2016-17-Dossier2

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Semaine du18 janvier – éléments de corrigé
2016
Dossier 2 – Fonctions d’utilité et dispositions à l’échange
Encadré 1 : André Orléan, 2011, L’empire de la valeur. Refonder l’économie, Seuil, pp. 56-58.
« Pour rendre intelligible cette relation aux objets, constitutive de l’individu marchand et de la
séparation marchande, la théorie néoclassique avance le concept de « préférences
individuelles » : il est fait l’hypothèse que tout individu est capable de classer les divers paniers
de bien qui lui sont offerts par ordre de préférence croissante. (…) Soulignons que la préférence
s’élabore dans un strict face-à-face mettant aux prises le consommateur et les objets. Ce qui
signifie que la préférence ne dépend en rien de ce que font les autres : ni de ce qu’ils
consomment, ni de ce qu’ils désirent. (…)
Une première hypothèse joue un rôle central dans l’obtention de l’accord walrassien :
l’objectivité des préférences1. [Dans la note 1, A. Orléan précise : « nous appelons « objectivité »
le fait que les préférences sont exogènes et qu’elles ne dépendent pas de la situation des autres
acteurs] (…). La fixité des préférences forme un ancrage objectif qui vient contraindre
puissamment les rivalités acquisitives. (…) Que le désir pour un bien puisse s’accroître à
proportion du fait que les autres le possèdent – ce que l’on nomme « jalousie » ou « envie » –,
voilà ce qui ne saurait être, ce qui est tout simplement exclu d’emblée. »
EXERCICE 1
Soit une économie à deux biens ⧿ (1) et (2) ⧿ dont on désigne les quantités par q1 et q2
respectivement.
Soit un consommateur A dont les dotations initiales sont (1 , 4) et dont les préférences peuvent
être représentées par la fonction d’utilité uA(∙) de IR² dans IR définie par :
uA(q1, q2) = q1q2.
1. Dans l’expression ci-dessus, à quoi repère-t-on la « fixité » ou l’ « objectivité » des
préférences dont parle André Orléan dans l’encadré 1 ? Quelle dimension, quelle
implication de cette hypothèse André Orléan souligne-t-il ?
Fonction d’utilité fixe et donnée (exogène). Indépendantes des dotations des autres
agents, des prix et a fortiori des demandes des autres agents.
Ne peut donc pas rendre compte de la dépendance entre les préférences des uns et des
demandes des autres ou des quantités de biens qu’ils consomment. Il est plus
généralement exclu qu’elles se modifient dans le temps (en particulier avec les
demandes – et donc les consommations – des autres agents).
2. Représenter graphiquement la courbe d’indifférence de A passant par son panier de
dotations initiales (graphique A).
La courbe d’indifférence de A passant par son panier de dotations initiales a pour
équation :
uA(q1, q2) = uA(1 , 4)
autrement dit :
q1q2 = 1×4
ce qui donne :
4
𝑞2 = 𝑞 .
1
La courbe est continue, décroissante, convexe et asymptote aux axes. Elle passe (par
exemple) par les paniers (1 , 4) et (4 , 1).
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3. Déterminer le TMS de A en un panier (q1, q2) quelconque, puis en son panier de
dotations initiales. Représentez-le sur le graphique A.
Le TMS de A en un panier (q1, q2) quelconque est :
′
(𝑞 , 𝑞2 )
𝑢𝐴𝑞
1 1
TMSA(q1 , q2) = 𝑢′
𝐴𝑞2 (𝑞1
,
, 𝑞2 )
ce qui donne :
TMSA(q1 , q2) =
𝑞2
𝑞1
.
Au panier (1 , 4), on a donc :
4
TMSA(1 , 4) = 1 = 4.
A son panier de dotations initiales, l’agent A doit échanger quatre unités de bien (2)
contre une unité de bien (1) pour garder la même satisfaction.
Comme ses préférences sont convexes, ceci signifie que l’agent A est prêt à céder au
maximum quatre unités de bien (2) pour acquérir une unité de bien (1), ou, ce qui
revient au même, il est prêt à céder au maximum un quart d’unité de bien (1) pour
acquérir une unité de bien (2).
Graphiquement, 4 est la valeur absolue de la pente de la tangente à la courbe
d’indifférence au point (1 , 4).
4. On suppose que le prix du bien (1) en bien (2), p1/p2, est égal à 2. Quel bien A est-il prêt à
céder/acquérir ? Pourquoi ? Mêmes questions si p1/p2 = 6, puis si p1/p2 = 6.
[Le raisonnement va de soi quand on a compris que, lorsque les préférences sont convexes,
le TMS est le prix de réserve du bien (1) en bien (2) de l’agent. Il faut donc partir de là puis
déplier le raisonnement]
On vient de voir que, à son panier de dotations initiales, l’agent A est prêt à céder au
maximum quatre unités de bien (2) pour acquérir une unité de bien (1). Le prix
maximum du bien (1) en bien (2) qu’il est prêt à payer pour acquérir une unité de bien
(1) est donc 4.
Si ce prix est égal à 2, alors il est d’accord pour céder du bien (2) en échange de bien (1).
En revanche, si ce prix est égal à 6, le bien (1) coûte trop cher selon lui : il n’est donc pas
prêt (à ce prix) à céder du bien (2) en échange de bien (1). En revanche, dans ce cas, le
prix du bien (2) en bien (1), p2/p1 est égal à 1⁄6 ce qui est inférieur à 1⁄4, le prix de réserve
du bien (2) en bien (1) de l’agent A ; à ce prix, l’agent A est donc prêt à acquérir du bien
(2) et à céder du bien (1) en échange.
5. Déterminer l’ensemble des prix du bien (1) en bien (2) pour lesquels A est prêt à céder
du bien (2) pour acquérir du bien (1). Déterminer l’ensemble des prix du bien (1) en
bien (2) pour lesquels A est prêt à céder du bien (1) pour acquérir du bien (2).
On généralise le raisonnement de la réponse précédente : à son panier de dotations
initiales, le prix maximum du bien (1) en bien (2) qu’il est prêt à payer pour acquérir une
unité de bien (1) est 4. Si le prix du bien (1) en bien (2) est inférieur à 4, l’agent A est
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donc prêt à acquérir du bien (1) et à céder du bien (2) en échange. En revanche, si le prix
du bien (1) en bien (2) est supérieur à 4, A est prêt à acquérir du bien (2) et à céder du
bien (1) en échange. En effet, si p1/p2 > 4, alors p2/p1 < 1⁄4 : le prix du bien (2) en bien
(1) est bien inférieur à son prix de réserve pour ce bien.
Encadré 2 : Kenneth Arrow, 1951, Choix collectifs et préférences individuelles, Calmann-Lévy,
pp. 31-32. « Nature de la préférence et choix.
On adoptera ici le point de vue suivant : la comparaison interpersonnelle des utilités n’a pas de
sens et, à vrai dire, les comparaisons de bien-être sont indépendantes des problèmes de mesure
de l’utilité individuelle. (…) La seule signification véritable que l’on peut attribuer aux concepts
d’utilité concerne la représentation qu’ils donnent du comportement réel ; si l’on peut expliquer
à l’aide d’une fonction donnée d’utilité un comportement, on a largement démontré qu’il peut
être tout aussi bien expliqué par n’importe quelle autre fonction d’utilité, fonction monotone
croissante de la première. Si, en ce sens, il ne peut y avoir d’utilité mesurable, il est impossible a
priori de faire des comparaisons interpersonnelles des utilités ».
Exercice 2 –
Dans la même économie que celle de l’exercice 1, soit un consommateur B dont les dotations
initiales sont (2 , 2) et dont les préférences peuvent être représentées par la fonction d’utilité
uB(∙) de IR² dans IR définie par :
1⁄
1⁄
uB(q1, q2) = 𝑞1 2 𝑞2 2.
1. Comparer les préférences de A et de B. Sont-elles identiques ou différentes ? Pourquoi ?
Le fait que uB(4 , 4) = 4 soit inférieur à uA(4 , 4) = 16 signifie-t-il que le panier (4 , 4)
apporte plus de satisfaction à A qu’à B ? Vous répondrez à ces questions en vous appuyant
sur le texte en encadré 2.
Dans le modèle Arrow-Debreu, la fonction d’utilité est ordinale (rappeler définition de la
fonction d’utilité), et non cardinale. Elle indique un ordre de préférence et non l’intensité
de la satisfaction des agents. Cette fonction est donc valable à une transformation
croissante près (rappeler définition d’une fonction croissante) : « si l’on peut expliquer à
l’aide d’une fonction donnée d’utilité un comportement, on a largement démontré qu’il
peut être tout aussi bien expliqué par n’importe quelle autre fonction d’utilité, fonction
monotone croissante de la première » (texte encadré 2).
1⁄
1⁄
Or de : uA(q1, q2) = q1q2 et uB(q1, q2) = 𝑞1 2 𝑞2 2 ,
On déduit que :
uA(q1, q2) = [uB(q1, q2)]².
uA(∙) est donc une transformation croissante de uB(∙).
Il s’ensuit que uA(∙) et uB(∙) représentent la même relation de préférence.
A et B ont donc exactement les mêmes préférences.
L’ordinalité de la fonction d’utilité a pour conséquence que l’on ne peut comparer les
utilités de deux agents différents. Le fait que uB(4 , 4) = 4 soit inférieur à uA(4 , 4) = 16
ne signifie pas que le panier (4 , 4) apporte plus de satisfaction à A qu’à B, parce que, ces
fonctions n’indiquant pas l’intensité de la satisfaction de chacun, mais leurs ordres de
préférence, elles ne peuvent permettre de comparer la satisfaction des deux agents : « l a
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comparaison interpersonnelle des utilités n’a pas de sens et, à vrai dire, les
comparaisons de bien-être sont indépendantes des problèmes de mesure de l’utilité
individuelle » (texte encadré 2).
2. Représenter graphiquement la courbe d’indifférence de B passant par son panier de
dotations initiales (graphique B).
3. Déterminer le TMS de B en un panier quelconque puis en son panier de dotations
initiales. Représentez-le sur le même graphique.
A et B ayant les mêmes préférences, on a :
TMSB(q1 , q2) = TMSA(q1 , q2) =
𝑞2
𝑞1
.
D’où :
2
TMSB(2 , 2) = 2 = 1.
A son panier de dotations initiales, l’agent B est prêt à céder au maximum une d’unité de
bien (2) pour acquérir une unité de bien (1), ou, ce qui revient au même, il est prêt à
céder au maximum une une unité de bien (1) pour acquérir une unité de bien (2).
4. En déduire l’ensemble des prix du bien (1) en bien (2) pour lesquels B est prêt à céder du
bien (2) pour acquérir du bien (1), puis l’ensemble des prix du bien (1) en bien (2) pour
lesquels B est prêt à céder du bien (1) pour acquérir du bien (2).
Le prix de réserve du bien (1) en bien (2) de B est 1. Si p1/p2 est inférieur à 1, B est prêt à
acquérir du bien (1) et à céder du bien (2) en échange. En revanche, si p1/p2 est inférieur
à 1, le prix du bien (1) est trop élevé pour lui. Il est alors demandeur de bien (2) et
offreur de bien (1). En effet, si p1/p2 > 1, alors p2/p1 < 1 : le prix du bien (2) en bien (1)
est bien inférieur à son prix de réserve pour ce bien.
Exo 3 [DIVISION 1] : L’indétermination de l’échange – On se situe dans la même économie que
celle des exercices 1 et 2. On suppose que cette économie est sans production (économie
d’échange pur) et à deux agents (les agents A et B des exercices précédents).
1. Qu’est-ce qu’un état réalisable de cette économie ?
Un état réalisable d’une économie est une allocation des ressources de cette économie
entre les deux agents.
Les ressources de cette économie sont les quantités disponibles de biens (1) et (2). Et
comme cette économie est sans production, la quantité de bien (1) disponible dans
l’économie, ̅̅̅,
𝑞1 est la somme des dotations initiales en bien (1) des deux agents :
𝑞1 = 1 + 2 = 3.
̅̅̅
Même chose pour ̅̅̅,
𝑞2 la quantité de bien (2) disponible dans l’économie. C’est la somme
des dotations initiales en bien (2) des deux agents :
𝑞2 = 4 + 2 = 6.
̅̅̅
Si l’on note (q1A , q2A) le panier de biens que possède A et (q1B , q2B) le panier de biens que
possède B, alors un état réalisable de cette économie est :
{(q1A , q2A) , (q1B , q2B)} avec q1A + q1B = 3 et q2A + q2B = 6.
2. Représenter cette économie dans un diagramme d’Edgeworth (graphique C).
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Le diagramme d’Edgeworth représente l’ensemble des états réalisables d’une économie
d’échange pur (sans production) lorsque celle-ci est composée de deux agents (ici A et B)
et de deux biens (ici (1) et (2)).
C’est un rectangle, une « boîte », dont la base représente la quantité de bien (1)
disponible dans l’économie (à savoir 3) et dont la hauteur représente la quantité de bien
(2) disponible dans l’économie (à savoir 6).
Chaque point du rectangle représente dès lors un état réalisable de l’économie.
L’abscisse et l’ordonnée d’un point quelconque donnent respectivement les quantités de
bien (1) et de bien (2) détenues par A lorsque l’on regarde le rectangle à l’endroit, et
détenues par B lorsqu’on le regarde à l’envers (puisque la quantité de bien (1) détenue
par B est égale à 3 moins la quantité de bien (1) détenue par A, et la quantité de bien (2)
détenue par B est égale à 6 moins la quantité de bien (2) détenue par A).
Ainsi, par exemple, l’allocation initiale {(1 , 4) , (2 , 2)} apparaît comme le point (1 , 4)
quand on regarde le diagramme à l’endroit, et comme le panier (2 , 2) quand on le
regarde à l’envers.
Le graphique C est ainsi composé des deux graphiques A (de l’exercice 1) et B (de
l’exercice 2) : le graphique A à l’endroit, et le graphique B posé dessus à l’envers, de façon
à ce que les paniers de dotations initiales soient confondus.
Graphique.
3. Représenter, sur le même graphique (C), l’ensemble des états réalisables que A et B
préfèrent à la situation initiale.
C’est la « lentille ». (Expliquer pourquoi)
4. Déduire de vos réponses aux questions des exercices 1 et 2, les taux d’échange (ou prix
p1/p2) possibles. S’ils font des échanges à ces taux, quel bien A cèdera-t-il à B ?
Les réponses aux questions A5 et B4 sont résumées dans le tableau ci-dessous (fond vert
pour A et fond violet pour B)
𝑝1
<1
𝑝2
𝑝1
=1
𝑝2
1<
𝑝1
<4
𝑝2
𝑝1
=4
𝑝2
𝑝1
>4
𝑝2
A n’est pas prêt à acquérir du bien (2) : prix du bien (2)
A n’est pas prêt à
A est on ne peut
en bien (1) supérieur à son prix de réserve. Il n’est donc
céder du bien 2
plus satisfait
pas prêt à céder du bien (1).
avec le panier
Il est en revanche prêt à céder du bien (2) pour acquérir
(1 , 4)
du bien (1).
Tout comme A, B
B n’est pas prêt à acquérir du bien (1) : prix du bien (1)
veut céder du
B est on ne peut
en bien (2) supérieur à son prix de réserve. Il n’est donc
bien (2) pour
plus satisfait
pas prêt à céder du bien (2).
acquérir du bien
avec (2 , 2)
Il est en revanche prêt à céder du bien (1) pour acquérir
(1)
du bien (2).
Echange
impossible
Echange
impossible
Echange possible
Echange
impossible
Echange
impossible
Les taux d’échange acceptables à la fois par A et par B sont donc tous ceux qui sont
strictement compris entre 1 et 4. A ces taux, A est prêt à céder du bien (2) à B en échange
de bien (1) que B est prêt à lui céder en échange de bien (2).
5. Si A et B avaient eu les mêmes dotations initiales, quels auraient été les taux d’échange
possibles ? Pourquoi ?
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Aucun taux d’échange n’aurait été possible. En effet, A et B ont les mêmes préférences.
S’ils avaient eu les mêmes dotations initiales, ils auraient donc voulu du même bien aux
mêmes taux : aucun échange n’aurait été possible. L’échange est impossible si les
individus sont identiques.
6. On suppose que A et B ne feront pas d’échange s’ils peuvent encore améliorer leur
situation. Indiquer, sur le graphique, l’ensemble des états réalisables sur lesquels ils sont
susceptibles de se mettre d’accord. Pourquoi peut-on dire qu’il y a indétermination ?
Les états réalisables auxquels les agents ne peuvent plus améliorer leur situation par
l’échange sont ceux pour lesquels les deux TMS sont égaux : ce sont les états réalisables
situés sur la « courbe des contrats ».
L’ensemble des états réalisable sur lesquels A et B sont susceptibles de se mettre
d’accord sont donc ceux situés à l’intersection de la courbe des contrats et de la lentille.
Il y a indétermination car une infinité d’états réalisables font l’affaire. On ne peut pas dire
si A et B vont se mettre d’accord ni, le cas échéant, sur quel état réalisable ils vont se
mettre d’accord.
Les hypothèses du modèle de concurrence parfaite permettent de lever une partie de
cette indétermination.
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