tout ce projet qu'il faut avoir pour elle. C'est important d'avoir une projection sur les
jeunes qui nous sont donnés. Je sais que je vais être totalement à rebrousse-poil
de beaucoup de pédagogies mais nous nous devons projeter des choses sur les
jeunes qui nous sont confiés. Pourquoi ? Parce que l'homme est un être de désir
qui a un projet de vie à écrire et qu'il va pouvoir écrire ce projet de vie si nous le
projetons dans la vie. Pas simplement si nous lui donnons une boite à outils pour
gérer le présent, le quotidien mais si aussi nous lui traçons une vision, nous lui
permettons d'avoir une vision. Cela suppose d'en avoir nous-même, pour notre vie,
pour le temps, pour l'éternité.
Et cela le jeune en sera nourri, il fera ses choix personnels, il se démarquera
évidemment de la vision et du projet de vie que je porte, que ses parents portent
mais il a besoin d'avoir des gens qui ont une vision, qui veulent faire quelque chose
de leur vie, qui ont donné un sens à leur existence, qui ont une foi et une
espérance qui les portent au-delà du visible et d'une réalisation d'un bonheur
matériel, ou d'un accomplissement psychologique ou intellectuel. Il y a une vie
surnaturelle qui nous habite et qui se présente comme une vision partageable,
communicable.
C'est intéressant parce que beaucoup en éducation ont pensé qu'il fallait juste
procéder par le témoignage d'une vie honnête. Certains définiront cette vie honnête
par un certain nombre de slogans qui peuvent être le civisme, la citoyenneté,
l'écologisme, la tolérance, etc. Nous, nous disons que tout cela est contenu dans la
vision que nous portons de l'homme mais que la vision que nous portons de
l'homme ne peut pas se contenter de cela, qu'elle doit forcément conduire à mener
l'homme à voir l'immense appel que Dieu lui adresse, et que sa vocation est bien
plus belle et bien plus vaste.
En fait, plus rien n'est profane et en tout cas la frontière qui sépare le profane du
sacré peu à peu s'éteint, s’évanouit, elle se dissipe parce qu'il y a une âme
évangélique, une âme de Dieu, qui a un cœur, qui a une vie surnaturelle qui sème
la grâce dans tout ce qu'il fait. Et qui parfois a une parole explicite d'annonce de
l'évangile.
Il me semble que notre projet éducatif c'est la première formulation de ce monde
que nous voulons créer et ensuite, ce monde qui se crée, que nous créons en
collaboration avec la grâce de Dieu, se retraduit dans le caractère très concret de
nos existences. Je plaide auprès de mes animateurs que c'est quelque chose
d'important de notre projet éducatif, de notre vision de notre anthropologie, de
cultiver l'ordre dans les chambres et la manière de bien se tenir à table. Que ça
appartient à notre projet surnaturel. Parce que nous voulons créer un monde dans
lequel il y ait de la beauté, qui ne soit pas livré à l'anarchie et à la loi du plus fort, où
chacun s'installe et s’étale, sans tenir compte du bien de l'autre. Et précisément,
plaider pour qu'un enfant se tienne bien à table, et qu'il y ait un bel ordre dans la
chambre, c'est aussi participer à la création d'un monde beau. Et c'est là où un
projet éducatif rentre dans le concret extrême du quotidien, et n'est pas une
abstraction et un document qui s'empoussière dans les étagères des armoires