correspondance entre le code binaire et le code décimal (01=1, 10=2, 11=3, 100=4, 101=5, 110=6, 111=7, 1000=8, etc.).
Lorsqu'on lui lit une séquence de chiffres binaires (par exemple, 10110001010111...), il est capable d'en rappeler douze
(performance supérieure à la capacité moyenne de 7). Dans une seconde phase, il effectue mentalement des groupements
de 2 chiffres binaires quand on lui lit une nouvelle séquence ; et il code mentalement chaque groupe par le symbole décimal
qui lui correspond : par exemple, 10 devient 2, 11 devient 3, etc. Étant donné que la capacité de mémorisation du sujet est
constante (12), il est capable de retenir 12 symboles décimaux, ce qui permet, au rappel, de décoder ces 12 symboles
décimaux en 24 chiffres binaires. Puis, dans d'autres phases, il forme des groupes de 3 ou 4 chiffres binaires et les code, de
façon économique, en un symbole décimal, ce qui lui permet de tripler sa capacité ; la limite est atteinte pour des groupes
de 4, car un groupe ne peut plus alors être codé par un seul symbole décimal. Pour Miller, ce codage d'intégration est le
prototype de ce qui se passe dans la mémorisation, avec des variantes dues à la nature de l'information : par exemple, le
langage offre une hiérarchie de codes d'intégration et des symboles regroupant des informations plus nombreuses ; les sons
sont groupés en lettres, les lettres en syllabes puis en mots, les mots en phrases. Les images et les idées correspondent
aussi à des symboles d'ordre supérieur qui permettent le groupement de nombreux mots.
L'organisation des informations dans la mémoire
La variété des mécanismes de stockage a pour conséquence une grande diversité en ce qui concerne l'organisation
stable des informations dans la mémoire. Les associations verbales paraissent constituer un premier mode élémentaire
d'organisation pour l'information linguistique. Certains mots évoquent de façon relativement stable d'autres mots : par
exemple, « abeille » évoque plus fréquemment « miel » et « ruche » que d'autres mots. Au début des recherches sur cette
question, on pensait que les associations reflétaient le rôle de l'apprentissage par cœur, les mots appris ensemble (tels que
« abeille » et « miel ») restant associés dans la mémoire. Cette hypothèse est sans doute en partie vraie, mais elle est
incomplète, car les associations des adultes ne sont pas les mêmes que celles des enfants. Ainsi, les adultes font souvent
des associations par opposition (chaud-froid, homme-femme), tandis que les enfants font des associations par contiguïté
(homme-travail, etc.), de sorte qu'il faut voir, dans la formation des associations verbales, le résultat d'opérations logiques,
catégorielles ou d'opposition. Le rôle important de la catégorisation a été retrouvé au cours de nombreuses recherches : il
est, par exemple, très facile de mémoriser des listes de mots qui peuvent être groupés dans des catégories naturelles
(animaux, plantes, etc.). La catégorisation apparaît comme un cas particulier fort important d'un processus général,
l'abstraction. Lorsque les mots permettent une catégorisation, cette dernière est souvent hiérarchique : par exemple, les
noms de chiens se regroupent dans la catégorie des chiens, mais celle-ci peut elle-même être associée avec d'autres
catégories (« chats », « oiseaux ») dans celle des animaux ; et l'on peut ainsi constituer des arbres hiérarchiques plus ou
moins compliqués reflétant une abstraction plus poussée. L'abstraction exerce encore son rôle, même quand les catégories
naturelles n'apparaissent pas. Ainsi, a-t-on pu montrer que, dans la rétention à long terme de textes, l'information retenue
devient de plus en plus abstraite à mesure que le temps s'écoule, de sorte qu'on en vient à ne plus se souvenir, au bout de
plusieurs mois, que des thèmes généraux.
Le langage constitue donc l'un des deux grands modes de représentation de l'information dans la mémoire, englobant à
lui seul un grand nombre de codes spécialisés (graphique, phonétique, sémantique...). Le second de ces modes est l'image
visuelle. Si le premier mode de représentation aboutit à une sorte de mémoire conceptuelle, le second aboutit à une
mémoire analogique de type visuel-spatial, dont on a un bon exemple dans l'expérience qui consiste à demander à
quelqu'un ce qu'est un escalier hélicoïdal : la plupart du temps, le sujet répond par un geste qui reproduit dans l'espace la
forme en question. Il est aussi très vraisemblable que l'on recourt à des représentations imagées ou analogiques pour
répondre à certaines questions telles que « combien de fenêtres avez-vous dans votre maison ? » ou bien « est-ce qu'un
canari est bleu ? ». De nombreuses recherches ont établi que la présentation de dessins est plus efficace pour la
mémorisation que la présentation des mêmes objets sous forme de mots, et que le recodage mental des mots en images
mentales facilite la mémorisation. Des expériences minutieuses ont montré que cette efficacité était due, en fait, à un double
codage : lorsqu'un dessin est présenté, il est automatiquement dénommé, de sorte que l'information est enregistrée sous la
forme de deux codes, le code imagé et le code verbal. Ces deux codes apparaissent finalement comme très
complémentaires l'un de l'autre, le code imagé étant pertinent pour l'information spatiale globale, mais déficient pour le code
de l'ordre séquentiel, alors que le code verbal est approprié pour le codage de l'ordre des informations, pour l'analytique.
L'alliance des codes imagé et verbal est donc d'une très puissante efficacité, ce qui explique le succès des moyens de
communication qui sont fondés sur la complémentarité des deux codes et qu'on qualifie d'audio-visuels (improprement,
d'ailleurs, puisque dans les bandes dessinées, le langage est présenté graphiquement, c'est-à-dire visuellement, et non
auditivement).