Les distributions - Université Virtuelle de Tunis

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 Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Technologie Université Virtuelle de Tunis Distributions
Les distributions
Belhassen Dehman
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Distribution
CHAPITRE I
Les Distributions
On introduit dans ce chapitre la notion de distribution. On commence
par mettre en place l’espace des fonctions test, puis on définit les distributions comme formes linéaires continues sur cet espace. Ensuite, on définit
les distributions tempérées et on étudie les opérations élémentaires.Enfin,
on introduit les distributions à support compact. Un intérêt particulier est
accordé aux distributions définies par des fonctions localement intégrables.
1
L’idée de base
Limitons nous à une représentation de masse unidimentinelle; imaginons une
−−→
masse unité diversement répartie sur x0 ox, entre les points d’abscisses −h
et h, et avec une densité dh (x). La densité dh est une fonction qui a les
propriétés suivantes
1. ∀x ∈ R,
dh (x) ≥ 0
2. dh (x) = 0, si |x| > h
3. la masse totale vaut 1 :
R
R dh (x) dx
=1
Si l’on imagine maintenant que cette masse constante est comprimée au
point x = 0, c’est-à-dire si l’on fait tendre h vers 0, on obtient à la limite
ce qu’on appelle une masse unité à l’origine. On est dans la situation où un
corps physique, observé de loin, n’a pas de dimension et se présente comme
un point.
Mathématiquement, que se passe-t-il à la limite pour la densité dh ? Si
l’on admet qu’il existe une densité limite d(x), celle-ci devrait vérifier
1. ∀x ∈ R,
d(x) ≥ 0
1
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Distribution
2. d(x) = 0, si x 6= 0
3. la masse totale vaut 1 :
R
R d(x) dx
=1
On conçoit alors qu’en x = 0, la valeur d(0) soit infinie. Or, même avec
l’intégrale de Lebesgue1 , ces trois conditions sont incompatibles pour une
fonction. En effet, l’intégrale d’une fonction nulle presque partout doit être
nulle.
L’idée de base consiste à considérer une fonction f comme un opérateur
linéaire Tf , agissant par intégration, sur un espace adéquat de fonctions :
Z
f (x)φ(x) dx
(1)
Tf (φ) =
R
C’est une idée analogue à celle qui a consisté à identifier un nombre réel
a à l’application linéaire x 7→ ax et ainsi à passer de la notion de nombre
dérivé à celle de différentielle. Mais, l’intégrale (1) n’existe pas toujours et
on se doit d’imposer à φ des restrictions sévères. A l’origine de la théorie des
distributions est le choix d’un espace fonctionnel topologique appelé l’espace
des “fonctions test” et noté D(Rn ).
Notations.
On fixe d’abord les notations suivantes : si α = (α1 , α2 , . . . , αn ), αj ∈ N, est
un multi-entier, et si x = (x1 , x2 , . . . , xn ) est élément de Rn , on pose
xα = xα1 1 xα2 2 · · · xαnn
On pose aussi
|α| =
n
X
αj
et
Dα =
j=1
∂ α1 +···+αn
∂xα11 · · · ∂xαnn
On utilise parfois la notation ∂xαii à la place de ∂ αi /∂xαii , ainsi on peut écrire
Dα = ∂xα11 · · · ∂xαnn
Pour deux multi-entiers α et β, on écrit β ≤ α si, pour tout i, βi ≤ αi et on
pose alors α − β = (α1 − β1 , . . . , αn − βn ) et
Y
Y
n
n αi !
α!
αi
α
=
=
=
βi
β
βi !(αi − βi )!
β!(α − β)!
i=1
i=1
1
Henri LEBESGUE (1875-1941) a été l’auteur de nombreux travaux d’Analyse des
fonctions d’une variable réelle. Sa Théorie de l’Intégration reste aujourd’hui la référence
en ce domaine.
2
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Distribution
Enfin, on rappelle la formule de Leibniz : si f et g : Rn → C sont deux
fonctions de classe C m , alors pour |α| ≤ m,
X α
α
Dβ f.Dα−β g
D (f g) =
β
β≤α
Définition 1.1 On appelle espace D(Rn ) l’espace vectoriel des fonctions
indéfiniment différentiables sur Rn et à support borné.
Il n’est pas immédiat de trouver des fonctions dans D(Rn ), hormis la fonction
nulle. Les fonctions usuelles (fonctions polynômes, fraction rationnelles,
fonctions trigonométriques, etc.) n’appartiennent pas à D(Rn ), car elles ne
sont pas à support compact.
Exemple 1.2
Soit φ la fonction définie par
(
φ(x) =
1
e x2 −1 , si |x| < 1
0,
si |x| ≥ 1
On vérifie qu’elle appartient bien à D(R). Par des translations et des
homothéties sur les variables, on construit des fonctions test dont le support est un intervalle ]a, b[ quelconque. On peut en déduire une infinité de
fonctions test dont les supports sont deux à deux disjoints. On en déduit
que D(Rn ) est un espace de dimension infinie. En fait, on n’utilisera jamais
d’expression explicite pour une fonction test.
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Distribution
Définition 1.3 Une suite (φn ) de fonctions de D(Rn ) converge vers 0 si
1) Les supports des fonctions φn sont contenus dans un même ensemble
borné K indépendant de n
2) La suite (φn ) ainsi que toutes ses dérivées convergent uniformément
sur K vers 0.
Notons qu’il n’existe pas de distance, ni à fortiori de norme, sur D(Rn )
qui permette de définir cette notion de limite; celle-ci résulte pourtant bien
d’une topologie que nous n’explicitons pas ici.
Remarque 1.4
Si une suite (φn ) de fonctions de D(Rn ) converge vers une fonction φ de
D(Rn ), alors les dérivées de tout ordre α de φn , Dα φn , convergent dans
D(Rn ) vers Dα φ.
Proposition 1.5
L’espace D(Rn ) est dense dans Lp (Rn ), 1 ≤ p < ∞. L’injection de D(Rn )
dans Lp (Rn ) est continue.
Démonstration. On établit seulement la continuité de l’injection. Pour la
densité, le lecteur pourra se reférer à (cours d’analyse hilbertienne). Soit
(φn ) une suite de fonctions de D(Rn ). Supposons que (φn ) converge dans
D(Rn ) vers 0. Par définition, il existe un ensemble borné K qui contient le
support de toutes les fonctions φn .
Z
Z
p
|φn (x)| dx =
|φn (x)|p dx ≤ v(K)kφn kp∞
Rn
K
où v(K) désigne le volume de K. Comme (φn ) converge dans D(Rn ) vers
0, le second membre de l’inégalité ci-dessus tend vers 0 quand n tend vers
l’infini. Cela montre que la suite (φn ) converge vers 0 dans Lp (Rn ). 2
L’espace D0 (Rn ) des distributions
Définition 2.1 On appelle distribution T toute forme linéaire et continue
sur D(Rn ). On note hT, φi le nombre complexe que T fait correspondre à
φ ∈ D(Rn ).
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Distribution
La continuité veut dire que, si φn converge vers φ dans D(Rn ), alors hT, φn i
converge vers hT, φi. Compte tenu de la remarque précédente, on a aussi,
pour tout multi-entier α,
lim hT, Dα φn i = hT, Dα φi
n→∞
Définition 2.2 La somme de deux distributions T1 et T2 est la distribution
notée T1 + T2 définie par
hT1 + T2 , φi = hT1 , φi + hT2 , φi,
∀φ ∈ D(Rn )
Le produit d’une distribution T par un nombre complexe λ est la distribution
notée λT définie par
hλT, φi = λhT, φi.
3
Exemples
1) Les distributions régulières
Soit f une fonction localement intégrable sur Rn , c’est-à-dire intégrable sur
toute partie bornée de Rn . Elle définit une distribution notée Tf par
Z
hTf , φi =
f (x)φ(x) dx, ∀φ ∈ D(Rn )
Rn
En effet, l’intégrale est en réalité étendue à une partie bornée K qui contient
le support de φ; et puisque les fonctions continues à support compact sont
bornées, on a
Z
|hTf , φi| ≤ kφk∞
|f (x)| dx < ∞
K
De cette inégalité on déduit que la forme linéaire Tf , ainsi définie, est continue sur D(Rn ); elle est évidemment linéaire. C’est donc une distribution
appelée distribution régulière. En particulier, toute fonction continue, étant
localement intégrable, définit une distribution régulière.
Il est clair que si deux fonctions f et g sont localement intégrables et égales
presque partout, alors elles définissent la même distribution Tf = Tg . Inversement, si Tf = Tg alors f et g sont égales presque partout.
Remarque 3.1
Il arrive souvent que la distribution Tf soit simplement notée f , comme la
fonction qui la définit et on dit parfois, par abus de langage, que les fonctions
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Distribution
localement intégrables sont des distributions. On devra s’habituer à cette
simplification, mais éviter les confusions qu’elle peut entraı̂ner.
2) La distribution de Heaviside H :
Soit Y la fonction de Heaviside, appelée également fonction échelon unité,
définie pour x 6= 0 par
1, si x > 0
Y (x) =
0, si x < 0
Cette fonction est discontinue en x = 0 et est localement intégrable. La
distribution de Heaviside associée à la fonction Y , notée H, est
Z ∞
φ(x) dx
hH, φi =
0
Il existe des distributions, dites singulières, qui ne sont pas définies par des
fonctions. En voici l’exemple de base :
3) La distribution de Dirac2 δa :
Soit a un point de Rn . la distribution de Dirac au point a est définie par
hδa , φi = φ(a),
∀φ ∈ D(Rn )
La distribution de Dirac au point 0 est notée δ au lieu de δ0 .
On vérifie facilement que δa est une forme linéaire continue sur D(Rn ).
4
Les distributions tempérées
Nous prenons maintenant comme espace de fonctions test l’espace S(Rn )
des fonctions indéfiniment dérivables à décroissance rapide, c’est-à-dire telles
que, quels que soient les multi-entiers α et β,
sup |xα Dβ φ(x)| < ∞
x∈Rn
On définit une topologie sur cet espace en disant que la suite de fonctions
(φn ) de S(Rn ) converge vers 0 si, quels que soient α et β, la suite de fonctions
2
Le physicien anglais Paul Adrien Maurice Dirac est né à Bristol en 1902. En 1925,
ses travaux sur les lois fondamentales de la mécanique quantique ont permis un éclairage
profond sur la signification et les conséquences du travail de Werner Heisenberg sur la
mécanique matricielle. C’est en 1926 que Dirac introduisit en physique mathématique sa
célèbre “fonction” δ. En 1928, en combinant les principes de la relativité restreinte et
ceux de la théorie quantique, Dirac découvre l’équation relativiste de l’électron, équation
qui porte son nom et qui lui valut le prix Nobel en 1933. Il meurt en 1984 en Floride.
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Distribution
xα Dβ φn (x) converge vers 0, et cela uniformément sur Rn .
On vérifie facilement que S(Rn ) st inclus dans Lp (Rn ) pour tout p ≥ 1, et
que l’injection est continue. En effet, pour toute fonction φ de S(Rn ), on a
Z
iZ
h
1
p
m p
p
p
dx
|φ(x)| dx ≤ sup (1 + kxk ) |φ(x)|
kφkp =
m p
x
Rn (1 + kxk )
Rn
et on peut choisir m de façon que l’intégrale du second membre soit finie.
Proposition 4.1 L’espace D(Rn ) est dense dans S(Rn ) et l’injection est
continue : D(Rn ) ,→ S(Rn ).
Démonstration. En effet, fixons ϕ dans S(Rn ) et soit ψ ∈ D(Rn ) tel que
ψ(x) = 1 pour kxk ≤ 1 et ψ(x) = 0 pour kxk ≥ 2. Pour R > 0, posons
ψR (x) = ψ(x/R) et ϕR = ϕψR . Trivialement, ϕR = ϕ pour kxk ≤ R et
ϕR appartient à D(Rn ). De plus, en utilisant la formule de Leibniz pour
calculer Dβ (ϕ − ϕR ), on peut voir qu’il existe c > 0 telle que
c X
kxα Dβ (ϕ − ϕR )kL∞ ≤ sup |xα Dβ ϕ| +
sup |xα Dβ−γ ϕ|
R
x
|x|≥R
γ≤β
Le premier terme du membre de droite tend vers 0 quand R → +∞, et la
somme du second terme est bornée car ϕ appartient à S(Rn ). On en déduit
que le second membre, et par suite le premier membre, tend vers 0 quand
R tend vers l’infini. Définition 4.2 On appelle distribution tempérée toute forme linéaire continue sur S(Rn ). L’ensemble des distributions tempérées est noté S 0 (Rn ).
Les distributions tempérées sont des distributions au sens de D0 (Rn ). En
effet, l’espace S(Rn ) contient l’espace D(Rn ) et l’injection de D(Rn ) dans
S(Rn ) est continue, c’est-à-dire que si (φn ) est une suite de fonctions de
D(Rn ) qui converge vers 0 au sens de D(Rn ), alors elle converge vers 0 au
sens de S(Rn ). Donc, si T est une forme linéaire continue sur S(Rn ) elle
l’est aussi sur D(Rn ).
Ainsi, à l’inclusion D(Rn ) ⊂ S(Rn ), correspond l’inclusion S 0 (Rn ) ⊂ D0 (Rn ).
La distribution de Dirac est un exemple de distribution tempérée. Mais, il
existe dans D0 (Rn ) des distributions qui ne sont pas tempérées, telle que,
2
par exemple, la distribution régulière Tf définie par la fonction f (x) = ex .
L’inclusion S 0 (Rn ) ⊂ D0 (Rn ) est donc stricte.
Exemple 4.3
7
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Distribution
1) Les distributions définies par des fonctions de Lp (Rn ), p ≥ 1.
Soit f dans L1 (Rn ) et Tf la distribution régulière associée. Toute fonction
φ de S(Rn ) étant bornée, kφk∞ ≤ M , il vient
Z
Z
|f (x)| dx
|f (x)φ(x)| dx ≤ M
|hTf , φi| ≤
Rn
Rn
Cela montre que φ 7→ hTf , φi est bien définie pour toute fonction φ de S(Rn );
elle est linéaire et si (φn ) est une suite de fonctions de S(Rn ) qui converge
vers 0, alors kφn k∞ tend vers 0 et par suite hTf , φn i tend vers 0 quand n
tend vers l’infini. Tf est donc continue sur S(Rn ).
Soit f dans Lp (Rn ), p > 1. L’inégalité de Hölder donne
Z
|f (x)||φ(x)| dx ≤ kf kp kφkq
|hTf , φi| ≤
Rn
où q est le conjugué de p, q = p/(p − 1). Cela montre que φ 7→ hTf , φi est
bien définie et continue sur S(Rn ).
2) Les fonctions localement intégrables à croissance lente.
Une fonction f est dite à croissance lente, s’il existe un entier k > 0 et une
constante C > 0 tels que
|f (x)| ≤ Ckxkk ,
(kxk → ∞)
Toute fonction f localement intégrable et à croissance lente définit une distribution tempérée. En effet, soit φ dans S(Rn ); pour tout entier r > 0, il
existe (par définition) une constante A telle que |φ(x)| ≤ A/kxkr . On en
déduit que
CA
, (x → ∞)
|f (x)φ(x)| ≤
kxkr−k
On peut donc choisir r pour que f φ soit intégrable, ce qui montre que
φ 7→ hTf , φi est bien définie sur S(Rn ). La continuité de cette forme linéaire
se démontre facilement.
3) La distribution de Cauchy3 : considérons la fonction ψ : C\{0} → C
définie par
1
ψ(z) =
z
3
Augustin-Louis CAUCHY (1789-1857) compte d’importants travaux sur les intégrales
définies, la théorie des fonctions d’une variable complexe et la théorie de l’élasticité. Il a
donné une nouvelle architecture à l’Analyse.
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Distribution
C’est une fonction intégrable au voisinage de l’origine et bornée en dehors
d’un voisinage de l’origine; elle définit donc un élément de S 0 (R2 ).
4) Pour n ≥ 3, la fonction x 7→ kxk2−n , x 6= 0, est localement intégrable au
voisinage de 0 et bornée dans le complémentaire d’un voisinage de l’origine;
elle définit donc un élément de S 0 (Rn ).
5
Opérations sur les distributions
Parité d’une distribution.
Si Tf est une distribution régulière définie par une fonction f localement
intégrable, on a
Z
Z
hTf , φi =
f (x)φ(x) dx =
f (−x)φ(−x) dx
Rn
Rn
Posons φ̃(x) = φ(−x). Si f est paire, il vient
Z
hTf , φi =
f (x)φ̃(x) dx = hTf , φ̃i
Rn
et si f est impaire, on aura
Z
hTf , φi = −
f (x)φ̃(x) dx = −hTf , φ̃i
Rn
Par analogie, on définit la parité d’une distribution de la manière suivante
Définition 5.1 Soit φ dans D(Rn ) et soit φ̃(x) = φ(−x). Une distribution
T est dite paire si hT, φi = hT, φ̃i, elle est dite impaire si hT, φi = −hT, φ̃i.
Exemple 5.2
La distribution de Dirac δ est paire puisque φ̃(0) = φ(0).
La distribution δa , pour a 6= 0, se décompose en la somme d’une distribution
paire et d’une distribution impaire :
δa =
δa + δ−a δa − δ−a
+
2
2
On peut vérifier que toute distribution peut se décomposer en la somme
d’une distribution paire et d’une distribution impaire.
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Belhassen Dehman
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Distribution
Translation d’une distribution.
Soit a 6= 0 un élément de Rn et soit τa l’opérateur de translation défini par
τa f (x) = f (x − a)
Si T = Tf est une distribution régulière définie par f , on note τa (Tf ) la
distribution définie par τa f , c’est-à-dire τa (Tf ) = Tτa f :
Z
Z
f (x − a)φ(x) dx
τa f (x)φ(x) dx =
hτa (Tf ), φi =
Rn
Rn
Z
f (x)τ−a φ(x) dx = hTf , τ−a φi
=
Rn
Cela nous conduit à la définition suivante :
Définition 5.3 Soit a 6= 0 un élément de Rn et T une distribution. La
translatée de T , notée τa T , est la distribution définie par
hτa T, φi = hT, τ−a φi,
∀φ ∈ D(Rn )
Une distribution T est dite périodique de période a 6= 0 si τa T = T .
On vérifie que τa δb = δa+b . En particulier, τa δ = δa .
Produit d’une distribution par une fonction indéfiniment dérivable
On ne sait pas définir en général le produit de deux distributions. On peut
s’en douter déjà en remarquant que le produit de deux fonctions localement
intégrables n’est pas nécessairement localement intégrable, et donc ne définit
1
pas toujours une distribution (prendre par exemple f (x) = g(x) = |x|− 2
pour x ∈ R).
Définition 5.4 Soit T une distribution sur Rn . Si g est une fonction
indéfiniment dérivable, on définit le produit gT par
hgT, φi = hT, gφi,
∀φ ∈ D(Rn )
Le second membre est bien défini, car gφ est une fonction de D(Rn ). On
vérifie que gT , ainsi définie, est bien une distribution.
Exemple 5.5
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Distribution
Pour toute fonction g indéfiniment dérivable, on a
gδa = g(a)δa
En particulier, xδ = 0 et (x − a)δa = 0.
Exercice 5.6
Une distribution T ∈ D0 (R) satisfait la relation (x−a)T = 0 si, et seulement
si, T = cδa où c est une constante arbitraire.
Solution : Il suffit de considérer le cas où a = 0, par translation on en déduit
le cas a 6= 0. Il est clair que xδ = 0. Inversement, soit T une distribution
telle que xT = 0, c’est-à-dire hxT, φi = 0, pour toute fonction φ de D(R).
On montre que toute fonction φ de D(R) peut s’écrire sous la forme
φ(x) = φ(0)φ0 (x) + xψ(x)
où φ0 est une fonction arbitraire de D(R) soumise à la seule condition
φ0 (0) = 1 et où ψ est une fonction de D(R). Puisque T est linéaire,
hT, φi = φ(0)hT, φ0 i + hT, xψi
Par définition le deuxième terme du second membre est nul. Il suffit donc
de poser c = hT, φ0 i. Remarque 5.7
Dans l’espace L2 (R), l’équation xf = af , a ∈ R, admet 0 pour seule solution
(f = 0 presque partout). Alors que cette même équation, au sens des
distributions, admet les solutions T = cδa , c ∈ R.
Support d’une distribution.
Définition 5.8 Le support d’une distribution T est le plus petit ensemble
fermé K de Rn tel que, pour toute fonction φ ∈ D(Rn ) dont le support est
contenu dans le complémentaire de K, on ait hT, φi = 0.
La distribution T est dite à support compact si K est borné.
Le support d’une distribution T est noté supp(T ).
Exemple 5.9
Le support de la distribution de Dirac δa est réduit au point a.
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Distribution
Exemple 5.10
Soit f une fonction localement intégrable sur Rn , ayant pour support un
ensemble borné K. Elle définit une distribution régulière Tf telle que
Z
Z
f (x)φ(x) dx
f (x)φ(x) dx =
hTf , φi =
Rn
K
Donc, hTf , φi = 0 pour toute fonction φ dont le support est contenu dans le
complémentaire de K. Cela prouve que Tf est une distribution à support
l’ensemble borné K.
Théorème 5.11 Soit T une distribution à support borné K. Si f est une
fonction indéfiniment dérivable, égale à 1 pour x dans un voisinage de K,
alors T = f T .
Démonstration. Pour toute fonction φ de D(Rn ), la fonction f φ − φ est
identiquement nulle au voisinage de K. Le support de f φ − φ est donc
contenu dans le complémentaire de K. Il en résulte, par définition, que
hT, f φ − φi = 0, c’est-à-dire hT, f φi = hT, φi, ou encore
hf T, φi = hT, φi,
∀φ ∈ D(Rn )
Ce qui traduit l’égalité f T = T . Ce théorème va nous permettre de prolonger une distribution à support
compact en une forme linéaire continue sur l’espace des fonctions de classe
C ∞ (Rn ). Précisons d’abord la topologie de l’espace C ∞ (Rn ) : une suite de
fonctions φn ∈ C ∞ converge vers 0 si (φn ) converge uniformément sur tout
compact de Rn vers 0, ainsi que toutes ses dérivées. L’espace C ∞ muni de
cette topologie est noté E(Rn ).
Théorème 5.12 Soit T une distribution à support compact K et φ une
fonction de D(Rn ) telle que φ = 1 dans un voisinage de K. Alors, pour
toute fonction f ∈ C ∞ (Rn ), on définit hT, f i par
hT, f i = hT, φf i
L’application f 7→ hT, f i ainsi définie est une forme linéaire continue sur
l’espace C ∞ (Rn ).
Démonstration. On montre d’abord que hT, f i est bien définie et que la
définition de hT, f i est indépendante du choix de φ ∈ D, avec φ = 1 au
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Distribution
voisinage de K; on montre ensuite la continuité. Pour simplifier, on suppose
que T est à une dimension et on désigne par [a, b] son support. Pour toute
f de classe C ∞ , la fonction φf est dans D(R), son support étant contenu
dans celui de φ, donc hT, φf i est bien défini, par conséquent hT, f i est bien
défini aussi. Si φ et ψ sont deux fonctions de D(R) telles que φ = ψ = 1 au
voisinage de K, la fonction φf − ψf a son support dans le complémentaire
de K, donc hT, φf i = hT, ψf i. Cela montre que hT, f i est indépendant du
choix particulier de la fonction φ satisfaisant les hypothèses du théorème.
Vérifions la continuité de T sur C ∞ . Si fn converge vers 0, lorsque n tend
vers l’infini, uniformément sur tout intervalle borné de R, la suite (φfn )
converge vers 0 dans D(R). Donc, hT, fn i converge vers 0. Remarque 5.13
Il est facile de vérifier que toute distribution à support compact est une
distribution tempérée.
Notations. L’ensemble des distributions à support borné est noté E 0 (Rn ).
Ainsi, aux inclusions D ⊂ S ⊂ E correspondent les inclusions : E 0 ⊂ S 0 ⊂ D0 .
On parlera dans la section 10 de l’ensemble des distributions dont le support
est limité à gauche, c’est-à-dire inclus dans un intervalle de la forme [a, ∞[;
ou limité à droite, c’est-à-dire inclus dans un intervalle de la forme ] − ∞, a].
0 et D 0 .
On les note respectivement D+
−
13
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