Des travaux empiriques, disparates, qui concernent divers aspects de l’offre,
illustrent cette profusion des médicaments dans les systèmes de soins du Sud
assortie d’une diversification des produits. Le développement en Afrique de
réseaux de diffusion dans le secteur informel et les « pharmacies par terre »
avaient été décrits à la fin du XXe siècle (Fassin, 1992 ; Jaffré, 1999). Des
médicaments néotraditionnels, notamment ceux indiqués pour l’infection à VIH
qui ont émergé lorsque la médecine ne disposait pas de traitement mais qui
continuent à être diffusés, circulent dans plusieurs pays africains où ils peuvent
être prescrits par des professionnels de santé (Hardon et al., 2008 ; Simon &
Egrot, 2012). La diffusion de médicaments d’origine chinoise sur les marchés
informels africains est de plus en plus décrite sur des lieux sans rapport avec les
institutions ou les professions médicales, et ces « médicaments chinois » inscrits
dans un rapport ambigu avec la médecine sont appréciés par les consommateurs
(Hsu, 2002). La vente dans les officines pharmaceutiques de produits over the
counter, c’est-à-dire hors prescription médicale, s’est développée. Les officines
se sont multipliées dans un secteur privé favorisé par les politiques néolibérales
menées à partir des années 1990, profitant du fait que la fourniture des
médicaments par les services de santé publics est devenue plus complexe
(Abuya, 2007). Des volumes importants de « faux médicaments » ou médi-
caments « contrefaits » sont décrits comme étant en circulation (OMS, 2010),
sans que l’on puisse mesurer précisément ce qui découle du développement de
leur production en Afrique et en Asie (Caudron et al., 2008), de la possibilité
croissante de les repérer et des changements dans l’approche de ces produits
notamment au plan juridique (Aldhous, 2005; Mackey & Liang, 2011). La
circulation illicite transfrontalière de médicaments (qui ne sont pas nécessaire-
ment des médicaments faux ou contrefaits), notamment entre pays anglophones
et francophones ayant des réglementations différentes en matière de distribution,
de vente et de délivrance des produits pharmaceutiques est aujourd’hui mieux
connue (Baxerres, 2010). À Ouagadougou, les individus des classes moyennes
urbaines ont commencé à constituer des pharmacies domestiques, différentes
selon le sexe en termes de troubles visés, de produits choisis et de destinataires
(les femmes gérant le traitement des enfants), comprenant une proportion
importante de médicaments achetés hors prescription (Bila, 2011). Vue à partir
du terrain, la rareté relative des médicaments essentiels coexiste ainsi avec une
profusion de médicaments de statuts divers du point de vue des institutions
sanitaires.
Nouveaux dispositifs et nouvelles indications
Au cours de la dernière décennie, la pandémie de sida a suscité le dévelop-
pement de nouveaux dispositifs et de nouvelles modalités pour l’organisation de
la production, la diffusion et l’utilisation des médicaments. Des mécanismes
complexes de gouvernance, d’approvisionnement et de distribution ont été mis
en place (Fonds d’achat, dispositif Fonds mondial de lutte contre le sida, la