Comprendre l’origine des rubis et des saphirs
pour améliorer la prospection
Fiche n°278 - Octobre 2007
Les rubis et les saphirs se for-
ment dans les profondeurs
de la lithosphère où règne des
pressions et des températures
très élevées. Si l’on sait désor-
mais que la plupart de ces pier-
res précieuses qui se rangent
dans la catégorie des corindons
ont été arrachées à la croûte
terrestre par un magma en pro-
venance du manteau avant
d’être transportées vers la sur-
face, leur origine reste incertaine.
Grâce à la mise en commun des
résultats de plusieurs équipes de
recherche internationales (1), une
banque de données qui recense
le rapport des concentrations
isotopiques de l’oxygène pour
les corindons de l’ensemble des
placers (2) de type basaltique est
aujourd’hui disponible. Bien que
ce paramètre apporte de nom-
breux indices sur la provenance
des saphirs et des rubis, il fallait
encore que les chercheurs aient
accès à un gisement primaire
pour déterminer avec une cer-
titude absolue l’ origine de ces
pierres précieuses. Cette der-
nière pièce du puzzle vient d’être
assemblée par des chercheurs
de l’IRD, du CNRS et de l’univer-
sité d’Antanarivo qui ont décou-
vert un tel gisement de rubis à
Madagascar. En combinant ces
données de terrain inédites aux
valeurs isotopiques de l’oxygè-
ne, les géologues ont donc pu
déterminer précisément l’origine
de tous les rubis et les saphirs
retrouvés dans les basaltes alca-
lins. Une information qui pourrait
permettre de remonter locale-
ment jusqu’à la roche mère et
ainsi d’accroître les possibilités
d’exploitation de ces gisements
de pierres précieuses.
Rubis et saphirs appartiennent à la
famille des corindons. Ces derniers qui se
déclinent en un large éventail de couleurs,
sont constituées de cristaux d'oxyde
d'aluminium contenant des impuretés
responsables de leur teinte : titane et fer
pour le bleu du saphir, chrome et vanadium
pour le rouge du rubis. Si la beauté de
ces pierres précieuses captive les hommes
depuis des siècles, l’origine de leur formation
est toujours débattue pour certaines d'entre
elles. C’est plus particulièrement le cas des
saphirs retrouvés dans les basaltes alcalins,
une roche volcanique où est récolté la
majorité des saphirs bleus commercialisés
à travers le monde. Ce sont les hautes
pressions et les températures très élevées
qui règnent à plusieurs dizaines de kilomètres
de profondeur dans la croûte terrestre qui
donnent naissance aux corindons. Des
remontées magmatiques les ramènent
ensuite à la surface où les cristaux se sont
accumulés suite à l’érosion de la roche qui
les protégeait. Les prospecteurs retrouvent
ensuite ces pierres dans des placers qui
correspondent à des dépôts sédimentaires.
Cela explique pourquoi il est très dif cile de
déterminer l’origine de ces pierres à partir
des gisements secondaires.
Les géologues tentent cependant de
remonter jusqu’à l’origine primaire des
corindons depuis plusieurs années en
se basant notamment sur la composition
isotopique de l'oxygène qui se retrouve
piégé dans ces cristaux. En regroupant les
résultats de plusieurs équipes internationales,
ils ont pu établir une banque de données
des valeurs isotopiques de l’oxygène pour
l’ensemble des gisements mondiaux de
saphirs et de rubis retrouvés dans des
basaltes alcalins. Mais si ce paramètre
permet aux scienti ques d’avancer sur
l’origine de ces pierres, l’étude géologique
d’un gisement primaire est indispensable
pour pouvoir déterminer sans ambiguïté
leur provenance. A Madagascar, des
chercheurs de l'université d'Antananarivo,
de l'IRD et du CNRS ont pu récemment
Rubis et saphirs de Madagascar
>>
© IRD/ Giuliani Gaston
Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr
avoir accès à une partie bien conservée de
roches à rubis remontées par un magma
mantellique. Cette découverte constitue la
clé de voute qui manquait aux géologues
pour con rmer la nature des roches hôtes
des rubis mais aussi des saphirs retrouvés
dans les basaltes alcalins. Grâce à l'étude
des échantillons prélevés sur le site, les
scienti ques ont pu établir les conditions
dans lesquelles ces rubis se sont formés:
une pression très élevée de 20 kbar et
une température voisine de 1100°C, soit
à une profondeur d'environ 60 km ont été
nécessaires pour que ces pierres précieuses
voient le jour. En combinant ces données
de terrain inédites aux valeurs isotopiques
de l’oxygène déterminées pour 150 saphirs
issus de placers basaltiques provenant de 13
pays différents, les géologues ont nalement
pu déterminer précisément l’origine de tous
les rubis et les saphirs retrouvés dans les
basaltes alcalins.
Dans la grande majorité des cas, le
croisement de l’ensemble de ces résultats
a permis de con rmer l’origine magmatique
pour les saphirs retrouvés dans ces roches.
Ce résultat corrobore ceux des études
précédentes portant sur la composition
chimique des verres piégés par ces saphirs
et qui sont typiques des environnements
magmatiques. De plus, l'existence de
xénolithes de syénite (3) à saphirs con rme
que ces corindons ont cristallisé à partir d'un
magma en provenance du manteau.
Une origine métamorphique sans équivoque
a également pu être déterminée pour 20
% des saphirs et pour l’ensemble des rubis
d’origine basaltiques, soit 62 échantillons
différents provenant de gisements d'Asie,
d'Australie et de Madagascar. Dans ce
deuxième cas de gure, la roche mère ne
provient donc plus du manteau mais de la
croûte continentale profonde dans la zone
de transition entre la croûte et le manteau.
Ce type de gisement primaire se rencontre
dans des environnements à haute pression
et à température élevée qui forment des
af eurements importants dans les socles
anciens comme à Madagascar.
Comprendre l’origine primaire des rubis
et saphirs retrouvés dans les dépôts
sédimentaires pourrait donc permettre
de déterminer leur origine géologique
et ainsi accroitre les possibilités
d’exploitation de ces pierres précieuses.
En aval de l’exploitation, le procédé pourrait
également être envisagé comme méthode
de contrôle des circuits commerciaux.
Mais contrairement aux émeraudes pour
lesquelles ce type d’étude croisant analyses
de terrain et mesures isotopiques permet
de déterminer à la fois l’origine géologique
et la localisation géographique du gisement
primaire, les saphirs ne laissent dévoiler que
leur origine géologique. Une particularité qui
devrait contribuer à faire planer pendant de
nombreuses années encore une part de
mystères sur ces pierres fascinantes.
Rédaction IRD - Grégory Fléchet
CONTACTS
Gaston GIULIANI
IRD-LMTG
Laboratoire des mécanismes
de transfert en géologie
(LMTG)
Adresse : CRPG-CNRS
15 rue Notre Dame des
Pauvres BP 20 54501
Vandoeuvre-lès-Nancy, France
Tel : 33 (0)3 83 59 42 38
Site : http://www.crpg.cnrs-
nancy.fr
Daniel OHNENSTETTER
CRPG/CNRS
Tel : 33 (0)3 83 59 42 37
nancy.fr
CONTACT PRESSE IRD :
Relations avec les médias
Gaëlle COURCOUX
+33 (0)1 48 03 75 19
INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE
L’IRD
+33 (0)1 48 03 78 99
www.ird.fr/indigo
RÉFÉRENCES :
GIULIANI G., FALLICK A.E.,
GARNIER V., FRANCE-LANORD
CH., OHNENSTETTER D.,
SCHWARZ D. (2005): Oxygen
isotope composition as
a tracer for the origins
of rubies and sapphires.
Geology 33, 249-252.
GIULIANI G., FALLICK
A.E., RAKOTONDRAZAFY
M., OHNENSTETTER D,
ANDRIAMAMONJY A,
RALANTOARISON TH,
RAKOTOSAMIZANANY
S, RAZANATSEHENO M,
OFFANT Y, GARNIER V,
DUNAIGRE CH, SCHWARZ
D, MERCIER A, RATRIMO
V. & RALISON B. (2007a):
Oxygen isotope systematic
of gem corundum deposits
in Madagascar: relevance
for their geological origin.
Mineralium Deposita 42, 251-
270.
GIULIANI G., OHNENSTETTER
D., RAKOTONDRAZAFY
M., FALLICK A.E.,
RAKOTOSAMIZANANY
S., ANDRIAMAMONJY A.,
RALANTOARISON TH.,
RAZANATSEHENO M.,
DUNAIGRE CH., SCHWARZ
D. (2007b) : Les gisements
de corindons gemmes
de Madagascar. Revue de
gemmologie AFG 159, 14-28.
GIULIANI G., OHNENSTETTER
D., GARNIER V., FALLICK
A.E., RAKOTONDRAZAFY M.,
SCHWARZ D. (2007c): The
geology and genesis of
gem corundum deposits, in
: Raeside E.R., Series Editor,
Geology of gem deposits,
Mineralogial Association of
Canada, Short Course Series
37, Yellowknife, Canada, pp.
23-78.
MOTS CLÉS : rubis, saphir,
basalte, prospection
Pour en savoir plus
Grégory Fléchet, coordinateur
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]
Fiche n°278 - Octobre 2007
Carrière à rubis de Soamiakatra située dans la
région d'Antanifotsy à Madagascar.
(1) Ces travaux ont été menés par
le Laboratoire des Mécanismes
de Transfert en Géologie (LMTG)
de Toulouse et le Centre de Re-
cherches Pétrographiques et Gé-
ochimiques (CRPG) de Nancy en
collaboration avec le laboratoire
du Scottish Universities Environ-
mental Research Center de Glas-
gow (Ecosse), l'Institut Gubelin en
Suisse, le Service géologique du
Pakistan et les universités d'Hanoi
(Viêt-Nam) et d'Antananarivo (Ma-
dagascar)
(2) Gisements secondaires de
pierres précieuses formés par l’ac-
cumulation d’alluvions uviaux ou
marins
(3) la syénite est une roche com-
posée à plus de 60% de feldspaths
potassiques
©IRD/ Rakotosamizanany S.
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