La répression de la Résistance en France par les autorités d’occupation
et les autorités de Vichy
Intro : juin 1940, l’ armée française est défaite ; à la question «la France a-t-elle perdu une
bataille ou a-t-elle perdu la guerre ? », le gouvernement opte pour la guerre ; c’est pourquoi,
Pétain, nouveau Président du conseil, à la place de Paul Reynaud démissionnaire, demande l’arrêt
des combats et, quelques jours plus tard, signe l’armistice avec l’Allemagne. Dès lors, la France
se trouve dans une situation particulière : bien qu’alliée aux Anglais, elle sort officiellement du
combat . Mais les Français ? qu’en pensent-ils ? si, majoritairement, à cette date, les Français
sont reconnaissants à Pétain d’avoir mis un terme à la guerre, quelle va être leur attitude face à
l’occupation et au nouveau régime ?Très vite, de Gaulle rejoint Londres et appelle les Français à
la résistance ; vont-ils répondre ? les nouvelles autorités , allemande comme française, vont-
elles laisser se développer une résistance ?
I : le contexte de formation de la résistance et de la répression :
1 politiquement : sur le territoire français, c’est l’armistice qui définit en partie les nouvelles
règles du jeu :
la France est divisée en 2, voire 3, entités : au nord :
une zone occupée par les Allemands et sous autorité de la MBF :
Militarbefehlshaber in Frankreich ; en zone occupée, les Allemands disposent d’un service de
renseignement (Abwehr), d’une police (issue de la gestapo) et d’un ambassadeur (Otto Abetz) ;
ils ont réquisitionné de nombreux bâtiments, comme l’hôtel Lutecia) ; bien sûr, la Wehrmacht
est des milliers d’hommes, très présente en zone occupée
l’Alsace-Moselle, en théorie occupée, est rapidement annexée de fait, malgré les
protestations ; ce sont alors les lois allemandes qui prévalent
une zone non-occupée, dite zone sud : c’est ici, à Vichy, que s’installent les autorités
politiques françaises . L’armistice ne devait en principe pas remettre en question le régime
politique de la France : la République ; or, après avoir obtenu les pleins pouvoirs des
assemblées, le maréchal Pétain instaure l’Etat français, dont la devise est « travail, famille ,
patrie, » et la doctrine : la « révolution nationale » ; ce régime, dit « régime de Vichy », très
marqué à droite, est-il pour autant collaborationniste ? la question se pose, dès sa formation
2 dès lors, se forment rapidement, en zone occupée surtout, mais aussi en zone libre, des
actions de résistance à l‘occupant : tracts, affiches, journaux, réunions clandestines,
manifestations : ce sont surtout des jeunes, étudiants souvent, et(ou) sympathisants
communistes ; le 11 novembre 1940, à Paris, des jeunes, lycéens et étudiants, manifestent près
de l’Arc de triomphe ; c’est le point de départ d’une résistance plus grande et aussi d’une
répression d’envergure
3 les débuts de la répression : les autorités allemandes d’occupation n’entendent pas laisser
se développer ce qu’elles appellent des actes de « terrorisme » ; il n’est pas question que les
soldats allemands et autres représentants se sentent menacés ; il faut agir rapidement :
plusieurs centaines de jeunes sont arrêtés et emprisonnés dans différentes prisons (Fresnes,
la Santé. ;)
mais, et c’est là tout le paradoxe, les autorités allemandes ne sont pas seules dans cette lutte :
le gouvernement de Vichy va aider les Allemands dans la recherche des opposants ; le décret
Daladier de septembre 1939 contre les communistes est réactivé par une loi de septembre
1940 : les communistes et sympathisants sont recherchés, arrêtés, emprisonnés ou livrés aux
Allemands.
De plus, obsédé par la recherche des responsables de la guerre, le gouvernement de Vichy
traque les personnalités du Front Populaire (dont beaucoup tentaient de rejoindre la
Résistance) et les arrêtent (comme Pierre Mendès-France ou Jean Zay, arrêtés en août 1940,
jugés et condamnés en 1941 par un tribunal français)
Par ailleurs, les Français libres font l’objet de procès et sont condamnés par contumace par la
justice française : ainsi de Gaulle et ses premiers compagnons, dès l’été 1940 ; la répression
touche aussi les familles, comme celle du colonel Remy (Gilbert Renault)
La police française fournit aux Allemands les renseignements dont elle dispose sur les activités
des opposants, elle se fait ainsi complice des autorités allemandes .
Dès cette première année de l’occupation et du régime de Vichy, les éléments sont en place :
des résistants, peu nombreux d’abord, puis plus nombreux, des autorités allemandes qui les
traquent, et un gouvernement de Vichy qui lui prête main forte dans ces actions de recherche
et d’arrestations , et qui, de ce fait, collabore.
II le développement de la Résistance et l’intensification de la répression :
1 plusieurs éléments vont contribuer à développer la Résistance intérieure : d’abord,
l’invasion de l’URSS par l’armée allemande, en juin 1941 ; cette fois, pour les communistes et
sympathisants, les choses sont claires : les Allemands sont les ennemis (l’ambiguïté du pacte
germano-soviétique s’estompe) ; ils (les communistes) s’engagent dans une résistance plus
importante, sont suivis par d’autres, souvent apolitiques au départ ; d’autre part, en novembre
1942, après le débarquement en Afrique du Nord, les Allemands envahissent et occupent
(illégalement) la zone sud ; et aussi, en 1942, l’instauration du STO qui jette les réfractaires
dans les maquis
Parallèlement, le soutien, de plus en plus actif, du gouvernement de Vichy aux autorités
allemandes leur fait perdre une grande partie de leur soutien dans l’opinion publique et par voie
de conséquence augmente le nombre de résistants ; ceux-ci ne sont plus seulement des
communistes, mais viennent de tous horizons, par exemple des mouvements de jeunesse
chrétiens, réunis par un même but : lutter contre l’occupant et aussi contre ceux qui le
soutienne. De Londres, le général de Gaulle s’intéresse à cette résistance intérieure et envoie
des émissaires pour l’organiser, comme le général Delestraint, envoyé en août 1942 en zone sud
pour commander l’armée secrète
Les résistants s’organisent en réseaux, multiplient leurs actions, surtout en zone occupée:
tracts, journaux, mais aussi les sabotages (ceux-ci seront plus nombreux après le
débarquement de juin 1944) et les attentats ; 2 attentats ont eu des conséquences dans la
répression :
L’exécution de l’aspirant Moser, de la Kriegsmarine, en août 1941, par Pierre Georges (le colonel
Fabien) et celle d’un officier allemand à Nantes en octobre 1941 ; d’autres suivront
2 intensification de la répression
Les autorités allemandes réagissent brutalement : elles mettent en application le décret
Keitel de septembre 1941 : exécution de 50 à 100 otages (communistes ?) pour la mort d’un
soldat allemand : ce décret est appliqué par deux fois en 1941 : en août : 100 otages,
emprisonnés à Fresnes, sont fusillés au Mont Valérien, parmi lesquels Etienne d’Orves ; puis en
octobre, 48 otages de la prison de Châteaubriant et 50 de celle de Souges, sont exécutés : le
ministre de l’intérieur Pucheu a participé au choix des condamnés ; parmi eux le jeune Guy
Môquet, 17 ans.
Le but de cette politique est de faire reculer la résistance, mais aussi d’intimider les
populations ; c’est une arme à double tranchant : peut-on effectivement prendre le risque de
voir tuer tant de personnes souvent innocentes ? le gn de Gaulle demande alors d’éviter ce
type d’attentats ; mais par ailleurs, ces représailles contribuent à donner une image de plus en
plus négative de l’occupation et des occupants et aussi du gouvernement de Vichy
La répression s’accélère : les résistants arrêtés sont emprisonnés, presque toujours torturés,
parfois exécutés, parfois transférés en Allemagne pour être jugés. Un nouveau décret Keitel,
en décembre 1941, le décret « Nacht und Nebel », permet de les déporter : ainsi, en juillet
1942, un convoi de 1175 otages (communistes pour la plupart) part de Compiègne pour
Auschwitz ; en 1942, ces déportations se font le plus souvent dans le secret par crainte de
faire des martyrs, à quelques exceptions près, comme le procès des membres de la MOI, mis en
spectacle, en février 1944 ; les déportés sont , en principe, jugés en Allemagne mais en fait , le
plus souvent directement transférés dans les camps ; les Résistants déportés dans ces
conditions sont des milliers , parmi eux : jean Moulin, mort dans le convoi, Georges Charpak ou
Stéphane Hessel
Les Allemands ont perfectionné leurs services de répression : la BMF laisse la place
à la Sipo-SD (sicherheits polizei) qui prend en main la répression avec Karl Oberg,
représentant personnel d’Himmler en France ; la Wehrmacht contribue, pendant toute
l’occupation, à la répression, mais plus activement après le débarquement de juin 1944 elle
procède à des opérations de représailles d’envergure, la plus tristement célèbre (mais hélas pas
la seule) celle de Oradour en juin 1944 qui fit plus de 600 victimes
Dans cette politique, les Allemands sont de plus en plus soutenus par les autorités
de Vichy : les prisons, les camps d’internements sur le territoire français, prévus pour le
étrangers, et aussi la police, sont prêtées par Vichy : l’ambassadeur de France à Paris, F de
Brinon, est un ami de Abetz et lui offre ses services ; la police est chargée des arrestations,
parfois malgré elle .
La ligne rouge est franchie en janvier 1943 avec la création de la milice : si Pierre Laval et le
maréchal Pétain co-signent la loi de janvier 1943, c’est Joseph Darnand qui en est le maître
d’œuvre et principal exécuteur : le but de la milice est : « a pour mission, par une action de
vigilance et de propagande, de participer à la vie publique et de l’animer ; de « soutenir l’Etat
nouveau par leur action, mais aussi de concourir au maintien de l’ordre intérieur »
Dans un discours, Darnand précise la mission de « …lutter contre le communisme » ; la milice
supplée la police officielle, de plus en plus réticente à la répression. Les miliciens, nombreux,
vont peu à peu se substituer aux organes de police officielle et participer à des actions
militaires comme celle du plateau des Glières en février 1944 qui fit plus de cent morts chez
les maquisards ou à des assassinats de personnalités, comme Victor Basch, fondateur de la
ligue des droits de l’homme, en janvier 1944 , Georges Mandel en juillet 1944 et Jean Zay,
anciens ministres du FP et résistants
C’est donc bel et bien une répression conjointe que subissent les Résistants
III Comment les Résistants font-ils face ?
Il est difficile de cerner les réactions des Résistants face à la répression ; ce qui semble sûr,
c’est que la répression n’a pas tari les réseaux ; les Résistants savent ce qu’ils risquent,
redoutent surtout la torture ; certains ont eu des doses de cyanure pour pouvoir se suicider
avant de parler ; mais la plupart continuent le combat et, s’ils sont arrêtés, font faire face
courageusement à la torture ; inutile ici de décrire celle-ci (cf film) mais ce poème, écrit par
une résistante en dit long sur le calvaire enduré : sans doute , comme Marianne Cohn, beaucoup
se sont tus, mais sans doute aussi, beaucoup ont parlé. Comment le leur reprocher ?cf André
Malraux et Jean Moulin : « …ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi, et
même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé » ; Face à la mort , les condamnés ont
une attitude si digne, qu’elle trouble leurs tortionnaires et bourreaux : les fusillés de
Châteaubriant ont refusé que leurs yeux soient bandés et sont morts en criant « vive la
France » !. Pour ceux qui sont internés, en camps ou en prison, le combat ne s’arrête pas : une
vraie connivence se développe entre les prisonniers qui ne songent qu’à continuer le combat et
à rester le plus digne possible, ; la prison de la centrale d’Eysses en est sans doute le meilleur
exemple : ces centaines de prisonniers (de justice française) en font un bastion de la
Résistance ; hélas, la milice réprimera dans le sang une tentative collective d’évasion ; ailleurs,
certains pourront s’évader (PMF ou André Duvigny, Raymond Aubrac). Pour les déportés, c’est
la survie qui compte et elle se fait souvent difficilement ; certains , en prison ou en camp,
utilisent la plume ou le pinceau pour s’évader mentalement de cet enfer : Germaine Tillon a
écrit un opéra à Ravensbruck ; d’autres résolvent des problèmes mathématiques, d’autres
peignent . Parallèlement, au fil des mois, sur le territoire français, la résistance est mieux
structurée, les résistants disposent d’une carte d’identité falsifiée, avec de faux noms ; on met
en place des mouvements d’entraide pour soutenir les familles (par ex le Père Chaillet,
fondateur de TC crée un organisme de soutien aux familles des victimes ).
IV situation particulière en Alsace Moselle
1 L’ Alsace et la Moselle sont annexées de fait, dès juillet 1940, cad que les Allemands les
intègrent dans le grand Reich ; à partir de là, ce sont les lois allemandes qui s’appliquent et les
deux régions sont sous autorité d’un Gauleiter doté des pleins pouvoirs ; commence une
germanisation intensive, et une nazification (serment à Hitler); tout acte de résistance est
considéré comme un acte de terrorisme et puni comme tel , cad arrestation, condamnation,
exécution . La surveillance est exercée par le pouvoir et par le parti ; pourtant la population
reste globalement attachée à la France, continue de parler français, sort le drapeau, écoute
radio étrangère ; une véritable résistance s’organise, malgré le climat de terreur ; citons 2
groupes : la Main noire et le groupe Adam (front de la jeunesse alsacienne) : la main noire,
créée par le jeune Marcel Weinum, fait des actes de sabotages, tire sur la voiture du
Gauleiter ; Weinum est arrêté et exécuté, décapité à la hache, en Allemagne ; il avait 18 ans ;
comme Guy Möquet, il laisse, lui aussi, une lettre émouvante à sa famille . Le front de la
jeunesse dirigé par Alphonse Adam et Robert Kiefer, est créé après le décret de l’incorportion
de force, en août 1942, encourage les jeunes à être réfractaires : ils sont arrêtes et exécutés
en juillet 1943
n’oublions pas les réseaux de passeurs qui permettent aux jeunes de quitter l’Alsace vers la
France libre ; l’un des premier réseau, celui de Ballersdorf(Sundgau) a été démantelé : 14
jeunes ont été exécutés ; mais ces filières ont permis la fuite de près 20000 personnes ;
certaines ont ensuite rejoint la résistance et les maquis.
Georges Wodli, cheminot cégétiste, à l’origine d’actes de sabotage, arrêté en zone libre,oct
1942 par la police française, interné à Schirmeck et mort sous la torture au siège de la gestapo
à Strasbourg, en avril 1943 .
On estime à 15000 les Alsaciens internés à Schirmeck pour faits de résistance.
130000 jeunes d’AM sont engagés par l’incorporation de force dans l’armée allemande ;
lalupart sur le front russe ; 40000 ne reviendront pas
Enfin, la rafle, en novembre 1943 de l’université repliée à Clermont-Ferrand a envoyé dans les
camps de Buchenwald et Ravensbruck plus de cent étudiants Alsaciens.
Mais vous aurez des témoins qui ont participé à l’une ou l’autre de ces manifestations.
Conclusion : bilan et analyse
Difficile d’avoir des chiffres précis : se sont sans doute 89000 personnes qui ont été
déportées à titre politique, dont 45000 Français (plus les A-M) ; 18 à 20000 sont morts en
déportation .
Combien de fusillés ? plus difficile encore : les 75000 fusillés du parti communiste sont
évidemment(et heureusement) exagérés ; sans doute 3000 fusillés, et pas seulement
communistes, sur condamnation de tribunaux allemands ; autour de 200 par les tribunaux de
Vichy ; à ceux s’ajoutent 12000 morts, certains résistants sous la torture ou au combat
(colonel Fabien, en Alsace) et des civils lors d’opérations de représailles (cf Oradour, Tulle..) +
les Al « malgré-nous » et résistants
Au-delà des chiffres quelle analyse ? la Résistance a-t-elle été utile ? incontestablement oui :
d’abord même si la part prise dans la libération des territoires est moins importante que ce
qu’on a longtemps dit, elle a cependant joué un rôle, elle montre que la France n’est pas
seulement, passive, attentive, face à l’occupation ; mais aussi, la Résistance a ouvert les yeux à
beaucoup de Français face au régime de Vichy, (notamment des catholiques) s’ils étaient très
majoritairement favorables au Maréchal Pétain en 1940, ils le sont de moins en moins, au fil de
la répression de la Résistance : cette répression a alors l’effet inverse de celui souhaité :
l’image d’une France, forte de ses nouvelles valeurs, se trouble et beaucoup de soutiens de
1940 désertent. Si la répression des occupants peut paraître légitime, celle du gouvernement
français ne l’est pas et fait de la France un pays collaborateur, sinon collaborationniste
Mais ne jugez pas trop rapidement ; ne condamnez pas ceux qui n’ont pas résisté ; posez- vous
la question : serai-je capable de résister, de quitter ma famille, d’e supporter la torture, la
déportation, l’exécution ; ce n’est pas si simple d’être un héros et ceux qui l’ont fait le sont.
Geneviève BAAS février 2011
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