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32 Janvier-Février 2015 VOL 74 MCED www.mced.fr
solisme. Il semble en outre que les muta-
tions d’ARMC5 soient en fait à l’origine
d’un nouveau syndrome de néoplasie mul-
tiple associant HMBS et méningiome [9].
La sécrétion de cortisol étant physiolo-
giquement activée par la voie de l’AMP
cyclique/PKA, il semble logique de consi-
dérer que les mutations affectant des pro-
téines de cette voie de signalisation, telles
que les phosphodiestérases ou la sous-unité
alphaS des protéines G, soient directement
impliquées dans la genèse de l’hypercor-
tisolisme. En revanche, les relais molécu-
laires reliant les mutations du gène ARMC5
à l’hypersécrétion de cortisol sont totale-
ment inconnus. Malgré tout, dès les années
1990, il a été bien démontré que la produc-
tion de glucocorticoïde par les HMBS est
régulée par des récepteurs membranaires,
tels que les récepteurs du glucose-depen-
dent insulinotropic peptide (GIP) ou de la
LH, dénommés récepteurs illégitimes car
exprimés de façon anormale par les tissus
surrénaliens hyperplasiques [10-12]. Des
travaux ultérieurs ont ensuite montré que
certains récepteurs illégitimes ont pour
ligands des facteurs régulateurs libérés au
sein même du tissu surrénalien, agissant
de ce fait sur la sécrétion de cortisol par le
biais d’un mécanisme paracrine, tel que la
vasopressine ou les catécholamines qui
peuvent être produits par les cellules chro-
maffines médullosurrénaliennes [13-15].
Il a, en outre, été plus récemment montré
que les facteurs paracrines eux-mêmes peu-
vent être exprimés de façon excessive dans
les HMBS, l’ensemble de ces altérations
aboutissant à la formation de boucles de
régulation locales, présentes dans la surré-
nale normale mais dont l’activité est ren-
forcée dans les HMBS, laissant penser
qu’elles jouent un rôle important dans la
pathogénie du syndrome de Cushing asso-
cié à l’hyperplasie macronodulaire [14,15].
Le concept de récepteur illégitime s’est
donc trouvé progressivement élargi à la
notion de paracrinopathie surrénalienne.
Ce nouveau cadre physiopathologique a
été particulièrement bien illustré par les
exemples de la sérotonine et de l’ACTH
intrasurrénaliennes.
Des récepteurs illégitimes
à la paracrinopathie :
l’exemple de la sérotonine
Dans la glande surrénale normale, la séro-
tonine (5-hydroxytryptamine ; 5-HT) est
relarguée au voisinage immédiat des cel-
lules de la glomérulée par les mastocytes
péri-vasculaires localisés sous la capsule
de la glande [16]. Une fois libérée, la 5-HT
est capable d’activer la sécrétion d’aldos-
térone par le biais d’un récepteur sérotoni-
nergique de type 4 (5-HT4) couplé positi-
vement à la voie de l’AMPc/PKA [17]. En
revanche, la 5-HT n’exerce qu’un effet sti-
mulant très faible sur la sécrétion de corti-
sol in vitro [16]. Cette discordance est liée
à la distribution du récepteur 5-HT4au sein
du cortex surrénalien, le récepteur étant
préférentiellement localisé dans les cellules
de la zone glomérulée alors qu’il n’est que
très peu exprimé dans la zone fasciculée
[18]. En accord avec ces données obtenues
in vitro, les études cliniques ont montré que
l’administration d’agonistes 5-HT4à des
volontaires sains entraîne une augmentation
significative de l’aldostéronémie sans
modifier la cortisolémie [19].
Le rôle physiologique du contrôle séro-
toninergique de la production des corticos-
téroïdes n’est pas connu. En revanche, les
études physiopathologiques ont montré,
dans les tissus d’HMBS, la présence d’al-
térations de la boucle sérotoninergique qui
conduisent à renforcer son action stimu-
lante sur la sécrétion de cortisol. En pre-
mier lieu, alors que la production de 5-HT
est exclusivement l’apanage des mastocytes
dans la glande surrénale normale, des
approches immunohistochimiques ont
montré une synthèse anormale de l’indo-
lamine dans certaines cellules corticosur-
rénaliennes des hyperplasies [14]. En outre,
alors que les agonistes du récepteur 5-HT4
n’ont aucune influence in vivo sur les
concentrations circulantes de cortisol chez
les sujets normaux, l’administration de ces
molécules comme le métoclopramide ou
le cisapride, à des patients atteints d’HMBS
a été suivie d’une ascension significative
de la cortisolémie faisant suspecter une sen-
sibilité anormale du tissu surrénalien hyper-
plasique à l’action de la 5-HT [12, 14].
Cette hypothèse s’est trouvée confirmée
par des études in vitro montrant que la puis-
sance et/ou l’efficacité de la 5-HT à stimu-
ler la sécrétion de cortisol sont augmentées
dans les cellules d’hyperplasie macrono-
dulaires en culture par comparaison avec
les cellules cortico-surrénaliennes normales
[14]. Dans certaines lésions, la plus grande
sensibilité des cellules surrénaliennes à
l’action de la 5-HT peut être expliquée par
une surexpression du récepteur eutopique
5-HT4 [20]. Dans ces tissus, l’effet de la
sérotonine est en effet inhibé par les anta-
gonistes du récepteur 5-HT4comme le
GR113808 [21]. En outre, alors qu’il est
quasi-exclusivement observé dans la zone
sous capsulaire de la glande surrénale nor-
male, le récepteur 5-HT4apparait égale-
ment localisé dans le cortex profond des
HMBS, en particulier dans les nodules
d’hyperplasie [18]. Cependant, dans cer-
taines hyperplasies macronodulaires, l’effet
Sinus
pétreux
Veines surrénaliennes
droite et gauche
Patient 1 Patient 2
Bras
Droite
Gauche
Bras
Droite
Gauche
Sinus pétreux
50
40
30
20
10
0
Veine
brachiale
Figure 2. Mesure des concentrations plasmatiques
d’ACTH au cours du cathétérisme des veines surré-
naliennes et du cathétérisme des sinus pétreux infé-
rieurs chez deux patients atteints d’hyperplasie
macronodulaire bilatérale des surrénales. La concen-
tration d’ACTH dans les veines surrénaliennes
(patients 1 et 2) est nettement supérieure aux concen-
trations retrouvées en périphérie et dans les sinus
pétreux inférieurs (patient 2).
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