
denses et leur collage ; elle détermine
ainsi, à l’échelle du nanomètre,la
géométrie des structures formées.
Cette compétition est contrôlable
chimiquement par le pH et la salinité
des solutions, lesquels modifient la
vitesse des réactions et la charge
superficielle des particules formées.
En milieu modérément acide
(pH >1), l’hydrolyse est rapide
devant la condensation. Il y alors for-
mation prompte de petites particules
nanométriques (0,5 - 2 nm) par cycli-
sation de chaînes. Ces particules
s’agrègent ensuite pour former des
amas polymériques ramifiés. A l’in-
verse, en milieu basique ou neutre,
l’hydrolyse est la réaction limitante et
les particules formées par condensa-
tion sont progressivement alimentées
en monomères. Ce mécanisme favo-
rise alors la croissance de particules
denses (10 - 100 nm).
La phase d’agrégation des particu-
les en amas est indispensable pour
obtenir la gélification. En effet,
les amas issus du collage entre parti-
cules sont poreux et la fraction volu-
mique qu’ils occupent croît avec leur
taille. Lorsque cette fraction avoisine
1, les amas atteignent leur taille
maximale et leur connexion engendre
un réseau tridimensionnel qui occupe
tout l’échantillon, lequel devient
macroscopiquement solide. C’est le
phénomène de gélification, qui
génère un réseau solide emprisonnant
des solvants : un gel. Ce réseau pré-
sente une porosité dont la distribution
s’échelonne de la taille des particu-
les à celle des amas. Cette porosité
est contrôlable par la taille et la
concentration des particules initiales
ainsi que par le mécanisme d’agré-
gation qui détermine le degré de
ramification.
Au-delà de la gélification, les réac-
tions chimiques se poursuivent et
modifient la distribution en taille des
pores du gel. Enfin, l’obtention d’un
matériau passe par une étape de
séchage qui consiste à évacuer le
solvant en dehors du réseau polymé-
rique. Cette opération s’effectue
généralement à température ambiante ;
elle conduit à un gel sec (ou xérogel)
transparent.
DES MATÉRIAUX DENSES
POUR L’OPTIQUE
Au début des années 80, une
équipe israélienne, animée par
D. Avnir, a eu l’idée d’incorporer
dans le solvant nécessaire à la prépa-
ration du gel des molécules organi-
ques pour lasers à colorant, les mê-
mes que celles généralement utilisées
en phase liquide. Après séchage, les
molécules organiques se retrouvent
emprisonnées dans la matrice inorga-
nique. Les basses températures de
préparation permettent d’introduire
des molécules organiques dans un ré-
seau minéral et, en conséquence, de
préparer une multitude de matériaux
par simple insertion de molécules
dans les xérogels transparents. De
nombreuses applications ont été alors
proposées pour ces solides, en parti-
culier dans le domaine de l’optique
(capteurs, lasers, mémoires optiques,
optique non linéaire...). Cependant,
dans les conditions d’élaboration que
nous venons d’évoquer, la structure
lacunaire des agrégats conduit à un
xérogel à porosité ouverte. La fragi-
lité et l’instabilité chimique de ces
matrices poreuses ne permettaient pas
d’envisager sérieusement leur utilisa-
tion en optique.
Les différentes méthodes dévelop-
pées dans notre laboratoire ont per-
mis d’améliorer le piégeage de la
molécule et la tenue mécanique du
gel. Ces méthodes utilisent des pré-
curseurs du type trialkoxysilane
R-Si-(OC
2
H
5
)
3
où R est un simple
groupe organique modificateur de ré-
seau (par exemple méthyl dans le
cas du methyltriéthoxysilane ou
MTEOS). Le caractère hydrophobe
de R favorise le séchage, la contrac-
tion du réseau et améliore les pro-
priétés mécaniques des matrices hy-
brides. Les solides denses obtenus
sont alors de véritables matériaux qui
se présentent comme du verre à vi-
tre coloré dans la masse (figure 1) et
dont la qualité optique peut être amé-
liorée par polissage mécanique (1 nm
de rugosité de surface). Dans le cas
d’un échantillon de 1 cm d’épaisseur
à faces planes et parallèles, nous
avons mesuré une transmission de
92 % pour un faisceau en incidence
normale dans le domaine visible.
Compte tenu des pertes par réflexion
(4 % sur chacune des faces), ces ma-
trices apparaissent comme des maté-
riaux de choix pour les applications
en optique. En outre, elles peuvent
être miniaturisées en films minces
d’épaisseur micrométrique, déposés
sur différents substrats par centrifu-
gation ou trempage en utilisant un sol
de viscosité contrôlée.
Le groupe R peut aussi porter un
groupe fonctionnel (par exemple
amine ou isocyanate) qui permet un
greffage à la matrice par liaison
covalente de molécules organiques
ou biologiques. Un des avantages
apportés par ce type de greffage est
d’éviter une séparation de phase en-
tre les composantes organique et
minérale, et par conséquent d’aug-
menter de plusieurs ordres de gran-
deur la concentration en espèces
moléculaires par rapport aux systè-
mes simplement dissous dans le gel.
Signalons aussi la possibilité d’utili-
ser un groupe R formateur de réseau,
c’est-à-dire porteur d’un groupe
organique polymérisable. La double
polymérisation permet alors d’opti-
miser la compatibilité des composan-
tes organique et minérale et d’obte-
nir des composites homogènes à
l’échelle nanométrique.
En fait, si la variété des précur-
seurs conduit à toute une gamme de
matériaux hybrides organiques-
inorganiques dans lesquels sont dis-
persées des espèces moléculaires, elle
permet aussi de modifier la nature et
l’intensité des interactions entre la
molécule invitée et le réseau hôte.
Nous allons montrer, à partir de
quelques exemples, que l’augmenta-
tion des interactions chimiques in-
fluence directement les propriétés
physiques et par conséquent le do-
maine d’applications de ces maté-
riaux.
Les photons dans tous leurs états
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