Peut-on parler d`un échec de la coordination des politiques

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Peut-on parler d’un échec de la coordination des politiques budgétaires en
Europe depuis 1979 ?
Accroches
- En 2002, le Président de la Commission européenne (himself !) affirme : « Le pacte de stabilité est
stupide, comme toutes les décisions qui sont rigides ».
- il voulait dénoncer le manque d’autorité nécessaire à une plus grande flexibilité du contrat
qui lie les pays de l’UE (problème institutionnel)
- mars 2012 : signature du TSCG : Traité sur la Stabilité la Coordination et la Gouvernance.
- Le rapport du Parlement européen sur le rôle et les activités de la Troïka (2014), laquelle a imposé
les plans d’austérité mis en place dans les pays ayant reçu des aides financières (crise de la dette)
Analyse du sujet, des termes
- définition de la politique budgétaire : politique macroéconomique reposant sur les décisions
relatives au niveau des dépenses et des recettes de l’Etat. Comme toute politique
macroéconomique, elle vise à agir sur les grandes variables macroéconomiques que sont le niveau du
PIB, le taux de chômage, le taux d’inflation ou le solde de la balance courante.
- remarque : si des actions sur la structure des dépenses ou des prélèvements peuvent faire
partie de la politique budgétaire, il est toutefois important de distinguer cette dernière des
politiques structurelles reposant sur des subventions, incitations fiscales, etc., visant des
marchés ou secteurs particuliers.
- un problème de définition : coordonner ?
- dans un sens très (trop) large : manière dont les différentes parties d’un ensemble de
combinent. ex : coordination par les prix (que cette coordination soit efficace ou non)
- l’adoption d’un sens + étroit repose sur le critère d’intentionnalité : on parlera alors de
coordination lorsque la combinaison des différentes parties de l’ensemble se fait de manière
intentionnelle (décision, choix) afin d’atteindre certains objectifs.
- sens trop étroit : seulement la coordination discrétionnaire, c'est-à-dire rejet d’une
coordination reposant sur des règles (régissant les modalités de la coordination et/ou les
politiques budgétaires devant être menées).
- ex de règles régissant les modalités de la coordination : le semestre européen
- ex de règles régissant les politiques budgétaires : limitation du déficit budgétaire
⇒ « coordination des politiques budgétaires » n’est pas synonyme de « contraintes pesant sur les
politiques budgétaires du fait de l’environnement international »
- la contrainte issue du PSC : c’est le sujet car le PSC décision collective (coordination
contrainte)
- la contrainte issue des mouvements de capitaux qui seraient occasionnés par certaines
politiques budgétaire : c’est plus discutable (renvoie à une acception de la coordination qui
apparaît trop large). Pour que ce soit indiscutablement dans le sujet, il faut affirmer que les
Européens ont, en fait, fait ce choix en signant l’Acte Unique.
- parler d’échec de la coordination suppose l’existence d’une intention (échec relatif à un
objectif fixé au départ)
- « échec de la coordination des politiques budgétaires » : çà veut dire quoi ?
1) Les pays n’ont pas cherché à se coordonner (absence plutôt qu’échec) ou n’ont pas trouvé
d’accord ?
2) Les pays n’ont pas mis en œuvre les politiques budgétaires décidées au sein des accords ?
 non respect des accords (passagers clandestins)
3) Les pays ont mis en œuvre les politiques budgétaires attendues (respect des accords) mais
celles-ci n’ont pas permis d’atteindre les objectifs visés.
⇒ question : quels objectifs ? Objectifs en matière de déficit, de dette ou objectifs de
toute politique macroéconomique (carré magique) ?
⇒l’échec des politiques budgétaires : cela fait partie du sujet mais cela ne doit être
confondu avec le sujet.
- coordination des politiques budgétaires ne doit être confondu avec coordination des politiques
macroéconomiques (policy mix)
Erreurs et maladresses
- politique budgétaire est une politique macroéconomique, ne pas la qualifier (brutalement) de
politique structurelle (même si ses objectifs peuvent se situer sur un horizon de moyen-long terme)
- il y a un budget européen mais on ne peut parler de politique budgétaire européenne (commune)
dans la mesure où celui n’évolue que très rarement. Il n’est que l’instrument de politiques
structurelles européennes.
- les chocs asymétriques : la politique budgétaire ne les évite pas, elle permet (éventuellement d’y
faire face)
Arguments
- I want my money back (Thatcher, Cameron) : peut-être en accroche
Problématiques
- allant dans le sens du oui : des évolutions institutionnelles favorisant une coordination de plus en
plus forte
- assouplissement des contraintes permettant de faire face aux difficultés conjoncturelles
- renforcement des contraintes garantissant la résorption des déséquilibres sur le long terme
(budget équilibré à moyen terme, résorption de la dette publique)
Proposition de plan
I. La coordination de politiques budgétaires tournées vers la lutte contre les déficits et dettes
publics apparaît comme une nécessité compte tenu des choix monétaires européens.
I.A. La dette publique risque de mener à une sortie du système de changes fixes (SME) et à
l’éclatement de la zone monétaire dans le cas d’une monnaie unique (UEM).
1. Un déficit public non compensé par une hausse de l’épargne domestique privée implique un
déficit de la balance courante. De tels déficits répétés amènent à la croissance de la dette
publique et de la dette externe. L’Italie au début des années 1990 ou la Grèce à la veille de la
crise des dettes souveraines constituent deux exemples.
2. Parallèlement, les taux d'intérêt (le coût de la dette) augmentent, d’autant plus, si les
capitaux sont mobiles internationalement, que les opérateurs anticipent une dépréciation du
taux de change (parité des taux d'intérêt). L’issue risque d’être une sortie du système de change
fixe (exemple de l’Italie en 1992) voire l’éclatement de la zone dans le cas de l’union monétaire
(cas de l’incertitude qu’a fait peser la crise grecque).
I.B. Un déficit public génère des tensions inflationnistes qui entrent en contradiction avec une
politique monétaire dont l’objectif unique est la stabilité des prix.
1. Le modèle offre globale – demande globale permet de mettre en évidence de tels effets
inflationnistes (lorsque les prix ne sont pas totalement rigides). Le cas où la désinflation est un
objectif commun (années 1980) doit être distingué d’une situation où des différentiels
d’inflation au sein de la zone obligent à mener une politique monétaire excessivement
restrictive pour les pays à inflation faible.
2. Le conflit avec l’objectif de la banque centrale atteint son paroxysme lorsque les difficultés de
financement de l’Etat sur les marchés de capitaux ne laissent comme solution qu’un
financement monétaire.
II. D’où la recherche d’une coordination contrainte par des règles mais dont l’efficacité s’est avérée
très limitée
II.A. Les critères de convergence et le Pacte de Stabilité et de Croissance ont été globalement peu
contraignants.
1. La coordination contrainte a été quasi absente jusqu’à la 2e phase du traité de Maastricht
(1992). Les critères de convergences, dont les critères de finances publiques, ont certes été une
condition d’accès à la zone euro. Mais ils ont fait l’objet d’interprétations souples (convergence
en tendance) et leur respect a bénéficié d’une conjoncture économique favorable.
2. Le PSC n’a pas été respecté, en particulier par l’Allemagne et la France (2002). Ces pays sont,
de plus, parvenus à échapper aux sanctions prévues par le pacte.
II.B. La crise des dettes souveraines conduit à renforcer les contraintes
1. La quasi-totalité des pays de l’Union européenne dépassent largement les seuils de 3% et de
60% pour les déficits et les dettes publics. Ils font l’objet de procédures pour déficit excessif
(PDE). Néanmoins, cet épisode est vu comme la confirmation de l’échec de la coordination des
politiques budgétaires en Europe.
2. La réponse apportée par les institutions européennes a consisté à renforcer le caractère
contraignant des règles budgétaires : PSC renforcé (sanctions plus automatiques et plus
lourdes…), « règle d’or ». Cette évolution peut être vue comme la solution aux problèmes de
crédibilité et d’incohérence temporelle issus de politiques macroéconomiques laissant un trop
grand pouvoir discrétionnaire aux gouvernements. Selon Jean-Pierre Patat, par exemple, le
dépassement des seuils dans le contexte de la crise de 2008 s’explique par les politiques
budgétaires laxistes menées au cours des années antérieures et « le PSC devrait demeurer un
instrument pertinent de coordination des politiques monétaire et budgétaire, pour peu que l’on
mette en place les dispositifs de suivi et de coercition permettant de mieux le faire respecter ».
On peut ajouter que la crise de la dette est aussi l’occasion d’une coordination discrétionnaire
organisée par la troïka pour les pays ayant reçu des aides financières (Grèce, Irlande, Portugal,
Espagne, Chypre).
III. L’échec de la coordination réside davantage dans l’absence de consensus sur les objectifs à
assigner aux politiques budgétaires que sur l’insuffisance de la discipline budgétaire permise par
les règles
III.A. Les déficits budgétaires sont des instruments utilisés par chaque Etat européen pour faire
face à des chocs asymétriques
1. Si la relance française de 1981-82 peut être vue comme l’échec marquant la fin du recours à
l’instrument budgétaire face aux récessions, plusieurs exemples remettent en cause cette
affirmation. Face aux récessions du début des années 1990 et du début des années 2000, la
France, par exemple, a choisi de mener des politiques budgétaires expansionnistes.
2. Alors que le PSC est qualifié de « stupide » par le Président de la Commission européenne
(Prodi) en 2002, la réforme du pacte en 2005 (assouplissement des conditions permettant
d’échapper à la PDE) n’offre pas de marges de manœuvres suffisantes aux pays souhaitant
mener des politiques de relance budgétaire. Or, l’instrument budgétaire est une solution pour
faire face aux chocs asymétriques dans une zone monétaire, mais le recours à cet instrument ne
peut se faire de manière coordonnée et efficace dans le cadre institutionnel existant.
III.B. La crise de 2008 montre qu’une relance budgétaire coordonnée est difficile à mettre en
œuvre dans le cadre de l’architecture institutionnelle européenne
1. Lorsqu’une récession majeure touche l'ensemble des pays d’une zone monétaire, et
s’accompagne notamment d’un phénomène de trappe à liquidité, le recours à la politique
budgétaire est justifié. De plus, la taille de la zone euro et l’importance des échanges intra-zone
limitent la contrainte externe (Artus (2012) évalue le multiplicateur budgétaire à 1.6 pour un
membre isolé de la zone euro et à 3 pour l’ensemble de l’UE à 15).
2. A défaut de politique budgétaire commune, la relance européenne de 2008-2009 a
essentiellement pris la forme d’une relance coordonnée. Or, la mise en œuvre d’une telle
relance, d’une part, entre nécessairement en contradiction avec la règle des 3% du PSC et,
d’autre part, se heurte aux difficultés de la coordination inhérentes à l’absence d’un cadre
institutionnel prévoyant la possibilité de ce type de politique (nécessité d’avancer vers un
fédéralisme budgétaire). On peut souligner ici (ou dans l’ouverture de la conclusion) que les
enjeux d’une telle vision de la coordination des politiques budgétaires (tournée vers des
objectifs de croissance et d’emploi) dépassent le seul l’aspect budgétaire : il pose aussi la
question de la coordination de la politique budgétaire et de la politique monétaire (risque de
conflits d’objectifs, c'est-à-dire de policy mix inadéquat).
Encadré : La politique budgétaire est-elle efficace en système de changes fixes ?
Le cas des politiques budgétaires en Europe (un gros bémol à l’efficacité des politiques budgétaires…)
- 3 problèmes soulevés par une relance budgétaire en économie ouverte sont :
- quel est l’ampleur du déficit de la BTC ?
- quelle va être la hausse du taux d'intérêt ?
- quelle est l’ampleur des effets inflationnistes ?
1) Les effets sur la BTC sont bien décrits :
- par le multiplicateur budgétaire en économie ouverte : il y a un déficit qui dépend de la
dépendance commerciale à l’égard de l’extérieur.
- par l’effet sur le taux de change.
2) Le problème + délicat concerne l’effet sur le taux d'intérêt, lié aux mouvements de capitaux
(rappel : le déficit de BTC implique nécessairement un excédent de BCX, c'est-à-dire une entrée de
capitaux synonyme d’accroissement de la dette externe).
- la relance budgétaire financée par emprunt pousse les taux d'intérêt à la hausse :
- en économie fermée aux capitaux, le déficit budgétaire est nécessairement financé
par l’épargne nationale ⇒ effet d’éviction
- en économie ouverte, une partie du déficit budgétaire va être financée par
l’épargne étrangère (entrée de capitaux)
- en économie ouverte, la question est : quelle hausse des taux intérêt l’économie
domestique va devoir supporter pour financer le déficit budgétaire ?
- cette question est essentielle pour 2 raisons : l’ampleur de l’effet d’éviction et la
charge de la dette
- la PTINC nous permet de comprendre que l’effet sur le taux d’intérêt va dépendre
des anticipations de taux de change
- un déficit budgétaire favorise une anticipation de dépréciation pour
plusieurs raisons :
- anticipations d’inflation (rappel effet Fisher : différentiel de taux
d'intérêt = différentiel d’inflation anticipé),
- croyance que les autorités monétaires vont dévaluer ou favoriser
une dépréciation pour résoudre le problème du déficit externe.
- plus le déficit budgétaire se traduit par une anticipation de dépréciation
importante, plus le taux d'intérêt sera élevé.
- aux anticipations de taux de change s’ajoutent les primes de risque : plus le déficit
budgétaire (augmentation de la dette) se traduit par une augmentation importante
du risque de défaut anticipé, plus le taux d'intérêt sera élevé.
- On peut alors dégager 3 moments significatifs dans l’histoire de l’Europe monétaire depuis
1979 :
1) une période qui va jusqu’à la crise du SME où la crédibilité du système de change
fixe suffisamment limitée pour que les anticipations de dépréciation suite à des
augmentations du déficit budgétaire soient importantes.
⇒ une politique budgétaire expansionniste implique une augmentation
importante des taux d'intérêt.
- plus les capitaux deviennent mobiles, plus les taux d'intérêt doivent être
élevés pour attirer les capitaux, en limiter la fuite.
2) une période qui va de l’entrée en vigueur de la monnaie unique jusqu’à la crise de
la dette : la convergence des taux d'intérêt traduit à la fois la crédibilité de l’Union
monétaire (les taux de change sont effectivement perçus comme irrévocablement
fixes) et la convergence des primes de risque (signe de la croyance en une solidarité
financière entre les membres de la zone euro).
3) la période de la crise de la dette : les déficits et dettes publics importants
s’accompagnent d’une envolée des taux d'intérêt pour les pays concernés.
- Conclusion : l’efficacité de la politique budgétaire en changes fixes n’est pas aussi certaine que ce
qu’affirme le modèle IS-LM-BP : une politique budgétaire expansionniste peut se traduire par une
forte augmentation des taux d'intérêt créant un effet d’éviction important et une augmentation de la
charge de la dette (qui peut être telle que la dette publique devienne insoutenable).
- remarque : cela signifie aussi, qu’à l’inverse, une politique budgétaire restrictive peut avoir
des effets néfastes limités sur l’activité économique si elle se traduit par une baisse des taux
d'intérêt
- remarque : le raisonnement précédent suppose que la BC est totalement passive (elle ne
cherche pas à orienter les taux d'intérêt)
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