À propos de l’œuvre
Macbeth est le premier des trois opéras shakespeariens de Verdi avant Otello
et Falstaff. Cette histoire « pleine de bruit et de fureur » (Macbeth, acte IV) inspire
à Verdi une de ses œuvres les plus originales. Admirateur inconditionnel du
dramaturge anglais (il a rêvé toute sa vie de composer un Roi Lear), Verdi
t subir un véritable calvaire à son librettiste pour trouver la concision qui
rende justice à la violence théâtrale de la pièce. La séquence du meurtre de
Duncan, le monologue de la folie de Lady Macbeth, rendus avec une audace
harmonique et une puissance sans équivalent, sont des pages d’anthologie.
Cependant, lorsque Verdi compose cet opéra, il envisage d’abandonner
sa carrière pourtant à son apogée, quelque peu désabusé par les intrigues
incessantes liées au milieu de l’opéra.
Verdi compose Macbeth durant l’hiver 1846-1847 pour le Théâtre de la Pergola
de Florence. Mi-août, Verdi commence à travailler sur une adaptation de
l’opéra Macbeth, qu’il envoie en septembre à Francesco Maria Piave à qui il
demande une attention toute particulière pour cette œuvre que le compositeur
considère comme « l’une des plus grandes créations de l’humanité ». Ne
jugeant pas le travail de Piave satisfaisant, Verdi en appelle à Andrea Maffei
(traducteur de Shakespeare). Après correction du travail de Maffei, le livret est
prêt. Commencent alors les répétitions qui dureront jusqu’à la toute dernière
minute toujours dans le souci de perfection qui animait Verdi. Les costumes et
les décors ont également bénécié de ce souci du détail, Verdi faisant même
des recherches jusqu’en Angleterre pour trouver des idées et atteindre ainsi un
grand réalisme dans la réalisation et la mise en scène.
Malgré l’investissement sans précédent du compositeur dans son œuvre, la première reçoit un accueil mitigé
tant de la presse que du public, mais la scène du somnambulisme de Lady Macbeth emporte l’adhésion et
suscite dès la seconde représentation un succès honorable. En juillet 1847, Verdi se rend à Londres et assiste à une
représentation théâtrale de Macbeth, qui lui permettra de retoucher et de parfaire son œuvre.
Les personnages
Verdi réduit considérablement le nombre de personnages par rapport à l’œuvre de Shakespeare, au point que
l’attention est surtout portée sur le couple Macbeth, dont la chute est dessinée en découpes nettes et concises,
comme les différentes stations d’une passion infernale.
Les personnages de l’opéra de Verdi ont des esprits réellement différents. Si certains, comme Banco, Macduff et
Malcolm, sont des archétypes de héros, défenseurs de la morale, traités assez simplement par Verdi, d’autres comme
Macbeth, son épouse et Fléance, ont des psychologies profondes et sont forts de symboles.
Alors que dans un opéra, de nombreuses choses passent par la voix, le roi d’Écosse est un personnage muet,
relégué au rang des gurants.
Verdi créera pour chaque personnage shakespearien un style vocal propre et souvent à contre courant des canons
artistiques de ses pairs contemporains.
Cette production est l’occasion pour Francisco Negrin de rendre à cette âme complexe les raisons qui la motivent.
Macbeth se pose en pion, à la fois de son épouse et du destin (incarné par les sorcières), tourmenté par des choix
dont on peut se demander s’ils viennent réellement de lui. Toujours pour souligner le rapport à l’enfance de Lady
Macbeth, le personnage de Fléanzio, d’habitude peu développé, se pose ici en regard extérieur sur les actions des
adultes, présent à tous les moments décisifs. Chaque personnage semble sortir, par les éclairs de la musique, de sa
solitude intérieure, pour y replonger ensuite dénitivement. En 1865, pour des représentations parisiennes, Verdi, fort
de nouvelles expériences lyriques, révise son œuvre, modiant sensiblement le tissu harmonique et la rendant ainsi
encore plus expressive.
Verdi nous offre un drame lyrique qui restitue avec force toute la noirceur de l’œuvre de Shakespeare, et nous invite
à entrer dans la psychologie du couple maudit : ici, ni amour, ni tendresse, ni folle passion, seulement le souhait
d’élévation sociale comme vecteur de désir pour ce duo torturé que peu à peu viennent hanter leurs exactions.
Macbeth consultant les sorcières,
Eugène Delacroix, 1825