Appel à contribution « La crise »
Revue Ad hoc n°3
La crise.
Crise économique, crise civilisationnelle, crise politique, crise de la culture… de nos
jours, le spectre d’utilisation du terme de crise semble s’être élargi au point d'en arriver à
l’idée d’un phénomène total, quitte à en recouvrir certaines acceptions plus subtiles. La crise,
protéiforme et incontrôlable, tend à devenir un effet de discours, traduisant un sentiment
d’angoisse offrant peu d’occasions à la pensée critique. Nous pouvons donc d’emblée
déterminer qu’une part de fantasme anime cette sensation d’un délitement des rapports
humains, voire d’une indifférenciation culturelle. On peut,s lors, se demander si cette
habitude de pensée n’entrave pas la capacité du monde à penser la sortie de crise, c’est-à-dire
encore à penser la crise autrement que dans l’ordre de l’interminable. Quelle que soit
l’interprétation qu’on lui donne, la crise se signale invariablement comme le point de rupture
d’un équilibre. Mais la pensée d’une persistance de la rupture, dès lors qu’elle ferme toute
capacité d’ouverture à un changement d’état, s’affirme comme une impasse.
En première lecture la crise apparaît donc comme une grille de lecture spécifiquement
contemporaine, mais nous devinons, en raison de limpossible saisie de la contemporanéité
même, l’intérêt d’en revenir aux conceptions antérieures pour tenter d’échapper à l’arrêt que
la notion de crise globale pose sur la capacià réagir
1
. Ne faut-il pas alors dédramatiser la
crise et considérer avec Bertrand Gervais qu’« une crise qui n’est plus unique n’est plus une
crise. Elle est un pattern, une habitude, ce qui ne suscite pas le même niveau d’urgence, ni ne
requiert le même type de réaction
2
»? Si cette notion de crise globale mérite qu’on la discute,
nous aimerions également explorer les conceptions ne répondant pas à cet imaginaire de la
finitude. À ce titre, l’étymologie du terme se révèle instructive : la krisis grecque renvoie au
moment de la décision, c'est-à-dire l'instant où les choses basculent. Elle aurait donc tendance
à correspondre, non à une durée, mais à un point, celui du basculement : non le sommet de la
parabole, mais le point qui lui succède. Chez Aristote la krisis semble renvoyer au
1
Sur ce point, Paul Ricoeur, « La crise : un phénomène spécifiquement moderne ? », dans Revue de théologie
et de philosophie, 1988, vol. 120, n°1, p. 1-19. Aussi disponible à l'adresse suivante :
http://www.fondsricoeur.fr/photo/crise(4).pdf
discernement, le moment où les choses apparaissent séparées pour permettre choix, décision,
jugement, bifurcation
3
(c'est le sens du verbe de même racine, krinô, « je sépare, je distingue,
je décide, je tranche »). De même, en latin, cribrum crible,tamis ») ou le verbe cerno je
cerne par la pensée, je discerne, je décide ») associent la question de la crise à celle du
discernement. Il y aurait donc des rapprochements possibles à établir entre crise et critique.
Par ailleurs, le concept de crise néralisée est devenu pertinent en regard de la question du
moderne ou du post-moderne, dans l’inscription d’une durée à la crise qui n’était lue,
auparavant, que comme moment critique. Ce moment critique était un déséquilibre bénéfique,
état d’urgence aiguisant la conscience et précipitant le choix, mais qui n’était pas compris,
dans la pensée des Lumières notamment, autrement que comme un retour cyclique
« naturel ». La triade Nouvelle Critique/Nouveau Roman/Nouvelle Vague a témoigde cet
accès de conscience, ponctuel et radical, renversant les fondements esthétiques et théoriques.
En dehors des crises collectives historiquement identifiées, existent donc des prises de
conscience individuelles, autrement dit des crises de conscience, invitant à renverser les
acquis dans un renouvellement créatif.
Le troisième numéro de la Revue Ad hoc vous propose d’explorer cette notion de crise
dans une approche qui peut être transdisciplinaire (littérature, Histoire, philosophie, études
cinématographiques et théâtrales, arts visuels, arts plastiques…). La réflexion pourra
s’inscrire dans l’une (ou plusieurs) de ces directions non exhaustives :
Crise et temporalité :
cycles de la crise, crise ponctuelle ou crise permanente, crise et révolution, crise et
modernité…
Crise et critique :
crise de conscience, crise du récit, crise de la représentation…
Fantasme de la crise :
la crise comme effet de discours, angoisse de la crise et décadence, la notion de crise
globale…
2
Bertrand Gervais, « Le contemporain et la crise : une relation nécessaire ? », dans l'Observatoire de
l'imaginaire contemporain, http://oic.uqam.ca/fr/node/50041. Sur l'urgence, nous renvoyons au numéro
précédent de la revue.
3
Par exemple, Michel Serres, Temps des crises, 2009, Paris, Le Pommier, coll. « Manifeste », p. 9-15.
Les propositions, comprenant un titre provisoire et un résumé de 3000 signes maximum,
sont à envoyer avant le 5 Octobre 2013 à ladresse suivante : asso.adhoc@hotmail.fr
Après examen par le comité scientifique, les propositions retenues donneront lieu à un article
d’une longueur comprise entre 20000 et 30000 signes à envoyer à la même adresse avant le
31 décembre 2013. À cet effet, les contributeurs recevront une feuille de style à respecter
scrupuleusement.
Comité scientifique :
Doctorants : Clément Auger, Romain Courapied, Aurélie Palud.
Enseignant chercheur : Daniel Riou.
Bibliographie indicative
Monographies
Bertrand Gervais, L’imaginaire de la fin : temps, mots et signes. Logiques de
l’imaginaire, t.3, Montréal, La Quartanier, coll. « Erres Essais », 2009.
Edmund Husserl, La crise des sciences européenne et la phénoménologie
transcendantale, Paris, Gallimard, 1976.
Alexandre Koyré, Du monde clos à l’univers infini, Paris, Gallimard, coll. « Tel »,
2003.
Hannah Arendt, La crise de la culture, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1985.
Articles
« La crise, comment la raconter ? », Esprit, juin 2012/6.
Jean-Marie Denquin, « Pour en finir avec la crise de la représentation », Jus Politicum,
n°4, 2010.
URL : http://www.juspoliticum.com/Pour-en-finir-avec-la-crise-de-la.html
Paul Ricœur, « La crise : un phénomène spécifiquement moderne ? », Revue de
théologie et de philosophie, 2008, n° 280, p. 1-19.
URL : http://www.fondsricoeur.fr/photo/crise%284%29.pdf
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !