Introduction aux finances publiques 2008-2009 Version du 29.09.2008 1
Chapitre 1
LÉTAT
et
LES BIENS COLLECTIFS
1.1
1.2
1.3
1.4
Définition du secteur public
Caractéristiques des services collectifs
Le passager clandestin
Les trois fonctions du secteur public
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Les débats politiques et publics autour du concept de "l'État" sont aujourd'hui à la fois
passionnés et virulents: de la gauche à la droite, des partisans du "moins d'État" aux
adeptes du "il n'y a qu'à" chacun entonne son refrain sur ce que devrait être le secteur
public. Rien d'étonnant à cela: du saut du lit au coucher, l'État régulateur, acteur et
producteur nous environne, guide ou contraint notre vie - selon que son intervention nous
profite ou nous exaspère. En Suisse, pour chaque franc que nous touchons ou que nous
dépensons, pratiquement la moitié transite par les caisses de l'État. Faut-il s'en plaindre,
s'en désoler ou bien lui rendre justice qu'il est indispensable - mais alors jusqu'où l'est-il ?
Ce premier chapitre a pour objectif de cerner quelque peu le champ d'investigation sur
ce que peut - ce que devrait - être le "secteur public". On rencontre en effet beaucoup
d'ambiguïté dans la définition de "l'État" ou du "secteur public". L'État peut produire des
biens et services qui ne sont pas "collectifs": il agit comme n'importe quel entrepreneur
privé - mais est-ce bien son rôle ? À l'inverse, l'État ne produit pas forcément tout les
biens collectifs qui lui sont nécessaires: l'économie moderne a inventé des formes de
partenariat public-privé. Comment dès lors distinguer ?
Pour répondre à cette interrogation, ce chapitre est organisé en quatre sections.
[1] La première tente de cerner le secteur public en reprenant trois définitions usuelles
(énumération des organismes d'administration publique, selon le mode de prise de
décision, selon la fonction de production), mais qui posent problème.
[2] La deuxième section propose sous forme d'algorithme une finition économique des
biens collectifs par deux caractéristiques: la non-rivalité et la non-exclusion - ce qui
permet aussi d'opposer les biens "marchands" aux services dit "collectifs".
[3] La portée analytique de ces deux caractéristiques est immédiatement mise à l'épreuve
dans la théorie du passager clandestin, présentée dans la section 3: on entre au cur du
débat et au cur de la difficulté. Si une production revêt les caractéristiques de non-
rivalité et de non-exclusion, aucun entrepreneur privé entrera dans ce marché: l'Etat doit
intervenir, ou alors il faut accepter que rien ne se fera.
[4] Finalement, dans la section 4, on suit la proposition de Musgrave, qui a tenté de
cerner les trois grands domaines d'intervention de l'État: l'allocation des ressources, la
redistribution des revenus, la stabilisation, qui vise la maîtrise des grandeurs
macroéconomiques telles l'emploi (le chômage) et la stabilité des prix (l'inflation) par les
politiques monétaires et budgétaires.
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Buts de ce chapitre:
1. Acquérir les outils méthodologiques permettant de cerner de manière précise le
"secteur public"; éviter la confusion entre État entrepreneur privé et l'État intervenant
comme collectivité publique.
2. Être capable d'appliquer les caractéristiques de (non) rivalité et de (non) exclusion
pour préciser les domaines d'intervention objective de l'État.
3. Comprendre les conséquences et les difficultés de mise en uvre des politiques
publiques en présence de biens et de services collectifs.
1.1 Définition du secteur public
Le débat sur la tailledu secteur public a gagné en intensité durant ces deux dernières
décennies, avec la chute du mur de Berlin en 1991 et la fin du bloc communiste, puis plus
particulièrement avec lémergence de la droite politique dans plusieurs pays européens.
Les tenants du moins dÉtat affrontent ceux dumieux État ou de lÉtat social. Mais
quelle est la définition du secteur public : cest quoi « lÉtat » ? Et comment juger du
trop dÉtat  à partir de quel seuil peut-on dire "trop" ?
Trois définitions usuelles sont retenues (ces définitions posent problèmes):
a) Par énumération des organismes formant le secteur public :
9 les administrations publiques: nationales, intermédiaires (provinciales, régionales
ou cantonales), locales;
9 les organismes de sécurité sociale (lesquelles ? Peut-on comparer sans autre
l'AVS,
9 l'assurance-maladie ou la prévoyance professionnelle);
9 les entreprises publiques lorsque les politiques de prix (tarifs) et d'investissement
qui y sont appliquées s'écartent des principes commerciaux (la Poste, Swisscom,
les CFF, les banques cantonales). Faut-il exclure de cette énuration les
entreprises dont le capital est en majeure partie aux mains de l'Etat, mais qui sont
gérées selon des principes commerciaux ?
b) Selon le mode de prise de décision:
9 le mode de décision du marché est un processuscentralisé (rencontre de l'offre
et de la demande au prix d'équilibre)
9 le mode de décision est politique: la demande est exprimée par le biais des
institutions démocratiques (programmes politiques et plateformes électorales ;
initiative, référendum, vote, etc.); l'offre est le fait du Parlement et de la
bureaucratie; le prix (l'impôt) est implicite en ce sens qu'il n'est pas lié à la
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demande, mais en découle puisque lensemble des décisions dépensières doivent
être finanes par des ressources tirées de léconomie.
9 Il faut ajouter la problématique de l'Etat régulateur versus l'Etat producteur:
toutes les décisions "politiques" relative au secteur public ne se traduisent pas
forcément par une ligne budgétaire et une pense publique effective. Nombre de
décisions appartiennent à la démarche "régulatrice". Dans ce cas, l'Etat intervient
pas des normes, des standards ou des critères de surveillance. Cette démarche
peut entraîner des coûts administratifs directs plus ou moins importants, comme
le montrent les deux exemples suivants:
- la Commission de la concurrence est chargée de veiller à ce que des abus de
positions dominantes, des monopoles, oligopoles, cartels, ne surviennent sur le
marché. Les conséquences économiques des décisions de la Comcom sur le
secteur marchand dépassent de loi les seuls cts administratifs de son
fonctionnement;
- les normes antipollution de la voiture coûtent directement aux propriétaires
privés des véhicules (le catalyseur + les contrôles anti-pollution).
Il y a ainsi une quantité d'actes de la vie quotidienne qui sont influencés par l'Etat
régulateur sans ligne de dépense dans le budget de l'Etat.
c) Selon la propriété des moyens de production
(Rosen et Gayer, 2008: pages 62-67 sur la question « public versus private
provision » et « public versus private production »)
9 publique = économie collectiviste
9 privée = économie de marché
9 combinaison = économie mixte
Si lon combine ces deux dernièresfinitions, on obtient une matrice avec quatre
sorties :
Encadré 1-1
propriété des moyens de production
privée publique
marché 1 2
Processus decision politique 3 4
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1.2 Caractéristiques des services collectifs
Deux éléments fondamentaux caractérisent les services collectifs: la non-rivalité et la
non-exclusion (Rosen et Gayer, 2008 : 52).
9 La non-rivalité des consommations: une fois produit pour un individu, le service
collectif est automatiquement disponible pour les autres individus (défense nationale)
SANS coût additionnel de production, tout au moins jusqu'à la limite de capacité de
l'infrastructure de production (théâtre). La non-rivalité des consommations est égale
à une production jointe à utilisateurs multiples; on parle aussi d'indivisibilité de l'offre.
9 La non-exclusion: il n'est pas possible d'exclure de la consommation du service
l'individu qui ne révèle pas ses préférences, et donc ne paie pas le prix du service (le
passager clandestin), parce que lexclusion est techniquement impossible ou serait
extrêmement onéreuse. Quant à la notion d'exclusion, il faut distinguer l'exclusion par
le producteur (est-elle techniquement possible, est-elle économiquement opportune
?) et l'exclusion du consommateur (peut-il choisir de s'exclure d'une consommation
publique qu'il n'apprécie pas ?).
En combinant ces deux caractéristiques, on obtient une matrice avec quatre sorties :
Encadré 1-2
consommation
rivale non rivale
possible
(1) bien marchand
bananes,
voiture,
vacances, etc
(3) bien mixte
théâtre, tunnel,
autoroute à péage,
TV codée, etc
En général jusquà une
limite de capacité
Exclusion par
les prix
impossible
(2) bien mixte
espace urbain,
air propre,
calme,
abeilles, moutons
(Hume)1
(4) service collectif
pur
défense nationale,
épidémie,
croissance,
inflation
1 David HUME (1711-1776) : The Treatise of Human Nature, 1739/40
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