BBonnin La naissance du Judaïsme Le Judaïsme, la religion du peuple juif, est le premier des trois grands monothéismes. La croyance des enfants d’Israël en un seul dieu en est la pierre angulaire. Le fondement du Judaïsme est la Bible, le récit des origines du monde et de l’évolution du peuple de Dieu, les Hébreux. I- Les Hébreux : histoire du peuple élu Problématique : Quelles sont les origines du peuple hébreu ? Les origines historiques du peuple hébreu restent obscures. On se réfère donc à la Bible pour en situer le commencement. 1- Vers la Terre Promise A- La vocation d’Abraham et l’Alliance Vers 1900 avant JC, Abram, chef d’une tribu sémite originaire d’Ur en Mésopotamie, part avec les siens de la ville d’Haran. Dieu l’avait enjoint de quitter son pays pour la « Terre Promise », Canaan, située dans la région centrale et méridionale de la Palestine, à l’Ouest du Croissant Fertile. Après un séjour en Egypte, Abram rejoint Canaan où il organise un modèle de vie patriarcale fondé sur une économie d’élevage. Après avoir reçu la promesse divine, à 99 ans, d'avoir une nombreuse descendance, il se soumet à la circoncision en signe d'alliance et prend le nom d'Abraham « le père d'une multitude ». Son œuvre sera poursuivit par son fils Isaac, puis son petit-fils Jacob. Une partie des Hébreux descendra par la suite vers le pays de Goshen, dans la région du delta du Nil. B- Moïse et l’Exode Vers 1280 avant JC, un hébreu nommé Moïse est appelé par Dieu pour faire sortir d’Egypte les enfants d’Israël qui s’y trouvent réduits en esclavage (Exode). Au Mont Sinaï, il reçoit de Dieu le Décalogue, dix principes moraux gravés sur des tables de pierre dites Tables de la Loi, qui renouvelle l’Alliance de Dieu avec le peuple d’Israël. Prophète, enseignant, guide et général, Moïse façonne son peuple, lui inculquant la Loi et le transformant en un peuple uni et confiant. Après sa mort au Mont Nébo, le commandement revient à Josué qui fait enfin entrer le peuple d’Israël en « Terre Promise ». Ainsi, les Hébreux d’Egypte se réunissent à leurs frères restés sur place depuis le temps d’Abraham. Il faut encore deux siècles pour que les Hébreux, groupés en une vague confédération de tribus gouvernées par des Juges, passent d’une vie pastorale à une sédentarisation en paysans et citadins. 2- Les premiers Rois d’Israël (XIe-Xe siècle avant JC) Dès le XIe siècle avant JC, au temps du prophète Samuel, les Hébreux sentent le besoin de se trouver un roi. A- Saül, premier Roi d’Israël D’après la Bible (l’archéologie n’ayant trouvé aucune trace de son existence réelle), Saül est désigné comme premier Roi d’Israël par le dernier des Juges, le prophète Samuel, vers 1030 avant JC. Grand guerrier, Saül va régner vingt ans et conquérir de nouveaux territoires. Mais il s’écarte de la voie de Dieu et Samuel lui choisit pour successeur David, un jeune berger devenu chef de clan. David est connu pour avoir terrassé le Philistin Goliath grâce à sa fronde. Saül meurt lors de la bataille de Gelboé contre les Philistins, vers 1010 avant JC et David devient Roi d’Israël. 1 BBonnin B- Le règne de David Reconnue par les nations voisines, Israël connaît sous le règne de David un accroissement de son territoire par le biais de conquêtes successives. David est un roi prestigieux doué d’un sens politique aigu en permettant l’unité nationale par la création de Jérusalem, sur le site de la ville de Jébus conquise aux Philistins, et sa sanctification en y déposant l’Arche d’Alliance. A sa mort, vers 970 avant JC, David laisse à son fils Salomon un pays fort et bien géré, une armée puissante et la Ville Sainte. C- Salomon Salomon va, dès sa prise de pouvoir, poursuivre l’œuvre de son père et accroître encore la puissance et l’étendue du Royaume d’Israël. Salomon met en place un commerce florissant à grande échelle grâce notamment à la flotte marchande et à des accords commerciaux. Il est également un grand bâtisseur et fait édifier le Temple, conçu par son père, pour abriter l’Arche d’Alliance. Si David a légué à ses sujets un royaume unifié et la Ville Sainte, Salomon leur lègue, à sa mort en 931 avant JC, un empire et le Temple. 3- La fin du Royaume d’Israël et les deux Royaumes (Xe siècle-586 avant JC) A- Le schisme du Royaume d’Israël A la mort de Salomon en 931 avant JC, son fils Roboam monte sur le trône. Mais une rébellion conduite par Jéroboam provoque un schisme la même année. Dans le centre et au Nord de la Palestine, Jéroboam et dix des douze tribus d’Israël (portant les noms des douze fils de Jacob) forment le Royaume du Nord (ou d’Israël). Au Sud, Roboam et les deux tribus qui lui restent fidèles, Juda et Benjamin, constituent le Royaume de Juda, moins puissant mais englobant Jérusalem. B- Le Royaume du Nord ou d’Israël L’histoire du Royaume du Nord se caractérise par une instabilité politique et religieuse. D’un point de vue politique, le Royaume du Nord ne connaît une certaine stabilité -et croissance- que sous les règnes d’Omri (vers 881-874 avant JC), qui fait de la ville de Samarie la nouvelle capitale du Royaume, et de Jéroboam II (vers 786-746 avant JC). D’un point de vue religieux, la population s’est éloignée de l’enseignement de Moïse et est tombée dans l’idolâtrie. En 722 avant JC, Samarie tombe aux mains de l’Empire assyrien et le Royaume d’Israël disparaît de l’Histoire. C- Le Royaume de Juda Le Royaume de Juda reste fidèle à la succession davidique. Isolé dans les montagnes et pauvre en ressources, ce royaume mène une existence paisible. Cependant, il ne peut faire face aux invasions assyriennes et égyptiennes du VIIIe siècle avant JC mais survit par le jeu des alliances. En 601 avant JC, le Roi de Juda, Joaquim, s’allie aux Egyptiens pour contrer la nouvelle puissance babylonienne. Mais quatre ans plus tard, la guerre est perdue et Nabuchodonosor II, Roi de Babylone, fait déporter le Roi de Juda et sa famille. Sédécias, le dernier Roi de Juda, se révolte en 586 avant JC mais se fait battre à son tour. Le peuple est déporté : c’est l’Exil. Le Royaume de Juda n’est plus. 2 BBonnin 4- Libération et destruction En 538 avant JC, Cyrus II le Grand, Roi des Mèdes et des Perses, conquiert Babylone et laisse les exilés hébreux retourner chez eux. La Ville Sainte et le Temple, détruits en 586 avant JC, sont reconstruits. Sous la conduite d’Esdras, l’Etat juif devient une théocratie. La stabilité de la Judée va de nouveau être menacée, au IVe siècle avant JC, par Alexandre le Grand. Les mœurs hellénistiques se répandent dans le peuple juif. En 167-166 avant JC, la révolte des Maccabées, menée par Judas Maccabée, renverse le souverain hellène, Antiochos IV, et libère puis purifie le Temple souillé par les idoles (164 avant JC). Le culte du Dieu unique est restauré (Hanoukka). Un Royaume de Judée est réinstallé et la dynastie hasmonéenne redonne du lustre au nouvel Etat hébreu, notamment sous le règne d’Alexandre Jannée (103-76 avant JC). Mais en 63 avant JC, les armées romaines de Pompée prennent Jérusalem. Si un royaume juif continue d’exister, il est dans le giron de Rome. Sous le règne d’Hérode Ier le Grand (37 avant JC- 4 après JC), d’importantes constructions sont entreprises et le Temple est agrandit. A sa mort, l’oppression romaine devient plus forte. En 66, le ressentiment juif à l’égard de l’oppresseur romain finit par déclencher une violente révolte, celle des Zélotes. En 70, les armées romaines, sous le commandement du général -et futur empereur- Titus, prennent Jérusalem et détruisent le Temple. Bientôt toute la Palestine juive va disparaître. Les Juifs vont par la suite se disperser sur tout le bassin méditerranéen et donner naissance à la diaspora juive. II- Le Livre et la religion Problématique : Quels écrits composent la Bible et quelle est la nouveauté de la religion juive? 1- La Bible des Hébreux : une source historique ? La Bible hébraïque est l’une des rares sources de l’histoire du peuple hébreu. Elle a été rédigée entre le VIIIe et le IIe siècle avant JC, en mettant par écrit des récits anciens qui se transmettaient auparavant par voie orale. Ainsi, s’il est vrai qu’elle nous renseigne sur l’histoire du peuple hébreu, ces récits ne peuvent être utilisés comme des documents parfaitement fiables car issus d’une tradition orale donc emprunts de légendes. Il convient donc de comparer ces récits à ceux des pays voisins mais aussi aux résultats des fouilles archéologiques. 2- Les livres de la Bible La Bible hébraïque (Tanakh) est une collection, un regroupement d’écrits sacrés de nature différente et non un ouvrage unique. Elle comprend vingt-quatre livres divisés en trois grandes parties. Chaque livre est lui-même divisé en chapitre, chaque chapitre en versets. Elle comprend donc la Loi ou Pentateuque (en hébreu Torah), constituée de cinq livres attribués à Moïse (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome) et rédigés entre les VIIIe et Ve siècle avant JC ; les Prophètes (en hébreu Neviim), composés de deux ensembles de huit livres : Premiers Prophètes (Neviim Rishonim : Josué, Juges, Samuel, Livre des Rois) et Derniers Prophètes (Neviim Aharonim : Isaïe, Jérémie, Livre Ezéchiel, Livre des Douze) rédigés entre les VIIIe et VIe siècle avant JC, et les Hagiographes (en hébreu Ketouvim), constitués de trois ensembles de onze livres : les Trois Livres Poétiques (Psaumes, Proverbes, Job), les Cinq Rouleaux (Cantique des cantiques, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Esther) et les Autres Livres Historiques (Daniel, Ezra, Chroniques) rédigés jusqu’au II siècle avant JC. 3 BBonnin 3-La religion des Hébreux A- Une religion monothéiste Les Hébreux sont le premier peuple monothéiste de l’Antiquité. Ils honorent un dieu unique et universel, Yahvé (désigné par le tétragramme hébreu YHWH ())יהוה, qu’ils ne doivent ni nommer, ni représenter. La Bible hébraïque raconte que Yahvé a conclu avec Abraham et le peuple hébreu une alliance qu’il a renouvelé ensuite avec Moïse, auquel il remet les Tables de la Loi sur lesquelles sont gravées le Décalogue (les Dix Commandements). Complété par d’autres interdictions, le Décalogue concerne la vie religieuse, la vie sociale et la vie privée des Hébreux. B- La vie religieuse Dans l’Antiquité, les Hébreux ont un lieu de culte unique : le Temple de Jérusalem. Les cérémonies les plus importantes sont les sacrifices qui se déroulent à l’extérieur du Temple sur l’autel de l’Holocauste. Cependant, depuis 70 après JC et la destruction du Temple par les armées romaines de Titus, il ne reste du Temple sacré des Hébreux qu’un vestige du mur d'enceinte, érigé sous Hérode Ier, appelé le « Mur » (HaKotel). Ce mur, aussi appelé improprement « Mur des Lamentations », est révéré par les Juifs pour sa proximité avec le Saint des Saints. Les Juifs se réunissent donc depuis dans des synagogues, où se perpétuent la prière et la lecture de la Bible. Des fêtes religieuses rappellent les grands moments du récit biblique. Le peuple hébreu, devenu apatride et sujet aux préjugés et aux persécutions, va néanmoins perdurer à travers les siècles et faire vivre sa culture et ses coutumes grâce à son ancrage dans le message de la Bible. 4