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JOHANNES BRAHMS (1833-1897)
SONATE POUR PIANO N 3
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FANTAISIES OP.116
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Existe-t-il un autre exemple d’union aussi parfaite entre la manière et la matière que
dans la musique de Brahms ?
Évitant de manière elliptique les étapes habituelles d’une évolution artistique
convenue, Brahms composa d’emblée une musique d’une profondeur peu commune
et d’une maturité nourrie d’ineffable. Tout son œuvre est sous l’inspiration d’une
nostalgie qui s’intensifie au fil de sa vie pour devenir, au terme de quarante années
d’activité, un composé que nous ne saurions véritablement nommer, une tristesse
poétique où se mêlent mélancolie, lassitude rêveuse, désir et regret. Une essence
unique, particulière, brahmsienne.
La singularité – voire la difficulté – de Brahms, était immédiatement perceptible.
Après la création américaine du Trio avec piano op.8, en 1855, le critique du New York
Times fit l’éloge de ses “nombreuses qualités, et d’un solide sens musical”, tout en
constatant que les “motifs… donnent une impression de déjà entendu, et induisent un
état d’esprit d’un certain scepticisme, pas vraiment impartial”1. Ce questionnement,
par un critique, de son propre scepticisme, est fascinant et implique que le “déjà
entendu” n’était ni un thème en soi ni un “motif” mais plutôt quelque chose de plus
difficile à définir, un ethos en écho au passé.
Ce passé qui résonnait encore dans l’imagination de Brahms était le monde de
Beethoven, l’apogée du Classicisme musical. Toutefois, jamais le compositeur
n’essaya de prolonger artificiellement les canons d’une esthétique antérieure – “La
momification est une garantie de respectabilité”, écrivait Charles Rosen en conclusion
de son indispensable ouvrage : Le Style classique, et conduit à “des essais sur le
décorum et le respect”2. En fait, sur les bases apprises chez Beethoven, à qui il vouait
une véritable vénération, Brahms composait une musique éminemment personnelle.
Pour l’un comme pour l’autre compositeur, le piano était le mode fondamental
d’expression musicale. Les trente-deux sonates pour piano de Beethoven suivent
la trajectoire de son extraordinaire carrière. Leur évolution stylistique reflète son
cheminement musical, d’apprenti à visionnaire. De même, les œuvres pour piano de
Brahms brossent un portrait complet de leur auteur. De la Sonate op.1, dont la première
phrase est manifestement calquée sur l’ouverture de la sonate Hammerklavier op.106
de son aîné, aux dernières Pièces pour piano op.119, elles proclament l’allégeance
intellectuelle de leur auteur tout en manifestant son indépendance stylistique. Le
médium pianistique était l’alpha et l’oméga de Brahms.
Brahms était un interprète remarquable et remarqué. Fanny Davies, élève de Clara
Schumann et pionnière de l’œuvre pianistique de Brahms en Grande-Bretagne, a
laissé une description haute en couleurs de son art : “(Brahms) appartenait à cette
race d’interprètes qui commence et termine bien ses phrases, et laisse tout l’espace
nécessaire entre la fin de l’une et le début de la suivante, tout en les reliant sans
hiatus aucun…
1 Theodore Thomas: A Musical Autobiography, A.C. McClurgh & Co., p. 40.
2 Charles Rosen, The Classical Style, W.W. Norton, p. 460.
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À l’instar de Beethoven, il tenait particulièrement à ce que ses annotations (toujours le
strict minimum) servent à communiquer la pensée musicale intérieure. Brahms utilise
souvent le signe < > lorsqu’il souhaite exprimer une grande sincérité et beaucoup
d’ardeur, en terme de son mais aussi de rythme. Il ne s’attardait pas sur une seule note
mais sur l’idée entière, comme incapable de s’arracher à sa beauté… L’interprétation
de Brahms était très libre, très souple et ductile ; mais toujours équilibrée – on sentait
le rythme fondamental sous le rythme de surface. Son phrasé était remarquable dans
les passages lyriques… Le jeu de Brahms traduisait exactement ce qu’il souhaitait
communiquer : des aspirations, des envolées débridées d’imagination, un calme
majestueux, une profonde tendresse sans trace de sensiblerie, un humour délicat,
imprévisible, la sincérité, la noblesse de la passion.”3
En tant que compositeur, Brahms était tout aussi admiré, du moins dans certains
cercles, comme celui – sans doute le plus influent – réuni autour de Robert Schumann.
La visite de Brahms à Schumann en 1853 eut d’ailleurs un énorme retentissement. Ce
dernier écrivit pour le magazine musical Neue Zeitschrift für Musik un article demeuré
célèbre. Accueilli comme le Sauveur de la Musique, le jeune compositeur était décrit
comme “un musicien appelé à exprimer son époque de manière idéale ; un musicien
dont la maîtrise ne se révélait pas graduellement, mais s’imposait d’un coup, telle
Athéna sortie toute armée du crâne de Zeus…”4
Malgré l’aura quasi mythique de cet article, consacré par l’Histoire, il est nécessaire
de le revoir d’un œil critique. Profondément engagé dans la politique musicale de
son époque, Schumann avait besoin d’un champion pour porter ses couleurs – un
compositeur dont les goûts artistiques s’accorderaient aux siens – et pensait
avoir trouvé en Brahms le candidat idéal. Avec le recul, toutefois, son éloge était
disproportionné. À l’époque, Brahms faisait surtout une carrière de pianiste et
cherchait encore sa voie comme compositeur. Des œuvres qu’il présenta à Schumann
lors de leur première rencontre, il ne reste pratiquement rien, car, les jugeant peu
satisfaisantes par la suite, il les détruisit presque toutes.
Quel était alors le dessein de Schumann ? Dans son indispensable biographie de
Brahms, Jan Swafford5 fait remarquer que Schumann avait déjà consacré d’autres
“Sauveurs” de la musique avant que Brahms n’apparaisse, littéralement, à sa porte :
citons par exemple, Ludwig Schunke et William Sterndale Bennett, deux talents de
second plan. Swafford spécule également sur une possible attirance homoérotique
de Schumann pour Brahms. Quoi qu’il en soit, le titre de l’article : Neue Bahnen
(Nouvelles voies) ne manque pas d’une certaine ironie. En effet, ce n’était pas tant
les innovations de son cadet qui attiraient Schumann que sa ferme adhésion aux
traditions. Si la Sonate op.1 de Brahms a pu sembler radicalement autre à l’époque
– le geste ample est souvent maladroit, le caractère provocateur, les défis techniques
à la limite de l’humain – l’œuvre adhère néanmoins aux principes de composition
beethovéniens. Eût-il été plus perspicace, Schumann aurait intitulé son article : Alte
Weisen (À l’ancienne).
Parmi les premières sonates pour piano de Brahms – celles qui échappèrent à la
destruction – la Sonate op.5 en fa mineur a connu la meilleure fortune. Ici, pas de
référence manifeste à Beethoven comme dans l’opus 1 (composé d’ailleurs après
l’opus 5), mais il s’agit quand même d’une vigoureuse pièce de grande envergure en
cinq mouvements, fermement ancrée dans les derniers feux de la tradition classique.
Ce n’est pas pour rien que Schumann et son cercle considéraient Brahms comme un
“vrai Beethovénien”6.
Lors de la fameuse rencontre, Brahms avait déjà achevé l’Andante et l’Intermezzo
(le Rückblick ou “Regard en arrière”) de la sonate. Il composa le reste pendant son
séjour chez les Schumann. Cette œuvre grandiose, d’une écriture audacieuse et d’une
grande originalité dans le geste – Schumann parlait de ces premières sonates comme
de “symphonies voilées”7 – a dû stupéfier les premiers auditeurs par l’extravagance
de son ouverture. Comme pour mieux préparer l’oreille à ce qui va suivre, le premier
temps de la première mesure assène un fa “forte” dans les trois octaves du registre
grave de l’instrument, sur un rythme de croche suivie d’un demi-soupir. Le deuxième
temps introduit un motif rythmique et mélodique à l’aigu, plus de deux octaves plus
haut. La tonique est réaffirmée en croches pointées / triples croches qui, dans un
grand souffle dynamique, introduisent un noyau thématique conduisant au troisième
temps, un premier renversement de l’accord de sol mineur tenu pendant une noire.
Remarquons le choix d’un rythme fort pour cette harmonie faible, prélude à une
extrapolation séquentielle de la phrase d’ouverture de six mesures.
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3 Performing Brahms: Early Evidence of Performing Style, ed. Michael Musgrave et Bernard D. Sherman,
Cambridge University Press, p. 303 et suiv.
4 Robert Schumann, On Music and Musicians, W.W. Norton, p. 252 et suiv.
5 Jan Swafford, Johannes Brahms: A Biography, Vintage, p. 86.
6 Swafford, p. 83.
7 Swafford, p. 85.
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L’inventivité de Brahms ne tarit pas, au fur et à mesure qu’il façonne son mouvement. Le
motif introduit sur le deuxième temps de la mesure d’ouverture, par exemple, s’allonge
rythmiquement dans la mesure cinq, quand la première phrase arrive à sa conclusion.
Il réapparaît dans le thème de transition (mesures 23 et suivantes), étalé sur deux
mesures à la main droite et comprimé sur deux temps à la main gauche. Remarquez
aussi la progression immédiate de la ligne de basse : le mouvement descendant
par demi-tons conjoints suggère un thème de passacaille comme celui que Brahms
utilisera avec beaucoup d’éloquence dans le finale de sa Quatrième Symphonie.
L’Andante de la sonate est inspiré par un incipit de trois vers du poète allemand
C.O. Sternau (un pseudonyme) :
Der Abend dämmert, das Mondlicht scheint
Le soir tombe, la lune luit
Da sind zwei Herzen in Liebe vereint
Deux cœurs unis dans l’amour
Und halten sich selig umfangen
S’embrassent, transportés de bonheur
La mélodie est du plus pur Brahms : le thème, particulièrement chaleureux et expressif,
cascade en tierces caractéristiques. Le développement présente un épisode assez
long en Ré bémol majeur, d’un caractère élégiaque, comme d’autres passages de
l’œuvre dans la même tonalité. Brahms semble avoir trouvé dans l’atmosphère de
cette tonalité un refuge, un soulagement après le climat fiévreux de la tonalité de base
de fa mineur. Suit un Scherzo dans le style de l’opus 4 et du scherzo que Brahms
composa pour la sonate intitulée F-A-E (dont Schumann et Albert Dietrich composèrent
les autres mouvements). Le trio de ce mouvement à trois temps extrêmement brillant
donne lieu à un changement d’harmonie et d’atmosphère, de fa mineur à Ré bémol
majeur.
L’innovation la plus intéressante se fait jour entre le Scherzo et le Finale avec
l’insertion d’un mouvement lent intitulé Rückblick. Cet épisode intensément poétique
reconsidère l’Andante, rappelant comme en écho les sentiments qu’il évoque, et le
motif du “destin” qui gronde à la basse ajoute une note mélodramatique. Le Finale est
un rondo assez complexe, tant sur le plan musical qu’expressif : ses variations suivent
la fluctuation des émotions. On peut sans doute pardonner l’écriture contrapuntique
quelque peu gratuite de la fin, et l’imputer à la hâte d’un jeune et brillant compositeur
– Brahms avait alors à peine 20 ans – désireux de trouver sa voie.
Au cours des quarante ans écoulés entre la Sonate op.5 et les dernières œuvres pour
piano, le monde musical avait connu des mutations majeures. L’ère du Style classique
décrit par Charles Rosen était l’âge d’or de la tonalité fonctionnelle pour le compositeur
et théoricien Edward Cone8. Dans la dernière décennie du xixe siècle, les compositeurs
européens ne formaient plus une communauté unie autour de l’harmonie, de la
mélodie et du rythme. Le concept de tonalité fonctionnelle, et tout ce qui la soutenait,
s’affaiblissait.
L’opus 116 manifeste cette nouvelle réalité. Bien que ses mouvements s’intitulent
“capriccio” ou “intermezzo”, le recueil parut néanmoins sous le titre collectif de “Sept
Fantaisies”. Les intentions de Brahms sont obscures : peut-être était-il influencé par
Schumann, dont il préparait alors les œuvres pour la publication. Certaines pièces des
Sept Fantaisies ont en commun avec les Kreisleriana de Schumann une atmosphère
d’excentricité chimérique.
Brahms n’avait plus composé pour piano seul depuis les Deux Rhapsodies (op.79) de
1879, soit plus de dix ans auparavant. Il entrait à présent dans un monde nouveau et
différent. Signalons plusieurs mouvements qui confèrent à l’ensemble son caractère
particulier. Le Capriccio en ré mineur trouble dès le départ : les barres de mesures
sont floues, les harmonies claires deviennent incertaines, les temps faibles sont
dotés d’une importance majeure, et les rythmes simples rendus complexes par des
groupements irréguliers. “Cependant, comme l’écrit le pianiste britannique Denis
Matthews, le caractère étrange du Capriccio ne peut s’expliquer par cette seule
analyse objective. Il est dramatique en dépit d’une grande parcimonie de moyens, plein
de vie et cependant fantomatique, avec des flambées de virtuosité retenues par une
intériorisation intellectuelle ou écartées et rejetées dans l’ombre – jusqu’à l’apogée
de la dernière page. [C’est] une pièce au caractère confidentiel malgré sa puissance.
Elle reflète, plutôt qu’elle n’étale, une manière virtuose, et ce faisant, elle corrobore
le rapport de auditu de Richard Specht sur le Brahms des dernières années : ‘Il jouait
tout le temps comme s’il était seul ; il oubliait totalement son public’.”9
Aucune pièce de l’opus 116 n’est peut-être plus radicalement représentative que le
doux Intermezzo en la mineur. Dans tout le recueil – en fait, dans tout l’œuvre de
Brahms – règne une métrique libre et fluide (voir l’Intermezzo op.118 n°6, par exemple,
qui donne à l’œil et à l’oreille l’impression d’une improvisation saisie à la volée) ; les
phrases s’étirent sur des longueurs non conventionnelles et les barres de mesure,
outils de convenance pour l’organisation de la musique, sont souvent malmenées.
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8 Edward T. Cone, Music: A View from Delft, University of Chicago Press, p. 21.
9 Denis Matthews, Brahms Piano Music, University of Washington Press, p. 60.
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La pièce commence par des phrases franches : deux phrases de quatre mesures
chacune (mais remarquez que la mesure 9, puis la mesure 18, sont des Rückblicke en
miniature). Après un début posé – peut-être justement à cause de lui – Brahms donne
libre cours à une imagination débridée dans le passage médian, avec des phrases de
longueurs diverses. Tout aussi étonnant : l’Intermezzo (quatrième pièce de l’opus 116)
– œuvre poignante et mélancolique dont l’harmonie balance délicatement, presque
avec fragilité, entre Mi majeur et do dièse mineur.
Des flashes schumanniens parcourent l’opus 116 : dans les syncopes de la basse du
Capriccio en ré mineur ; dans le souffle mélodique du Capriccio en sol mineur ; dans
la foulée rythmique caractéristique de l’Intermezzo en mi mineur. Grisant mélange –
mais gardons en mémoire la remarque suivante à propos de l’Intermezzo en la mineur
et appliquons-la à l’ensemble de cet attachant recueil : “L’auditeur se promène à
l’aveugle en terrain inconnu et étrange mais il est guidé avec bienveillance par un
habitant de ces contrées.”10
Les Pièces pour piano de l’opus 119 – trois intermezzi et, en pendant, une rhapsodie
pour conclure – sont moins opaques. Composées en 1892, parallèlement aux six
Pièces pour piano de l’opus 118, il s’agit des dernières œuvres de Brahms pour piano
seul. C’est une musique d’une grande économie de moyens. L’Intermezzo d’ouverture,
par exemple, est bâti sur une succession d’accords de onzièmes, la résolution d’une
dissonance faisant apparaître la suivante. Le deuxième Intermezzo tire son matériau
mélodique d’un motif de six notes, et le troisième est basé sur un noyau de quatre
notes. Mais ce sont les sentiments exprimés qui nous parlent : la mélancolie du premier
Intermezzo ; l’introspection du deuxième ; la gaieté, quoique teintée de tristesse, du
troisième. La Rhapsodie qui conclut le recueil est aussi extravertie que le premier
Intermezzo est introverti. Foisonnante de bonne humeur et sans honte de l’être, elle
laisse à penser que les avertissements pressants des pièces antérieures – en fait,
de toutes les dernières œuvres pour piano – avaient été traités correctement, ou
n’avaient jamais existé.
Ces pièces semblent connues et familières mais posent de formidables défis. Lorsque
Brahms écrivit à Clara Schumann à propos du premier Intermezzo de l’opus 119, il
admit qu’il “grouillait de dissonances” et en suggéra l’interprétation : “La petite pièce
est extrêmement mélancolique, et l’indication langsam spielen, jouer lentement, ne
suffit pas. Chaque mesure, chaque note doit sonner comme un ritardando, comme si
on voulait en extraire la substantifique mélancolie, en retirant plaisir et délectation des
dissonances mentionnées plus haut.”11
Charles Rosen commente ainsi la maladresse calculée avec laquelle Brahms présente
un arpège (entendu en premier, dans une itération plus simple, mesure 19 et suivantes)
dans la Rhapsodie qui conclut l’opus 119 : “Cette préférence pour le gauche et le
maladroit passe du jeu à l’écoute… C’est moins pratique pour l’oreille comme pour la
main, mais plus excitant.”12
Rosen suggère également que Brahms “était peut-être le seul compositeur conscient
du fait que faire revivre une tradition du passé était une entreprise non seulement
difficile mais qui ne pouvait pas avoir l’air facile… [il] aimait la tradition de la musique
instrumentale pure mais savait qu’elle ne pouvait pas être répétée purement et
simplement. En la continuant, il partait sur les traces de Beethoven et employait
délibérément des matériaux compositionnels que les maîtres d’autrefois auraient
ignorés en les trouvant trop simples pour une expression complexe. C’était en fait le
contraste entre la simplicité du matériau de base et la richesse du développement qui
donnait aux œuvres de Beethoven leur puissance extraordinaire… Brahms choisissait
un matériau que même Beethoven aurait trouvé peu prometteur : des relations simples,
un peu ingrates, gauches, résistantes au développement. Il savait que la maladresse
pouvait devenir extrêmement expressive et savait comment l’exploiter.”13
Ce jugement est sans doute incomplet mais il nous aide toujours à comprendre
l’alchimie brahmsienne.
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George Gelles
Traduction : Geneviève Bégou
���The Compleat Brahms, ed. Leon Botstein, W.W. Norton, p. 188.
11 Performing Brahms, p. 197.
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Charles Rosen, Critical Entertainments, Harvard University Press, p. 169.
13 Ibid., p. 177.
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