Leçon – La culture est-elle un rempart contre la barbarie ? – LA CULTURE
INTRODUCTION
« Les crimes de l'extrême civilisation sont certainement plus atroces que ceux de l'extrême
barbarie. » Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques (1874)
Problématique : La culture est-elle un rempart contre la barbarie ?
Pourquoi les sociétés les plus « civilisées » ont-elles été le théâtre de la pire des barbaries ? Une telle barbarie est-elle la
conséquence de la culture ? George STEINER, in Dans le château de Barbe-Bleue, notes pour une redéfinition de la culture,
pose cette question : « L’art, les préoccupations intellectuelles, les sciences de la nature, de nombreuses
formes d’érudition florissaient très près, dans le temps et dans l’espace, des lieux de massacre et
des camps de la mort. C’est la nature et la signification d’une telle proximité qu’il faut examiner.
Pour quelles raisons les traditions et les modèles de conduite humanistes ont-ils si mal endigué
la sauvagerie politique ? Ont-ils en réalité constitué un frein, ou bien est-il plus sage de
reconnaître dans la culture humaniste des appels pressants à l’autoritarisme et à la cruauté ? ».
En effet :
1) La culture est d’abord ce processus qui élève l’homme au-dessus de l’animalité, c’est-à-dire une existence immédiate et
naturelle, c’est-à-dire dominée par l’impulsion des désirs. La « barbarie » renvoie ainsi à l’animalité, c’est-à-dire à une
conduite comparable à l’instinct, impulsive, sans réflexion.
Etymologie : Du latin cultura, de colere, « habiter », « cultiver » et « vénérer » (d’où « culte »).
Ainsi, d’après son étymologie, le terme « culture » désigne la culture des champs. Mais « cultiver » une terre,
c’est en même temps en prendre soin, l’aménager harmonieusement, veiller sur elle, comme si on lui rendait un
« culte ».
Cicéron emploie pour la première fois l’expression « culture de l’âme » pour désigner le processus de formation
d’un individu : « Un champ, si fertile soit-il, ne peut être productif sans culture, et c’est
la même chose pour l’âme sans enseignement » observe-t-il dans les Tusculanes, II, 13. Se cultiver,
c’est prendre soin de son âme comme on prend soin de son champ.
1er sens de culture : Tout ce qui n’est pas de l’ordre du donné immédiat ou « naturel ».
Ainsi la culture désigne tout ce qui est produit par la main de l’homme, elle concerne tout ce qui est artificiel.
Il entre aussi dans la notion de culture l’idée d’un sujet conscient et agissant, qui crée un ordre qui fait sens. Les faits
culturels sont des faits symboliques (un symbole est un objet représentant autre chose), c’est-à-dire qui ont un sens.
Selon Ernst CASSIRER, l’homme est un « animal symbolique » : l’ensemble de la culture consiste à ce
« renversement de l’ordre naturel », par lequel l’homme « ne vit plus dans un univers
purement matériel, mais dans un univers symbolique. Le langage, le mythe, l’art, la
religion sont des éléments de cet univers. » Essai sur l’homme, 1975.
2ème sens de culture : Le processus par lequel l’esprit se forme, par l’éducation mais aussi par expérience, à l’autonomie
du jugement. En se cultivant, l’homme devient ainsi capable de maîtriser ses penchants « animaux ».
Ce sens est « dynamique ».
3ème sens de culture : Le résultat de ce processus (sens qui apparaît à l’époque moderne). Plus précisément, la culture
désigne les « humanités » (les arts, les lettres, l’histoire, la philosophie), par opposition à la science et la technique, savoirs
spécialisés. La culture renvoie au contraire. à un savoir généraliste (la « culture générale »). Dans l’idéal humaniste, qui prend
sa source dans l’Antiquité grecque, la culture ainsi comprise permettait à l’homme de s’améliorer moralement.
2) Mais la culture est toujours plurielle : les différences culturelles ont été souvent la cause de conflits entre les hommes. La
culture n’est-elle pas la source de la barbarie ? Faut-il espérer revenir à la nature ?
4ème sens de culture : Au sens sociologique, ethnologique ou anthropologique la culture désigne un ensemble de faits
sociaux, de caractéristiques propres à tel groupe. Le mot « culture » devient alors synonyme de « civilisation ». C’est le
« mode de vie d’une société » (Ralph LINTON) ou « ce tout complexe qui comprend la connaissance,
les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises
par l’homme en tant que membres de la société. » (TYLOR, La civilisation primitive).
Contrairement au 2ème sens, les sens 3 et 4 sont « statiques ».
A l’intérieur de la culture, apparaissent des contre-cultures (mouvement culturel contestataire) et des sous-cultures
(culture partagée par un groupe d’individus).
Le multiculturalisme : coexistence de plusieurs cultures dans un même pays.
3) Une culture génératrice de violence est-elle vraiment une culture ? N’y a-t-il pas une culture qui accomplisse l’humanité
de l’homme en le rendant plus moral ? Mais la culture peut-elle moraliser l’homme ? Ne s’agit-il pas de deux domaines
distincts ?
Distinctions conceptuelles :
Culture / civilisation : Notions très proches. Le concept de civilisation, apparu au XVIIIe siècle, entretient un rapport étroit
avec la notion de progrès. Le terme de « civilisation » renvoie ainsi à un idéal, contrairement à la culture.
Culture / barbarie : la barbarie est l’état de celui qui n’est pas civilisé