
Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 23 - janvier/février 2004
2
Actualités
E
n  Afrique  de  l’Ouest,  des
retards de croissance touchent
plus d’un tiers des enfants de
moins  de  5 ans  et  environ  10 %
d’entre eux présentent un poids insuf-
fisant  pour  leur  taille.  Parallèlement,
des  carences  en  micronutriments,  en
particulier  en  vitamine A,  fer,  zinc  et
iode, affectent les groupes les plus vul-
nérables,  enfants,  femmes  enceintes
ou  allaitantes.  Ces  carences  sont  res-
ponsables  d’un  ralentissement  de  la
croissance et  du  développement  intel-
lectuel  et  physique  des
enfants,  d’une  aug-
mentation  de  la  mor-
talité  infantile  et  de
manifestations  plus
spécifiques  (cécité,
goitre,  anémie…).
Dans  de  nombreux
pays d’Afrique, la situa-
tion  est  particulièrement
préoccupante dans la
mesure  où,
contrai-
rement  à  ce  que  l’on  observe  sur  les
autres  continents,  l’état  nutritionnel
des populations s’est aggravé au cours
de la dernière décennie.
La  lutte  contre  les  carences  en  micro-
nutriments  fait  classiquement  interve-
nir deux types de stratégies : la supplé-
mentation ou les voies alimentaires. La
supplémentation  consiste  à  distribuer
les  micronutriments  sous  la  forme  de
médicaments  (capsules,  comprimés…)
dont  les  fréquences  de  distribution
dépendent de la nature du micronutri-
ment  concerné.  Les  voies alimentaires
encore appelées approches fondées sur
l’alimentation  (« food-based  approa-
ches »)  considèrent  les  aliments,  qu’ils
soient  à  l’état  brut,  transformés  ou
enrichis, comme le principal moyen de
prévenir les déficiences nutritionnelles. 
Cela  correspond  à  un  ensemble  de
stratégies  complémentaires  qui  impli-
quent  les  secteurs  de l’agriculture, de
la technologie alimentaire et de l’édu-
cation/communication. Parmi les diffé-
rentes  voies  proposées,  on  distingue
généralement :  la  diversification  de  la
production  des  aliments  ;  l'améliora-
tion des procédés technologiques uti-
lisés pour  la  transformation,  le  stoc-
kage  et  la  commercialisation  des
aliments riches en nutriments ;
et la fortification qui a pour
objectif  d’enrichir
en  micronu-
t r i m e n t s ,
© IRD/S.Trèche
Organisé conjointement par les
universités  de  Ouagadougou
et de Wageningen, l’IRD et la FAO,
l’atelier  international  de  Ouaga-
dougou a réuni 189 participants en
provenance  du  Burkina  Faso  (91),
de 18 autres pays africains (61), de
5 pays  européens (33),  des  États-
Unis, du Canada, du Mexique et du
Viêt-nam. Par rapport aux objectifs
du premier atelier tenu en 1999 sur
les  petites  industries  agroalimen-
taires pour une  nutrition  saine en
Afrique de l’Ouest, cette deuxième
rencontre  a  pris  en  compte  l’en-
semble des approches alimentaires
susceptibles  de  contribuer  à  amé-
liorer  les  situations  nutritionnelles
en  Afrique.  Douze  chercheurs  ou
ingénieurs et 10 doctorants de l’IRD
y  ont  présenté  leurs  travaux.  Les
résumés  des  105 contributions
orales ou posters et les textes inté-
graux  d’une  cinquantaine  de  ces
contributions sont accessibles sur le
site Internet de l’atelier 
Un  concours  de  posters  réservé
aux jeunes scientifiques a éga-
lement été organisé. Parmi les
22 candidats, le jury interna-
tional a choisi de récompen-
ser  Ayassou  Kossiwavi
(ancienne stagiaire de DEA de
l’IRD Burkina  Faso),  Tahirou
Traoré,  allocataire  de
recherche  de  l’IRD,  et
Lynda Njongmeta, docto-
rante  de  l’université  de
Ngaoundéré (Cameroun).
●
dans les unités de production, certains
aliments  d’usages  fréquents.  Depuis
peu,  les  Centres  Internationaux  de
Recherche  Agronomique  (CIAT,IFPRI)
développent une nouvelle voie, la bio-
fortification. Elle consiste à créer, sélec-
tionner et diffuser, pour les principaux
aliments  de  base,  des  variétés  ayant
des  teneurs  naturelles  en  micronutri-
ments  considérablement  plus  élevées
que les variétés traditionnelles.
Par  rapport  à  la  supplémentation,  les
voies  alimentaires  sont  considérées
comme  durables  et  d’un  meilleur  rap-
port coût/efficacité. Elles présentent, par
ailleurs, l’avantage de permettre la prise
en  compte  simultanée  de  plusieurs
types de carences. Elles diffèrent néan-
moins de manière importante selon les
niveaux  d’implication  des  (bio)techno-
logues et des éducateurs et par les coûts
nécessaires pour leur mise en œuvre. 
L’atelier  international  qui  vient  de  se
tenir à Ouagadougou a principalement
permis  d’analyser  l’état  actuel  des
connaissances,  les  expériences  et  les
leçons sur les voies alimentaires élabo-
rées et mises en œuvre en Afrique de
l’Ouest, en s’intéressant tout particuliè-
rement  au  rôle  des  technologues  ali-
mentaires  et  des  nutritionnistes.  Il  en
est  principalement  ressorti  que,  pour
chaque  contexte,  le  choix des voies  à
privilégier  devrait  s’appuyer  sur  des
diagnostics  précis  de  situation.  En
Afrique  de  l’Ouest,  compte  tenu  de
l’importance  de  l’autoconsommation
pratiquée  par  les  populations  encore
très majoritairement rurales et du faible
niveau  de  développement  des  indus-
tries agroalimentaires, les voies les plus
prometteuses  restent  la  diversification
et l’amélioration des procédés techno-
logiques traditionnels. La supplémenta-
tion  et  la  fortification  restent  cepen-
dant  souvent  préférées  par  les
gouvernements  et  les  bailleurs  de
fonds  persuadés  de  leur  plus  grande
efficacité à court terme. Enfin, comme
tous les ateliers s’intéressant à l’amélio-
ration des situations  nutritionnelles,  la
réunion de Ouagadougou a insisté sur
l’impérieuse nécessité de favoriser l’in-
terdisciplinarité ainsi que  la  circulation
de  l’information  entre  chercheurs  et
acteurs du développement. 
●
Contact
Serge Trèche
WEB http://lombila.univ-
ouaga.bf/fn2ouaga2003
© IRD/J.-J. Lemasson
© IRD/S.Trèche
Les voies alimentaires
d’une meilleure nutrition
Du 23 au 28 novembre 2003, Ouagadougou accueillait un atelier international sur les
Voies alimentaires d'amélioration des situations nutritionnelles en Afrique de l'Ouest : le
rôle des technologues alimentaires et des nutritionnistes.
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Rédacteurs
Marie-Lise Sabrié (rubrique Recherches
Correspondants 
Fabienne Beurel-Doumenge (Montpellier)
,
Jacqueline Thomas  (Dakar), 
Mina Vilayleck (Nouméa)
Ont collaboré à ce numéro
Cédric Duval
Michel Dukhan 
Photos IRD – Indigo Base
Claire Lissalde
Danièle Cavanna
Photogravure, Impression
Jouve, 18, rue Saint-Denis, 
75001 Paris - Tél. : 01 44 76 54 40
ISSN : 1297-2258
Commission paritaire : 0904805335
Dépôt légal : février 2004
Journal réalisé sur papier recyclé.
Le journal de l'IRD
Pourquoi, dans certaines régions d’Asie, les gisements
de rubis se trouvent-ils toujours inclus dans des
marbres ? C’est la question à laquelle des géologues
ont essayé de répondre en étudiant les mécanismes
tectoniques et géochimiques impliqués dans la 
formation des gisements. La solution est plutôt salée.
À
l’image du célèbre gisement
de Mogok au Myanmar (ex-
Birmanie), d’où sont extraits
les  rubis  de  la  plus  haute  qualité
gemme, les régions d’Asie Centrale et
du Sud-Est hébergent les gisements de
rubis les plus prisés. 
Ces gisements présentent une particu-
larité  qui  intéresse  les  scientifiques  de
l’IRD et CRPG/CNRS1depuis  plusieurs
années :  les  cristaux  de  rubis  qu’ils
recèlent  se  présentent  systématique-
ment inclus dans des marbres, qui sont
des calcaires transformés à haute tem-
pérature.  Or,  certains  constituants
majeurs  du  rubis  –  principalement
l’aluminium, le chrome et le vanadium
–  sont  normalement  absents  des
marbres. Sur le plan minéralogique en
effet, le rubis est la variété chromifère
du  corindon  gemme,  c’est-à-dire  un
oxyde d’aluminium dont quelques ions
aluminium  ont  été  substitués  par  du
chrome.  Celui-ci  contribue  avec  le
vanadium  à  donner au  cristal  sa cou-
leur  rouge.  Des  recherches  ont  donc
été  lancées  pour  comprendre  les
mécanismes  de  formation  de  ces
gisements,  leur  âge  et  leur  significa-
tion dans le fonctionnement des zones
profondes  de  la  couche  terrestre.  En
combinant les données de terrain et les
résultats d’analyses géochimiques réali-
sées au laboratoire sur des échantillons
provenant  des  différents  gisements
répertoriés  de  l’Afghanistan  au  Viêt-
Nam,  les  chercheurs  sont  parvenus  à
établir  un  modèle  génétique  inédit,
valable  pour  l’ensemble  de  ces  gise-
ments de rubis associés aux marbres2.
Ainsi,  l’analyse  des  inclusions  liquides
piégées par les rubis lors de leur cristal-
lisation  a  révélé  l’intervention  de
fluides nourriciers salés et riches en gaz
carboniques. Ces derniers proviennent
de la dissolution à hautes températures
de  sels  contenus  dans  des  couches
dites  à  évaporites3que  l’on  retrouve
dans  les  marbres  impurs  de  certaines
régions  d’Asie,  riches  en  argiles  et en
matières  organiques.  Ces  fluides  ont
ensuite  été  mis  en  mouvement  à  la
faveur
des contraintes
tectoniques, provoquant ainsi des réac-
tions chimiques qui ont permis la mobi-
lisation de l’aluminium et des éléments
chromophores  du  rubis,  présents  en
très faible quantité.  La  dissolution des
sels  des  couches  à  évaporites  a
entraîné  au  sein  des  marbres la  créa-
tion de cavités dans lesquelles du rubis
très pur, aux facettes bien développées
a pu cristalliser.
Contrairement aux études précédentes,
le  modèle  proposé  met  donc  en  évi-
dence l’intervention de sels et de fluides
minéralisateurs  d’origines  métamor-
phiques. Inédit pour le rubis naturel, il se
révèle par ailleurs proche de la méthode
des sels fondus utilisée dans l’industrie
pour la production d’aluminium. 
●
Contact
Gaston Giulini
1. Ces  recherches  associent  l’UR 154,
Déformation  de  la  lithosphère  continentale
en  zones  de  convergence  et  transferts  de
matière,  de  l’IRD,  le  Centre  de  recherches
Pétrographiques et  Géochimiques  /  CNRS de
Nancy,  l’UMRG2RR  de  l’Université  Henri-
Poincaré  de  Nancy  et  l’UMR 5025 LGCA
(Laboratoire de géodynamique  des  Chaînes
Alpines) de Grenoble. Le projet de recherche
sur les gemmes,  développé  au sein de  l’UR
154 de l’IRD est orienté sur l’étude des gise-
ments  de  rubis  en  Asie  du  Sud-Est.  Depuis
1998,  des  partenariats  ont  été  établis  au
Viêt-nam avec  l’Institut des Sciences Géolo-
giques  de  Hanoï  et  avec  le  service  géolo-
gique  du  Pakistan  et  le  soutien du  Service
culturel  de  l’Ambassade  de  France  à
Islamabad.
2. Ces travaux ont fait l’objet de la thèse de
Virginie Garnier.
3. Ces  évaporites  correspondent à de l’an-
hydrite  (sulfate  de  calcium)  et  des  sels
comme  la  halite  et  la  sylvite  (chlorures  de
sodium et de potassium).
Marbre, sel, et rubis
© IRD/ G. Giuliani