Aspects transculturels du trouble stress post-traumatique chez l’enfant et l’adolescent
Journal International De Victimologie 13(1)
1.1. Spécificités du TSPT chez l’enfant liées à l’âge
Les études antérieures sur le TSPT ont distingué une symptomatologie propre aux enfants d’âge
préscolaire (0 à 5 ans), aux enfants d’âge scolaire (6 à 12 ans), aux adolescents et aux adultes (Berthiaume,
2007 ; Josse, 2011). Par exemple, les modifications dans les choix de jeux, les difficultés de concentration,
l’hypervigilance, la perte ou le changement dans les intérêts habituels seraient plus nets chez les jeunes enfants
(Taïeb et al., 2004). Selon l’âge des victimes avant la survenue des événements traumatiques, des différences
ont été observées (Berthiaume, 2007). Terr (1991) définit les traumatismes de l’enfance comme le résultat
mental d’un choc soudain, externe, ou d’une série de chocs, rendant le jeune temporairement impuissant et
brisant ses capacités ordinaires d’adaptation et de défense. Par exemple, en situation de guerre, chez les
réfugiés, les enfants de moins de 5 ans ne percevront pas la situation traumatique de la même façon que les
adultes (Kounou, 2013). Pour ces derniers, le vécu et la réaction face à l’événement traumatique sont ceux
classiquement décrits. Pour décrire les éventuelles différences dans les traumatismes vécus par des sujets en
cours de développement, nous nous appuierons sur les travaux de Berthiaume (2007), Scheeringa, Myers
Putman et Zeanah (2012) et Scheeringa, Zeanah et Cohen (2011). La variation des symptômes du TSPT chez
l’enfant et l’adolescent concerne les catégories de symptômes : A) l’exposition à un événement traumatique
ayant généré une réaction de peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur, B) les reviviscences de
l’événement traumatique, C) l’évitement et l’émoussement de la réalité générale, et D) l’activation du système
neurovégétatif (APA, 2000 ; Scheeringa et al., 2011). Une méta-analyse faite par Fletcher (2003) montre que
36% des jeunes ayant vécu un traumatisme ont développé un TSPT. Cette prévalence est de 39% chez les
enfants d’âge préscolaire, de 33% chez les enfants d’âge scolaire et de 27% chez les adolescents.
Le TSPT chez les enfants d’âge préscolaire (avant six ans)
Comparés aux enfants d’âge scolaire, les enfants d’âge préscolaire présenteraient moins de symptômes
de reviviscence et d’évitement (Gurwitch et al., 1998). L’évaluation de la présence de jeux traumatiques
spontanés, répétés de façon compulsive et monotone en vue de documenter les symptômes de reviviscence, a
été préconisée par des travaux antérieurs (Scheeringa, Peebles, Cook et Zeanah, 2001 ; Scheeringa et Zeanah,
2001). D’une façon générale, avant 3 ans, les enfants ont du mal à percevoir objectivement et clairement la
gravité d’un événement traumatique. Ils sont donc tributaires des réactions des personnes qui les ont en charge
et s’occupent de leurs besoins physiques et psychologiques). Ainsi, lorsque ces personnes qui sont censées
s’occuper le mieux de l’enfant n’arrivent pas à le faire, quelle que soit la raison, cela peut avoir un
retentissement négatif sur le développement psychoaffectif harmonieux de l’enfant (Kounou, 2013). Josse
(2011) considère qu’en dessous de 3 ans, les enfants ne sont pas en mesure de percevoir la menace vitale ou
la gravité d’un événement, raison pour laquelle ils sont très sensibles au vécu subjectif de leur entourage et sont
fortement influencés par sa réaction aux événements adverses. Ce qui fonde leur souffrance, ce sont
principalement les douleurs physiques (maltraitances physiques et sexuelles, atteintes corporelles suite à un
accident, etc.), les séparations brutales (hospitalisation ou décès d’un parent, rapt parental, etc.) ainsi que
l’inaptitude psychique d’une figure d’attachement à répondre à leurs besoins (négligence grave, parents
alcooliques, toxicomanes, souffrant d’un syndrome psychotraumatique ou d’une psychose, endeuillés, etc.).
Compte-tenu de l’immaturité du très jeune enfant, celui-ci va développer différents troubles en réaction aux
situations potentiellement traumatiques, tant à la phase aiguë qu’à à long terme, A la phase aiguë, l’enfant peut
développer des troubles anxieux (pleurs, angoisse, agrippement aux figures d’attachement, etc.), des troubles
dépressifs (pleurs monotones et continus, manifestations de désespoir, apathie, retrait, dépression anaclitique
ou syndrome d’hospitalisme, etc.), des retards de développement, des comportements régressifs et des
difficultés d’apprentissage, des troubles du comportement (comportements auto-agressifs et hétéro-agressifs,
instabilité motrice, troubles du sommeil, troubles des conduites alimentaires, etc.), des troubles somatoformes
(réapparition de symptômes de maladies psychosomatiques préexistantes telles que l’asthme, les coliques, les
colites, l’eczéma, etc.).
Les troubles psychotraumatiques de la mère, comme ceux de l’enfant peuvent avoir un retentissement très
perturbateur sur les relations précoces entre la mère et l’enfant (Lachal, Ouss-Ryngaert et Moro, 2003). Le vécu
traumatique peut malmener les mécanismes de défenses de la mère et bouleverser ses qualités maternelles
(holding, pare-excitation, préoccupation maternelle primaire, capacités d’anticipation…). Certains auteurs ont
décrit le concept du « TSPT relationnel » (Scheeringa et Zeanah, 2001), avec cooccurrence d’une
symptomatologie psychotraumatique chez l’enfant et l’adulte qui en prend soin. La symptomatologie de l’un
exacerbe celle du second, jusqu’à pérennisation des troubles chez les deux partenaires de l’interaction.