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Les psychologues sociaux
montrent que, bien souvent, les gens, et donc les médias entre
autres, exagèrent voire inventent la fréquence des relations qui existent entre deux
événements ; par exemple, le fait que tous les feux de la circulation soient rouges lorsque
l’on est pressé
ou encore, l’appartenance à tel groupe ethnique ou à telle catégorie d’âge
et le fait de commettre un comportement délictueux.
Cette tendance, qui est considérée comme une théorie naïve somme toute bien humaine,
est appelée « corrélation illusoire ».
Les théories naïves ont notamment pour conséquence que non seulement nous avons tous,
sans nous en rendre compte, une tendance naturelle à l’explication, mais surtout, nous
sommes généralement enclins à préférer les explications qui confirment nos croyances… Ce
qui, là aussi, n’est pas sans inconvénient. Ce phénomène participe en effet au renforcement
et à l’entretien de nos stéréotypes
, ces images toutes faites dans lesquelles nous
enfermons les groupes et leurs membres : « C’est parce que c’est une femme qu’elle conduit
mal », etc.
Ces théories fausses se construisent et se propagent à partir du milieu dans lequel nous
évoluons. Ainsi, les médias notamment participent activement à la création de ces théories
naïves. Celles-ci sont autant de vérités soi-disant observables qui, en retour, permettent de
justifier nos comportements et nos attitudes : « Comme les jeunes sont de plus en plus
violents, il faut nous en protéger. Nous n’avons d’autres choix que l’enfermement ».
Bien que naïves, ces théories sont tellement enracinées dans notre culture et nos esprits
qu’elles revêtent un statut quasi scientifique aux yeux de Monsieur et Madame Tout-le-
monde. Elles leur font dire « Il n’y a pas de fumée sans feu » ou encore, dans une certaine
mesure, « On peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres » (sous-entendant : « Ne nous
cachez pas la vérité, que l’on connaît trop bien… »).
En particulier, « les médias peuvent se révéler particulièrement dangereux dans la création
et le renforcement des stéréotypes. L’impression actuelle et généralisée que violence et
L’INCC (Institut National de Criminalistique et de Criminologie) met en avant que les statistiques ne
confirment pas ce point de vue (CODE, Rapport alternatif des ONG sur l’application de la Convention
internationale relative aux droits de l’enfant par la Belgique, Bruxelles, 2010, disponible sur www.lacode.be).
Voyez à ce sujet l’analyse CODE L’enfermement des mineurs délinquants : état des lieux, juin 2011, disponible
sur le site de la CODE : www.lacode.be
Sur le thème des représentations sociales, voyez notamment S. Ciccotti, 150 petites expériences de
psychologie (pour mieux comprendre nos semblables), Paris, Dunod, 2004, S. Fiske, Psychologie sociale,
Bruxelles, De Boeck, 2008 et C. Bonardi et N. Roussiau, Les représentations sociales, Dunod, les topos, 1999.
Ce principe se retrouve en partie dans la « Loi de Murphy » qui énonce que si quelque chose peut aller de
travers, le phénomène se produira.
Plus exactement, les stéréotypes sont des croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles
d’un groupe de personnes (voyez notamment S. Fiske, op. cit.). C’est la réputation dont les groupes font partie.