Les coûts de production en courte et longue période

publicité
Demandes de facteurs associées à un niveau de
production donné et coûts de production
On se place dans le cas d’une fonction de production qui fait intervenir trois facteurs :
-
le travail élémentaire L
-
le travail élaboré (ou capital humain) H
-
le capital physique K
On admet que, dans le cadre de la courte période, le producteur ne peut s’ajuster aux
modifications de la demande qu’en jouant sur les quantités de travail élémentaire et de travail
élaboré. Le capital physique, en revanche, doit être considéré comme rigide dans la courte
période ; K est alors constant et égale à K . Evidemment, dans la longue période, le
producteur bénéficie d’un degré de liberté supplémentaire puisqu’il peut alors choisir aussi
son stock de capital physique. On évacue d’emblée le cas exotique d’une complémentarité
stricte entre L et H en admettant qu’il existe un certain degré de substituabilité entre ces deux
facteurs. De ceci il résulté que le réseau de courbes isoquantes dans la courte période a cette
forme :
H
isoquante q1
isoquante q0
L
Il s’agit ici :
I – de préciser ce que sont les demandes des différents facteurs dans la courte et dans
la longue période pour un objectif de production q donné et pour un système de prix donné (à
cet égard on notera respectivement wL, wH et r les taux qui rémunèrent le travail élémentaire
L, le travail élaboré H et le capîtal K)
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
II – de préciser la relation qui existe entre ces demandes de facteur sous contrainte de
production et l’expression du coût total associé à la réalisation de ce niveau de production
III – d’analyser le lien qui existe entre coûts de production de courte et de longue
période.
1. Les demandes de facteur pour un objectif de production donné
On sait d’ores et déjà que les demandes de facteurs pour un objectif de production donné ne
sont pas les mêmes dans la courte et dans la longue période.
1.1.
Dans la courte période
Les demandes de facteurs sous contrainte de production sont déterminées, dans la courte
période en recherchant les solutions du problème d’optimisation qui consiste à minimiser la
dépense du producteur par rapport à L et H (K est en effet donné dans la courte période). Les
demandes de facteurs de courte période L’CP et H’CP sont donc les solutions du problème :
Min wL L + wH H
sous la contrainte : q = f ( K , L, H)
L,H
Graphiquement, les choses se présentent ainsi :
H
Pente = -wL / wH
H’CP(q, wL, wH, K )
Objectif de
production q
L
L’CP(q, wL, wH, K )
On notera au passage que les fonctions de demande de travail élémentaire L’CP et de
travail élaboré H’CP dépendent, dans la courte période de trois arguments :
1. l’importance de l’objectif de production (évidemment, plus l’objectif de
production est ambitieux et plus les besoins en facteurs L et H seront importants)
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
2. du rapport des prix de ces facteurs : pour un même objectif de production et un
même stock de capital le producteur privilégie une combinaison (L, H) qui
économise le travail élémentaire et met en avant le travail élaboré si le prix relatif
du travail élémentaire par rapport au travail élaboré est très élevé.
3. de l’importance elle-même (il ne faut pas l’oublier !) du stock de capital disponible
K puisque, en effet, l’importance de ce stock détermine (au moins partiellement)
la localisation de l’isoquante q dans le plan (L, H) : plus le stock de capital
disponible K est élevé et plus l’isoquante q est proche de l’origine et vice versa
(on comprend en effet que si le stock de capital est très important il est possible
d’atteindre l’objectif q avec peu de travail élémentaire et de travail élaboré…).
Au final, les demandes de travail élémentaire et de travail élaboré pour un objectif
donné de production peuvent être exprimées, dans la courte période comme :
L’CP = L’CP(q, wL, wH, K )
1.2.
H’CP = L’CP(q, wL, wH, K )
Dans la longue période
Dans la longue période, comme cela a déjà été dit, le producteur bénéficie d’un degré de
liberté supplémentaire puisqu’il peut alors choisir non seulement L et H mais aussi K. La
détermination des demandes de facteurs K, L et H sous contrainte de production peut alors
être conçue comme la solution du problème d’optimisation qui consiste à minimiser la
dépense associée à la rémunération des facteurs utilisés :
Min r K + wL L + wH H
sous la contrainte : q = f (K, L, H)
K,L,H
Attention : notez bien qu’ici on minimise la dépense par rapport aux trois facteurs et
non plus seulement par rapport à L et H !
Dans ce nouveau contexte de la longue période, les demandes de facteurs pour un objectif q
donné peuvent être conçues comme des fonctions de deux arguments :
1. l’importance de l’objectif de production
2. les prix r, wH et wL des trois facteurs
Attention : vous noterez bien à cet égard que le prix du capital n’intervenait absolument pas
dans la détermination des demandes de facteurs L’CP et H’CP… mais qu’il intervient
désormais dans la détermination de L’LP, H’LP et, bien sûr, de K’LP.
On a désormais 1 :
1
Le signe qui figure au dessus de chacun des arguments est représentatif du sens attendu de la causalité.
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
+
 + + −

L’LP = L’LP  q, r, w , w 
L
H


H’LP = H’LP
−
 + + +

 q, r,w L , w H 


+
 + − +

K’LP = K’LP  q, r,w , w 
L
H


2. Demandes de facteurs sous contrainte de production et coûts de
production
On établit ici la relation qui existe entre les demandes de facteurs associées à la réalisation
d’un objectif de production donné et la dépense minimale dont le producteur devra
nécessairement s’acquitter pour atteindre cet objectif (c’est à dire le coût de production). Ici
encore, ce lien doit être étudié dans deux contextes différents : celui de la courte période
d’abord (2.1), celui de la longue période ensuite (2.2). L’examen des liens qui existent entre
coûts de courte et de longue période ne sera abordé qu'au paragraphe (3).
2.1.
Les coûts de production dans la courte période.
On sait que le coût de production est la dépense minimum dont le producteur doit s’acquitter
pour rémunérer les facteurs indispensables à la réalisation de son objectif de production. Dans
la courte période, le coût total de production pour un niveau de production q donné et pour un
système de prix donné est égal à la dépense liée à la rémunération des facteurs utilisés en
quantités
K= K
L = L’CP(q, wH, wL, K )
H = H’CP(q, wH, wL, K )
On a par conséquent :
CTCP(q) = r K + wL L’CP(q, wH, wL, K ) + wH H’CP(q, wH, wL, K )
C’est la dépense minimale à laquelle le producteur doit nécessairement consentir pour
atteindre son objectif de production compte tenu du système de prix.
On note que le coût total de courte période est la somme de deux composantes :
une première composante r K qui correspond à la rémunération du facteur dont on ne
peut ajuster la quantité dans la courte période ; c’est pour cette raison que cette
composante s’appelle le « Coût Fixe ». Comme son nom l’indique, le Coût Fixe CF est
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
indépendant de la quantité produite : même si la production est nulle le producteur
supporte le Coût Fixe.
-
une deuxième composante wL L’CP(q, wH, wL, K ) + wH H’CP(q, wH, wL, K ) qui
correspond, elle, à la rémunération des facteurs dont il est possible d’ajuster la
quantité dans la courte période : c’est le Coût Variable. Comme son nom l’indique,
cette deuxième composante est susceptible de varier en fonction de l’importance
du volume de la production. On se doute bien que, ceteris paribus, plus le niveau
de la production est élevé et plus le Coût Variable (et, avec lui, le Coût Total) est
élevé. Ceci étant, la façon dont le CV progresse quand le niveau de production
augmente dépend de façon cruciale de la nature des rendements d’échelle sur les
facteurs ajustables :
S
si les rendements d’échelle sur ces facteurs sont constants les besoins en
facteurs progressent proportionnellement à l’accroissement du niveau de la
production ; dans ce cas, le coût variable progresse lui aussi
proportionnellement à l’augmentation du niveau de la production
S
si les rendements d’échelle sont décroissants, les besoins en facteurs
progressent de plus en plus vite au fur et à mesure que le niveau de la
production augmente et le coût variable augmente de plus en plus vite
S
si les rendements d’échelle sont croissants le coût variable progresse certes
mais de moins en moins vite au fur et à mesure que le niveau de la
production augmente.
Chacune de ces trois cas de figure donne lieu, ci-dessous, à une représentation graphique du
CV et du CT.
CV, CT
CV, CT
CT = CV + CF
CT = CV + CF
CV
CV
CF
CF
q
q
Rendements d’échelle constants sur H et L
Rendements d’échelle décroissants sur H et L
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
CV, CT
CT = CV + CF
CV
CF
q
Rendements d’échelle croissants sur H et L
On suppose bien souvent que les rendements d’échelle sur les facteurs ajustables sont d’abord
croissants puis décroissants de telle sorte que, dans ce cas, les courbes de CV et de CT ont
cette forme tout à fait caractéristique :
CV, CT
CT = CV + CF
CV
CF
q
Rendements d’échelle croissants
puis décroissants sur H et L
Munis des expressions des fonctions de coût total, de coût variable et de coût fixe, il est facile
d’en déduire celles des fonctions de Coût Moyen (CM), de Coût Variable Moyen (CVM), de
Coût Fixe Moyen (CFM) et de Coût Marginal (Cm).
S
le CM (ou coût unitaire) est le rapport du CT à la quantité produite :
CM(q) =
CT(q)
q
Graphiquement, c’est la pente d’un rayon qui part de l’origine et qui passe par le point
(q, CT(q)).
S
le Coût Variable Moyen CVM(q) =
CV(q)
. Graphiquement, c’est la pente d’un
q
rayon qui part de l’origine et qui passe par le point (q, CV(q)).
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
S
le Coût Fixe Moyen CFM(q) =
CF
. Attention : notez que si CF est indépendant de
q
q, le CFM est une fonction régulièrement décroissante de q.
S
le Coût Marginal pour un niveau de production q est la variation du Coût Total
suscitée par une variation unitaire infinitésimale de la quantité produite :
Cm(q) =
d CT(q)
dq
Graphiquement, c’est la pente de la tangente à la courbe de Coût Total 2 pour un niveau de
production égal à q.
CT(q)
CV, CT
CV(q)
Pente de la Tangente = Cm(q0)
Pente du Rayon = CM(q0)
Pente du Rayon = CVM(q0)
q
q0
Les formes des courbes de Coût Moyen, de Coût Variable Moyen et de Coût Marginal
découlent directement, dans la courte période, de la nature des rendements d’échelle sur
l’ensemble des facteurs variables (H et L).
On rappelle (ceci a été démontré en cours) que,
1. dans le cas pour lequel Cm, CM et CVM admettent un minimum, c’est le Cm qui
atteint d’abord son minimum, puis le CVM et enfin le CM
2. dans le cas pour lequel CM admet un minimum, le Cm coupe la courbe de CM en ce
minimum
3. dans le cas pour lequel CVM admet un minimum, le Cm coupe la courbe de CVM en
ce minimum
ce qu’on peut résumer par ce graphique (on a représenté ici un cas de figure pour lequel les
rendements d’échelle sont d’abord croissants puis décroissants… à vous d’illustrer les autres
cas de figure…) :
2
ou encore la pente de la tangente à la courbe de Coût Variable ; le résultat est le même !
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
CT, CV
CT
CV
q
CVM,
CM, Cm
Cm
CM
CVM
2.2.
Les coûts de production dans la longue période.
Dans la longue période, les choses sont relativement plus simple dans la mesure où il n’y a
pas de coûts fixes, tous les facteurs de production pouvant faire l’objet d’un ajustement.
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
L’expression du coût total de longue période peut être établie de deux façons rigoureusement
équivalentes quant au résultat final.
On peut déjà écrire que le Coût Total de longue période correspond à la dépense induite par la
rémunération des quantités que souhaite mettre en œuvre le producteur pour un niveau de
production q donné. En d’autres termes, c’est la rémunération de l’ensemble des facteurs
utilisés en quantités L’LP(q, r, wL, wH), H’LP(q, r, wL, wH), et K’LP(q, r, wL, wH) :
CTLP(q) = wL L’LP(q, r, wL, wH) + wH H’LP(q, r, wL, wH) + r K’LP(q, r, wL, wH)
Il est également possible d’établir l’expression du Coût Total de longue période en partant de
celle du Coût Total de courte période. Il faut bien comprendre pour cela qu’il ne peut y avoir
coïncidence entre le Coût Total de courte période et le Coût Total de longue période pour un
niveau de production q donné que dans un cas de figure : celui pour lequel le stock de capital
effectivement disponible dans la courte période K coïncide exactement avec le niveau de
capital que le producteur aurait choisi s’il avait eu la faculté de choisir l’importance de son
stock de capital en fonction du niveau de production. On dit dans ce cas que le stock de
capital effectivement disponible dans la courte période est à son niveau optimal pour le niveau
de production q. Dans tous les autres cas, le niveau effectif de capital est différent de son
niveau optimal : le Coût Total de courte période est alors strictement supérieur au Coût Total
de longue période 3. On peut déterminer l’expression du CTLP
. en déterminant pour commencer le niveau optimal du capital K̂ (q), c’est à dire la
valeur du stock de capital qui minimiserait pour q donné l’importance du Coût Total de courte
période :
(q) tel que :
K
ˆ
d CTCP (q, K)
=0
dK
. en remplaçant, dans l’expression du Coût Total de courte période, le stock effectif de
(q).
capital K par son niveau optimal K
Les formes des courbes de coût de longue période dépendent de façon cruciale de la nature
des rendements d'échelle sur l'ensemble des facteurs :
S
si les rendements d'échelle sont croissants, la courbe de coût total progresse de moins
en moins vite quand le niveau de la production augmente. Il en résulte que la courbe
de coût moyen est régulièrement décroissante comme, d'ailleurs, la courbe de coût
3
…pour un même niveau de production et un même système de prix bien sûr !
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
marginal. Le coût marginal est toujours plus faible que le coût unitaire pour un niveau
de production donné.
S
si les rendements d'échelle sont décroissants dans la longue période, la courbe de coût
total croît de plus en plus vite quand le niveau de l'activité augmente. Le coût moyen
et le coût marginal augmentent avec le niveau de la production. Pour un niveau de
production donné le coût marginal (coût de la dernière unité de bien produite) est
toujours supérieur au coût unitaire.
S
si les rendements d'échelle sont d'abord croissants pour devenir ensuite décroissants, la
courbe de coût total de longue période est une courbe en "S". Le point où les
rendements d'échelle cessent d'être croissants pour devenir décroissants coïncide avec
le niveau de la production pour lequel le Coût Moyen de LP est minimum. Dans ce
cas, les courbes de coût moyen et de coût marginal ont une forme en "U". Le coût
marginal coupe la courbe de coût moyen au minimum de celle-ci.
CTLP
CTLP
q
q
CmLP
CML
CmLP
CML
Rendements d'échelle croissants
Rendements d'échelle décroissants
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
CTLP
Point des rendements
d'échelle constants
q
CML
CmLP
Rendements d'échelle croissants puis décroissants
3. Coûts de courte et de longue période : approche graphique.
Il s’agit de donner ici une représentation graphique du lien qui existe entre coûts de courte et
de longue période.
Supposons pour simplifier que le producteur ne puisse choisir, dans la longue période,
qu’entre deux niveaux pour son stock de capital : K1 un stock de capital (ou une usine) de
petite taille et K2 un stock de capital de taille plus importante.
Pour un stock de capital K1 le coût fixe du producteur dans la courte période est modeste mais
on peut penser que cette structure de production n’est bien adaptée que pour des niveaux de
production eux aussi très modestes : quand le niveau de la production augmente le coût de
production augmente très rapidement… et l’économie en capital peut alors se payer très cher !
Pour un stock de capital K2 le coût fixe est certes plus élevé… mais il y a une contrepartie : la
progression du coût variable est moins rapide que celle qu’on peut observer avec K1. En
d’autres termes, K1 est un niveau de capital adapté à des niveaux de productions faibles et K2
est plus particulièrement adapté à des niveaux de production élevés. Graphiquement :
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
CT(q,K2)
CT(q,K1)
q
CM(q,K1)
CM(q,K2)
Cm(q,K1)
Cm(q,K2)
q
q1
La courbe de Coût Total de longue période se confond
-
avec la courbe de coût total de courte période CTCP(q, K1) pour des niveaux de
production inférieurs à q1
-
avec la courbe de coût total de courte période CTCP(q, K2) pour des niveaux de
production supérieurs à q1
La courbe de Coût Total de longue période est donc la courbe – enveloppe des courbes de
coût total de courte période.
La courbe de Coût Moyen de longue période se confond
-
avec la courbe de coût moyen de courte période CMCP(q, K1) pour des niveaux de
production inférieurs à q1
-
avec la courbe de coût moyen de courte période CMCP(q, K2) pour des niveaux de
production supérieurs à q1
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
La courbe de Coût Moyen de longue période est donc la courbe – enveloppe des courbes de
coût moyen de courte période.
La courbe de Coût Marginal de longue période se confond
-
avec la courbe de coût marginal de courte période CmCP(q, K1) pour des niveaux
de production inférieurs à q1
-
avec la courbe de coût marginal de courte période CmCP(q, K2) pour des niveaux
de production supérieurs à q1
Attention : la courbe de Coût Marginal de longue période n'est donc pas la courbe –
enveloppe des courbes de coût marginal de courte période.
______________________________________________________________
 Ph. ROUS – Microéconomie – Sc. Eco. I – Mass I / Université de Limoges
Téléchargement