Aspects transculturels du trouble stress post-traumatique chez l’enfant et l’adolescent
Journal International De Victimologie 13(1)
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1 Institut de Psychotraumatologie et de Médiation (IPM-International), Grand’Rue 1A, 2000, Neuchâtel, Suisse
2 Université Toulouse III, Toulouse, France
3 Laboratoire de Psychologie, Université de Lomé, INSE, Lomé, Togo
4 Clinique Trauma et Psychiatrie Transculturelle, Département de psychiatrie, Université d’Ottawa, Canada
5 Clinique pour Adolescents et Jeunes Adultes Résilients (CAJAR), Programme de santé mentale, Hôpital Montfort,
Université d’Ottawa, Canada
6 CHU de Toulouse, Inserm UMR 1027
7 Institut de recherche en santé Montfort (IRSM), Ottawa, Canada
8 Massachusetts General Hospital & Harvard Medical School, Boston, USA
Résumé
Le trouble stress post-traumatique (TSPT) qui fait partie des troubles liés à des traumatismes ou à des facteurs
de stress selon le DSM-5, se retrouve aussi bien chez l’enfant, l’adolescent que l’adulte et a fait l’objet de
nombreuses études. Le TSPT présente certaines spécificités cliniques chez l’enfant et l’adolescent et en
fonction du contexte culturel. L’aspect transculturel du TSPT chez l’enfant et l’adolescent a été très peu étudié.
L’objectif de cette revue de la littérature est de faire ressortir l’existence d’un noyau syndromique transculturel et
de relever certaines spécificités liées aux aspects culturels de ce trouble en Afrique Subsaharienne. A partir de
la revue de la littérature et de nos expériences cliniques, le syndromique « reviviscence, évitement, hyperactivité
neurovégétative et dissociation» se retrouverait dans toutes les cultures. En Afrique Subsaharienne et en
situation interculturelle, le milieu de vie et la nature des situations traumatogènes entraînent des spécificités
symptomatiques telles que la somatisation, les jeux violents rappelant des scènes de guerre, des phobies
spécifiques des personnes en treillis, la dissociation. La prise en compte de ces spécificités par les
professionnels de santé permettrait aux enfants, aux adolescents et à leurs familles de bénéficier d’un suivi
thérapeutique approprié dans un contexte transculturel.
Mots-clés : TSPT, enfant, adolescent, culture, Afrique Subsaharienne.
Transcultural aspects of posttraumatic stress disorder in children and adolescents
Abstract
Posttraumatic stress disorder (PTSD), an anxiety disorder that is found in children, in adolescents and in adults,
has been the subject of several studies. PTSD has clinical specificities in children and adolescents and is subject
to the cultural context. The cross-cultural aspect of PTSD in children and in adolescents has scarcely been
studied. The aim of this study is to discuss the existence of transcultural syndromic core and to identify some
specificities related to the cultural aspect of PTSD in sub-Saharan Africa. According to the literature and our
clinical experiences, the syndromic group marked with re-experiencing symptoms, avoidance symptoms,
hyperarousal, and dissociation would be present in all cultures. In sub-Saharan Africa and in cross-cultural
environment, the living environment and the nature of traumatogenic situations lead to symptomatic
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
Année 13, Numéro 1 - 2016
Aspects transculturels du trouble stress post-traumatique chez
l’enfant et l’adolescent
Kossi B. Kounou 1,2,3*, Issack Biyong1,4,5 , Ayoko A. Dogbe Foli2,3 , Jean-Philippe
Raynaud2,6 , Raymond Tempier4,7 , Laurent Schmitt2, & Eric Bui2,8
[Suisse, France, Togo, Canada, États-Unis d'Amérique]
Le rôle du psychologue médico-légal évaluateur en pratique médico-judiciaire
Journal International De Victimologie 13(1)
characteristics such as somatization, violent games reminiscent of war scenes, specific phobias of lattice people,
dissociation. When taking into account these specificities, health professionals could give appropriate
therapeutic monitoring to children, adolescents and their families in a cross-cultural context.
Key-Words: PTSD, child, adolescent, culture, sub-Saharan Africa.
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT), caractérisé par les quatre groupes symptomatiques
« reviviscence, évitement, hyperactivité neurovégétative et dissociation », se retrouve aussi bien chez l’enfant et
l’adolescent que chez l’adulte. Si ce trouble peut se retrouver à toutes les étapes de la vie, il présente quelques
spécificités chez l’enfant. Le TSPT de l’enfant peut se retrouver dans tous les contextes socioculturels, avec la
présence d’un noyau syndromique unique qui correspond aux quatre symptômes susmentionnés. En fonction de
la culture et de la nature des événements à l’origine de ce trouble, il existe quelques variations symptomatiques
telles que la fréquence élevée des symptômes somatiques en Afrique (Baubet, 2006) et en Asie (Hinton et al.,
2013). Après un aperçu sur les particularités du TSPT chez l’enfant et l’adolescent, nous aborderons les aspects
transculturels de ce trouble, en les illustrant à partir de quelques spécificités rencontrées en Afrique
Subsaharienne.
1. Particularités de l’ESPT chez l’enfant et l’adolescent
L’influence du TSPT chez l’enfant a déjà été mentionnée après la seconde guerre mondiale. Vila et
Mouren-Simeoni (1999) considèrent qu’après un événement donné, deux tiers des enfants exposés peuvent
présenter un TSPT dans les mois qui suivent. La plupart des études sur le TSPT ont été réalisées suite à des
désastres naturels, des guerres, des violences criminelles, des incendies, des abus sexuels et des accidents
(McNally, 1993). Le taux du TSPT chez l’enfant pendant la guerre est élevé et varie selon les études de 27%
(Saigh, 1991) à 33% (Arroyo et Eth, 1985). Le TSPT a été également observé chez les enfants suite à un abus
sexuel. Le TSPT de l’enfant suite à une agression sexuelle est retrouvé de façon variable : de 0% (Livingston,
1987 ; Sirles, Smith et Kusama, 1989) à 48% (McLeer, Deblinger, Atkins, Foa et Ralphe, 1988), voire 90% (Kiser
et al., 1988). Ces variations peuvent s’expliquer par le type d’outils utilisés pour l’évaluation du TSPT. Le TSPT
a également été observé chez l’enfant suite aux traumatismes physiques tels que les accidents de voiture, dont
la prévalence est estimée à 23% (Aaron, Zaglul et Emery, 1999). Bui et al. (2010) ont trouvé une prévalence de
4,9% de TSPT complet parmi les enfants victimes d’accident de la voie publique. Comme pour les adultes
(Birmes et al., 2003), les réactions péri-traumatiques seraient fortement corrélées à l’apparition d’un état de
stress aigu et d’un syndrome psychotraumatique chronique chez les enfants (Bui et al. 2010).
Des études ont montré des particularités de la symptomatologie du TSPT chez les enfants et les adolescents
(Bui et al., 2014). Pour Terr (1991), un certain nombre de spécificités sémiologiques et développementales
colorent la présentation du TSPT du jeune patient. Le syndrome de répétition reste central et quasi
pathognomonique. Les enfants présentent des jeux répétitifs, des « remises en actes », dont est absente la
dimension de plaisir, à la différence du jeu proprement dit, évoquant certains aspects de l’événement
traumatique qu’ils n’ont pas conscience de rejouer ainsi. Après les reviviscences, les comportements de
répétition (remise en acte, jeux, dessins compulsifs post-traumatiques), le changement d’attitude vis-à-vis des
gens, de la vie et de l’avenir, les peurs spécifiques liées au traumatisme constituent la quatrième caractéristique
principale des psychotraumatismes de l’enfant. Green et al. (1991) observent que l’émoussement de la réactivité
générale avec anesthésie affective, réduction des intérêts et sentiment de détachement, classique chez l’adulte,
est rare chez l’enfant à la suite d’un traumatisme unique et ce d’autant qu’il est jeune. Dans sa classification des
troubles mentaux, l’Organisation Mondiale de la Santé (1993) considère que chez l’enfant, les phénomènes
régressifs nurésie, « parler bébé », succion du pouce) sont fréquents après un traumatisme. Pour Vila (2006),
chez les adolescents on observe des troubles du comportement alimentaire, des passages à l’acte suicidaire,
des automutilations, des conduites d’hypersexualité et de prédélinquance, des abus d’alcool et de substances
toxiques. Les impulsions auto-agressives pourraient s’interpréter comme des tentatives pour échapper à des
états pénibles de vide, de détachement et d’émoussement. Différents facteurs peuvent être à l’origine de
modifications de l’expression clinique du TSPT chez l’enfant et l’adolescent : l’âge de l’enfant, le contexte
culturel et social et la nature de l’expérience traumatique.
Aspects transculturels du trouble stress post-traumatique chez l’enfant et l’adolescent
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1.1. Spécificités du TSPT chez l’enfant liées à l’âge
Les études antérieures sur le TSPT ont distingué une symptomatologie propre aux enfants d’âge
préscolaire (0 à 5 ans), aux enfants d’âge scolaire (6 à 12 ans), aux adolescents et aux adultes (Berthiaume,
2007 ; Josse, 2011). Par exemple, les modifications dans les choix de jeux, les difficultés de concentration,
l’hypervigilance, la perte ou le changement dans les intérêts habituels seraient plus nets chez les jeunes enfants
(Taïeb et al., 2004). Selon l’âge des victimes avant la survenue des événements traumatiques, des différences
ont été observées (Berthiaume, 2007). Terr (1991) définit les traumatismes de l’enfance comme le sultat
mental d’un choc soudain, externe, ou d’une série de chocs, rendant le jeune temporairement impuissant et
brisant ses capacités ordinaires d’adaptation et de défense. Par exemple, en situation de guerre, chez les
réfugiés, les enfants de moins de 5 ans ne percevront pas la situation traumatique de la même façon que les
adultes (Kounou, 2013). Pour ces derniers, le vécu et la réaction face à l’événement traumatique sont ceux
classiquement décrits. Pour crire les éventuelles différences dans les traumatismes cus par des sujets en
cours de développement, nous nous appuierons sur les travaux de Berthiaume (2007), Scheeringa, Myers
Putman et Zeanah (2012) et Scheeringa, Zeanah et Cohen (2011). La variation des symptômes du TSPT chez
l’enfant et l’adolescent concerne les catégories de symptômes : A) l’exposition à un événement traumatique
ayant généré une réaction de peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur, B) les reviviscences de
l’événement traumatique, C) l’évitement et l’émoussement de la réalité générale, et D) l’activation du système
neurovégétatif (APA, 2000 ; Scheeringa et al., 2011). Une méta-analyse faite par Fletcher (2003) montre que
36% des jeunes ayant vécu un traumatisme ont développé un TSPT. Cette prévalence est de 39% chez les
enfants d’âge préscolaire, de 33% chez les enfants d’âge scolaire et de 27% chez les adolescents.
Le TSPT chez les enfants d’âge préscolaire (avant six ans)
Comparés aux enfants d’âge scolaire, les enfants d’âge préscolaire présenteraient moins de symptômes
de reviviscence et d’évitement (Gurwitch et al., 1998). L’évaluation de la présence de jeux traumatiques
spontanés, répétés de façon compulsive et monotone en vue de documenter les symptômes de reviviscence, a
été préconisée par des travaux antérieurs (Scheeringa, Peebles, Cook et Zeanah, 2001 ; Scheeringa et Zeanah,
2001). D’une façon générale, avant 3 ans, les enfants ont du mal à percevoir objectivement et clairement la
gravité d’un événement traumatique. Ils sont donc tributaires des actions des personnes qui les ont en charge
et s’occupent de leurs besoins physiques et psychologiques). Ainsi, lorsque ces personnes qui sont censées
s’occuper le mieux de l’enfant n’arrivent pas à le faire, quelle que soit la raison, cela peut avoir un
retentissement négatif sur le développement psychoaffectif harmonieux de l’enfant (Kounou, 2013). Josse
(2011) considère qu’en dessous de 3 ans, les enfants ne sont pas en mesure de percevoir la menace vitale ou
la gravité d’un événement, raison pour laquelle ils sont très sensibles au vécu subjectif de leur entourage et sont
fortement influencés par sa réaction aux événements adverses. Ce qui fonde leur souffrance, ce sont
principalement les douleurs physiques (maltraitances physiques et sexuelles, atteintes corporelles suite à un
accident, etc.), les séparations brutales (hospitalisation ou décès d’un parent, rapt parental, etc.) ainsi que
l’inaptitude psychique d’une figure d’attachement à répondre à leurs besoins (négligence grave, parents
alcooliques, toxicomanes, souffrant d’un syndrome psychotraumatique ou d’une psychose, endeuillés, etc.).
Compte-tenu de l’immaturité du très jeune enfant, celui-ci va développer différents troubles en réaction aux
situations potentiellement traumatiques, tant à la phase aiguë qu’à à long terme, A la phase aiguë, l’enfant peut
développer des troubles anxieux (pleurs, angoisse, agrippement aux figures d’attachement, etc.), des troubles
dépressifs (pleurs monotones et continus, manifestations de désespoir, apathie, retrait, dépression anaclitique
ou syndrome d’hospitalisme, etc.), des retards de développement, des comportements régressifs et des
difficultés d’apprentissage, des troubles du comportement (comportements auto-agressifs et hétéro-agressifs,
instabilité motrice, troubles du sommeil, troubles des conduites alimentaires, etc.), des troubles somatoformes
(réapparition de symptômes de maladies psychosomatiques préexistantes telles que l’asthme, les coliques, les
colites, l’eczéma, etc.).
Les troubles psychotraumatiques de la mère, comme ceux de l’enfant peuvent avoir un retentissement très
perturbateur sur les relations précoces entre la mère et l’enfant (Lachal, Ouss-Ryngaert et Moro, 2003). Le vécu
traumatique peut malmener les mécanismes de défenses de la mère et bouleverser ses qualités maternelles
(holding, pare-excitation, préoccupation maternelle primaire, capacités d’anticipation). Certains auteurs ont
décrit le concept du « TSPT relationnel » (Scheeringa et Zeanah, 2001), avec cooccurrence d’une
symptomatologie psychotraumatique chez l’enfant et l’adulte qui en prend soin. La symptomatologie de l’un
exacerbe celle du second, jusqu’à pérennisation des troubles chez les deux partenaires de l’interaction.
Kounou, K.B., et al.
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Avant six ans, on peut observer des symptômes pathognomoniques du traumatisme : mnésies intrusives,
évitements, hyperactivation neurovégétative. Des signes de dépression (tristesse, inhibition, perte d’intérêt,
sentiments de culpabilité), des troubles anxieux (crise d’angoisse, agitation désordonnée, surveillance inquiète
de l’environnement, attachement anxieux), des comportements agressifs tournés contre soi et contre autrui, des
troubles de sommeil, des désordres alimentaires et des troubles somatoformes sont également spécifiques aux
réactions face aux traumatismes des enfants de 3 à 6 ans. Le TSPT peut être confondu avec un retard mental.
Françoise Dolto (1985) parlait de pseudo-débiles ou de débiles affectifs privés d’amour et d’affection. Ces
déficiences cognitives avec retard du développement psychomoteur peuvent être à tort considérées comme des
handicaps mentaux. Les psychothérapies éclectiques qui intègrent les approches psychodynamiques,
systémiques et cognitives aboutissent à des rétablissements spectaculaires quand les enfants traumatisés
retrouvent des tuteurs de silience (familles d’accueil) qui les aident à se reconstruire progressivement et à
retrouver leur plein potentiel. Dans la communauté traditionnelle africaine, ces enfants orphelins sont accueillis
par une tante paternelle ou maternelle, ou par les grands-parents qui sont des substituts parentaux naturels en
cas de mort brusque des parents pendant les guerres ou lors des pandémies comme le VIH/SIDA en Afrique.
En Ouganda on a vu les grands-mères prendre en charge les villages d’orphelins. Ces orphelins ont pu, à l’aide
des personnes âgées qui les soutenaient, présenter un phénomène de résilience culturelle hors du commun
jusqu’à la reconstruction des villages alors qu’on croyait qu’ils allaient être enraillés de la carte de l’Afrique.
Le TSPT chez les enfants d’âge scolaire (6 à 12 ans)
Quelques signes spécifiques à cet âge ont été évoqués par de précédents travaux. Il s’agit par exemple
du fait que ces enfants avaient tendance à effectuer le récit de l’événement traumatique vécu de façon
excessive (Fletcher, 2003) et ils avaient l’impression que l’événement peut se produire de nouveau (APA, 2000).
Il arrive que certains enfants tentent de bouger sans cesser afin d’occuper leur esprit et d’esquiver le souvenir
(Berthiaume, 2007). Des symptômes très fréquents tels que les troubles de sommeil, l’irritabilité, les difficultés
de concentration, l’hypervigilance et les réactions de sursaut exagérées ont été mentionnés (Gurwitch, Sullivan
et Long, 1998). Pendant les premières années de l’école primaire, ces enfants peuvent aussi présenter en
Afrique davantage qu’ailleurs des tableaux de dissociation qu’il ne faut pas confondre avec le déficit d’attention.
Ils sont considérés comme les enfants dont l’esprit quitte le corps, et peuvent être considérés comme étant
constamment dans le voyage astral et taxés de sorcellerie. Ils peuvent présenter l’aspect de petit vieux, ce qui
vient confirmer aux yeux de la société qu’ils sont de vieilles âmes, plus proches du monde des ancêtres que des
vivants ou chez les plus déviants comme les enfants qui sont possédés par les esprits. Parfois l’écart entre leur
performance langagière et leur capacité à maitriser l’écriture confirme aux yeux de la communauté l’hypothèse
que ces enfants s’investissent davantage dans le monde de la nuit que dans celui du jour, dans le monde de
l’esprit plus que dans celui du matériel tangible. D’autres enfants africains traumatisés avant cette tranche d’âge
c’est–à-dire à la période préverbale vont plutôt présenter toutes sortes de somatisations bizarres, hystériformes
et même des crises épileptiques psychogènes. Il leur manque les mots pour exprimer les maux vécus avant
l’accès au langage articulé, le corps restant le seul médiateur pour traduire sous forme non verbale ce qu’ils ne
peuvent dire par manque de mots et d’expressions pour expliquer la douleur dont ils ont été victimes dans leur
corps. Le DSM-5 (2013) reconnaît maintenant qu’à cet âge préscolaire la séquelle mnésique du traumatisme
s’exprime sous un mode atypique de type dissociatif, ce qui rejoint les travaux de Françoise Dolto (1985).
Avec l’âge, la façon dont les enfants réagissent aux événements s’élargit. Ainsi, ils peuvent exprimer des idées
de vengeance et de culpabilité, montrer de l’irritabilité, de la colère, de l’agressivité et des comportements
provocateurs ainsi que des manifestations dépressives. Ces enfants peuvent présenter des difficultés
d’apprentissage et des troubles scolaires.
Le TSPT chez l’adolescent
Les signes cliniques du TSPT chez l’adolescent ressemblent en général aux réactions post-
traumatiques présentées par les adultes (Dyregrov et Yule, 2006). Cependant, les adolescents peuvent montrer
des spécificités avec des réactions extrêmes telles que devenir plus impulsifs ou consommer des substances de
façon abusive (Pelcovitz et Kaplan, 1996). Les adolescents peuvent également verbaliser de façon exagérée
des propos dichotomiques, des somatisations et blâmer autrui pour ce qui est arrivé (Deering, 2000). Les
symptômes somatiques sont souvent présents dans le TSPT chez l’adolescent. Les symptômes somatiques les
plus fréquemment retrouvés dans le TSPT chez l’adolescent sont les troubles du sommeil, la sensation de
fatigue ou la perte d’énergie et la douleur de l'estomac (Zhang et al., 2015). D’autres symptômes somatiques
tels que les douleurs au dos, les douleurs à la poitrine, les douleurs dans les bras, dans les jambes ou dans les
articulations, les vertiges, les constipations, la diarrhée, l’essoufflement sont également retrouvés. Dans cette
Aspects transculturels du trouble stress post-traumatique chez l’enfant et l’adolescent
Journal International De Victimologie 13(1)
étude effectuée sur un échantillon d’adolescents après le tremblement de terre survenue en 2013 dans la
province de Sichuan en Chine, Zhang et al. ont en outre relevé que les troubles du sommeil, les maux de tête, et
l'essoufflement étaient des facteurs prédictifs du TSPT six mois après le tremblement de terre. Selon Tian et al.
(2014), les symptômes du TSPT les plus fréquents chez l’adolescent sont les reviviscences, les difficultés de
concentration et l’état de peur permanent.
1.2. Autres spécificités du TSPT chez l’enfant et l’adolescent
Terr (1991) a distingué deux sortes de traumatismes de l’enfance qui peuvent avoir des répercussions
même à l’âge adulte. Il s’agit des traumatismes de type I et des traumatismes de type II. Le traumatisme de type
I est caractérisé par l’exposition à un événement traumatique unique, avec un début et une fin clairement
repérés. Il est induit par un agent stressant aigu, non abusif (agression, incendie, catastrophe, etc.).
Le traumatisme de type II est consécutif à la répétition du traumatisme, sa présence constante ou la menace de
se reproduire à tout moment durant une longue période (Terr, 1991). Il est induit par un agent stressant
chronique ou abusif. Les abus sexuels, la violence politique, les faits de guerre, les maltraitances intrafamiliales,
etc. sont quelques exemples de traumatismes de type II. Des manifestations comme l’émoussement affectif, la
dépression, les plaintes somatiques, peuvent être associés au traumatisme de type II.
Pour résumer, plusieurs situations peuvent entraîner des traumatismes chez l’enfant. Il s’agit d’événements
accidentels (accidents de la voie publique, accidents ferroviaires, incendies, etc.), de catastrophes naturelles
(séismes, inondations, tsunami, etc.), d’actes intentionnels : violences familiales ou domestiques (maltraitances),
de cambriolages, d’actes terroristes, de faits de guerre, etc.
L’expression du TSPT chez l’enfant peut avoir une coloration culturelle, et ce en fonction du contexte
socioculturel et de la nature de l’expérience. De pécédents travaux ont mis en exergue le rôle du contexte
socioculturel dans la compréhension des traumatismes, les symptômes en réaction à ces traumatismes et la
réponse et/ou le traitement adap (Connor et Butterfield, 2003) ; Hinton et Kirmayer, 2013). Ainsi, on peut
penser que les enfants victimes de guerres en Afrique ou ceux victimes des catastrophes naturelles (ouragan,
tsunami, etc.) en Asie présentent quelques symptômes de TPST différents de ceux d’enfants occidentaux qui
présenteraient un TSPT lié à d’autres problématiques.
2. Quelques aspects transculturels du TSPT chez l’enfant et l’adolescent
Selon l’approche transculturelle ou ethnopsychiatrique, un événement dans une culture donnée, sera
traumatique pour plusieurs raisons : l’événement est très rare et la culture n’avait pas « prévu » de mécanismes
de défense pour y faire face ; l’événement est trop intense et sévère ; les individus qui sont confrontés à
l’événement ne sont pas encore matures et sont fragiles ; les sujets refusent d’utiliser les défenses culturelles
préétablies pour faire face à l’événement potentiellement traumatique (Kounou, 2013). Lorsque survient alors le
traumatisme, les individus peuvent souffrir de toutes sortes de pathologies allant des somatisations aux troubles
psychotiques ou aux symptômes dépressifs avec caractéristiques psychotiques. Chidiac et Crocq (2011)
soutiennent que dans les pays en voie de développement, l’autocensure réprime l’expression de la
souffrance psychique mais la laisse volontiers s’épancher par la voie du corps, la plainte somatique est souvent
offerte comme expression physique du syndrome psychosomatique.
L’approche culturelle des traumatismes de l’enfance, développée en particulier par Baubet et al. (2006) soutient
l’existence de spécificités de certains symptômes en fonction de la variation du contexte socioculturel. Bien que
des tableaux cliniques correspondant aux critères diagnostiques de l’état de stress post-traumatique puissent
être retrouvés dans des aires géographiques et culturelles très diverses (De Girolamo et McFarlane, 1996), des
auteurs soutiennent l’existence de certains symptômes en fonction de la culture. Dans une optique de
psychiatrie comparée, les symptômes de reviviscence et d’hyper-activation neurovégétative (critères B et D du
DSM-IV) constitueraient des invariants culturels, tandis que les symptômes d’évitement et d’émoussement de la
réactivité générale (critère C du DSM-IV) seraient davantage dépendants du contexte culturel (Frey, 2001).
Dans une étude portant sur 80 patients réfugiés, victimes de torture, Frey retrouvait des douleurs lombaires
chez 58% des patients et des plaintes céphalalgiques dans 52% des cas. Baubet (2006) considère que les
somatisations peuvent remplacer les symptômes d’état de stress post-traumatique classiquement décrits, ou
bien coexister avec eux tout en étant le seul objet de plainte et de demande de soin, avec un risque important
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