NUMÉRO 3 - Janvier 2006
SPÉCIAL
TROUBLES
COGNITIFS
«J’ai une moins bonne
mémoire et des difficultés
àme concentrer »,
«j’ai l’impression que mon
cerveau fonctionne au
ralenti »… Il s’agit peut-
être d’un trouble cognitif.
France Daniel, neuro-
psychologue, analyse vos
témoignages et vous
propose les « petits trucs »
de la prise en charge des
troubles cognitifs.
CONSEILS
p. 3
SEP : sclérose en plaques
Vers une meilleure connaissance des troubles cognitifs
de la sclérose en plaques.
Jusqu’à il y a une vingtaine d’années, les troubles cognitifs
de la SEP étaient mal connus des professionnels de santé.
Depuis, les neurologues, aidés des neuropsychologues,
ont appris à les identifier et à les analyser. Ces dernières
années, en particulier grâce au développement des réseaux
de santé consacrés à la SEP, un effort important
d’information a été fait. Ce travail d’information doit se
poursuivre, notamment sur les récents développements
des possibilités de prise en charge de ces troubles.
Aujourd’hui, certains services neurologiques peuvent
proposer, quand cela est nécessaire, des séances de
«rééducation » pendant lesquelles les patients qui
présentent des troubles cognitifs font des exercices pour
améliorer leurs performances, et apprennent comment
aménager leur quotidien en fonction des difficultés
qu’ils rencontrent. Ces séances sont aussi l’occasion pour
ces patients de reprendre confiance en eux… étape
nécessaire pour exploiter le mieux possible leurs capacités.
VOS TÉMOIGNAGES p. 2
DONNÉES MÉDICALES
Pr Gilles Defer - CHU de Caen
Mise au point sur l’identification
et la prise en charge des troubles
cognitifs de la SEP. p. 4
Mieux vivre
Mieux vivre
avec
avec la SEP
Une publication sanofi-aventis et Teva Pharma
Vous avez la parole
Il m’arrive, lorsque je suis très concentré,
de ne pas entendre ce que ma femme me
demande ou alors de ne pas y faire attention !
Il est convenu entre nous que, dans ce cas, elle
me tape sur l’épaule (gentiment !) pour établir
le contact physiquement plutôt que par la voix.
Il m’arrive aussi qu’après avoir répondu au
téléphone, je sois obligé de faire un effort pour
me souvenir de ce que j’étais en train de faire
avant l’appel. Je m’adapte en prenant des notes
dans mon agenda, comme le font les membres
des professions libérales qui sont payés à
l’heure et tiennent le registre de leurs activités,
au fur et à mesure, heure après heure. PF (49)
«Mille façons de s’adapter »
Je me rends chez ma kiné deux fois par
semaine. Il m’arrive en chemin de ressentir
une difficulté à me concentrer visuellement.
J’ai du mal à me l’expliquer : je ne sais pas si c’est un problème de vue ou de concentration.
C’est pourquoi je dis que c’est un trouble de concentration visuelle. C’est comme si, pendant
quelques fractions de secondes, mes yeux « n’étaient plus à ce qu’ils devraient faire »…
et pourtant je ne perds jamais mon chemin ! MT (16)
«Je perds ma concentration,
pas mon chemin »
«Le soleil fait le beau temps »
J’aime écrire, trouver les mots justes, j’aime
travailler sur le texte pour offrir aux autres
quelque chose d’agréable à lire. Aujourd’hui,
c’est un peu plus difficile, je suis un peu plus
lente. Je pourrais certes téléphoner au lieu
d’écrire, mais je maintiens le cap sur l’exigence
de l’écrit : je préfère prendre mon temps et écrire
peu à la fois que de renoncer à correspondre par
lettre avec ma famille et mes amis. JG (11)
«L’épistolière ne renonce pas »
Très vite, en raison de troubles visuels
importants, je me suis obligé à me souvenir
des choses sans les noter puisque, voyant
trouble, je ne pouvais pas me relire.
Cet entraînement permanent m’a sûrement
aidé à muscler ma mémoire. Je peux dire que
je n’ai pas de problèmes sur ce plan. PV (69)
«Une mémoire musclée »
Je viens de commencer un nouveau travail,
et lors des entretiens d’embauche, il est arrivé
que je ne trouve pas le mot que je voulais dire.
Il ne venait pas, j’étais obligée de « tourner
autour ». À la question de l’employeur « quel
moyen de transport utiliserez-vous ? »,
je voulais répondre « je compte venir à pied
s’il fait beau », et comme je ne trouvais pas le
mot « beau », j’ai dit « je viendrai à pied s’il
yadu soleil ». Par ailleurs, je me rends compte
que je deviens irritable, excessive dans mes
réactions. Je m’en fais le reproche et j’en
discute avec mon mari. Cela m’aide beaucoup
à réfléchir. En fait je veux rester pondérée, je
veux prendre le temps de peser les arguments
et décider en conséquence. AP (31)
Les conseils de France Daniel
Psychologue spécialisée en neuropsychologie au Réseau Bas Normand
de prise en charge des patients atteints de sclérose en plaques (RBN-SEP)
1- Sentiment de ralentissement
Le sentiment de ralentissement est ressenti par
bon nombre d’entre vous dans la vie quotidienne,
que ce soit sur le plan moteur ou sur le plan
cognitif.
Comme nous le montre J.G. dans son témoignage,
ralentissement ne doit jamais rimer avec
renoncement.
Le meilleur moyen de lutter contre cet état est de
maintenir une activité cognitive, certes aménagée et
adaptée aux difficultés rencontrées, mais régulière et
autant que possible source de plaisir !
2- Difficultés attentionnelles
M.T. nous décrit des difficultés de concentration qui
se traduisent par une sorte de « déconnexion » très
brève et qui relèvent sans doute des deux
phénomènes décrits ci-dessous.
Vous lisez un livre qui vous intéresse et pourtant
tout à coup, vous perdez le fil. C’est souvent une
difficulté d’attention soutenue.
Essayez de vous aménager des « mini » pauses, elles
permettent de refocaliser votre attention, et ainsi de
continuer votre lecture.
Vous faites vos comptes tandis qu’un film passe à la
télévision. Vous vous apercevez alors que vous avez
fait quelques erreurs et que la fin du film vous a
échappé. La difficulté ici est de gérer les deux
tâches simultanément il s’agit d’attention divisée.
Les situations de double tâche sont particulièrement
difficiles.
Apprendre à les repérer permet soit de les éviter
quand c’est possible, soit de mieux les gérer, par
exemple en privilégiant la tâche la plus importante.
3- Difficultés de planification
Vous organisez Noël chez vous, et vous devez tout
préparer avant que vos invités n’arrivent. Vous vous
rendez alors compte qu’il y a beaucoup de choses à
faire et vous ne savez pas par où commencer.
N’hésitez pas à prendre le temps de mettre sur
papier les différentes activités à planifier : le support
écrit permet de mieux évaluer l’importance de
chaque tâche, de les regrouper et surtout de n’en
oublier aucune.
4- Difficultés de mémorisation
Trois types de mémoire sont souvent mis en jeu.
Mémoire de travail. Vous êtes en train de lire, et
votre fils vous demande de transmettre un message
important à son père qui rentre un peu plus tard. Là
aussi, la difficulté est de gérer les deux tâches à la
fois.
Essayez de prendre le temps d’écouter et de mémo-
riser le message en question avant de reprendre
votre lecture. Le fait de revenir à une seule tâche
suffit souvent à pallier ce genre de difficultés.
Rédiger un agenda comme le propose P.F., peut
également être très utile.
Mémoire épisodique. Vous assistez à une réunion
de travail que vous devez relater à vos collègues
quelques jours plus tard. Il s’agit de retenir un
grand nombre d’informations relativement
longtemps.
Là encore, n’hésitez pas à prendre des notes et à les
travailler en les regroupant par idées afin de mieux
les mémoriser.
Mémoire sémantique. Qui n’a jamais dit : « j’ai le
mot sur le bout de la langue ». Parfois, comme nous
le rapporte A.P., ce « manque du mot » peut
engendrer des difficultés d’ordre social et/ou
professionnel. La plupart du temps, les mots ne sont
pas oubliés, c’est de les « retrouver au bon moment »
qui pose problème.
Des jeux, tels que le scrabble, les mots croisés ou
fléchés ou le petit BAC, ont souvent un effet béné-
fique sur l’accessibilité au stock sémantique.
Rappeler les conseils pour la prise en charge des troubles cognitifs est une nouvelle
occasion d’insister sur les bienfaits de la communication. Rencontrer des difficultés
cognitives peut entraîner un repli sur soi par peur de ne pas être compris ou d’être
mal jugé. Cela peut également contribuer indirectement à une certaine irritabilité
ou agressivité. Le fait d’en parler peut diminuer ces sentiments, et même parfois
installer une complicité bénéfique avec votre entourage, comme nous le montrent P.F. ou A.P.
Voici quelques « petits trucs » de la prise en charge des troubles cognitifs dont les témoignages recueillis
ici montrent la grande diversité.
DONNÉES MÉDICALES
Pr Gilles Defer
Service de Neurologie
CHU de Caen
Les troubles cognitifs sont-ils fréquents
dans la sclérose en plaques ?
Les troubles cognitifs sont assez fréquents dans la
SEP, mais leur importance, et donc leurs consé-
quences sur la vie quotidienne, sont relativement
variables d’un patient à l’autre. On estime que ces
troubles sont observés chez 40 à 60 % des patients
atteints de SEP à un moment donné de leur affection,
toute forme confondue de la maladie (forme avec
poussées ou forme progressive sans poussée). Ces
troubles peuvent survenir précocement dans le
déroulement de la maladie, mais ils sont alors géné-
ralement mineurs.
Quelle est la nature des troubles cognitifs ?
Quel lien éventuel ont-ils avec le handicap
moteur ?
Les troubles concernent principalement l’attention et
la mémoire, ainsi que l’organisation de stratégie, la
planification, voire la réalisation de plusieurs tâches
en même temps (fonctions exécutives et mémoire de
travail). Le développement et l’évolution des
troubles ne semblent pas liés à l’intensité du
handicap moteur.
Comment se manifestent les troubles cognitifs ?
Il s’agit le plus souvent de difficultés concernant la
capacité à être attentif, en particulier si cette attention
doit être maintenue longtemps.
Il peut s’agir de difficultés de mémoire, plutôt pour les
faits semi-récents ou récents.
Enfin, il peut s’agir de difficultés rencontrées dans
l’organisation de l’activité professionnelle ou des
activités personnelles alors que cela se faisait sans
problème auparavant.
Comment peut-on rechercher et évaluer
les troubles cognitifs ?
On peut dépister et évaluer la nature et l’importance
des troubles cognitifs grâce à la réalisation de tests
psychométriques plus moins complexes explorant
différents domaines des fonctions intellectuelles.
Ces tests sont habituellement pratiqués à la demande
du neurologue par un(e) neuropsychologue qualifié(e)
qui déterminera la présence et précisera la nature des
difficultés rencontrées par le patient (troubles de la
mémoire, de l’attention, du langage…).
Ils permettent également de vérifier que les plaintes
ou les difficultés rencontrées par les patients relèvent
bien d’un trouble cognitif, et pas de difficultés
psychologiques ou d’une fatigue. En effet, des
facteurs psychologiques (dépression, anxiété) et la
fatigue peuvent influencer les résultats des tests, et il
faut toujours s’assurer de leur absence ou tenir
compte de leur présence dans l’interprétation des
performances obtenues.
Quelle prise en charge des troubles cognitifs
peut-on proposer chez les patients atteints
de SEP ?
Cette prise en charge doit s’effectuer en 2 temps.
Il s’agit tout d’abord d’identifier cliniquement le
trouble cognitif éventuel, même si le patient ne s’en
plaint pas spontanément. C’est d’abord l’interroga-
toire du patient et de l’entourage qui permettra de
suspecter les troubles, en identifiant par exemple des
difficultés attentionnelles, de mémoire, ou des dif-
ficultés au travail, indépendantes de la fatigue ou des
autres symptômes. S’il y a plainte spontanée ou que
l’interrogatoire dépiste des troubles cognitifs, ceux-
ci pourront alors être évalués par un(e) neuro-
psychologue pour en confirmer ou non l’existence et
préciser la nature.
L’étape suivante concerne la prise en charge à
proprement parler.
En cas de dépression, d’anxiété ou de fatigue intense,
on essaiera déjà de traiter ces symptômes, ce qui ne
pourra que contribuer à une éventuelle amélioration
des troubles rencontrés.
Si le sujet a une activité professionnelle, il faudra
évaluer avec le médecin du travail le retentissement
des troubles sur l’emploi, dans le but d’une éventuelle
réorganisation du poste, d’une réorientation ou de la
mise en place d’une protection sociale du patient.
Ensuite, on pourra débuter un travail de rééducation
cognitive par des exercices guidés et adaptés à
chaque patient.
Enfin, dans un futur proche, il est envisageable que
des traitements spécifiques des troubles cognitifs
voient le jour.
À vos côtés pour agir contre la sclérose en plaques
Réalisé avec la collaboration de la Nafsep
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