Le Concerto pour orchestre de Béla Bartók :
commentaire des 2ème et 3ème mouvements
Analyse Musicale n°55, septembre, 2007, p. 73-80.
Résumé :
Le Concerto pour orchestre, composé en 1943 alors que Béla Bartók était expatrié aux Etats-
Unis, s’inscrit la lignée des concertos néoclassiques des années 20 qui prennent pour modèle le concerto
grosso Baroque. Cependant, la pièce s’éloigne du modèle néoclassique par le recours à la virtuosité et par
une architecture en arche typique de Bartók. Les mélodies du Concerto pour orchestre se nourrissent des
connaissances approfondies de Bartók des musiques folkloriques, notamment des musiques hongroises,
roumaines et serbo-croates. Le deuxième mouvement, Giuoco delle coppie, sinspire de la musique de
Dalmatie en présentant cinq thèmes par des duos d’instruments à vent. Le troisième mouvement, Elegia,
constitue le centre expressif et formel de l’œuvre. Il reprend notamment des éléments thématiques
provenant du premier mouvement, inspirés des folklores hongrois et serbo-croate. Le Concerto pour
orchestre est lexemple même dune intégration réussie déléments hétérogènes (échelles et de modes
empruntés à différentes cultures, thèmes inspirés du folklore) qui se fondent parfaitement dans le langage
compositeur.
Philippe
Lolitte
(*)
Le
Concerto pour orchestre
de
Béla
Bartôk:
analyse
des
zme
et
,5me
mouvements
1.
BIOGRAPHIE
DU
COMPOSITEUR
Béla
Batt6k
00Ît
le
25
mars
1881
à
NagyszentmikJ6s,
en
Hongrie
(aauellemem
Sânnicolou
Mare,
en
Roumanie).
Son
enfance
est
marquée
par
une
santé
délicate
et
10
mort
de
san
père,
en
1888.
11
manifeste
très
tôt
des
dons
musicaux
exceptionnels.
De
1899
à
1903,
il
étudie
à
l'Académie
Royale
de
Budapest
auprès
d'lstv6n
Thomon
(piano)
et
Jonos
Koessler
(composition).
En
1903,
il
écrit
le
poème
symphonique
Kossuth
exaltant
le
héros
hongrois
de
la
révolution
de
1848.
Nommé
en
1907
professeur
de
piano
à
l'Académie
Royale
de
Budapest,
il
partage
sa
vie
entre
l'enseignement
une
carrière
de
pianiste
et
ses
activités
de
compositeur
et
d'ethnologue.
Dès
1905,
il
1
commence,
avec
son
ami
Zoft6n
Kod6Iy,
à
collecter
de
manière
systématique
les
musiques
folkloriques
en
enregistrant
les
chants
à
l'aide
d'un
phonographe.
L'étude
des
musiques
paysannes
aura
une
importance
décisive
dans
ses
choix
esthétiques
et
techniques.
If
découvre
notDmment
l'utilisation
d'échelles
(pentDtonique
ou
hexatonique)
et
de
rythmes
asymétriques
(5/8,
7/8,
11/8)
qui
lui
ouvrent
de
nouvelles
directions
dont
on
voit
les
premières
traces
dans
les
piéces
pour
piano
-
Trois
Chants
populaires
hangrois
(1907),
Quinze
Chants
paysans
hongrois
(1914-18),
Six
danses
populaires
roumaines
(1915).
Peu
avont
10
Première
Guerre
Mondiale,
BartOk
compose
ses
premières
œuvres
marquantes
influencées
par
Debussy
et
Stravinsky
-
le
Quatuor
à
cordes
1 (f
909),
Allegro
barbaro
paur
piano
(f
911),
l'opéra
Le
Château
de
Barbe-B/eue
(f
914-
1917),
le
ballet
Le
Mandarin
Merveilleux
(
1918-
1919).
Au
lendemain
de
la
guerre,
le
compositeur
eut
i
l'espoir
d'être
aidé
par
les
nouveaux
gouvernants,
mais
sa
musique
fut
critiquée
car
elle
débordait
le
cadre
du
nationalisme.
Bart:Dk
repriS
la
colleae
et
la
i
transcription
des
musiques
papulaires
interrompues
pendant
la
guerre.
L'originalité
de
son
style
éclot
véritablement
à
partir
des
années
vingt
-
avec
les
deux
Sonates
pour
violon
et
piano
(1921-22),
le
premier
Concerto
pour
piano
(1926),
les
Quatuors
à
cordes
3
(1927)
et 4
(1928).
Les
années
trente
"'
voient
se
succéder
une
série
de
chefs-d'œuvre
qui
lit
influenceront
plusieurs
générations
de
compositeurs
-
~
1
les
Quatuor
à
cordes
nOS (f
935)
et 6
(1939),
la
Musique
pour
cordes,
percussion
et
cé/estD
(/936),
la
Sonate
pour
deux
pianos
et
percussions
(1937),
Mikrokosmos,
153
pièces
pour
piano
(1926-39).
E.n
1936,
Bart:Dk
marque
courageusement
son
opposition
au
régime
nazi.
If
interdit
à
son
éditeur
de
faire
la
preuve
de
son
origine
«
aryenne)}
et
revendique,
par
solidarité,
d'être
au
programme
musical
des
manifestations
contre
«
f'
art
dégénéré)}
organisées
par
Gœbbels.
L'Anschluss
(1938),
puis
la
mort
de
sa
mère,
en
décembre
1939,
qui
rompt
le
lien
le
plus
fort
le
retenant
à
la
Hongrie,
poussent
BartOk
à
s'expatrier.
Après
un
voyage
de
reconnoissance
aux
E.tats-Unis
il
donne
une
série
de
concerts
avec
le
violoniste
Jozsef
Szigeti,
le
compositeur
débarque,
avec
sa
seconde
femme
Ditta
Posztory,
à
New
York
le
29
oaobre
1940.
Pendant
les
premières
années
américaines,
Bartok
poursuivit
sa
carrière
de
pianiste
en
solo
ou
en
duo
avec
sa
femme,
mois
avec
peu
de
succès.
Sa
carrière
de
pianiste
se
termine
en
janvier
1943
avec
10
création
du
Concerto
pour
deux
pianos
et
percussion
conduite
par
Fritz
Reiner.
Atteint
d'une
leucémie,
BartOk
a
du
mal
à
composer.
Cependant,
le
succès
du
Concerto
pour
orchestre
(1943)
lui
apporte
un
regain
de
force
et
de
créativité.
If
s'éteint
le
26
septembre
1945
ou
West
Side
HospitDl
de
New
York.
Illustration
1 :
Bartok
au
piano
Il.
CONTEXTE
DE
COMPOSITION
DU
CONCERTO
POUR
ORCHESTRE'
E.n
1941,
Bart:Dk
obtient
une
bourse
pour
travailler
au
département
de
musique
de
l'Université
de
Columbia
de
New
York
jusqu'à
fin
1942.
Il
est
chargé
de
transcrire
et
d'analyser
des
enregistrements
de
folklore
serbo-croate
provenant
de
la
collection
Milman
Parry.
Pendant
cette
période
BartOk
ne
compose
pas
du
tout,
en
partie
en
raison
de
l'ampleur
du
travail
et
de
problèmes
de
santé
récurrents,
mais
également
à
cause
des
conditions
de
vie
new..yorkaises
beaucoup
plus
stressantes
et
bruyantes
que
celles
de
Budapest
Sa
santé
se
détériore
en
1943
et
l'oblige
à
interrompre
un
cycle
de
conférences
pour
être
hospitDlisé.
Avec
l'aide
de
l'A
S.
CA
P.
(American
Society
of
Composers,
Authors
and
Publishers),
sallidtée
par
E.rna
Balogh,
l'un
de
ses
anciens
élèves,
BartOk
est
envoyé
en
convalescence
à
Saranoc
Lake,
dans
les
monts
de
rAdirondack,
au
nord
de
New
York.
Avant
son
départ
grâce
à
l'instigation
de
son
ami
de
longue
date,
le
chef
d'orchestre
Fritz
Reiner
et
de
}6zsef
Szigeti,
Koussevitzky,
le
direaeur
de
l'Orchestre
symphonique
de
Baston,
lui
commande
une
œuvre
pour
orchestre.
La
Analyse Musicale 55 -septembre
2007/73
commande
d'une
valeur
de
1000
$
ne
mentionne
aucune
contrainte
concernant
l'écriture,
mais
stipule
que
fœuvre
doit
être
dédicacée
d
Nathalie
Koussevitzky,
la
femme
du
chef
d'orchestre,
décédée
quelques
années
plus
tôt
Le
Concerto
pour
orchestre
fut
composé
à
Saranac
Lake
le
compositeur
séjourna
avec
sa
femme
et
son
plus
jeune
fils
Péter,
du
15
août
au
8
octobre
1943.
La
création
triomphale,
le
1
er
décembre
1944
ou
Carnegie
Hall
de
New
York
par
l'Orchestre
de
Boston
dirigé
par
Serge
Koussevitzky,
contribua
beaucoup
d
la
célébrité
du
compositeur.
L'opportunité
d'écrire
le
Concerto
pour
orchestre
fut
très
bénéfique
sur
le
plan
psychologique
et
dédencha
un
regain
de
créativité.
Après
cette
première
œuvre
écrite
aux
Et.ats-Unis,
suivront
le
Concerto
pour
alto,
le
3'
Concerto
pour
piano
(les
deux
terminés
por
son
élève
Tibor
Serly),
la
Sonate
pour
violon
seul
(posthume).
III.
PRESENTATION
DU
CONCERTO
POUR
ORCHESTRE
Généralement.
on
désigne
par
concerto
une
œuvre
musicale
écrite
pour
un
instrument
soliste
et
un
orchestre.
Cependant,
ce
genre
musical,
dont
on
fait
remonter
l'origine
aux
Concerti
di
Andrea
e
di
Giovanni
Gabrieli
(Venise,
1587),
désigne
des
œuvres
diverses
dans
leur
constitution
et
dont
certaines
ne
correspondent
même
pas
à
ce
critère
de
base.
Le
Concerto
pour
orchestre
de
BartOk
cherche
à
renauveler
le
genre
concerto
tout
en
synthétisant
des
éléments
de
son
histoire.
À portir
du
milieu
des
années
1920,
apparurent
des
pièces
orchestrales
portont
le
titre
concerto
comme
le
Concerto
pour
orchestre
op.
38 (
1925)
d'Hindemith,
le
Concerto
pour
petit
orchestre
op.
24
(1925)
de
Rousse~
le
Dumbarton
Oaks
Concerto
(1938)
de
Stravinsky
ou
le
Concerto
pour
orchestre
(1940)
de
Kod61y.
Leur
point
commun
réside
dans
le
choix
de
prendre
pour
modèle
le
concerto
grosso
Baroque
dont
le
principe
est
d'opposer
un
groupe
de
solistes
(concertino)
au
tutti
(ripieno).
Ces
pièces
néoclassiques
délaissent
la
rhétorique
et
la
narrativité
du
concerto
de
soliste
au
profit
d'une
neutralité
expressive
qui
renvoie
à
l'idée,
défendue
notamment
par
Stravinsky,
que
la
musique
n'exprime
qu'elle-même
2
Renonçant
à
l'hypertrophie
des
orchestres
Romantiques
et
Post-romantiques,
ces
compositeurs
préfèrent
les
formations
réduites,
propices
d
un
échange
plus
équilibré
entre
groupes
de
solistes.
Le
Concerto
pour
orchestre
de
BartOk
s'inscrit
dans
cette
lignée
sans
toutefois
refuser
le
recours
à
une
certaine
virtuosité
inhérente
ou
concerto
de
soliste.
Selon
le
compositeur
:«
Le
titre
de
cette
œuvre
orchestrale
d'allure
symphanique
s'explique
par
sa
tendance
à traiter
les
instruments
isolés
ou
les
groupes
d'instruments
de
façon
concertante
ou
soliste.
Le
traitement
"virtuose"
apparaît
par
exemple
dans
les
sections
fugato
du
développement
du
premier
mouvement
(aux
cuivres),
dans
les
passages
en
forme
de
perpetuum
mobile
du
thème
principal
du
dernier
mouvement
(aux
cordes),
et,
plus
particulièrement,
dans
le
deuxième
mouvement,
des
paires
741 Analyse Musicale 55 -septembre 2007
d'instruments
entrent
les
unes
après
les
autres
avec
des
passages
brillants
};3.
Ce
sont
effectivement
les
1
er
et
S"
mouvements
qui
tendent
le
plus
vers
le
concerto
de
soliste.
Le
2'
mouvement,
quant
à
lui,
développe
une
écriture
concertante,
mois
par
le
biais
de
duos.
Les
deux
outres
mouvements
se
situent
plus
nettement
dans
la
tradition
symphonique.
Bien
que
l'effectif
de
l'orchestre
soit
important
(vents
par
3
ou
par
4,
2
harpes,
percussions
et
cordes),
il
est
notable
que
le
compositeur
n'emploie
que
rarement
toutes
ces
ressources
en
même
temps.
L'orchestre
est
traité
par
groupes
de
timbres
qui
s'opposent
ou
se
complètent
plutôt
que
par
des
effets
de
masse.
Le
Concerto
pour
orchestre
de
BartOk
se
démarque
aussi
des
autres
concertos
néoclassiques
par
sa
forme
et
son
arrière-plan
autobiographique.
Contrairement
au
concerto
grosso
et
au
concerto
de
soliste
généralement
en
trois
mouvements
(vif/lent/vif),
l'architecture
de
l'œuvre
de
Bartok
est
conçue
en
dnq
mouvements
(viflmodéréllent/modérélvif).
La
forme
en
arche
(ABCBA),
ainsi
que
les
formes
internes
à
chaque
mouvement
contenant
elles-mêmes
des
symétries
(voir
Tableau
1),
sont
caractéristiques
du
langage
de
BartOk.
Cette
tendance
à
adopter
des
architectures
symétriques
se
rencontre
natamment
dans
le
4"
Quatuor
à
cordes
(1928),
le
S"
Quatuor
d
cordes
(1934)
ou
le
2'
Concerto
pour
piano
et
orchestre
(1931).
Dans
le
Concerto
pour
orchestre,
l'agencement
des
tempos
guide
la
trajectoire
formelle,
le
mouvement
initial et
le
mouvement
final
étant
les
plus
rapides
(et
aussi
plus
longs).
D'autres
éléments,
provenant
des
drconstances
de
la
vie
du
compositeur,
semblent
avoir
influencé
le
plan
de
l'œuvre.
Illustration
2 :
Partition
du
Concerto
pour
orchestre
L'œuvre
reflète
d'une
certaile
manière
fétat
d'esprit
du
compositeur
partagé
entre
l'inquiétude
et
fespoir
d'une
vie
meilleure.
Ainsi
décrit..;1
le
Concerto:
({
L'atmosphère
générale
de
l'œuvre
représente
-à
l'exception
du
badinage
du
deuxième
mouvement
-
une
transition
graduelle
depuis
la
sévérité
du
premier
mouvement
et
le
lugubre
chant
de
deuil
du
troisième
vers
l'affirmation
de
10
we
dans
le
dernier
}}4.
Cette
intrusion
du
biographique
est
confirmée
par
ces
mots
de
BartOk.
confiés
à
GtWgy
sandor,
d
propos
du
4'
mouvement:
«
le
poète
fait
une
déclaration
d'amour
à
sa
patrie,
mais
la
sérénade
est
brutalement
interrompue
par
finœrYention
de
la
violence
brute;
des
hommes
bottés
se
jetont
sur
lui,
et
ils
vont
même
jusqu'à
briser
son
instrument
J/.
L'aigreur
du
•••••••••••••••••
l1
'I11
'oolIIII
I1
__
IUllllllllilllllllllllllllllllllI!i).l.,.
f
compositeur
face
à
l'emprise
des
nazis
sur
l'Europe,
et
programme.
Depuis
bien
longtemps,
BartOk
n'en
écrit
~
particulièrement
son
aversion
du
régime
Horthy,
ont
plus
(Kossuth
1903,
Le
prince
de
bois
19
J
4-16,
Le
danc
leur
part
dans
l'élaboration
de
l'œuvre.
Mandarin
merveilleux
19/9).
Les
descriptions
de
Cependant,
le
Concerto
pour
orchestre
ne
peut
en
BartOk
renvoient
moins
à
un
scénario
qu'à
une
aucun
cas
être
considéré
comme
une
musique
à
progression
formelle
et à
une
courbe
expressive.
Mouvements
Titre
Tempo
Forme
Durée·
1
Introduzione
Andante,
non
troppo
1
Allegro
vivace
Sonate:
introduction
1
exposition
(T
l,
T2)
1
développement
(dauble
exposition
de
fugue)
1
réexposition
(Tl,
TI)
9.48'
/1
Giuoco
delle
coppie
Allegro
scherzanda
1
A(abcde)IChoraI/A'(a'b'c'd'e')
6.28'
11/
E/egia
Andante,
non
troppo
1
Poco
agitato
1
ri
PréludelAlBIClPostiude
6.47'
IV
Intermezzo
interrotto
Allegretto
ABA[lnt]BA
4.32'
V
Finale
Pesante
1
Presto
Mouvement
perpétuel
(forme
sonate)
9.34'
Tableau
1
IV. 2EME
MOUVEMENT
-
GIUOCO
DELLE COPPIE
Giuoco
delle
coppie
Oeu
de
couples)
est
le
titre
original
du
2
éme
mouvement
Bartok
1'0
changé
plus
tard
par
«
Presentando
le
coppie)}
(Présentation
des
couples),
qui
transcrit
mieux
l'esprit
et
la
structure
du
mouvement
7
En
effet,
les
5
thèmes
de
la
partie
A
(que
nous
nommerons
dans
cet
article
respectivement
alblc/d/e)
sont
présentés
par
des
duos
d'instruments
à
!
vent
(Exemple
J
).
Chaque
duo
est
bâti
sur
un
intervalle
harmonique
spécifique
maintenu
sans
déviance
tout
au
long
du
duo
(Tableau
2).
Après
un
choral
de
cuivres
qui
fait
office
de
trio
(mes.123-
164),
on
retrouve
le
même
principe
de
duos
dans
la
troisième
partie
(A'
mes.
164-263).
Mais
cette
fOis<i,
les
thèmes
sont
souvent
enrichis
de
daubles
ou
triples
duos
(b': 2
hautbois
et 2
clarinettes
en
la,
c': 2
flûtes
et 2
clarinettes
en
la,
d':
2
flûtes,
2
clarinettes
et 2
hautbois).
Sections
a b c d e
Duos
bassons
hautbois
clarinettes
en
la
flûtes
trompettes
en
ut
Intervalles
6te
mineure
3'"
mineure
7
me
mineure
ste
juste
2<1e
majeure
Tessiture~
réila]
fa#ddo#3
miisi4
do#i
sol
4 réimis
miifa#4 sol#ido6
do#ifas
doisol#4
sibifa#4
Modes
de
jeu
pizzicato
pizzicato,
pointe
de
l'archet,
glissanda
pjzzicato,
harmoniques,
glissando
pizzicato,
spiccato
Pizzicato,
glissando,
sourdine
Tableau
2
Il
est
notable
que
cette
façon
de
présenter
une
mélodie
par
paires
d'instruments
provient
certainement
de
sa
découverte,
en
1940,
de
la
musique
de
Dalmatie.
Les
Dalmates
interprètent
leurs
mélodies
en
mouvements
parallèles
(souvent
avec
des
instruments
à
anche
dauble
ou
des
voix).
BartOk
décrit
ainsi
cette
musique:
«
Les
deux
voix
suivent
généralement
un
mouvement
parallèle,
mais
la
distance
entre
elles
est à
peu
près
d'une
seconde
majeure.
[..
.]
Les
deux
voix
sont
interverties
dans
le
prélude
instrumental,
ce
qui
signifie
qu'il
y a entre
elles
une
distance
de
septième
mineure
au
lieu
de
la
seconde
majeure
>l.
Le
compositeur
s'est
.,..
donc
approprié
ce
principe
en
l'élargissant
à
d'autres
intervalles
(la
tierce
mineure,
la
sixte
mineure
et
la
quinte
juste).
Les
duos
sont
également
caractérisés
par
leur
registre
(qui
dépend
de
l'instrumentation)
et
par
leur
tessiture
mélodique
(Tableau
2).
Le
choix
des
instruments
à
vent
pour
présenter
les
duos
a
été
dicté,
on
l'a
vu,
par
la
musique
dalmate
qui
emploie
des
instruments
à
anche
double.
aussi,
le
compositeur
conserve
l'esprit
(bassons,
hautbois),
mais
élargit
la
pratique
en
incluant
d'autres
modes
J
. Analyse Musicale nQ 55 -septembre 2007 1
75
..
~~~,~~~~~~~
.~~
j
1 (
Nilles.!
n(
n
Exemple
1 :
début
des
cinq
duos
du
2'
mouvement
L'observation
des
tessitures
montre
également
que
les
mélodies
inventées
par
le
compositeur
se
démorquent
du
standard
des
mélodies
populaires
dant
la
tessiture
se
cantonne
habituellement
à
une
quinte
juste.
Celles
des
duos
dépassent
toutes
l'octave,
voire
la
dauble
octave
(le
duo
de
flûtes
avec
sa
tessiture
de
28
demi-
tons).
Les
mélodies
du
Concerta
pour
orchestre
se
nourrissent
des
connaissances
approfondies
de
BartOk
des
musiques
folkloriques,
notamment
des
musiques
hongroises,
roumaines
et
serbo-croates.
Ce
ne
sont
cependant
pas
de
véritables
mélodies
folkloriques,
mais
des
recréations
qui,
tout
en
conservant
le
style
originel
du
folk/ore,
s'adaptent
au
langage
savant
du
d'émission
(clorinettes,
flûtes
et
trompettes
avec
sourdine).
L'accompagnement
est
assuré
principalement
par
les
cordes
(quintette
à
cordes
auxquelles
s'ajoutent
deux
harpes
dans
la
troisième
partie).
Bart6k
a
prêté
attention
à
varier
la
couleur
de
l'accompagnement
par
l'emploi
de
modes
de
jeu
spéciflClues.
Pizzicati,
pointe
de
l'archet,
glissandi,
tremolos
sourdine,
sont
mis
à
contribution
pour
créer
un
écrin
adapté
au
caractère
de
chaque
duo
(Tableau
2).
À
cet
égard,
l'écriture
d'orchestre
des
sections
e
(mes.
87-/22) et e'
(mes.
228-252)
est
particulièrement
virtuose
et
donne
tout
son
sens
à
la
notion
de
concerto
pour
orchestre.
La
virtuosité
ne
se
situe
plus
seulement
dans
la
vélocité
du
saliste,
mais
intervient
dans
l'écriture
de
l'orchestre:
le
choix
des
timbres,
des
textures,
des
registres
et
des
modes
de
jeu.
p
761 Analyse Musicale 55 -septembre 2007
compositeur
lO
Elles
sont
composées
à partir
de
nombreuses
échelles
qui
peuvent
être
les
modes
majeur
et
mineur
mélodique
(ascendant
et
descendant)
du
système
tona!
les
échelles
des
musiques
populaires
(échelles
pentatoniques,
modes
«
anciens
JJ
à
degrés
mobiles,
gamme
«
tzigane
JJ)
",
mais
aussi
d'échelles
artifICielles
comme
la
«
gamme
par
tons
entiers
}}12,
la
«
gamme
acoustique})
typique
du
langage
bart6kien/
3,
ou
d'échelles
alternant
symétriquement
tons
et
demi-tons
'4.
Ces
échelles
et
ces
modes
sont
intégrés
dans
la
composition
selon
le
principe
du
chromatisme
polymodal.
BartOk
a
développé
un
système
original
qui
tente
de
concilier
la
modalité
de
la
musique
populaire
avec
le
chromatisme
de
la
musique
savante
occidentale.
Le
compositeur
se
démarque
tout
à
la
fois
de
r
atonalisme,
représenté
notamment
par
la
seconde
É.cole
de
Vienne
(SchOnberg.
Berg,
Webern),
les
notions
de
fondamentale,
de
tonique,
de
dominante
sont
abolies
au
profit.
d'une
égalité
entre
tous
les
sons
et
du
polytonalisme,
représenté
par
des
compositeurs
comme
Stravinsky,
Prokofiev,
Hindemith
ou
Milhaud,
qui
conserve
les
relations
tonales
tout
en
superposant
deux,
vaire
plusieurs,
tonalités.
BartOk
résume
ainsi
la
différence
entre
ces
trois
systèmes:
«
nous
pourrions
dire
que
la
musique
atonale
ne
présente
aucune
note
fondamentale;
que
la
polytonalité
en
présente
plusieurs
[.
..
] ; et
que
la
polymodalité
en
présente
une
et
une
seule
»15.
La
polymodalité
conduit
à
l'utilisation
de
modes
diatoniques
dant
certains
degrés
sont
mobiles
produisant
un
chromatisme
mélodique
par
l'adjonction
de
degrés
intermédiaires.
En
permettant
de
superposer
différents
modes,
le
poIymodalisme
produit
un
chromatisme
harmonique
qui
est
la
conséquence
de
la
conduite
des
voix.
Enfin,
la
poIymodalité
danne
une
justifICation
à
l'emploi
du
chromatisme
par
son
fondement
dans
la
musique
populaire
qui
ne
peut
être
considéré
alors
comme
un
système
purement
artificiel,
mais
comme
l'extension
des
principes
contenus
dans
la
musique
populaire
que
BartOk
considérait
comme
une
émanation
de
la
nature.
Nous
allons
maintenant
procéder
à
une
description
sommaire
de
chaque
section.
Une
courte
introduction
donne
immédiatement
le
caractère
dansant
du
mouvement
Une
caisse
daire
sans
timbre/
6
énonce
une
phrase
rythmique
de
8
mesures
à
214
qui
suggère
une
danse
folklorique.
Cette
phrase
associée
à
la
caisse
daire
joue
en
quelque
sarte
le
rôle
de
maître
de
cérémonie
puisqu'on
la
retrouve
à
des
moments
clés:
peu
avant
le
choral
pendant
le
choral
en
alternance
avec
les
cuivres
et à
la
fin
du
mouvement
La
première
section
est
constit.uée
d'un
thème
de
16
mesures
divisé
en
4
périodes
de
4
mesures,
la
dernière
étant
une
inversion
de
la
deuxième.
La
mélodie
est
présentée
aux
bossons
en
sixtes
mineures
parallèles.
Elle
est
constituée
d'une
succession
de
cellules
de
deux
ou
trois
notes
contenues
dans
un
intervalle
de
tierce
(le
plus
souvent
de
tierces
mineures)
:
ré/mi/fa,
lablfa,
falré,
dolrélmi,
fa/mib/ré,
ete.
Le
rythme
anapestique
(qui
(
1 / 9 100%
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