
Le syndrome d’apnée du sommeil en cardiologie : épidémiologie, risques et circonstances de découverte
MISE AU POINT
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DOSSIER
AMC pratique n°238 mai 2015
nous savons aujourd’hui que l’impact de la
pression artérielle nocturne sur le pronostic
cardiovasculaire est au moins aussi important
que celui de la pression artérielle diurne.
Une augmentation de la pression artérielle
nocturne de 10 mm Hg, ou la perte de 5 %
de sa décroissance nocturne normale, est en
effet associée à une augmentation de 20 %
de la mortalité cardiovasculaire. De plus, le
profil nocturne de l’hypertension artérielle
liée au SAS peut conduire à une hyperten-
sion artérielle masquée, dans près de 30 %
des cas, aggravant encore le pronostic par
défaut de traitement adapté.
Il est important de préciser que l’activation
majeure du système sympathique existe
non seulement la nuit, mais persiste aussi
pendant les périodes d’éveil normoxiques.
Les mécanismes de cette activation sympa-
thique soutenue pourraient reposer sur une
sur-activation des chémorécepteurs aboutis-
sant à une augmentation du tonus sympa-
thique sur tout le nycthémère. Cela explique
le sur-risque d’hypertension artérielle non
seulement nocturne mais aussi diurne, ou
résistante, particulièrement fréquentes chez
les patients porteurs d’un SAS (obstructif).
Cela explique également les modifications
de variabilité cardiovasculaires observées en
cas de SAS : diminution de la variabilité de
la fréquence cardiaque, et augmentation
de la variabilité tensionnelle, toutes deux
facteurs de mauvais pronostic.
Les variations importantes et brutales de
pression artérielle, et de pression intra-
thoracique en cas de SAS obstructif, repré-
sentent une exceptionnelle post-charge
ventriculaire. Son impact hémodynamique
a déjà été comparé à l’injection répétée
de bolus de vasopresseurs, minutes après
minutes, pendant plusieurs années. Cette
post-charge cardiaque particulière au SAS
perdure mois après mois et pourrait favo-
rise l’apparition de troubles du rythme auri-
culaires paroxystiques ou permanents, le
remodelage auriculaire ou ventriculaire, la
dysfonction diastolique, ainsi que la dilata-
tion de l’aorte thoracique. Dans le contexte
spécifique de l’insuffisance cardiaque, cette
post-charge à laquelle le cœur défaillant est
plus sensible, provoque une réduction du
volume d’éjection.
Ischémie myocardique
L’apnée et l’hypoxémie provoquent une ina-
déquation entre besoins et apports myocar-
diques en oxygène qui peut provoquer, à la
phase aiguë, une ischémie myocardique et
déclencher de l’arythmie. A la phase chro-
nique, l’ischémie myocardique est mul-
tifactorielle, favorisée par les épisodes
récurrents d’hypoxémie, l’hypertension
artérielle, la vasoconstriction sympathique,
l’augmentation de la pression transmurale,
et à plus long terme l’inflammation systé-
mique et la dysfonction endothéliale qui
peuvent induire des lésions coronaires. Le
SAS a été rapporté comme facteur indépen-
dant d’ischémie myocardique et d’infarctus
dans plusieurs études. Ainsi, les patients por-
teurs de SAS obstructif ont un score calcique
plus élevé que les patients sans SAS, et ce
d’autant plus que le SAS est sévère. Il a éga-
lement été observé des épisodes nocturnes
d’angor et de sous-décalage du segment ST
chez près d’un tiers des patients souffrant de
SAS obstructif, régressant partiellement sous
CPAP. Le suivi à long terme de patients coro-
nariens a montré à 5 ans, un risque accru de
décès, infarctus du myocarde et AVC, aussi
bien chez les hommes que chez les femmes.
Par ailleurs, même si à ce jour nous ne savons
pas si le SAS est associée à un sur-risque de
mort subite, il semble au moins modifier son
heure de survenue traditionnelle (entre 6h
et 11h du matin) pour des horaires plus noc-
turnes (entre 22h et 6h du matin).
Insuffisance cardiaque
De façon chronique, l’hypoxémie, l’hyper-
tension artérielle, l’augmentation de la
post-charge cardiaque et l’ischémie myo-
cardique, favorisent le remodelage, la dila-
tation puis la dysfonction ventriculaire.
L’hypertension artérielle est le mécanisme
le plus direct par lequel le SAS (obstructif)
peut conduire à la dysfonction systolique
ventriculaire gauche, tandis que la désa-
turation nocturne est celui par lequel il
peut conduire à la dysfonction diastolique.
L’hypertrophie ventriculaire gauche, favo-
risée par l’activation sympathique, l’hyper-
tension artérielle diurne et nocturne, et par
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