B. ETUDE DE LA SURTENSION DE DIFFUSION 1. Installation d'un régime de diffusion pure Pour obtenir cette situation, il est nécessaire que les substances (ions) qui réagissent à l'électrode soient transportées uniquement par diffusion. D'après l'expression trouvée précédemment pour le flux total relatif à l'espèce , il faut que J migration et J convection soient nuls. Il en résulte que : - la vitesse de déplacement de l'électrolyte doit être nulle. En réalité, l'électrolyte peut être en mouvement stationnaire et produire un régime de diffusion convective; mais nous n'envisagerons pas ce cas dans le présent développement. - le nombre de transport t doit être nul. Pour cela, le courant de migration est assuré par un électrolyte appelé électrolyte support tel que Csupport C et usupport u t 0 De plus, l'électrolyte support (ou indifférent) ne doit pas réagir dans le domaine de potentiel étudié. Seule la substance (ion) transportée par diffusion peut s'oxyder ou se réduire à l'électrode. 2. Calcul de la surtension de diffusion en régime stationnaire Cette surtension intervient lorsque l'étape limitative est le transport de matière par diffusion. Les substances électroactives consommées ou produites à l'électrode sont freinées dans leur mouvement d'approche ou de départ. C’est ce transfert de matière qui détermine la vitesse de la réaction globale. Les étapes de décharge, de cristallisation, de réaction chimique (plus rapides) sont à l'équilibre (ou n'interviennent pas dans le mécanisme réactionnel). Dans ces conditions, on peut appliquer la relation de Nernst pour le calcul des tensions d'électrodes, même si celles-ci sont parcourues par un courant. Il faudra cependant tenir compte dans ce calcul, des concentrations en substances actives régnant au voisinage de l'électrode, et non de celles qui existent au sein de la solution. La surtension de diffusion est alors définie comme étant la différence : d = Ei - Eéq (différence entre la tension d'équilibre à courant nul et la tension Ei calculée par la formule de Nernst pour la concentration en ions indicateurs au voisinage immédiat de la surface de l'électrode). Electrochimie et applications 143 Pour une substance électroactive E éq = E° + RT quelconque, on a : . ln a nF = activité de a au sein de la solution Rappelons que est positif pour les réactifs situés du côté de l'oxydant et que, d'une façon générale, E éq est donné par : E éq = E° + RT . . ln a nF Si un courant i circule dans le système : C = C (i,t) C a a = a (i,t) La tension devient : E(i,t) = E° + RT .ln a (i,t) nF et = Ei - Eéq = en général : Exemple : Fe2+ d= RT RT .ln nF . a (i, t ) a .ln a (i, t ) a nF Fe 3+ + e E éq = E° + d = RT F RT . ln a3 F a2 . ln a3. a2 a2 . a3 Dans la suite du développement, nous conviendrons de remplacer les activités a par les concentrations C . Electrochimie et applications 144 Diffusion en présence d'un excès d'électrolyte support Il existe plusieurs manières de faire apparaître un gradient de concentration au voisinage d'une électrode: * Diffusion sans migration (électrolyte support) ; * Les ions sont produits par une réaction lente antécédente ou postérieure à la décharge. Nous envisagerons le premier cas, en régime stationnaire. Exemples : une solution d'ions cuivriques Cu2+ dans un excès d'acide sulfurique H2SO4 Solution CuSO4 0,01 M H2SO4 1 M ou une solution de Cu2+ dans un excès de KCl. Dans ces exemples les ions H+ et K + ne se déchargent pas à la cathode, mais ils sont plus mobiles et plus concentrés que les ions Cu2+. A CATHODE REDUCTION ANODE OXYDATION Cu i+ Cu Cu i Cu2+ Cu2+ + 2e Cu2+ + 2e CuSO4 H2SO4 Cu 0,01 M 1M Si le courant augmente, on a enrichissement en Cu2+ au voisinage de l'anode et épuisement en Cu2+ au voisinage de la cathode. A C C Cu++ C Cu++ La réaction de dépôt cathodique comporte 3 étapes : Electrochimie et applications 145 transfert de charges Cu2+ + 2e Cu transport incorporation dans le réseau cristallin de la solution vers la cathode COUCHE DE DIFFUSION épaisseur variable selon agitation de qqc 0.01 mm à 1 mm ELECTRODE DC H SOLUTION ELECTROLYTIQUE Double Couche Helmoltz qqc Angströms a) Cas de l'appauvrissement à la cathode Cu2+ + 2 e Pour la réaction de réduction : Cu 2 on a Si : est positif et i Cu cath . est négatif par convention donc dans ce cas i. 0 C = la concentration de la matière qui diffuse x = la distance mesurée dans la direction de la diffusion (direction perpendiculaire à l'électrode dans le cas d'une électrode plane). et si on suppose que la couche de diffusion a une épaisseur diff constante, que le gradient de concentration est linéaire et constant en état de régime, C C ELECTRODE C o diff x épaisseur de la couche Electrochimie et applications 146 L'application de la première loi de Fick donne : i. J dC = - D . grad C - D . nF dC dx C C = - où C = C pour x = 0 dx i. C = C D . nF nF i = ou D . (C Dans cette expression, i est bien négatif car C i est donc une image de C Si C ) o (1) C (puisque tout le reste est constant). = 0, tous les ions arrivant à l'électrode sont instantanément déchargés et toute C augmentation du potentiel de l'électrode Ei (ou de augmentation du courant. ) ne pourra plus provoquer une Ce courant maximum est appelé courant limite. i id, est une mesure de C Comme RT d nF d, si D .C (2) est constant C (i, t ) C (i, t ) , il faut évaluer . ln nF D . C pour obtenir la formule qui lie le C courant à la tension Ei appliquée. Ce rapport peut être tiré des équations (1) et (2): i i d, C C C C Electrochimie et applications C ou encore : 1 C i 1 C i d, 147 RT d d'où d doit rester i . ln 1 nF i d, 0 pour une réduction et id 0 et i id Dans la précédente formule, on remarque que si i tend vers id, la surtension d tend vers l'infini. En réalité, cette surtension sera limitée par une autre réaction, par exemple la décomposition de l'eau. En général, si plusieurs substances diffusent simultanément, on peut écrire: RT d . i . ln 1 nF i d, Dans l'exemple du système oxydo-réducteur: Fe3+ + e on a: 2 = - 1 et Fe2+ 3=1 i 1 RT Ce qui donne: d i . ln F i 1 i avec id,3 id,2 d ,3 d ,2 courant limite de diffusion lorsque la concentration en [Fe3+] à l'électrode devient nulle, il s'agit alors d'un courant cathodique donc négatif. courant limite de diffusion lorsque la concentration en [Fe2+] à l'électrode devient nulle, c'est le cas de l'oxydation de Fe2+ en Fe3+, le courant de diffusion correspondant est donc positif. i+ id,2 id,3 E/ENH i Electrochimie et applications 148 Pour l'exemple de départ, pour lequel une seule espèce diffuse: Cu2+ + 2e Cu i i U(V/ECS) d Cu 2+ On peut aussi écrire la relation entre le courant et la surtension de la façon suivante: d i i . (1 d . nF e RT ) i id d Pour i tendant vers id, la surtension d tend vers l'infini. Si plusieurs substances peuvent diffuser et se réduire successivement, on a: i id1 E(V/ECS) id2 Electrochimie et applications 149 b) Cas de l'enrichissement (exemple de la dissolution d'un métal à une anode) Dans ce cas, le courant est positif (oxydation) et le coefficient stoechiométrique positif ( i. est > 0). Cu Cu 2+ + 2e L'expression du courant reste la même que dans le cas de l'appauvrissement: i = avec cependant C C nF D . (C (1) C ) C ne peut augmenter indéfiniment, il existe une concentration limite C*qui peut, par exemple, correspondre à la limite de solubilité du sel formé et i tend alors vers une limite * id , . 3. Signification du courant limite ou courant de diffusion Tous les ions arrivant à l'électrode sont déchargés instantanément, l'étape de transfert de charge est donc beaucoup plus rapide que la diffusion des réactifs vers l'électrode. Les courbes potentiocinétiques i = f ( d) sont caractéristiques et présentent un palier appelé palier de diffusion. iid C -E/ENH Pour augmenter le courant limite, on peut: - Augmenter la concentration des réactifs en solution C ; - Diminuer l'épaisseur de la couche de diffusion , par agitation de l’électrolyte ou rotation de l'électrode (on parle dans ce cas de diffusion convective). On donne au tableau I quelques valeurs de Electrochimie et applications pour divers régimes hydrodynamiques. 150 id,γ δ mA cm-2 mm Electrolyse sans convection (après 2h) 0,61 4,75 Convection naturelle (électrode verticale) 14,4 0,2 Convection naturelle (électrode horizontale) 36,5 0,08 30 0,1 63 0,046 200 0,0145 194 0,015 720 0,004 Electrode plane avec écoulement de la solution parallèlement à la surface de l’électrode (v = 25 cm sec-1) Disque tournant (120 t/min) Disque tournant (1200 t/min) Dégagement de gaz à l’électrode (1 cm3 min-1 cm-2) Idem à 13 cm3 min-1 cm-2) Tableau 1 Ce tableau permet de faire les constatations suivantes : 1) La convection naturelle assure déjà une agitation significative : l’amélioration par circulation forcée n’est appréciable que dans le cas d’électrodes verticales. 2) Le disque tournant apporte surtout une uniformité de l’épaisseur de la couche de diffusion. 3) Le dégagement gazeux à la surface d’une électode réalise les probablement par destruction permanente de la couche de diffusion. les plus faibles, Figure VIII.2. : Electrode à disque tournant. Electrochimie et applications 162 L'électrode à disque tournant est un dispositif souvent utilisé en électrochimie pour déterminer si une réaction est limitée par la diffusion des réactifs. Ce système est en effet fort intéressant et on montre que l'épaisseur de la couche de diffusion varie dans ce cas inversément proportionnellement à la vitesse de rotation angulaire de l'électrode à disque: avec 1/ vitesse de rotation du disque (trs/min) Si la réaction étudiée est limitée par la diffusion, on a: id REMARQUE IMPORTANTE Si on ne connait pas avec précision les coefficients de diffusion D des ions , il existe des formules permettant de les calculer lorsque l'on connait la mobilité u de l'ion correspondant ou la conductivité ionique . Ces formules, que nous ne démontrerons pas, indiquent qu' il existe une relation directe entre mobilité des ions et coefficient de diffusion: Relation Einstein : relie le coefficient de diffusion et la mobilité des ions u . RT D nF Relation Nernst-Einstein : relie la conductivité ionique 2 ( n .F au coefficient de diffusion D 2 ). D RT 4. Diffusion en régime non stationnaire Comme nous l'avons signalé dans l'introduction relative à la cinétique, on exploite en régime transitoire, des relations dans lesquelles on suit l'évolution au cours du temps de l'une des deux variables électrochimiques (Eélect/réf, I ) lorsque l'on impose une valeur constante à l'autre. On distingue: * la chronoampérométie : courbes I = f (t) à E = constante * la chronopotentiométrie : courbes E = f (t) à I = constante Les lois relatives à ces phénomènes transitoires s'obtiennent à partir de la résolution de la seconde loi de Fick : Electrochimie et applications 163 C D . 2 C t Dans le cas particulier de l' électrode plane, elle s'écrit: 2 C C D . t x 2 On peut résoudre l'équation en maintenant la tension d'électrode constante (électrolyse potentiostatique) ou le courant d'électrolyse constant (électrolyse galvanostatique). a) Electrolyse potentiostatique (chronoampérométrie) On fixe E électrode/Réf = cste , or comme nous l'avons vu précédemment, la surtension de diffusion vaut : RT d C . . ln nF De ce fait, il faut nécessairement que C ( i , t ) soit C constant. Le problème revient donc à trouver, par intégration, la distribution des concentrations C ( i , t ) et à calculer le courant traversant l'électrode: nF i .J ( x 0) nF = C .D . (x,t) x x 0 L'intégration de l'équation de Fick avec la condition limite correspondant au potentiel constant donne: nF D i C C (0, t ) . t . t En particulier, pour des tensions appliquées suffisamment négatives, on tire: nF D i t C . . t La densité de courant est inversément proportionnelle à la racine carrée du temps d'électrolyse et en particulier le courant limite ( C 0 ) est proportionnel à la concentration de l'ion au sein de la solution. On peut faire usage de cette propriété pour déterminer la concentration de la solution en élément électroactif (chronoampérométrie). Electrochimie et applications 164 C t1 t2 t3 t4 t5 it C t1 X t3 t2 t4 t5 t Figure VIII.3. : Chronoampérométrie. b) Electrolyse galvanostatique (chronopotentiométrie) On maintient la densité de courant constante: i nF cste . D . ( grad C ) x 0 c'est-à-dire que cela revient à maintenir (grad C )x=0 constant. En intégrant l'équation de Fick, on obtient à l'interface, pour x=0: C ( 0, t ) 2 . i. t C nF .D Pour un courant suffisant, la concentration C ( i , t ) décroît avec le temps et devient nulle après un temps est égal à : appelé temps de transition (figure VIII.4.). 2 ( nF ) . . D . C 4. i 2 C 2 Ces équations constituent la base théorique de diverses méthodes d'étude de la cinétique des réactions d'électrodes. En outre, l'expression de permet des applications analytiques puisque est proportionnel au carré de la concentration de l'ion en solution (chronopotentiométrie). Pour une réaction électrochimique ayant lieu sans complication d'ordre cinétique, on montre que : i. Electrochimie et applications c ste k. C 165 C'est la relation de SAND Figure VIII.5. : Chonopotentiométrie. 5. Application de la surtension de diffusion : la polarographie. La polarographie est une méthode d'analyse qualitative et quantitative des ions en solution, elle est basée sur la surtension de diffusion. En réalité, on trace la courbe de polarisation potentiodynamique d'une électrode à goutte de mercure dans une solution composée d'un électrolyte support et du ou des ions à analyser en faible concentration (de 10-3 à 10-6 M). La variable indépendante est le potentiel appliqué à l'électrode à goutte de mercure, on fait varier linéairement ce potentiel en fonction du temps (balayage en tension). Le plus souvent, on travaille en réduction et on applique des potentiels de plus en plus négatifs. Le dispositif expérimental (Figure VIII.6.) simplifié est représenté ci-dessous: Figure VIII.6. : Schéma de principe d’un polarographe. Electrochimie et applications 166 La polarographie utilise une électrode à goutte de mercure (ou une microélectrode solide) qui joue le plus souvent le rôle de cathode, et on s’arrange pour que les ions réductibles (ou oxydables) parviennent à l’électrode à goutte sous le seul effet de la diffusion; dans ce but, on incorpore à la solution un électrolyte support. Dans ces conditions, nous verrons qu’il est possible d’obtenir des renseignements d’ordre analytique (qualitatif et quantitatif) et d’ordre cinétique (cinétique de diffusion de l’oxydant ou de réducteur et cinétique de la réaction d’électrode). Il se crée entre l’électrode à goutte de mercure et le sein de la solution un gradient de concentration qui peut être défini en chaque point et à chaque instant. Tout le développement théorique qui va suivre a pour but d’exprimer ce gradient sous forme mathématique en fonction des divers paramètres opératoires. L’électrode à goutte est constituée d’un capillaire d’où s’écoule le mercure sous l’effet de la pesanteur ou d’une pression appliquée. En jouant sur les dimensions du capillaire, on peut réaliser un régime de fines gouttelettes ( 0,01 cm2) qui se détachent périodiquement (2 à 10 sec), on peut également régler la durée de vie d’une goutte à l’aide d’un marteau ou d’un dispositif pneumatique à des valeurs comprises entre 0,1 et quelques secondes. L’intérêt de l’électrode à goutte est son renouvellement continu (électrode toujours identique). La caractéristique d’une électrode impolarisable est de conserver un potentiel constant quels que soient le sens et l’intensité du courant qui la traverse; il s’agit généralement soit d’une nappe de mercure, soit d’une électrode de référence qui offre l’avantage de présenter un potentiel bien déterminé indépendant de la composition du milieu. Sur la plupart des polarographes, le potentiel varie lentement et la courbe est enregistrée automatiquement; la variation de potentiel est suffisamment lente pour que l’on puisse considérer que la mesure est effectuée sur chaque goutte à potentiel appliqué constant. Les polarogrammes obtenus de cette manière présentent des oscillations de courant. Le tracé complet de la courbe i = f (E) s'appelle un polarogramme et il a l'allure reprise à la figure ci-dessous. Cette figure correspond au polarogramme (Figure VIII.7.) tracé à partir d'une solution contenant des ions Cu2+ et Tl+ . Le courant correspondant au palier est le courant limite proportionnel à la concentration de l'ion en solution. Le potentiel correspondant au point d'inflexion est appelé potentiel de demi-onde et on montre qu'il est caractéristique d'un ion donné dans un milieu support fixé. Electrochimie et applications 167 Figure VIII.7. Polarogramme de solutions contenant des ions Cu 2+ et Tl+. 5.1. Recherche de l’expression générale du courant. Les facteurs susceptibles de limiter le courant sont la vitesse de diffusion et la vitesse de la réaction électrochimique. L’adsorption de substances à l’électrode peut également jouer un rôle important que nous n’envisagerons pas dans le cadre de cette manipulation. La résolution des équations de la diffusion avec les conditions initiales convenables et les conditions aux limites tenant compte en particulier de la vitesse de la réaction électrochimique, permet d’obtenir l’expression du courant en fonction du temps. C'est une application de la chronoampérométrie, mais le problème est compliqué car la surface de la goutte de mercure varie. La surface de l'électrode ainsi que la couche de diffusion se renouvellent régulièrement. La durée de vie T d'une goutte est fonction du diamètre du capillaire et de la pression exerçée sur le mercure. Pour trouver l'expression du courant, il faut tenir compte de l'effet de diminution du courant (proportionnel au gradient de concentration à la surface de l'électrode) et de l'effet d'augmentation de la surface de la goutte: l'augmentation de la surface de la goutte l'emporte sur la diminution du gradient de concentration et le courant global augmente avec le temps. a) Electrode plane de surface constante. En chonoampérométrie, pour une tension E appliquée, le courant i est donc une fonction décroissante du temps. Electrochimie et applications 168 Pour un courant E suffisamment négatif, on obtient l’expression suivante du courant limite a . F. C id Me n ( solution ). D 1/ 2 .t 1/ 2 Equation de COTRELL 1/ 2 La relation i = f (t) ainsi obtenue est d’application directe dans le cas des méthodes transitoires à potentiel constant. Dans le cas de l’électrode à goutte de mercure, si la surface était constante, on mesurerait comme le montre la figure VIII.8., un courant périodique décroissant au cours de la vie d’une goutte. i im t Figure VIII.8. : Evolution du courant à surface de goutte constante. b) Effet de l’augmentation de la surface de la goutte. Il faut cependant tenir compte du fait que la surface de chaque goutte n’est pas constante dans le temps, mais varie suivant la relation : S = K . t2/3 c) Equation d’Ilkovic La combinaison des deux effets conduit à la relation importante d’ILKOVIC (figure VIII.9.) : it = 706 . n . C . D1/2 . m2/3 . t1/6 Electrochimie et applications 169 où it courant instantané ( A) n nombre d’électrons échangés C concentration (millimoles/litre) m débit de mercure (mg/s) t durée de vie d’une goutte (s) (t = 0 au début de sa formation) D coefficient de diffusion de l’ion en solution (cm2/s) i Figure VIII.9. : Evolution du courant lors du relevé d’un polarogramme. Par intégration sur la durée de vie d’une goutte, le courant moyen est donné par : i m oy ou encre i T moy 1 T T . i t . dt 0 = 607 . n . C . D1/2 . m2/3 . T1/6 cadence de chute (sec). d) Relation courant – Tension appliquée : i = f(E/Réf) La courbe courant-tension enregistrée dans une solution constituée de l’électrolyte support, mais exempte de substance active est représentée sur la figure VIII.10. On peut constater que le domaine de tension utile est limité du côté anodique par la dissolution anodique du mercure (0,3 V/Eréf) et du côté cathodique par la réduction du cation de l’électrolyte support ou la décomposition du solvant avec dégagement d’H2. Electrochimie et applications 170 Figure VIII.10. : Domaine de tension cinétiquement élargi sur électrode de mercure. Entre ces limites, on observe la présence d’un courant résiduel ou « capacitif », ic. Ce courant de l’ordre de 0,1 A est dû au fait que l’interface Hg-solution agit comme un condensateur et réclame un certain nombre de coulombs pour se charger (voir cours sur la double couche). A -0,48 V/Eréf, le courant s’annule (point de charge nulle). Lorsque l’on introduit en solution un cation ou une autre substance dissoute réductible à l’électrode, on enregistre l’apparition d’une onde que nous allons mettre en équation. Si la vitesse de la réaction électrochimique (transfert d’électrons) est suffisamment grande, l’équilibre entre Men+ et Me(Hg) à la surface de l’électrode est réalisé à tout moment et on peut écrire la relation de NERNST : E où C Me n 0 E éq RT . ln nF C Me n ( 0 , t ) C Me ( Hg ) ( 0 , t ) concentration de l’ion réductible à la surface de l’électrode au temps t, cette concentration dépend du potentiel appliqué et est indépendante de t (voir développements précédents). C Me(Hg (0,t) concentration du métal dans l’amalgame c-à-d à la surface de la goutte. Si le courant est limité par la diffusion, on a à la surface de l’électrode (x = 0) : i Electrochimie et applications k . C Me n ( 0 , t ) C Me n ,t 171 en particulier au courant limite : id k. C Me ( n , t) De même, la proportion de Me dans l’amalgame est proportionnelle au courant et : i k '.C Me ( Hg ) ( 0 , t ) k et k’ sont deux facteurs de proportionnalité et d’après la relation d’ILKOVIC : 1/ 2 k k est donc fonction de 607 . n . D ox . m 2/3 .t 1/ 6 D ox k’ est identique à k à part que D est remplacé par D’ coefficient de diffusion de Me dans le mercure et le rapport k/k’ devient : k D k' D' de sorte que : i k .C Me n ( 0 , t ) k .C Me n ( , t ) C Me n ( 0 , t ). k C Me n ( 0 , t ) i id C Me ( Hg ) ( 0 , t ) E Me n E Me n E Me n id / Me ( Hg ) E Me n / Me ( Hg ) / Me ( Hg ) i k' . i k . ln nF RT o / Me ( Hg ) E Me n où RT o / Me ( Hg ) . ln 2 nF E1 / 2 id RT nF k' RT k nF . ln RT D nF id i i D' . ln id . ln id i i i i valeur limite du courant de diffusion E1/2 potentiel de demi-onde défini comme étant la valeur du potentiel de l’électrode à gouttes de Hg au point de l’onde où i = i d/2. Electrochimie et applications 172 Le courant limite id est une mesure de la concentration lorsque les autres paramètres de la relation d’Ilkovic sont maintenus constants. Le potentiel de demi-onde E1/2 est une constante indépendante de la concentration et spécifique de l’ion réduit (ou oxydé) à l’électrode dans un milieu support fixé. Remarque Pour les réactions électrochimiques limitées par le transfert de charge (systèmes lents), il intervient dans l’expression des constantes de vitesses k, des coefficients de transfert et ( + =1). La valeur expérimentale de E1/2 est l’abscisse à l’origine de la droite obtenue en portant le log i/(id-i) en fonction du potentiel E (Figure VIII.11.). Figure VIII.11. : Potentiel de demi-onde. En présence de plusieurs ions réductibles (Figure VIII.12.), les courants de diffusion s’ajoutent et on observe une superposition des ondes. Electrochimie et applications 173 Figure VIII.12. : Potentiels de solution pour une solution contenant plusieurs cations. Les divers potentiels de demi-onde permettent de caractériser les ions en présence tandis que les courants i’, i’’, i’’’ permettent de calculer les concentrations correspondantes. La polarographie est une méthode d'analyse qualitative et quantitative puisque le potentiel de demi-onde permet d'identifier le ou les ions présents dans la solution et que le courant limite est proportionnel à la concentration de ces ions. e) Maxima polarographiques. Les polarogrammes présentent fréquemment un pic avant le palier de diffusion. La forme et la taille des pics varient avec la nature de l’électrolyte support et les concentrations employées. Ils peuvent être pointus ou arrondis, mais sont généralement reproductibles pour un système donné. Sous l’effet du courant d’électrolyse, il peut se créer une légère dissymétrie de la goutte, due à un effet d’écran joué par le plan de section du capillaire. Cette dissymétrie est d’autant plus importante que le milieu est peu conducteur et que le bas de la goutte est plus négatif que le col. Figure VIII.13. : Maxima polarographiques. La tension interfaciale étant une fonction du potentiel, les valeurs de la tension interfaciale sont différentes dans le haut et le bas de la goutte; ce phénomène peut entraîner des mouvements d’agitation intenses et des valeurs anormalement élevées du courant. On dit alors qu’il y a apparition d’un maximum polarographique qu’il convient de faire disparaître par addition à la solution d’un suppresseur de maximum. Il s’agit de substances tensioactives telles que la gélatine, la tylose (méthylcellulose) qui s’adsorbent Electrochimie et applications 174 sur l’électrode et suppriment les mouvements superficiels de la goutte de mercure (ils rabotent la courbe électrocapillaire - voir cours d’électrochimie). Figure VIII.14. : Effet d’un tensioactif sur la tension superficielle. La ligne de base et le palier de diffusion ne sont pas toujours horizontaux. La figure VIII.15. suivante montre la façon de déterminer le courant de diffusion avec précision dans un tel cas. Figure VIII.15. : Dérive de la ligne de base d’un polarogramme. f) Limitations de la polarographie classique Au contact électrode à goutte de mercure - solution électrolytique, il existe une double couche électrochimique fonctionnant comme un condensateur et caractérisée par une capacité; un courant capacitif de charge (ou de décharge) i c accompagne donc toujours Electrochimie et applications 175 tout transfert de charge à l’interface; ce courant a été appelé précédemment courant résiduel. De plus, en polarographie classique, l’effet de ce courant parasite est encore accentué par le fait que la surface de la goutte augmente dans le temps. Le fait que la surface de la goutte de mercure change au cours du temps entraîne l'apparition d'un courant capacitif de charge et de décharge de la double couche et on mesure finalement iglob. = if + ic. Pour des faibles concentrations en ion à doser (+/-105 M), le courant capacitif devient du même ordre de grandeur que le courant faradique, il est alors nécessaire de séparer d'une façon ou d'une autre ces deux composantes. On travaille alors en polarographie impulsionnelle ou alternative. Le courant faradique if est le seul à être lié à la réaction électrochimique et c’est le courant utile pour l’analyse quantitative; or le courant mesuré en pratique est le courant global iglob = if + ic. La sensibilité de la méthode classique pour le dosage est dès lors limitée par le rapport : if ic Courant Courant utile parasite CDC ic iF RP Le tableau 2 donne les ordres de grandeurs de if et ic. CONCENTRATION COURANT DE DIFFUSION (Moles/litre) (ampère) 10-3 10-5 il varie 10-4 10-6 dans tous les cas -5 -7 10 10 10-6 10-8 COURANT CAPACITIF (ou courant résiduel) (ampère) De 10-7 à 10-8 Tableau 2. La polarographie classique est limitée du point de vue : - sensibilité - sélectivité - pouvoir de résolution Electrochimie et applications 176 - facteur d’interférence. Les méthodes polarographiques évoluées sont basées sur la séparation des courants faradiques et capacitifs pour permettre d’augmenter de manière importante les possibilités de la polarographie; les deux méthodes les plus utilisées sont la polarographie alternative et la polarographie impulsionnelle. Polarographie à tension alternative surimposée Cette méthode se fonde sur le fait que le courant capacitif est déphasé de 90° par rapport à la tension, tandis que le courant faradique est déphasé d’un angle nettement plus faible (45° au maximum pour un système parfaitement réversible). Les polarographes correspondants permettent en général d’évaluer le courant faradique avec un courant capacitif très atténué. Polarographie à impulsions de potentiel surimposées On superpose à une période fixée de la vie de la goutte et au balayage continu, des impulsions de potentiel. Dans ce cas, le courant capacitif résultant de la charge de la double couche décroît de façon exponentielle, tandis que le courant faradique décroît en t1/2; après quelques millisecondes, seul le courant faradique subsiste. La figure VIII.16. explicite ce que l’on vient d’exposer brièvement. Electrochimie et applications 177 Figure VIII.16. : Principe de la polarographie impulsionnelle. La polarographie impulsionnelle est actuellement la méthode polarographique la plus utilisée. Electrochimie et applications 178