une durabilité plus faible (12 à 15 ans) et une probabilité à 10 ans de devoir subir une nouvelle intervention de l’ordre de 2%. Figure 7 : Bioprothèse en péricarde Figure 8 : Bioprothèse en péricarde I.3 L'ANNULOPLASTIE MITRALE Sous l’impulsion du Professeur A. Carpentier, la prise en charge de la pathologie de la valve mitrale a évolué vers la réparation par plastie, soit simple (commissurotomie, annuloplastie) soit complexe (chirurgie des piliers, transposition, translation) (voir figure 9). Lorsqu’elle est réalisée dans de bonnes conditions (bonne évaluation préopératoire des lésions, vérification immédiate per opératoire du résultat par l’ETO, opérateurs expérimentés) cette chirurgie donne des résultats excellents et ne nécessite pas de traitement anticoagulant. Laissant l’intégralité de l’appareil sous valvulaire, les piliers et les cordages, elle procure une bonne hémodynamique et de meilleures performances ventriculaires gauches post opératoires. Mais la surveillance n’en reste pas moins identique ainsi que l’importance de la prévention d’une endocardite. - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) Figure 9 : Plastie mitrale : anneau de Carpentier Figure 9 bis : Plastie mitrale : anneau de Carpentier I.4 LA SURVEILLANCE TYPE En pratique, la surveillance des porteurs de valve est une action multidisciplinaire, incluant le médecin traitant, le médecin référent, le cardiologue, le dentiste, l’urologue et parfois le gynécologue. Les deux complications gravissimes sont l’endocardite et l’accident thromboembolique. Le rôle de la surveillance est de faire la prévention de ces pathologies. Ces complications peuvent mener selon l’âge à discuter d’une ré-intervention dont on sait le pronostic toujours sévère. L’examen clinique doit être fait par un généraliste ou par les spécialistes, tous les 3 à 6 mois. Il doit être complet, axé principalement dans 3 directions : 1. l’état cardiaque 2. la recherche de signes cliniques d’embolie 3. la recherche de signes d’hypercoagulabilité (saignement) - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - L’auscultation recherche aussi : - des signes d’IC, un sub-œdème pulmonaire (crépitants des bases) - une modification des bruits de valve. En effet, chaque valve a sa propre auscultation et c’est surtout une modification des bruits habituels qui doit alarmer le patient lui-même. L’examen paraclinique : 1. le carnet de suivi d’anticoagulation et la carte de porteurs de valve avec les recommandations pour la prévention de l’Osler sont obligatoires. 2. Echodoppler : c’est un euphémisme de répéter qu’il doit être pratiqué par des spécialistes entraînés au suivi des valves cardiaques, un simple dépistage par un opérateur non entraîné ou non qualifié est plus dangereux que bénéfique. Il n’y a pas de règle absolue, ni de consensus concernant la périodicité des examens. Il est souhaitable d’en faire un par an les deux premières années. 3. Le bilan stomatologique est indispensable une fois par an, l’éducation est là encore primordiale. Même en l’absence de signes cliniques, un détartrage et une consultation annuelle sont nécessaires. ⇒ L'éducation du patient est capitale - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - II ITEM 105 - 2 : DIAGNOSTIQUER UNE COMPLICATION LIÉE AU MATÉRIEL PROTHÉTIQUE OU AU TRAITEMENT ASSOCIÉ COMPLICATIONS Les complications post-opératoires immédiates sont exceptionnellement en rapport avec les prothèses elles mêmes et ne doivent pas, selon nous, être incluses dans le risque inhérent aux valves. Ce chapitre n’abordera donc que les risques à moyen terme et à long terme de la chirurgie valvulaire en insistant sur les moyens modernes et confirmés de prévenir ces accidents. Définition : la totalité des études traitant des complications ou de leur absence suit désormais un guide de définitions et de recommandations dont la plus grande partie dérive de la communication princeps d’Edmunds ( ). Le but de ce chapitre n’est pas de colliger ou de faire une métanalyse des centaines de publications concernant les résultats de la chirurgie utilisant tel ou tel type de prothèse, le but est d’expliquer les risques inhérents aux prothèses implantées, en général et à certaines prothèses, en particulier. Les risques dominants inhérents aux valves mécaniques sont la thrombose et les accidents hémorragiques, le risque dominant inhérent aux valves biologiques est la détérioration structurelle. Les critères d’Emunds contiennent dans leur définition les principales complications à prévenir et à dépister. II.1 THROMBOSES : LA THROMBOSE VALVULAIRE Définition : Edmunds retient : « tout thrombus se situant à proximité de la valve ( ou attaché à la valve) qui interfère avec le fonctionnement valvulaire ou fait obstacle au flux et qui n’est pas en rapport avec une infection ». Fréquence : Selon les modèles, le taux classique de thrombose valvulaire est estimé à 0.2 % années-patient, en position aortique et à 0,4 % en position mitrale. Type de prothèse : La survenue de thrombose valvulaire est pratiquement réservée exclusivement aux prothèses mécaniques. Si le type de prothèse mécanique a peu d’importance sur la fréquence des thromboses, la position de la valve par contre est importante. Les valves mitrales thrombosent deux fois plus souvent. De nombreux facteurs associés, surtout, influent de façon notable sur la survenue des thromboses : - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - - En premier, l’existence d’une arythmie de type AC/FA - Mais aussi l’âge du patient (plus il est élevé plus le risque est grand) - Et l’altération de la fonction VG (plus la fonction est altérée plus le risque est important) Mais le facteur essentiel et sur lequel la prévention est efficace reste la qualité d’observance des règles du traitement anticoagulant.Nous le reverrons en détail avec les accidents emboliques.Il est clair que la séparation entre thrombose et embolie est bien minime, toute thrombose au contact d’une prothèse se fermant et s’ouvrant soixante fois à la minute et balayée en permanence par le flux sanguin étant fortement susceptible d’emboliser dans la circulation. On distingue : les thromboses aigues massives et les thromboses partielles : - La thrombose aigue ou suraiguë, occlusive avec blocage presque complet de la prothèse entraîne un état de choc cardiogénique majeur et brutal. - Les thromboses partielles sont insidieuses et parfois plus difficiles à diagnostiquer. Elles ont le même caractère d’urgence médico-chirurgicale que les occlusions complètes (même si l’opportunité du traitement fibrinolytique est plus simple dans ce contexte) Les signes cliniques de la thrombose aigue associent : - Syncope ou lipothymie pouvant aller jusqu’à l’arrêt cardiaque - OAP brutal - Souvent associés à des signes de localisation évocateurs d’embolie cérébrale - L’examen doit être complet recherchant : - des signes du retentissement cardiaque - des signes déclenchant d’infection - des facteurs de risque particulièrement exposants (âge, mauvaise observance du traitement, AC/FA) - des modifications des bruits à l’auscultation cardiaque : - mauvais traitement AVK. Oreillette gauche très dilatée - prise de médicaments autres interférant - le signe essentiel de la thrombose partielle est l’embolie périphérique dans 2/3 des cas. CAT devant une thrombose ou une embolie. Il est indispensable de souligner deux points essentiels : 1. c’est la prévention qui reste le meilleur traitement de cette pathologie dont le pronostic est toujours très lourd, avec une mortalité d’environ 30 % - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - 2. une embolie ou une thrombose même partielle mais certaine est un signal d’alarme très important quelque soit le retentissement ou le peu de signes cliniques. Pour beaucoup, la prise en charge doit être complète d’emblée, quelques soit l’importance du premier signe embolique. II.2 LES ACCIDENTS EMBOLIQUES Ils sont le plus souvent dramatiques car ils surviennent dans la circulation systémique (à gauche) et ont évidemment une symptomatologie très polymorphe en fonction du territoire concerné. Mais ils peuvent aussi passer inaperçus. - Les embolies cérébrales ont la symptomatologie de tous les AVC, le diagnostic est certes systématiquement évoqué devant des signes cliniques chez un patient porteur d’une valve mécanique et sous traitement anticoagulant. - Mais ce diagnostic n’est pas forcément facile à faire avec celui d’une embolie athéromateuse car il existe assez souvent un même terrain à ces deux pathologies - Les embolies des membres inférieurs (QS). II.3 LES ACCIDENTS DES ANTICOAGULANTS La qualité du traitement anticoagulant est l’élément essentiel dans le cadre de la prévention des accidents thromboemboliques et des accidents des anticoagulants. Niveau Plusieurs études ont montré l’importance de la dynamique et de la stabilité dans le temps de l’INR comme éléments pronostics des incidents. Les recommandations et les conférences de consensus ont évolué avec les années, les chiffres initialement plus élevés pour les prothèses mitrales sont actuellement uniformisés avec une fourchette entre 2 et 3 aussi bien pour les prothèses aortiques que pour les prothèses mitrales. Une cible à 3.5 est uniquement recommandée pour les patients à hauts risques cumulant plusieurs facteurs de thrombose : - Arythmie complète - Volume de l’OG supérieur à 50mm - Dysfonction VG sévère avec FEVG < à 25 % - Antécédents d’accidents emboliques récents - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - Surveillance et contrôle En période stable, à distance de l’intervention et en dehors d’une interaction avec la prise temporaire d’une autre médication, un contrôle doit être réalisé toutes les trois semaines (pouvant aller jusqu’à une fois par mois en cas de stabilité obtenue sur une longue période > 1 an). Les techniques d’autocontrôle à domicile qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité en Norvège et en Allemagne sont actuellement en train de prouver leur intérêt en France où nous devrions assister rapidement à une généralisation de la procédure dans les années à venir. Plusieurs groupes et centres de rééducation cardiaque en France proposent durant leurs séjours des séminaires de formation et d’information aux patients sur les règles et le suivi du traitement anticoagulant. Les accidents hémorragiques des anticoagulants Toujours selon Edmunds, les complications hémorragiques doivent théoriquement être subdivisées en 3 groupes en fonction de leur gravité. Les H mortelles, les H majeures, les H mineures : - les accidents mineurs (ce sont ceux qui ne nécessitent pas de transfusion) - gingivorragies, épistaxis, ecchymoses spontanées. Ils ont une valeur d’alerte et doivent être connus du patient - les accidents majeurs (ceux qui nécessitent une transfusion) - les plus graves dépendent du siège et de l’âge du patient - AVC - Hématome rétro péritonéal (difficile à diagnostiquer, en particulier chez l’obèse) - Hémorragie digestive (ne pas oublier la recherche de prise médicamenteuse) - hématurie - les accidents mortels - essentiellement les hématomes cérébraux ou sous duraux - mais aussi parfois les épanchements péricardiques Une des causes les plus fréquentes des hypocoagulabilités entraînant des saignements est l’interaction médicamenteuse. D’ou la nécessité d’éducation du patient pour les éviter. - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - Médicaments potentialisant les AVK - Antifungiques azolés - Amiodarone - Allopurinol - Fluoroquinolones - Aspirine - Sulfamides hypoglycémiants - Sulfamides antibactériens - Fibrates - statines - tétracycline Médicaments inhibant les AVK - Barbiturique - Sucralfate - Rifampicine - Corticoides - Carbamazépine - Colestyramine - Phénytoîne L’incidence des hémorragies est supérieure à celle des complications thromboemboliques : 1.9 patients / année. Règles du relais au décours d’une intervention chirurgicale et suivi d’une grossesse sous AVK. Tout patient porteur d’une prothèse mécanique ne doit pas avoir plus de 72 heures d’interruption de son traitement anticoagulant. Le contrôle et la réversibilité du traitement sont toujours plus rapides et faciles avec l’héparine. En cas d’intervention programmée, la règle est de faire un relais AVK/Héparine au moins 5 jours avant l’intervention et en fonction de l’intervention et du type d’anesthésie d’arrêter l’héparine 8 heures avant l’opération. La reprise d’une anticoagulation doit être la plus précoce possible, dès la 8ième heure et jamais au-delà de 48 heures post opératoires. - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - II.4 LES ENDOCARDITES SUR PROTHÈSES Définition : l’endocardite sur prothèse correspond à la colonisation par des microorganismes de n’importe lequel des constituants de la prothèse valvulaire : collerette, anneau de fixation, matériel de fixation, cage, disque ou tissu biologique. Même à distance de l’implantation des prothèses, les endocardites sont les plus redoutables des complications du remplacement valvulaire. Dans plus des 3/4 des cas elles pourraient être évitées et la prévention reste la pierre angulaire de la prise en charge de cette pathologie. L’endocardite est en effet consécutive à une prophylaxie insuffisante ou inadaptée, le tableau clinique et diagnostique n’est pas toujours net et les hémocultures peuvent être négatives, surtout dans les formes décapitées par un traitement antibiotique aveugle, non bactéricide et insuffisant. C’est une pathologie extrêmement grave dont le pronostic est redoutable, greffé d’une mortalité moyenne supérieure à 30 %. La démarche diagnostique doit être identique à celle d’une endocardite native (recherche d’une porte d’entrée, terrain immunodéprimé, etc..). Tous les événements secondaires, détérioration valvulaire, thrombose, embolie, désinsertion survenant au décours d’une endocardite sur prothèse doivent être intégrés dans le chapitre endocardite. L’incidence est évaluée à 0.5 à 1 année-patient. Le risque est pratiquement identique quelque soit le type de prothèse, légèrement supérieur avec les valves mécaniques. La prévention de la survenue de cette complication est essentielle : - Tous les porteurs de valves doivent posséder une carte de porteur de valve indiquant le type de prothèse, la position, la date d’implantation, le référent médical - Des informations et des formations spécifiques restent indispensables avec des protocoles de consensus sur la prise en charge des soins dentaires, des actes chirurgicaux, invasifs ou non, du traitement des infections courantes. Mais le dépistage et la surveillance portent encore en amont de cette prévention par des recommandations très importantes d’examen bucco-dentaire annuel associant détartrage et soins, une surveillance urinaire et prostatique chez l’homme, une surveillance gynécologique et urinaire chez la femme. L’auscultation n’est pas facile : on doit surtout rechercher : - Une modification de l’auscultation habituelle - Des signes d’insuffisance, plutôt que de sténose - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - La porte d’entrée n’est pas retrouvée dans plus de 60 % des cas, mais doit être systématique et réglée, le plus souvent urinaire chez l’homme et urogénitale chez la femme. La porte d’entrée buccodentaire ne devrait plus se voir mais reste fréquente. Les germes : les plus fréquemment en cause sont les streptocoques, plus particulièrement ceux du groupe D (St Bovis) chez les sujets les plus âgés (recherche systématique d’une origine colique, d’un néo). La fréquence des endocardites à hémocultures négatives est encore plus grande dans les endocardites sur prothèse que dans les endocardites natives. La démarche diagnostique doit être la même (QS), centrée sur les hémocultures et la répétition des échocardiographies et comme pour les endocardites natives repose sur les critères de Duke. Critères de Duke Critères majeurs • Hémocultures positives - Avec germes typiques sur deux prélèvements séparés. - Positives de manière répétée avec un germe compatible avec une endocardite infectieuse. - Trois ou plus de trois hémocultures positives, avec au moins une heure d’écart entre la première et la dernière. • Sérologie positive • PCR positive • Echocardiographie - Masse intracardiaque oscillante sur une valve, cordage, sur du matériel implanté ou dans la direction d’un jet de régurgitation en l’absence d’une explication alternative anatomique - Apparition d’une déhiscence partielle sur une valve prothétique ou apparition d’une nouvelle régurgitation valvulaire - Abcès Critères mineurs • Prédisposition cardiaque ou utilisateur de drogues • Fièvre > 38° • Manifestations immunologiques : glomérulonéphrite, nodosités d’Osler, tache de - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - Roth, facteur rhumatoïde • CRP ou VS élevé* • Manifestations vasculaires : embolie artérielle, infarctus pulmonaire septique, anévrysme mycotique, hémorragie intracérébrale, lésions de Janeway • Positivité de résultats bactériologiques non retrouvée dans les critères majeurs Critères pathognomoniques • Histologie positive ou analyse microbiologique de matériels pathologiques obtenus lors de la chirurgie cardiaque. II.5 LES AUTRES COMPLICATIONS En dehors de toute infection, deux complications peuvent survenir : la fuite para prothétique et la dégénérescence valvulaire (réservée aux bio prothèses) : - Fuite et désinsertion de prothèse : en dehors de l’infection qu’il faudra rechercher avec soin, elles surviennent sur les anneaux fragiles, très calcifiés, et sont découvertes le plus souvent de façon systématique aux échocardiographies de contrôle. Il est surtout important de surveiller l’évolution de ces fuites et le retentissement sur la fonction ventriculaire gauche. L’indication thérapeutique dépend ce cette évolution et de son retentissement. - La dégénérescence des bioprothèses : c’est la complication la plus fréquente de ce matériel (voir figures 10 et 11). Elle survient à partir des 10-12 premières années postopératoires, le plus souvent par l’apparition de signes de sténose progressive bien constatés aux échocardiographies de contrôle. Elle peut prendre un aspect subaigu avec apparition semi brutale d’une insuffisance par rupture d’une cups. L’écho cœur et le doppler continu vont retrouver la fuite ou la sténose avec gradients trans-prothétiques élevés. Les critères d’indication opératoire sont les mêmes que ceux d’une primo intervention tout en sachant que même si les scores de gravité et de risques sont plus élevés du fait de la ré-intervention et de l’âge il ne faut pas attendre pour poser l’indication que la dysfonction ventriculaire gauche s’installe de façon non réversible. Figure 10 : Mise en place dune bioprothése porcine aortique - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) Figure 11: Dégénérescence dune bioprothèse porcine GRANDES LIGNES DE LA PREVENTION 1. Qualité du traitement anticoagulant Nous l’avons vu, tous les patients porteurs d’une valve mécanique doivent recevoir un traitement anticoagulant à vie le plus souvent par AVK - Pharmacologie - La vitamine k est un cofacteur de la carboxylase, la gamma carboxylation permettant de fixer des facteurs sur les phospholipides des membranes cellulaires. - La vitamine K intervient dans la synthèse hépatique des facteurs de la coagulation. - Les anti-vitamines K empêchent la synthèse hépatique des facteurs vitamine K dépendant. - Modalités de prescription - La mise en route du traitement et le relais d’un traitement post opératoire par l’héparine doit répondre aux règles de prescription strictes basées sur le principe que les mécanismes d’action étant différents, le traitement à l’ héparine ne doit être arrêté que lorsque l’efficacité et la stabilité du traitement par les AVK sont obtenues (L’héparine n’est arrêtée qu’après deux INR consécutifs corrects). - La période de relais dépend des équipes (entre les 2 et 5 jours post-op). - L’éducation du patient doit être répétée. - La cible d’INR a déjà été détaillée. - Effets secondaires En dehors des hémorragies qui sont à ranger dans la rubrique accidents, on peut - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - observer des allergies. Elles sont rares il faut dans un premier temps changer de classe thérapeutique. - Conduite à tenir en cas d’hémorragie sous AVK En cas d’hémorragie majeure, il faut compenser dès que l’hémoglobine est inferieure à 8 mg/l avec du plasma, du PPSB et des culots globulaires. Si l’accident hémorragique n’est pas majeur, - Avec un INR< à 5, arrêter la prise d’AVK et renouveler l’INR très rapidement. - Avec un INR entre 5 et 9, il est possible en fonction du terrain et de la gravité de la menace hémorragique de faire de la vitamine K (en milieu hospitalier uniquement). - Si l’INR est supérieur à 9, il faut donner de la vitamine K et corriger l’anémie par du plasma frais ou du PPSB. - Conduite à tenir en cas d’obligation d’arrêt des AVK :Le traitement ne doit pas être arrêté chez un porteur de valve mécanique sauf en cas d’urgence vitale. Dans un premier temps, il faut revenir au traitement par l’héparine à dose efficace et gérer l’anti coagulation avec l’héparine en fonction de l’intervention programmée : prostate, PTH etc… Dans tous les cas, même neurologiques, il est extrêmement dangereux de ne pas anti coaguler d’aucune façon un porteur de valve mécanique plus de 72 à 96 heures. 2. Le consensus sur la prévention de l’endocardite Là encore c’est la prévention qui est à la base du traitement. Son objectif est la surveillance et l’éradication de tous les foyers infectieux potentiels. Prévention : - Génitale chez la femme - Prostatique et urinaire chez l’homme - Bucco-dentaire dans les deux cas - L’antibioprophylaxie est indispensable pour tous les gestes invasifs chez les porteurs de valve quelque soit le type de prothèse. Les patients doivent impérativement avoir leur carte de porteurs de valves et avoir reçu la formation leur donnant le conseil de la présenter même pour des soins minimes. Consensus sur l'antibioprophylaxie Soins dentaires Interventions digestives, urogénitales et esthétiques (piercing, etc.) • Amoxicilline 3g PO, 1h avant le geste. • En cas d'allergie aux • Amoxicilline 2g IV (en perf de 30 min) puis Gentamycine 1.5 mg/kg en 30 min dans l'heure précédant le geste. - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - B-lactamines : Clidamycine 600mg PO ou Pristinnamycine 1g PO ; 1 heure avant le geste. • Amoxicilline 1g PO 6h après le geste. • En cas d'allergie Vancomycine 1g IV. • Puis Gentamycine 1.5 mg/kg en 30 minutes dans l'heure précédant le geste. 3. Le choix approprié de la bonne prothèse Même si toutes les complications ne sont pas évitables, un choix approprié doit permettre de minimiser celles dues à la valve. Plusieurs facteurs vont intervenir dans le choix de la prothèse, deux sont essentiels ; les recommandations nationales et internationales, le profil du patient. (remarque de l’auteur : le choix des experts pouvant être très différent à Tours ou à Lyon, nous ne pensons pas que le choix du type de prothèse à implanter puisse faire l’objet d’une question à l’ECN, ou alors de façon très caricaturale, du genre : « un homme de 78 ans ,en rythme sinusal et devant être prochainement opéré de la prostate », ou « un homme de 45 ans peu sportif, sans contre-indication aux anticoagulants » mais il nous semble utile de bien connaître les bases admises et les recommandations standard (dans les zones frontières , cela dépend des convictions chirurgicales ou des habitudes de l’équipe)) IV Prothèse mécanique • sujet < 60 ans • quelque soit le rythme • pas de CI aux AVK • niveau social et intellecturel : capable d'un suivi correct Prothèse biologique • > 75 ans • RS Espérance de vie myocardique > à 10 ans • Chirurgie lourde et hémorragique programmée à courte distance - © Université Médicale Virtuelle Francophone - - Support de Cours (Version PDF) - Entre 60 et 75 ans : le choix dépendra de multiples facteurs • Habitudes de l'équipe • FonctionVG • Co morbidité associée (pontage) CONCLUSION Il est clair que le profil épidémiologique de la pathologie valvulaire en France a évolué de façon extrême depuis 25 ans. La chirurgie cardiaque a transformé le pronostic des cardiopathies valvulaires. Un choix étendu de prothèses valvulaires est aujourd’hui à notre disposition et même si chaque modèle a fait d’énorme progrès, chacune peut garder des faiblesses. Par une meilleure information du patient, la prévention a sérieusement réduit l’incidence des complications. Elles n’ont pas disparu et il est certain que leur dépistage reste l’affaire de tous. Petit conseil à ceux qui préparent l’ECN : Comme chacun l’aura compris, la pathologie liée au matériel valvulaire prothétique est l’exemple type de la possible transversalité dont les sélectionneurs de questions à l’ECN sont friands. Malades poly vasculaires, événements neurologique de l’embolie, possible infection, recherche d’une porte d’entrée et richesse des incidents du traitement AVK. Je ne parle pas de l’imagerie florissante, source potentielle d’une superbe question ni de l’âge où cette pathologie survient permettant de surfer sur insuffisance rénale et gériatrie. Alors un petit conseil : pas d’impasse et restez basique. - © Université Médicale Virtuelle Francophone -