DES TERRIENS AU SERVICE DES TERRESTRES
Le grand mérite de Terres d’avenir est non seulement de mieux nous informer sur
les ravages de l’agriculture comme de l’élevage industriels, et sur les avantages de
l’agriculture biologique. Il est de nous montrer que ce problème nous ouvre d’autres
problèmes en chaîne.Celui des filières internationalisées de l’alimentation qui font
circuler les produits d’un continent à l’autre au prix de transports routiers et aériens
consommant une très grande quantité d’énergie et produisant une grande quantité
de CO2. Celui d’une économie planétarisée commandée par le seul profit où les
enrichissements produisent de nouveaux appauvrissements et de nouvelles
prolétarisations. Où les progressions techniques et économiques provoquent de
nouvelles régressions morales et psychiques. Où nous perdons en qualité ce que
nous gagnons en quantité. Où une partielle rationalité économique provoque une
irrationalité économique globale. Ainsi l’agneau de Nouvelle-Zélande acheminé par
avion est vendu à 7 euros le kilo dans les grandes surfaces soit la moitié du prix de
l’agneau élevé en France, mais transporté par avion sur plus de 18.000 kilomètres, il
émet des quantités de CO2 qui totalisent plus de cinquante fois son poids.
Cette irrationalité conduit à l’asphyxie de l’humanité : il nous faudrait trois planètes
Terre pour continuer notre mode de vie et plus encore pour que Chine Inde, Brésil
Afrique puissent atteindre nos niveaux de vie. La planète est en danger et il nous faut
concevoir que le vaisseau spatial Terre, propulsé par quatre moteurs déchaînés hors
de tout contrôle, science, technique, économie, profit, court à la catastrophe.
Notre développement a créé de non seulement de nouvelles fractures sociales, mais
la fracture nature-culture. Il y a une fracture de civilisation, dans le sens où celle-ci
provoque désormais plus de maux que de bienfaits et n’arrive pas à traiter nos
problèmes vitaux, il y a une fracture de civilisation, entre notre civilisation au faite de
sa puissance mais produisant sa propre mort, et une civilisation qui voudrait naître
et s’élabore de façon encore embryonnaire et dispersée.
Il faut comprendre ce qu’a dit Raphaël Correa, cet économiste devenu président en
Equateur « ce n’est pas une époque de changement, c’est un changement d’époque
que nous vivons.
Il nous faut une nouvelle façon de pensée qui saisisse les liens entre les problèmes
que nos experts et technocrates conçoivent toujours de façon compartimentée et
séparée, et qu’hallucinés par leurs modèles quantitatifs, ils ne perçoivent pas comme
problèmes de destin humain.Car, et c’est le mérite de Terre d’avenir de le montrer,
les problèmes de l’alimentation, de la production, de la circulation, de l’énergie, de la
croissance, du développement, de la planète sont inséparables. Il nous faut percevoir
les voies encore éparpillées, disséminées de salut, et comme le dit excellemment ce
livre reconnaître les cellules souches de la régénération. Il faut considérer les
expériences pilotes exemplaires en ville (comme le quartier Bedzeg de Londres) ainsi
que dans les campagnes. Il faut examiner avec attention les propositions tendant à
favoriser en même temps l’alimentation de proximité, les polyactivités rurales,
l’agriculture biologique combinant sagesses d’expérience et innovations créatrices,
les productions fermières, dans la perspective du développement d’éco-regions. Il