Cours d’Algèbre I Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 3 03 décembre 2012 Corrigé 10 Exercice 1. (1) Donner la définition de l’ordre d’un groupe fini. Donner quelques exemples. (2) Donner la définition de l’ordre d’un élément d’un groupe fini. Donner quelques exemples. (3) Quelles propriétés peut on donner concernant le rapport entre l’ordre d’un groupe et l’ordre d’un élément ? (4) Même question lorsque le groupe est cyclique. Solution. (1) L’ordre d’un groupe G est son cardinal #G. Voici quelques exemples de groupes d’ordre fini que nous avons étudiés : (dans cette liste, n et p désignent comme d’habitude respectivement un entier strictement positif et un nombre premier) • Z/nZ d’ordre n • µn d’ordre n • (Z/nZ)∗ d’ordre ϕ(n) • Sn d’ordre n! n−1 Y • GLn (Z/pZ) d’ordre (pn − pi ). i=0 (2) L’ordre d’un élément g d’un groupe G est l’ordre du sous-groupe de G engendré par g, i.e. l’ordre de hgi. De façon équivalente, il s’agit du plus petit entier strictement positif m tel que g m = 1G . • Dans G := Z/12Z l’élément g = [4]12 est d’ordre 3. 2πi • Dans G := µ3 l’élément g = e 3 est d’ordre 3. • Dans G := (Z/5Z)∗ l’élément g = [4]5 est d’ordre 2. • Dans G := S5 l’élément g = (1 23 4 5)est d’ordre 5. 1 1 • Dans GL2 (Z/2Z) l’élément g = est d’ordre 3. 1 0 (3) D’après le théorème de Lagrange l’ordre de g divise l’ordre de G. En particulier, l’ordre d’un élément d’un groupe est toujours plus petit que l’ordre du groupe. 2 (4) Un groupe G est dit cyclique s’il existe g ∈ G tel que G = hgi. De façon équivalente G est cyclique s’il existe un homomorphisme surjectif φ : Z → G. Voici quelques exemples de groupes cycliques que nous avons étudiés : • Z/nZ d’ordre n • µn d’ordre n • Z d’ordre infini. Exercice 2. (1) Donner à isomorphisme près la liste des groupes abéliens d’ordre 300 (vous éviterez de faire figurer deux groupes isomorphes dans cette liste). (2) Montrer que tout groupe abélien d’ordre 105 est cyclique. Solution. (1) • • • • Z/2 × Z/2Z × Z/3Z × Z/5 × Z/5Z ∼ = Z/10 × Z/30Z, ∼ Z/4Z × Z/3Z × Z/5 × Z/5Z = Z/5 × Z/60Z, Z/2 × Z/2Z × Z/3Z × Z/25Z ∼ = Z/2 × Z/150Z, ∼ Z/4 × Z/3Z × Z/25 = Z/300Z. (2) Soit G un groupe abélien d’ordre 105 = 3 · 5 · 7. Solution 1 : D’après le théorème de structure des groupes abéliens finis on a G ∼ = Z/3Z×Z/5Z×Z/7Z. Pour tout couple d’entiers strictement positifs (m, n) on a Z/nZ × Z/nZ ∼ = Z/mnZ si et seulement si gcd(m, n) = 1. En particulier, Z/3Z × Z/5Z × Z/7Z ∼ = Z/15Z × Z/7Z ∼ = Z/105Z donc G∼ Z/105Z. = Solution 2 : D’après un corollaire du théorème de structure des groupes abéliens finis il existe un entier strictement positif n et des entiers m1 , ..., mn , avec m1 > 1, tels que G ∼ = Z/m1 Z × ... × Z/mn Z et mi | mi+1 . Comme m1 · ... · mn = 105 et m1 divise tous les mi on a mn1 | 105. Comme 105 est sans facteur carré on en déduit que n = 1, i.e. que G est cyclique. Remarque : Remarquez que les deux arguments ci-dessus montrent que si G est un groupe abélien dont l’ordre est sans facteur carré, alors G est cyclique. Exercice 3. 3 Soient G un groupe, et H et K deux sous-groupes normaux de G. On note p := [G : H] et q := [G : K]. On suppose que Pgcd(p, q) = 1. Montrer que G = HK. Solution. Comme G = HK si et seulement si [G : HK] = 1, on va se contenter de calculer [G : HK]. D’après le troisième théorème d’isomorphisme et d’après le théorème de Lagrange, on a [G : H] = [G : HK][HK : H] et [G : K] = [G : HK][HK : K]. En particulier, [G : HK] divise à la fois [G : H] et [G : K]. Comme [G : H] et [G : K] sont premiers entre eux, on en déduit que [G : HK] = 1. Exercice 4. (?) (1) Montrer que le groupe des isométries du tétraèdre régulier est isomorphe à S4 . (2) Soit G le groupe des isométries d’un cube de centre O. Soit s ∈ G la symétrie centrale de centre O. Montrer que G/hsi est isomorphe à S4 . Indication : Un cube a 8 sommets, mais seulement 4 diagonales (i.e. 4 droites passant par le centre du cube et un des sommets du cube). Solution. • Soit Sym(T ) le groupe des isométries d’un tétraèdre régulier T . Sans perte de généralité, on peut supposer que l’isobarycentre de T est l’origine dans R3 . Tout d’abord remarquons que ϕ ∈ Sym(T ) laisse l’isobarycentre de T invariant, et que, comme cet isobarycentre est 0, l’isométrie ϕ ∈ Sym(T ) est une transformation linéaire de R3 . Soit V (T ) := {e1 , e2 , e3 , e4 } l’ensemble des sommets de T . Comme tout élément ϕ ∈ Sym(T ) envoie un sommet sur une sommet, V (T ) est invariant sous ϕ, c’est-à-dire que ϕ induit une permutation de V (T ) qui peut être pensée comme une permutation de {1, 2, 3, 4}. De manière plus explicite, si ϕ(ei ) = ej alors on a associé à ϕ une permutation Γ(ϕ) de {1, 2, 3, 4} qui envoie i sur j. En termes plus formels on a définit un homomorphisme de groupe Γ : Sym(T ) → S4 . Affirmation : Γ est un isomorphisme. Injectivité. Soit ϕ ∈ ker(Γ). Par définition de Γ on a Γ(ϕ)(i) = i pour tout i = 1, 2, 3, 4, i.e. ϕ laisse ei invariant pour tout 1 ≤ i ≤ 4. Comme trois vecteurs distincts appartenant à V (T ) engendrent toujours R3 , la seule transformation linéaire qui laisse invariant chaque sommet est l’identité. Ainsi ker(Γ) est trivial et donc Γ est injective. 4 Surjectivité. On peut répondre à cette question de plusieurs manières. Par exemple, on peut construire explicitement 24 éléments de Sym(T ) et comme Γ est injective on en déduit que Γ(Sym(T )) est un sous-groupe de S4 d’ordre 24, ce qui montre la surjectivité puisque #S4 = 24. Voici une méthode moins calculatoire : si on montre que (1, 2) and (2, 3, 4) sont dans l’image de Γ, alors l’exercice 3 du Test 1 implique que l’image de Γ est S4 . On définit maintenant deux isométries ϕ et ψ telles que Γ(ϕ) = (1 2) et Γ(ψ) = (2 3 4). On note Π le seul plan passant par l’origine et orthogonal à l’arête de T contenant e1 et e2 . Soit ϕ : R3 → R3 la réflexion par rapport au plan Π. Alors ϕ permute e1 et e2 mais laisse invariants les deux autres sommets. Par conséquent, Γ(ϕ) = (1 2). Soit L la droite passant par e1 et orthogonale à la face de T contenant {e2 , e3 , e4 }. Soit ψ : R3 → R3 une rotation d’angle 2π/3 et d’axe L. Alors ψ laisse e1 invariant et permute les trois autres sommets comme un 3-cycle. Ainsi Γ(ψ) est soit (2 3 4) soit (2 4 3) (on ne peut pas préciser laquelle de ces deux permutations est la bonne : cela dépend de notre choix pour la numérotation des sommets de T ). Quitte à remplacer ψ par ψ −1 , on constate que (2 3 4) ∈ Im(Γ) • Soit Sym(C) le groupe des isométries du cube C. Comme dans le cas de T on peut supposer que le centre de C est l’origine de R3 . En particulier, comme expliqué dans le cas de T , tout ϕ ∈ Sym(C) est une transformation linéaire de R3 . Remarquons aussi que la symétrie centrale s de centre l’origine est simplement la multiplication par −1, c’est-à-dire −I3 en termes de transformations linéaires. Le cube a huit sommets que nous notons de la manière suivante : tout d’abord, on note par e1 , e2 , e3 et e4 les quatre sommets appartenant à la face supérieure du cube en choisissant ei adjacent à ei−1 . Comme le cube est centré en l’origine les quatre sommets restants sont les points antipodaux des sommets de la face supérieure. En suivant la même orientation que pour la face supérieure, il s’agit des points −e3 , −e4 , −e1 , −e2 . Soit D(C) := {`1 , `3 , `3 , `4 } les quatre diagonales du cube qui peuvent être paramétrisées explicitement sous la forme `i := {tei : −1 ≤ t ≤ 1} (le segment qui relie les sommets −ei and ei ). Comme tout ϕ ∈ C envoie un sommet sur un sommet, et comme par définition une isométrie respecte les distances, toute isométrie du cube envoie une diagonale sur une diagonale. Par conséquent tout élément ϕ ∈ Sym(C) induit une permutation de D(C), c’est-à-dire, comme dans le cas de V (T ), une permutation de {1, 2, 3, 4}. Pour résumer, on a un homomorphisme de groupe Ψ : Sym(C) → S4 defini par la condition Ψ(ϕ)(i) = j si et seulement si ϕ(`i ) = `j . 5 Affirmation 1 : Ψ est surjective. Comme dans le problème précédent, il suffit de montrer que (1 2) and (2 3 4) sont dans l’image de Ψ. Comme (1 2)(2 3 4) = (1 2 3 4) il suffit de montrer que (2 3 4) et (1 2 3; 4) sont dans l’image de Ψ. Soit φz (respectivement φy ) la rotation d’axe l’axe des z (respectivement l’axe des y) et d’angle −π/2 (angle à comprendre en prenant l’orientation correspondant au sens des aiguilles d’une montre). Alors clairement φz , φy ∈ Sym(C), Ψ(φz ) = (1 2 3 4) et Ψ(φy ) = (1 3 4 2). Soit Π le plan contenant les diagonales `2 et `4 , et soit ϕ : R3 → R3 la reflexion par rapport à Π. Alors ϕ permute `1 et `3 et fixe les deux autres diagonales, d’où Ψ(ϕ) = (1 3). Comme (1 3)(1 3 4 2) = (2 3 4) on a (2 3 4) ∈ Im(Ψ) et donc Ψ est surjective. Affirmation 2 : ker(Ψ) = h−I3 i. Soit ϕ ∈ ker(Ψ). Comme ϕ envoie un sommet sur un sommet, et laisse les diagonales invariantes on doit avoir ϕ(ei ) = i ei avec i = ±1. Comme tout sous-ensemble de {e1 , e2 , e3 , e4 } de cardinal 3 est linéairement indépendant il existe des nombres réels a1 , a2 , a3 tous différents de 0 tels que e4 = a1 e1 + a2 e2 + a3 e3 . Si on applique ϕ à cette équation et qu’on la multiplie par 4 on obtient e4 = a1 4 1 e1 + a2 4 2 e2 + a3 4 3 e3 . Comme {e1 , e2 , e2 } est une base de R3 on a ai = ai 4 i pour tout i = 1, 2, 3, c’est-à-dire 4 i = 1 car tous les ai sont non nuls. Par conséquent, on a 1 = 2 = 3 = 4 . En particulier ϕ(ei ) = 1 ei pour tout i, et comme les ei engendrent R3 on a ϕ(v) = 1 v pour tout v ∈ R3 . Ainsi, si 1 = 1 alors ϕ = I3 , et si 1 = −1 alors ϕ = −I3 . en d’autres termes, on a ϕ ∈ h−I3 i. Comme −I3 ∈ ker(Ψ) notre seconde affirmation est prouvée. On déduit du premier théorème d’isomorphisme et des affirmations 1 et 2 que Sym(C)/h−I3 i ∼ = S4 .