discernement, le moment où les choses apparaissent séparées pour permettre choix, décision,
jugement, bifurcation
(c'est le sens du verbe de même racine, krinô, « je sépare, je distingue,
je décide, je tranche »). De même, en latin, cribrum (« crible,tamis ») ou le verbe cerno (« je
cerne par la pensée, je discerne, je décide ») associent la question de la crise à celle du
discernement. Il y aurait donc des rapprochements possibles à établir entre crise et critique.
Par ailleurs, le concept de crise généralisée est devenu pertinent en regard de la question du
moderne ou du post-moderne, dans l’inscription d’une durée à la crise qui n’était lue,
auparavant, que comme moment critique. Ce moment critique était un déséquilibre bénéfique,
état d’urgence aiguisant la conscience et précipitant le choix, mais qui n’était pas compris,
dans la pensée des Lumières notamment, autrement que comme un retour cyclique
« naturel ». La triade Nouvelle Critique/Nouveau Roman/Nouvelle Vague a témoigné de cet
accès de conscience, ponctuel et radical, renversant les fondements esthétiques et théoriques.
En dehors des crises collectives historiquement identifiées, existent donc des prises de
conscience individuelles, autrement dit des crises de conscience, invitant à renverser les
acquis dans un renouvellement créatif.
Le troisième numéro de la Revue Ad hoc vous propose d’explorer cette notion de crise
dans une approche qui peut être transdisciplinaire (littérature, Histoire, philosophie, études
cinématographiques et théâtrales, arts visuels, arts plastiques…). La réflexion pourra
s’inscrire dans l’une (ou plusieurs) de ces directions non exhaustives :
— Crise et temporalité :
cycles de la crise, crise ponctuelle ou crise permanente, crise et révolution, crise et
modernité…
— Crise et critique :
crise de conscience, crise du récit, crise de la représentation…
— Fantasme de la crise :
la crise comme effet de discours, angoisse de la crise et décadence, la notion de crise
globale…
Bertrand Gervais, « Le contemporain et la crise : une relation nécessaire ? », dans l'Observatoire de
l'imaginaire contemporain, http://oic.uqam.ca/fr/node/50041. Sur l'urgence, nous renvoyons au numéro
précédent de la revue.
Par exemple, Michel Serres, Temps des crises, 2009, Paris, Le Pommier, coll. « Manifeste », p. 9-15.