immédiat, l'usage des armes à l'encontre des assaillants paraît ipso facto proportionné. En réalité, l'appréciation
-et les difficultés— se déporteront sur l'appréciation de la probabilité de réitération des actes commis car, à défaut
d'une telle probabilité, l'usage de l'arme ne sera ni proportionné ni même nécessaire. Outre que la probabilité de
la réitération doit être appréciée "au moment où il [l'agent] fait usage de son arme" et non a posteriori, au regard
des indices glanés plus tard au cours de l'enquête, l'usage de l'arme doit être fondé, nous dit le texte, sur "des
raisons réelles et objectives d'estimer que réitération est probable au regard des informations dont il dispose" à
cet instant, ce qui implique que l'agent se fonde, non point sur de simples soupçons subjectifs résultant d'un pur
jugement d'appréciation, mais sur une apparence objective rendant vraisemblable la participation de l'individu ciblé
aux actes homicide préalables. Si la distinction est claire en théorie, l'on sait qu'elle est particulièrement malaisée
à mettre en œuvre, ainsi qu'en témoigne l'intarissable contentieux en matière de flagrance.
Domaine ratione materiae : condition de nécessité. D'autre part, à l'instar des autres causes objectives d'irres-
ponsabilité pénale, le nouvel article 122-4-1 du Code pénal exige que l'agent de la force publique ait fait un "usage
absolument nécessaire" de son arme et ce, "dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rappro-
ché, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis", ce qui signifie qu'il ne doit pas
exister aucun autres moyens, pour empêcher cette réitération, que de faire usage de son arme : la nécessité étant
ici qualifiée d' "absolue" (19), l'usage de l'arme doit constituer l'ultime recours, ce qui est d'ailleurs confirmé par le
fait que cet usage doit être réalisé dans le but "exclusif" de prévenir la réitération. Le texte exige encore que cette
réitération le soit dans un "temps rapproché", ce qui peut être rattaché de la condition de nécessité : tandis que
l'usage de l'arme n'est pas encore nécessaire s'il intervient de façon trop précoce, avant que l'agent n'ait acquis
une certitude suffisante quant à la réitération, il n'est plus nécessaire si cet usage intervient tardivement, après la
réitération, au moment de la fuite des assaillants par exemple (20). Si la volonté de la loi d'encadrer cette cause
d'irresponsabilité pénale d'un point de vue temporel est sans doute louable, la référence à une réitération "dans
un temps rapproché" reste particulièrement imprécise, laissant une marge d'appréciation quasi absolue au juge,
d'autant qu'au moment où il est fait usage de l'arme, la réitération est simplement hypothétique.
Utilité du fait justificatif nouveau ? L'examen de ces conditions met en exergue un chevauchement certain avec
la légitime défense des personnes, dès lors que celle-ci -qui doit également être nécessaire et proportionnée—
peut être invoquée pour assurer la légitime défense d'"autrui" (21). La seule différence perceptible réside peut-être
dans la temporalité de la riposte puisque la légitime défense d'autrui doit intervenir "dans le même temps" que
l'agression, ce qui implique une concomitance, là où l'article 122-4-1 est plus lâche, se contenant d'évoquer une
réitération intervenant "dans un temps rapproché". Toutefois, il n'est pas certain que cette différence de rédaction
soit significative tant il est vrai que la jurisprudence se montre souple en matière de légitime défense d'autrui en
admettant les ripostes préventives dès lors que l'agression -quoi que non encore effective— est probable, spécia-
lement lorsque la légitime défense est invoquée par des agents de la force publique (22). Dans ces conditions, il
est possible de douter de l'utilité réelle du nouveau fait justificatif, ce qui est d'autant plus regrettable que, symboli-
quement, il introduit officiellement dans notre Code pénal un "permis de tuer". On notera d'ailleurs à cet égard que
cette nouvelle cause d'irresponsabilité, n'étant plus désormais considérée comme une hypothèse particulière d'état
de nécessité, comme dans la première mouture du texte (23), se situe au sein du Code pénal immédiatement après
le fait justificatif fondé sur l'autorisation de la loi.
II — La création d'incriminations nouvelles
Lutte contre la propagande terroriste. En premier lieu, outre l'aggravation de la répression relative à diverses in-
fractions (24), notamment celle de non-dénonciation de crime (25), la réforme du 3 juin 2016 s'est attachée à créer,
à l'initiative du Sénat, deux nouveaux délits qui s'inscrivent directement dans la prévention du phénomène de radi-
calisation en s'attaquant aux moyens de propagande du terrorisme (26). D'une part, le nouvel article 421-2-5-5 du
Code pénal (N° Lexbase : L4801K8C) vient sanctionner (27) l'extraction, la reproduction et la transmission intention-
nelles de données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme dans le but d'entraver les procédures de retrait
ou de blocage judiciaire ou administratif mises en œuvre (28). D'autre part, un nouvel article 421-2-5-2 (N° Lexbase :
L4801K8C) punit (29) la consultation habituelle d'un site internet faisant l'apologie du terrorisme ou provoquant à
de tels actes. Pour répondre aux critiques selon lesquelles l'incrimination pourrait permettre la répression du simple
"curieux" (30), la loi s'est attachée à encadrer strictement le délit non seulement en définissant précisément le site
internet incriminé qui doit comporter "des images ou représentations montrant la commission" d'actes de terrorisme
"consistant en des atteintes volontaires à la vie" mais surtout, en prévoyant différentes réserves à l'application du
délit. La répression ne saurait en effet intervenir lorsque la consultation est "effectuée de bonne fi", qu'elle s'insère
dans le cadre de recherches professionnelles, journalistiques ou scientifiques -ce qui rassurera l'universitaire-, ou
qu'elle est "réalisée afin de servir de preuve en justice". Quoi-que ces deux nouveaux délits soient destinés à lutter
contre la propagande terroriste, la loi a toutefois exclu à leur égard l'application des dispositions dérogatoires rela-
tives à la garde à vue et à la perquisition en matière de criminalité organisée (31), dans la droite ligne de la position
du Conseil constitutionnel qui estime que l'aménagement des droits de la défense ne peut se justifier qu'en cas de
Lexbook - Revues Lexbook généré le 7 juillet 2016. p. 3