Le présent exposé ne prétend pas faire le tour de la question, ni exposer toutes les voies de la recherche actuelle sur ce sujet. Il fait le
point sur les découvertes récentes des chercheurs en particulier en archéologie
. Ces quelques pages traitent de l’histoire des Hébreux
et des conditions d’élaboration de la Bible, de l’histoire des royaumes d’Israël et de Juda, de l’histoire des Juifs durant le second Temple
puis des juifs après 70
.
La Bible, des Bibles et brève histoire de la recherche
Les études bibliques sont aussi vieilles que la Bible elle-même. C’est cependant au XVIIe et XVIIIe siècles qu’est née la critique biblique,
c’est-à-dire l’analyse philologique de la Bible et de ses contradictions internes. Les savants du XIXe siècle poussèrent encore plus loin
ces études. On distingue depuis celles-ci dans la Torah plusieurs sources issues de milieux différents que l’on désigne par des lettres :
source J (yahviste, essentiellement le royaume de Juda), source E (élohiste, royaume d’Israël), source D (deutéronomiste, issue du
Temple de Jérusalem), source P (sacerdotale, surtout pour ce qui touche au culte et aux lois du sacrifice) et source R (rédacteur, des
soudures du texte). La Torah est bien un patchwork. Les savants ont longtemps pensé que sa rédaction datait de la monarchie unifiée.
Depuis, les études ont revu la datation d’une somme qui est le fruit d’une écriture et de compilations remontant à des époques
différentes : de la fin des monarchies d’Israël et de Juda pour le début de la composition, à la période exilique, post-exilique ou durant
la période hellénistique. Il en est de même pour les livres des prophètes antérieurs et postérieurs et les chroniques, troisième volet
historique portant sur cette période. La composition d’un ouvrage comme la Bible est forcément liée à un stade avancé de
développement social c’est-à-dire à un État organisant un pouvoir central, des institutions nationales dont la légitimité se fonde soit sur
un culte officiel, soit sur une monarchie, voire les deux. La monarchie au temps de David et de Salomon n’avait pas ce stade de
développement économique et social, les fouilles l’ont confirmé. Cela ne l’a été qu’à la fin du VIIe siècle dans le royaume de Juda ; les
débuts de la rédaction de la Bible (histoire deutéronomiste) reflètent l’idéologie de la réforme religieuse et des ambitions territoriales de
ce royaume sous le règne du roi Josias, la suite de la rédaction et sa mise en forme reflètent celle de la période de l’exil, du retour d’exil
et des siècles qui suivirent. Loin d’être une compilation de chroniques ou de mémoires, la Bible raconte une histoire reconstituée a
posteriori et sujette à caution : aucune fouille n’a pu donner corps ni aux patriarches, ni à l’Exode, ni à la conquête de Canaan et
l’existence de la monarchie unifiée fait débat. Et autant qu’un patchwork, l’unité de la Bible est due aux rédacteurs qui ont mis en forme
ces morceaux au retour d’exil : le texte reflète l’idéologie et les espérances de leur époque, le second Temple, leur vision du monde et
des relations entre Dieu et les hommes. La Bible obéit à un schéma, et les événements de l’histoire humaine se mesurent à l’aune du
plan divin.
Les autres livres historiques de la Bible retracent l’histoire juive après l’exil, jusqu’au triomphe de la monarchie asmonéenne. Leurs
dates de composition sont variées, ils ont été rédigés en différentes langues (araméen et grec). Les livres de sagesse datent quant à
eux pour la plupart de cette époque du second Temple. Tous ces livres ne sont pas acceptés comme canoniques par les différentes
religions, et vont jusqu’à comprendre des versions différentes. Il en a toujours été ainsi. A Qûmram, les manuscrits proposaient trois
versions de la Bible : celle qui deviendra au VIe siècle la Bible massorétique, la version hébraïque, celle qui a inspiré la traduction
grecque de la Septante à Alexandrie, et une version du Pentateuque samaritain pour les fidèles du temple du mont Gazirim. Le canon le
« L’archéologie est devenue et demeurera la source principale d’où découleront les nouvelles données qui permettront la réécriture de l’histoire de l’Israël primitif » (William
Dever, op.cit, 2003).
Je remercie pour leur aide Pierre Stambul vice-président de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) et Hervé Bismuth.