1
Les voix muettes de l’opéra
Journée de Musicothérapie du 6 novembre 2009
Claire Gillie
PROLOGUE
« Comme les girafes sont muettes, la chanson reste enfermée dans leur tête. C'est en
regardant très attentivement les girafes dans les yeux qu’on peut voir si elles chantent faux ou
si elles chantent vrai ». ( Jacques Prévert : L’opéra des Girafes)
Introduction
Du charivari d’un cheval, évoqué en ces termes par Freud dans le récit qu’il fait du cas
du Petit Hans, au silence hiératique des loups du rêve qui rendit célèbre L’homme-aux-loups
1
,
des bruits Chanteclerc du petit homme-coq Arpad de Ferenczi, à la girafe muette évoquée par
Lacan, tout un bestiaire sonore émaille les textes psychanalytiques. Pas un récit de cas, sans
qu’un trait sonore vienne donner à la mise en scène du roman familial l’image d’un chaos
sonore à l’aube de la parole. Un cri bestial ou un silence en dirait ainsi long d’une « langue
autre » qui serait celle du sujet en passe de devenir « parlêtre ». La scène clinique, elle aussi,
est un Opéra triste en plusieurs tableaux
2
, il arrive que des patients souffrant d’aphonie ou
de mutisme viennent tout de même tenter de faire émerger un Dire en ce lieu de parole qu’est
le dispositif analytique.
Dans la leçon du 27 février 1957 où Lacan poursuit son travail sur La Relation d’Objet
et Les Structures Freudiennes
3
, il relie la question du phallus à celle de la mère inassouvie, et
fait un détour par une relecture du Petit Hans. C’est alors qu’il précise : « cette mère
inassouvie […] elle est et comme tous les êtres inassouvis […] cherchant ce qu'elle va
dévorer. […] Le trou béant de la tête de Méduse est une figure dévorante que l'enfant
rencontre comme issue possible dans cette recherche de la satisfaction de la mère. […] Nous
pouvons retrouver ceci à regarder les craintes propres du petit Hans. […] A ce détour […]
vous verrez mieux les réalisations de la phobie et de la perversion […] comment va se profiler
la fonction de l'idéal du moi, vous interpréterez mieux […] la façon dont il faut identifier ce
que le petit Hans appelle la grande girafe et la petite girafe. Comme Monsieur Prévert l'a dit,
les grandes girafes sont muettes, les petites girafes sont rares. Dans le petit Hans c'est fort mal
interprété, on approche tout de même de ce dont il s'agit, et ceci est assez clair, du seul fait
que le petit Hans s'assoit dessus, malgré les cris de la grande girafe qui est incontestablement
sa mère » ». Lacan fait allusion à L’opéra des girafes de Jacques Prévert dont nous citions
un extrait en prologue.
Résumons : l’enfant – selon Lacan – serait là ainsi confronté à une mère-girafe ;
qu’elle soit vociférante ou muette, sa bouche s’ouvre fantasmatiquement sur un trou béant qui
risquerait de l’engloutir. A bien y regarder, cette mère-girafe pourrait être une figure
métaphorique de la Diva : « qu’est-ce qu’elle cherche à attraper la dame avec sa bouche »
disait cette enfant de 6 ans découvrant pour la première fois une retransmission télévisée d’un
1
S
.
FREUD
,
Cinq psychanalyses, rééd. 1966, Paris : PUF, 1905.
2
Sous-titre de l’Opéra des Girafes de Jacques Prévert.
3
J
.
LACAN
, Séminaire IV, La Relation d’Objet et Les Structures Freudiennes, Paris 1956-1957.
2
opéra. « Moi » aurait pu répondre le Petit Hans qui ne s’y est pas trompé, puisqu’il deviendra
le premier metteur en scène des divas sur les scènes d’opéra.
L’opéra n’est pas que le lieu des envolées lyriques ; on y croise aussi des personnages
muets, témoins muets présents tout le long de l’intrigue, et qui mettent en alerte l’auditeur
suspendu à leur bouche fermée sur du vide. Nous avons choisi d’interroger ici ce destin d’une
voix qui, incarnée par ce personnage muet mais cependant présent, manque à l’appel de
l’auditeur, à la lumière d’un savoir autre que musicologique, inspiré de l’anthropologie
psychanalytique et de la psychanalyse. Nous rappellerons que l’anthropologie
psychanalytique permet de croiser plusieurs champs conceptuels (sociologie, ethnologie,
histoire, médecine, psychanalyse, etc.) afin de conjuguer plusieurs approches d’un symptôme
ou un fait social pris dans les logiques du corps et de la culture, et d’en interroger le revers
inconscient. Cette conjonction permet d’interroger « la voix muette » en son effet révélatoire
d’un conflit qu’il convient alors de soumettre aux entendements freudien et lacanien, afin de
pouvoir discuter son insistance sur la scène lyrique. Il s’agit donc ici de saisir cette sorte de
« choix » du « rôle muet » comme une interrogation sur ce qui pourrait fédérer cette
articulation entre jouissance lyrique et jouissance de l’auditeur, comme mise en scène d’une
« jouissance autre » dont chacun d’entre nous porterait en lui la mise en scène secrète. Même
si seule la clinique du cas, se mettant à l’écoute d’un sujet à la croisée entre sa singularité
structurelle et son appartenance à un groupe référencé socialement et culturellement, peut
rendre lisible l’hypothèse de l’inconscient.
Mais il nous faut bien préciser ici que, convoquer la psychanalyse sur le terrain de la
voix muette, c’est, à la suite de Lacan et des travaux de Michel Poizat, délester la voix de sa
« matérialité phonématique sonore », pour l’interroger en tant qu’objet perdu.
Cela peut se décliner à travers un certain nombre de questions :
- Si la voix est autre chose qu’une parure de la parole, « autre chose » qu’un costume
d’emprunt du discours ou qu’un habit de lumière du chant lyrique, quelle est cette « chose »
qui « travaille au corps » la voix ?
- Taire la voix, l’exhiber comme amputée de sa dimension sonore sur la scène de
l’opéra, c’est faire entendre quelle défaillance de la jouissance, ou au contraire quel trop-plein
de jouissance, c’est provoquer quel qui-vive qui puisse mettre à mort le flux de la voix ?
- De quel manque et de quelle béance la voix perdue, magnifiée par le rôle muet,
signe-t-elle la place ? De quel « manque-à-être » la voix tue au cœur même de l’opéra se fait-
elle le chantre ?
Il s’agit donc ici de verser une nouvelle pièce au dossier de la « pulsion invocante »
élaborée par Lacan - en se demandant si « le mutisme » lorsqu’il est incarné par un rôle muet
à l’opéra, ne serait pas une présentification la plus totale de ce que la psychanalyse appelle
l’objet-voix, l’objet a. Nous pourrions alors postuler que le silence de la voix muette, silence
cependant « in-vocant » l’autre (l’auditeur) serait une incarnation de la pulsion invocante.
Des Voix muettes ne sont pas des rôles muets
Lorsque nous parlons de « voix muettes », il ne s’agit pas d’évoquer les rôles muets,
mais nous faisons allusion à des rôles volontairement conçus par le compositeur comme
rôles non chantés, car mêlés à l’action dramatique d’une façon telle que le silence ajoute
quelque chose à la saveur de l’intrigue. Il existe cependant des rôles muets. Parmi ceux-ci,
citons Manon Lescaut, drame lyrique en quatre actes, le troisième opéra de Puccini. Ecrit sur
3
un livret retraçant L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l’abbé Prévost
(histoire sur laquelle Jules Massenet et Daniel Auber composèrent également un opéra), il fut
son premier grand succès. Composé entre 1889 et 1892, il fut créé en 1893 à Turin. Dans cet
opéra, le rôle du coiffeur est un rôle muet et mimé. Giacomo Puccini insère également un rôle
muet dans son Madama Butterfly, opéra en trois actes représenté pour la première fois à La
Scala de Milan ; il est dévolu au fils de Pinkerton et de Butterfly. Dans Lohengrin, sixième
opéra de Richard Wagner composé de 1845 à 1848 et créé en 1850, Le duc Godefroi, frère
d'Elsa de Brabant est aussi un rôle muet. Citons encore Don Carlos, grand opéra à la française
en cinq actes de Giuseppe Verdi, dans lequel La comtesse d'Aremberg est également un rôle
muet.
Bien avant ceux-ci, du temps où des compositeurs tels que Beethoven commençaient à
introduire le silence comme valeur dramatique, un opéra se donne même pour nom celui du
mutisme. Il s’agit de La Muette de Portici, opéra de Daniel-François-Esprit Auber, sur un
livret de Scribe et Delavigne, créé en 1828 à l'Opéra de Paris. Grand succès de l’époque tant à
Paris qu’à Berlin, cet opéra est aujourd'hui pratiquement tombé dans l'oubli : seule son
ouverture a encore droit de cité au cours de certains concerts. Dans cet opéra Fenella, rôle-
titre de la Muette est - paradoxalement pour un opéra - tenu par une danseuse. Toute muette
qu’elle soit, elle réussit cependant à accuser Alphonse - fils du vice-roi espagnol qui doit
épouser Elvire de l’avoir, elle (Fenella), kidnappée et séduite. Cette dénonciation provoque
la colère de son frère Masaniello (le pêcheur de Portici) qui va susciter avec ses amis un
soulèvement contre l'occupation espagnole. Après beaucoup d’intrigues et de revirements
dans l’histoire (qui passe du pardon d’Elvire, à l’exil d’Alphonse et Elvire dans une maison de
pécheurs, la trahison du protecteur Pietro, l’accusation de traîtrise envers Masaniello, jusqu’à
son assassinat) Fenella la Muette, finira par se suicider dans le Vésuve en éruption.
Schönberg, quant à lui introduit des rôles muets dans Die glückliche Hand, œuvre
innovante de 1910 pour grand orchestre et chœur, il met en scène trois personnages :
l'Homme, baryton, la Femme et le Monsieur, rôles muets. Lors de la conférence de Breslau,
Schönberg s’explique sur sa recherche à susciter des effets psychiques « certains effets
artistiques et, si l'on peut s'exprimer ainsi, psychiques […]sans nier leur matérialité, on
savait, indépendamment d'elle, les lier pour atteindre des formes et des figures après les avoir
mesurés selon les critères du temps, de la hauteur, de la largeur, de la force, et de beaucoup
d'autres dimensions […]
4
». Refusant qu’on qualifie son art d’expressionisme, il le reconnaît,
lui, comme « art de la représentation des mouvements intérieurs ».
Mais quels sont les effets psychiques attendus des voix muettes de l’opéra ?
Des effets psychiques d’une voix pulsionnelle
Postuler l’existence de ces effets psychiques ne peut se faire sans envisager la voix
dans sa dimension pulsionnelle, à savoir non pas dans sa dimension sonore et acoustique,
mais dans sa position structurelle. L. Clerget dans La Pulsion et ses tours, en propose la
définition suivante (condensant, selon nous, ce que dit Michel Poizat) : « La voix est ainsi la
part de réel du corps que le sujet consent à perdre pour parler […] et fait dire à Lacan
5
que la
4
Hans Heinz S
TUCKENSCHMIDT
, Arnold Schoenberg, Fayard, 1993, page 205.
5
J
.
LACAN
,
Des noms-du-père, éd. 2005, Paris : Seuil, le symbolique, l'imaginaire et le réel ») 1953 & (la seule leçon du
Séminaire des Noms-du-père) 1963.
4
‘voix est l'objet déchu de l'organe de la parole
6
». Si la voix tue provoque un black-out vocal
face à l’autre, au moment de rejoindre l’auditeur, elle émarge aussi à l’ordre du Symbolique.
Autrement dit, la voix qui fait symptôme chez l’auditeur en appelle à interroger un autre
corps, le « corps pulsionnel
7
» comme l’appelle Paul Laurent Assoun.
Freud en ouvrant la question de l’hypothèse de l’inconscient nous permet de penser
une « voix pulsionnelle » (affiliée au corps pulsionnel), qui peut entrer en conflit avec la
« voix organique » (sous tutelle de l’anatomie). Rappelons qu’« une pulsion est quelque chose
qui pousse à jouir de son objet, et le social […] participe au contraire de la résistance à
l’attraction de cet objet
8
». Freud repère et privilégie un certain nombre d’objets (oral, anal)
concernés par ce qu'il appelle les pulsions partielles : mais la voix n’y figure pas. C’est à
Lacan qu’il reviendra, dans les années 60, de démonter le concept freudien de la pulsion, en
lui affiliant le concept d'objet a, et en renforçant la dimension de « l’a-spécificité » de l'objet
déjà repérée par Freud. Il va compléter la liste des objets partiels freudiens par « le regard »
(surtout) et par « la voix », réservant « l'objet voix » à l’approche des voix hallucinées des
psychotiques. Dans Totem et Tabou
9
, Freud pose, comme instance de jouissance absolue, « le
père de la horde », édictant un interdit auquel lui-même ne se soumet pas. Puis il imagine le
meurtre, la suppression de cette instance ; cela va laisser des traces indélébiles chez les frères,
à l’origine d'une loi pacifiante organisant famille et société. Cette loi sera intériorisée en
chacun par identification puis incorporation de ce père, avec pour conséquence l’instauration
de la conscience morale et de la religion perpétuant ce père dont il ne « reste » que le Nom.
Dans toute cette construction freudienne, la voix n’est pas développée comme telle, et
pourtant, une place tout à fait prégnante lui est accordée avec la figure sonore du schofar.
Lacan dans son Séminaire sur l’Angoisse
10
, s’appuyant sur les avancées de Reik
11
, fera
du schofar un « reste » du père en sa version totémique, lui aussi incorporé. Il confère ainsi à
la voix pulsionnelle (prise dans l’altérité et traversée par « de l’Autre ») sa double
appartenance aux registres de l’oralité et de la vocalité. C’est ainsi que la voix se trouve
promue au statue de « reste » (de cette jouissance absolue), « objet-déchet », ou « feuilles
mortes » de cette voix objectalisée. Il la présente également comme « impératifs interrompus
du Surmoi » « dont la manifestation vocale peut finir, dans la pathologie, par être
véritablement obsédante
12
». Lacan souligne également sa dimension temporelle, qu’elle
présentifie dans le continuum sonore qui soutient l’articulation signifiante. Mais, il rajoute que
si la voix semble liée à la chaîne signifiante, il n’est pas évident qu’elle puisse être liée au
sujet émetteur qui l’énonce, puisqu’elle suppose, chez le psychotique, l’existence « d’un
autre » auquel il attribue « la voix liée au propre message du sujet qui le produit
13
». Par
ailleurs, Lacan nous montre, avec le stade du miroir
14
, qu’entre 6 et 18 mois, l’enfant sans
corps se constitue alors un corps
15
. Nous rajoutons qu’alors, il va « se constituer » un langage
au moyen de sa voix pour passer « du vocal au vocable
16
». Dans sa rencontre avec l’image
spéculaire, il se détache du « petit autre », précurseur de « l’objet a ». On voit donc combien
la voix et la parole sont dans un rapport ambigu, puisque, comme le souligne Michel Poizat,
« la voix est dans le même temps le support du signifiant, elle fonde donc à ce titre la coupure
6
J
.,
CLERGET
,
La pulsion et ses tours. La voix, le sein, les fèces, le regard, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, 2000, p.27.
7
P
.-
L
.
ASSOUN
,
Corps et Symptôme, Leçons de psychanalyse, 2° édition, Paris : Anthropos, Economica, 2004.
8
M
.
POIZAT
,
Vox populi, vox Dei, (Voix et pouvoir) Métailié, Paris, 2001, p. 285.
9
S
.
FREUD
,
Totem et tabou, trad. de Totem und Tabu, reed. 1965, Paris : Payot, 1913.
10
J
.
LACAN
,
Le Séminaire Livre X, L’angoisse, 1963, Paris : Le Seuil, 2004.
11
TH
.
REIK
, Rituel. Psychanalyse des rites religieux, Paris : Denoël, 1975.
12
M
.
POIZAT
,
La voix du diable, Métailié, Paris, 1991, p. 193-195.
13
M
.
POIZAT
,
,
Variations sur la voix, Paris : Anthropos, Economica, 1986, p.204.
14
Dans une autre acception que celle développée par Alain Delbe.
15
Cf. Françoise Dolto, avec sa dialectique « Image Inconsciente du Corps » vs « Schéma Corporel ».
16
Cette thèse constitue notre travail de recherche actuel.
5
d'avec la jouissance, mais elle est aussi trace de cette jouissance première à jamais perdue
17
».
Plus tard Lacan parlera plus « du manque de l'objet que d'objet perdu […] Ce mot de perdu est
en effet ambigu puisqu'il renvoie à l'idée que cet objet fut un temps acquis puis perdu. Il
renvoie aussi à l'idée qu'il pourrait être éventuellement retrouvé
18
».
Eclipse de voix ou « tmèse » ?
L’objet de notre propre recherche
19
explore cette éclipse de voix qu’elle se fasse
aphonie, dysphonie, ou mutisme - en son revers inconscient. Taire la voix serait un acte de
coupure dans le déroulé du discours, ou dans le déroulé lyrique. Cette coupure du continuum
sonore, provoque une sorte de suspension mortifère, donnant corps à un autre silence, un
silence qui « hurle à la mort » selon Michel Poizat qui le distingue du silence qui fonde la
scansion signifiante du langage (sorte de ponctuation silencieuse de la parole, et que l’on
retrouve, selon nous, algébrisée et mesurée, dans la musique). Cette « coupure » du flux
vocalique, nous lui donnons, quant à nous, la figure rhétorique de la « tmèse ». Rappelons
qu’une tmèse est une figure microstructurale de rhétorique qui se range dans la famille des
tropes. Elle consiste en la séparation des deux éléments d’un mot composé (ou d’une
locution), par une suite qui s’y intercale, coupant l’unité signifiante de la chaîne qu’ainsi elle
rompt ; il s’agit souvent de la coupure d’un mot-outil
20
. La
tmèse
se démarque des autres
figures tropiques en ce sens qu’elle interfère à l’intérieur même des groupes fonctionnels.
Formuler l’hypothèse que les voix muettes de l’opéra « feraient tmèse » dans l’opéra, -
au même titre que l’aphonie ferait tmèse dans la chaîne des signifiants - c’est leur donner une
place signifiante sous forme d’une « irruption de silence » qui viendrait briser le flux de la
musique, et qui monopoliserait l’écoute de l’autre, au détriment de la logique de la production
sonore. Cette voix mutique ouvrirait une brèche dans le discours de la parole chanté et dans le
phrasé lyrique, une forme de lacune et serait donc là l’équivalent sonore du scotome scopique.
Avant de nous intéresser de plus près aux voix muettes dans les opéras, rappelons qu’il
existe des productions culturelles emblématiques d’un jeu à quitte ou double avec le hors-voix
et le sans-voix, donnant à entendre, au cœur même du musical ce que la psychanalyse
avance comme position structurelle de la voix : « une voix possédée par le silence de l’autre».
Le geste vocal, resté enclavé dans les méandres du corps, est un appel muet à l’autre, comme
le met en scène le tableau Le Cri de Munch troué par cette béance d’une bouche ouverte sur le
« rien ». L'autre que nous sommes, auditeur muet, tente de combler le manque de cette voix
sertie par les contours des lèvres.
17
M
.
POIZAT
,
Variations sur la voix, Paris : Anthropos, Economica, 1986, p.15. propos de La leçon de musique de Pascal
Quignard : « voix perdue et objet perdue » p.17à 21).
18
M
.
POIZAT
, Variations sur la voix, Paris : Anthropos, Economica, 1986, p.18.
19
C
.
GILLIE
, « La voix au risque de la perte. De l’aphonie à « l’a phonie » : l’enseignant à corps perdu ». Thèse, soutenue en
décembre 2006, et non encore publiée. Commencée sous la direction intense et chaleureuse de Michel Poizat, durant les deux
années qui ont précédé son décès, elle s’est poursuivie sous la direction de Markos Zafiropoulos (CNRS Paris, Laboratoire
Psychanalyse et Pratiques Sociales). Elle s’est également nourrie des cours, séminaires et rencontres avec Paul-Laurent
Assoun, responsable du Master « Clinique du Corps et Anthropologie Psychanalytique », inséré dans l’Equipe Doctorale de
Paris 7 : Recherches en Psychanalyse.
20
Cf. l’exemple : « ils mangèrent donc les pommes, bien vieilles, de terre » donnée in
MOLINIE
,
G
.,
Dictionnaire de
rhétorique, Le livre de poche, Paris, 1992. Précisons : « vieille » est un adjectif qualificatif qui, à ce titre, en français, peut
s’accoler de deux façons à l’expression « pommes de terre ». Soit pour faire « vieilles pommes de terre », soit pour donner
« pommes de terre vieille ». Couper l’expression initiale par vieilles en faisant : « pommes (bien) vieilles de terre » n’a aucun
sens. « Bien vielles » est alors une tmèse.
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