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Les Hébreux en classe de 6e, nouvelles problématiques
Nadine Baggioni-Lopez
Le 30 novembre 2005
Professeure d’histoire-géographie
Académie d’AIX-MARSEILLE
Table des matières
Avant-propos
I) Histoire des Hébreux et des Juifs dans l’Antiquité : rappels et nouvelles voies de la recherche
- Bibliographie
- La Bible, des Bibles et brève histoire de la recherche
- Abraham
- Le récit de la Torah : d’Abraham à Moïse
- Les récit des prophètes antérieurs : conquête et monarchie unifiée
- Les premiers Israélites : ce qui dit l’archéologie
- Les royaumes d’Israël et de Juda
- L’exil, le retour de l’exil et le second Temple
- Les Juifs et l’hellénisme : les dominations grecques et romaines
- Après 70 : la naissance du judaïsme rabbinique
II) Approches didactiques, propositions pédagogiques
A) Quels problèmes pose l’étude de cette civilisation en classe de 6e ?
- 1. Les résonances contemporaines de l’étude pour les élèves
- 2. Le vocabulaire, les notions et leurs résonances contemporaines
- 3. Résonances dans la transposition didactique : les programmes
- 4. Résonances dans la transposition didactique : les manuels scolaires et les exercices proposés aux élèves
B) Problématiser : quelle approche sur le programme de 6e en général et sur cette leçon en particulier ?
- 1. Problématique générale du cours de 6e
- 2. Insertion de la leçon sur les Hébreux : réutilisation des leçons précédentes
2
3. Quelques problématiques pour la leçon sur les Hébreux ?
C) Quelques pistes pour une application pédagogique
- 1. Première période. Le royaume de Juda au temps du roi Josias, le peuple juif au temps de l’exil et du retour : la rédaction de la Bible
- 2. Deuxième période. Le second Temple, sa destruction, la naissance du judaïsme rabbinique.
- 3. Évaluations :
Conclusion
Annexes
L’alphabet hébraïque
Carte du Proche-Orient ancien
Hébreux et Juifs dans l’Antiquité : chronologie
Tableau comparatif sur la Bible : histoire réelle et ce que veulent prouver les rédacteurs (version remplie)
Tableau comparatif sur la Bible : histoire réelle et ce que veulent prouver les rédacteurs (version élèves)
L’hellénisation des peuples barbares dans l’Orient hellénistique
Comparer deux textes qui se ressemblent : contrôle sur le Déluge
Comparer deux textes qui se ressemblent : contrôle sur l’Exode et le retour d’exil
Avant-propos
Refaire toute la séquence de 6e sur les Hébreux me trottait dans la tête depuis longtemps. Je n’étais absolument pas satisfaite de la
manière dont je l’enseignais. J’avais déjà réfléchi sur le programme de 6e en mettant en problématique centrale les idéologies,
j’enseignais aussi depuis un certain temps la période du second Temple dans le cadre de la civilisation hellénistique. J’avais aussi
aborder l’histoire hébraïque dans mes recherches (DEA et thèse en cours) en histoire littéraire byzantine. Je passais également un
certain temps à expliquer aux élèves la complexité de ce document particulier qu’était la Bible.
Je continuais cependant à faire comme tous mes collègues, suivre le manuel, et donc observer avec les élèves la carte des migrations
des Hébreux, Abraham, Joseph, Moïse, la royauté unifiée, etc. Je me contentais d’apporter quelques nuances et d’émettre des doutes.
Je savais surtout que j’enseignais des choses douteuses, la légende se mêlait confusément à la vérité historique, et je faisais part de
mes interrogations aux élèves ! Je séparais aussi clairement que possible les Hébreux d’hier et les juifs d’aujourd’hui.
Je me suis décidée à prendre le taureau par les cornes quand j’ai reçu dans ma classe en 2004 un stagiaire en pratique accompagnée
qui s’est chargé de cette séquence avec une classe de 6e. Cet enseignant débutant a bien évidemment fait toutes les fautes des
débutants ; confusion entre récit historique et récit biblique voire… filmographie hollywoodienne avec une classe enthousiaste. Je lui ai
fait des remarques, je l’ai rassuré aussi, cette leçon est la plus dure de toutes les leçons de collège ! Je lui ai alors promis de réfléchir
moi-même à cette leçon pour voir ce qui allait et ce qui n’allait pas. Je me suis plongée dans des lectures universitaires récentes, j’ai
discuté avec des personnes qui étudient la question et je me suis penchée sur les pratiques pédagogiques et leurs implications.
3
Mon travail a débordé le cadre initial que je m’étais fixé mais je pense que cela en valait la peine. J’attends à présent des critiques de ce
travail, susceptibles de m’aider à l’améliorer.
Pour toutes les raisons qui vont être développées, l’enseignant se doit d’être exigeant avec lui-même sur un tel sujet tout le monde
(y compris moi-même !) dérape et doit avoir une attitude d’historien : conntre l’Histoire, et à partir de là, problématiser, comparer et
critiquer les sources, et mettre ces outils à disposition des élèves. Il s’agit d’enseigner le fait religieux dans le cadre de la laïcité, donc
d’enseigner de l’Histoire avant tout, en se dégageant du poids des habitudes et des pressions religieuses.
I) Histoire des Hébreux et des Juifs dans l’Antiquité : rappels et nouvelles voies de la recherche
Bibliographie
BASLEZ, M.-F., Bible et Histoire, Fayard, 1998.
BORDREUIL, P., BRIQUEL-CHATONNET F., Le temps de la Bible, Fayard, 2000.
DEVER, W.G, Aux origines d’Israël (quand la Bible dit vrai), Wm Eerdmans P., 2003, trad. Bayard, 2005.
FINKELSTEIN I., SILBERMAN, N.-A., La Bible dévoilée, les nouvelles révélations de l’archéologie, Free Press, New York, 2001, trad.
Bayard, 2002.
HARL M., DORIVAL G., MUNNICH O., La Bible grecque des Septante, 1988.
MOMIGLIANO A.D., Sagesses barbares, les limites de l’hellénisation, Cambridge University Press, 1976, trad. Maspero, 1979.
VIDAL-NAQUET P., « Flavius Josèphe ou du bon usage de la trahison ». Préface à Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, traduction de P.
Savinel, Paris 1976.
SARTRE, Maurice : D’Alexandre à Zénobie, Histoire du Levant antique, IVe siècle av. J.-C. IIIe siècle ap. J.-C., Fayard, Paris, 2001.
Dictionnaire de la Théologie chrétienne, Encyclopædia Universalis, 1998.
La Bible de Jérusalem, Editions du Cerf, 1955.
Septuaginta, edidit Alfred RAHLFS, Stuttgart, 1935.
http://www.la-bible.net/bible/segond1910/table.html (Traduction de la Bible par Louis Segond en 1910 révisée en 2002)
4
Le présent exposé ne prétend pas faire le tour de la question, ni exposer toutes les voies de la recherche actuelle sur ce sujet. Il fait le
point sur les découvertes récentes des chercheurs en particulier en archéologie
1
. Ces quelques pages traitent de l’histoire des Hébreux
et des conditions d’élaboration de la Bible, de l’histoire des royaumes d’Israël et de Juda, de l’histoire des Juifs durant le second Temple
puis des juifs après 70
2
.
La Bible, des Bibles et brève histoire de la recherche
Les études bibliques sont aussi vieilles que la Bible elle-même. C’est cependant au XVIIe et XVIIIe siècles qu’est née la critique biblique,
c’est-à-dire l’analyse philologique de la Bible et de ses contradictions internes. Les savants du XIXe siècle poussèrent encore plus loin
ces études. On distingue depuis celles-ci dans la Torah plusieurs sources issues de milieux différents que l’on désigne par des lettres :
source J (yahviste, essentiellement le royaume de Juda), source E (élohiste, royaume d’Israël), source D (deutéronomiste, issue du
Temple de Jérusalem), source P (sacerdotale, surtout pour ce qui touche au culte et aux lois du sacrifice) et source R (rédacteur, des
soudures du texte). La Torah est bien un patchwork. Les savants ont longtemps pensé que sa rédaction datait de la monarchie unifiée.
Depuis, les études ont revu la datation d’une somme qui est le fruit d’une écriture et de compilations remontant à des époques
différentes : de la fin des monarchies d’Israël et de Juda pour le début de la composition, à la période exilique, post-exilique ou durant
la période hellénistique. Il en est de même pour les livres des prophètes antérieurs et postérieurs et les chroniques, troisième volet
historique portant sur cette période. La composition d’un ouvrage comme la Bible est forcément liée à un stade avancé de
développement social c’est-à-dire à un État organisant un pouvoir central, des institutions nationales dont la légitimité se fonde soit sur
un culte officiel, soit sur une monarchie, voire les deux. La monarchie au temps de David et de Salomon n’avait pas ce stade de
développement économique et social, les fouilles l’ont confirmé. Cela ne l’a été qu’à la fin du VIIe siècle dans le royaume de Juda ; les
débuts de la rédaction de la Bible (histoire deutéronomiste) reflètent l’idéologie de la réforme religieuse et des ambitions territoriales de
ce royaume sous le règne du roi Josias, la suite de la rédaction et sa mise en forme reflètent celle de la période de l’exil, du retour d’exil
et des siècles qui suivirent. Loin d’être une compilation de chroniques ou de mémoires, la Bible raconte une histoire reconstituée a
posteriori et sujette à caution : aucune fouille n’a pu donner corps ni aux patriarches, ni à l’Exode, ni à la conquête de Canaan et
l’existence de la monarchie unifiée fait débat. Et autant qu’un patchwork, l’unité de la Bible est due aux rédacteurs qui ont mis en forme
ces morceaux au retour d’exil : le texte reflète l’idéologie et les espérances de leur époque, le second Temple, leur vision du monde et
des relations entre Dieu et les hommes. La Bible obéit à un schéma, et les événements de l’histoire humaine se mesurent à l’aune du
plan divin.
Les autres livres historiques de la Bible retracent l’histoire juive après l’exil, jusqu’au triomphe de la monarchie asmonéenne. Leurs
dates de composition sont variées, ils ont été rédigés en différentes langues (araméen et grec). Les livres de sagesse datent quant à
eux pour la plupart de cette époque du second Temple. Tous ces livres ne sont pas acceptés comme canoniques par les différentes
religions, et vont jusqu’à comprendre des versions différentes. Il en a toujours été ainsi. A Qûmram, les manuscrits proposaient trois
versions de la Bible : celle qui deviendra au VIe siècle la Bible massorétique, la version hébraïque, celle qui a inspiré la traduction
grecque de la Septante à Alexandrie, et une version du Pentateuque samaritain pour les fidèles du temple du mont Gazirim. Le canon le
1
« L’archéologie est devenue et demeurera la source principale d’où découleront les nouvelles données qui permettront la réécriture de l’histoire de l’Israël primitif » (William
Dever, op.cit, 2003).
2
Je remercie pour leur aide Pierre Stambul vice-président de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) et Hervé Bismuth.
5
plus étroit est celui de la Bible hébraïque, le plus large celui de la Septante. Citons encore les livres apocryphes qui intéressent
l’historien, surtout pour la période hellénistique et romaine.
La Bible n’est pas la seule source à retracer l’histoire de ce peuple et de cette terre. Dès le XIXe siècle, les savants ont fouilles terres
bibliques ainsi que l’Égypte et la Mésopotamie. Ils trouvèrent des concordances entre les résultats des fouilles et le monde crit par la
Bible, mais aussi des contradictions évidentes. Longtemps, les archéologues ont pris la Bible au pied de la lettre la Bible dans une
main et la truelle dans l’autre »
3
) au lieu de prendre les sources archéologiques comme sources indépendantes. Il faut dire que nombre
de missions étaient menées par des clercs ou des pasteurs ou financées par des Églises. Les années 1970 ont vu un tournant dans
l’archéologie « biblique »
4
. Tout d’abord après 1967, les archéologues israéliens ont eu accès à la Cisjordanie, c’est-à-dire les hautes
terres, celles des premiers Israélites où, de manière systématique, ont été menées des prospections de surface ou des fouilles.
L’occupation du Sinaï a aussi permis de nombreuses fouilles. D’autre part, on y a désormais appliqué les méthodes de l’anthropologie
pour chercher la réalihumaine et non illustrer la Bible. Celle-ci a été analysée comme un artefact au même titre que tous les objets
sortis des fouilles. L’école traditionnelle pour laquelle le récit biblique prime est aujourd’hui obsolète. On trouve à l’opposé l’école
minimaliste pour laquelle la Bible n’est qu’une construction sociale datant du retour d’exil et de la période hellénistique et pour laquelle
l’ancien Israël de la Bible n’est que pure invention. La majorité des chercheurs sont aujourd’hui sur une position médiane, celle d’un
dialogue entre la Bible, l’archéologie et les autres sciences de l’histoire pour restituer ce que fut l’antique Israël : l’étude philologique et
textuelle de la Bible, l’archéologie, l’épigraphie, l’ethnographie, la linguistique… Une partie des conclusions fait à l’heure actuelle
l’unanimité dans le monde scientifique. D’autres point font débat, de manière plus ou moins acharnée dans le contexte o-politique
tendu où se trouve la région.
Les correspondances dans la Bible : une histoire en miroir
Abraham
• Reçoit l’alliance
Le temps
reconstitué de
l’histoire
providentielle :
Moïse et Aaron (le prêtre)
• Sortie d’Égypte
• Établissement de la Pâque
• Renouvellement de l’Alliance
• Reçoit la Loi
• Interdiction de se mêler aux femmes étrangères (les filles de
Moab)
un modèle
Josué David Salomon
3
On ne peut s’empêcher de penser à autre champ archéologique, celui du monde Homérique, où pendant des années des archéologues, tel Schliemann, fouillèrent, « Homère dans
une main et la truelle dans l’autre ».
Par ailleurs, sur ces deux terrains, la recherche ethnographique a servi d’outil aux historiens : Moses I. Finley se servit en 1954 des thèses de Milman Parry sur les bardes serbes,
de même, Albrecht Alt et Martin Noth se servirent dans les années 1920-30 des observations ethnographiques sur les nomades de Transjordanie.
4
On trouvera un historique des fouilles en Israël dans DEVER, W.G, op. cit., 2003.
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