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La situation brésilienne est bien différente de la situation australienne mais toutes deux offrent
un ring spatio-temporel pour confronter les outils conceptuels de Bourdieu à leurs réalités
éducatives et sociales respectives. Si Ione Valle est une figure de la sociologie de l’éducation
au Brésil, Richard Teese l’est tout autant pour l’Australie. C’est le parcours de recherche de
ce dernier qui est présenté ici, comme médiation et appropriation de la sociologie de
Bourdieu, de sa boite à outils théoriques à l’épreuve des faits de la réalité australienne et des
questions éducatives qu’elle posait et pose encore. Au moment de la parution des Héritiers, la
sociologie de l’éducation en Grande-Bretagne (Forquin 1997) s’intéressait également aux
jeux et enjeux culturels de l’éducation notamment par le questionnement qu’elle portait sur le
curriculum. L’intégration de ces deux dimensions de la sociologie de l’éducation, celle du
curriculum (comme ordre symbolique et légitime des connaissances) et celle du système
scolaire (comme ordre institutionnel qui impose le curriculum à travers des écoles, collèges, et
lycées de qualités et de situations très variables) utilise les outils fabriqués par Bourdieu et les
adapte au contexte australien (Teese 2002, 2013). Comment le système éducatif australien
participe-t-il au système social australien, à la reproduction de hiérarchies sociales, au pouvoir
social conféré et légitimé par l’école ? Comment les différentes réformes recomposent les
hiérarchies selon l’attribution de financement public à tous les établissements ce qui accentue
et sécurise les établissements privés dans leur fonction de reproduction des élites ? Mais aussi
comment de façon plus subtile au moyen du curriculum, l’histoire des ajustements et des
réformes concernant les programmes nationaux, les contenus et les évaluations ont certes
permis un accroissement général des connaissances au sein de nouvelles générations depuis
les années 40, mais ont également, accusé les différences scolaires en termes de recrutement
sociogéographique et ethnique des établissements, et de résultats pour l’entrée à l’université.
Comment l’ensemble du cadre institutionnel australien, les rapports culturels à l’école et au
sein de chacune d’entre elles se sont-ils actualisés en termes de translation sur l’inégal accès
aux marchés de l’emploi et ont ainsi perpétué les inégalités sociales?
C’est ainsi qu’en 1981 : un jeune statisticien présente les résultats de sa recherche
concernant la sélection à l’entrée de l’université de Melbourne. Fondée en 1853, cette
université jouit du plus grand prestige dans l’état de Victoria et compte le plus faible taux
d’étudiants d’origine sociale défavorisée. Elle préserve la tradition des « public schools »,
importée de l’Angleterre en Australie. Si étroite est la relation entre ces établissements privés
et l’université de Melbourne qu’un autre arrangement semble à peine concevable. C’est dans
l’ordre des choses. Aussi une proportion relativement faible d’étudiants issus du système