Au Chapitre 3, nous avons vu les arguments théoriques en faveur et en défaveur de
la politique industrielle. Nous avons vu qu’il existe beaucoup plus de justifications
en faveur de la politique industrielle que ne le reconnaissent certains économistes
du courant dominant actuel. Nous avons également examiné diverses critiques théoriques
de la politique industrielle et souligné que nombre d’entre elles ont des bases fragiles alors
que même les critiques valables sont souvent exagérées.
Toutefois, le lecteur peut encore se demander: c’est bien beau les arguments théoriques
mais qu’en est-il de la pratique ? Tous les pays riches à quelques exceptions près comme le
Japon et la Corée n’ont-ils pas développé leur économie par le biais du libre marché et des
politiques du libre échange ? De plus, les pays en développement n’ont-ils pas gâché leur
économie quand ils ont essayé d’utiliser la politique industrielle avant les années 1980?
Qu’importe leurs résultats de politique industrielle avant les années 1980, les pays en déve-
loppement n’ont-ils pas vu l’erreur de leurs vieilles habitudes et cessé d’utiliser la politique
industrielle depuis ? Les réponses à ces questions que dévoile ce chapitre, sont toutes essen-
tiellement négatives.
À la rubrique 4.1, nous allons montrer comment les pays riches contemporains - depuis
la Grande-Bretagne du 18e siècle jusqu’à la Corée, Taïwan et Singapour du 20e siècle -
ont utilisé une vaste gamme de mesures en matière de politique industrielle, avec un bon
dosage de politiques en fonction du pays et de l’époque. Nous mettrons l’accent sur les
politiques du secteur manufacturier mais nous examinerons aussi la «politique industrielle»
des autres secteurs - agriculture, ressources naturelles - des industries de base (p.ex. l’ex-
ploitation minière et forestière) et les services (p. ex. la finance, le transport). Nous exami-
nerons également les politiques en matière d’infrastructures, compétences, R et D et inves-
tissements physiques qui ne sont pas des politiques industrielles telles que nous les avons
décrites dans ce rapport mais qui sont étroitement liées à la politique industrielle et doivent
être étroitement coordonnées avec elle.
Nous traiterons à la rubrique 4.2 en quoi ce ne sont pas seulement les pays riches contem-
porains qui ont utilisé la politique industrielle avec succès. Nous passerons en revue les
expériences industrielles des pays en voie de développement plus avancés et montrerons
de quelle manière ils ont connu du succès avec la politique industrielle du moins dans
quelques secteurs. Nous regarderons du côté de la Chine, du Brésil, du Chili, des Émirats
Arabes Unis (É.A.U.) et de la Malaisie. Sauf pour la Chine, dont le succès de la politique
industrielle fut à très large base, nous offrons une discussion d’expériences en matière de
politique industrielle dans les divers secteurs, ainsi qu’un aperçu de la politique industrielle
pour chaque pays: Le Brésil (agro-industrie), le Chili (saumon et autres agro-industries),
les Émirats Arabes Unis (aluminium) et la Malaisie (industries liées à l’huile de palme de
même que les secteurs électriques et électroniques).
À la rubrique 4.3, nous regarderons les expériences de politique industrielle des pays
pauvres contemporains en développement et montrerons comment même certains des
pays les plus pauvres ont connu un certain succès en politique industrielle, quoique le
plus souvent dans un nombre limité de secteurs et à un modeste degré. Nous regarderons
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La Commission économique pour L’Afrique (CEA)