Troubles du comportement et de l’affectivité chez les patients traumatisés crâniens CRFTC- 27 novembre 2012 C.Champetier de Ribes Psychologue clinicienne Définitions Historique Psychopathologie des affects Les troubles du comportement: deux versants Prise en charge en psychothérapie définitions Troubles du comportement: Selon l’OMS, « les troubles du comportement se caractérisent par un changement du mode de pensée, de l’humeur ou du comportement qui ne rentre plus dans les normes ou les croyances culturelles. » Associés à une détresse morale ou une altération des fonctions mentales, les troubles du comportement deviennent pathologiques. définitions Question de la normalité: Cf G.Canguilhem 1943. Relativité de la notion de normalité: Critères élaborés pas société, culture ,opinion publique, médias… (ex: DSM) Idéal individuel Statistiques … définitions Critères diagnostiques: référentiel de ce qui est observable chez un individu importance de ce qui se manifeste dans la relation avec un sujet à un moment donné. « Si je veux réussir à accompagner un être (…) je dois chercher là où il est et commencer là, justement là. » « Pour aider un être, je dois comprendre plus que lui, mais d’abord comprendre ce qu’il comprend » Sören Kierkegaard (1843) définitions L’affectivité: ensemble des états affectifs de l’être humain. Sensibilité, sentiments, émotions, états d’âme. Grande variété des émotions Variations en fonction du Contexte Chez TC: Difficulté d’expression des émotions, labilité émotionnelle… définitions Troubles du comportement et de l'affectivité fréquents chez TC Les comportements sont sous contrôle des lobes frontaux, plus spécifiquement du cortex préfrontal. Impacts négatifs sur: L’autonomie du patient La réinsertion professionnelle La qualité de vie du patient et de sa famille. Un peu d’histoire… 1848: Phinéas Gage, âgé 25 ans, contremaître d’une Cie de construction de chemin de fer est victime d’une explosion. Personnalité changée: Avant accident: travailleur consciencieux et efficace Après l’accident: irritable, irrespectueux, vulgaire, incapable de mener un quelconque projet à bien.Vie instable. Un peu d’histoire… Intérêt de la psychiatrie pour les troubles psychiques des TC: En 1905, Kraepelin dans sa leçon sur « la folie consécutive aux traumatismes crâniens » note une augmentation des troubles au fil du temps avec un caractère profondément modifié: Susceptibilité, colère et brutalité alternent avec inactivité et aspontanéité. L’affaiblissement de la mémoire, la pauvreté des représentations mentales et l’anosognosie. Un peu d’histoire… Durant la 1ère GM, intérêt psychiatres pour troubles psychique TC: le syndrome subjectif et la névrose traumatique. Après seconde GM, la psychodynamique s’intéresse aux structures de la personnalité et à la notion de trauma. Un peu d’histoire… Par la suite, il y a eu un retour à l’organicité. La symptomatologie qui fixe la nosologie. Mais la classification psychiatrique ne permet pas de rendre compte le plus souvent des troubles psychiques présentés par les TC. Déclin de l’intérêt des psychiatres pour la pathologie des TC. Aujourd’hui prise en compte : Des troubles de la personnalité et du comportement L’interaction du vécu personnel et des attitudes de l’environnement. Psychopathologie des affects Psychopathologie: « Approche visant une compréhension raisonnée de la souffrance. » Que nous disent les troubles du comportement et de l’affectivité? Quel sens le sujet donne t-il à ses symptômes? Quelle fonction ont-ils dans l’économie psychique du patient? Psychopathologie des affects Patient: personnalitéidentité Evènement: accident Personnel soignant, accompagnant Vécu de l’évènement traumatique Psychopathologie des affects Cas clinique: M.H Homme de 54 ans.Vit seul. Commercial. Accident de moto. Glasgow : 8. TC choc frontal. Période de confusion. Amnésie. Apathique Agitation. Agressivité. Vécu persécutif. Idéations suicidaires. Personnalité antérieure: introverti, solitaire. Famille en hyper vigilance Psychopathologie des affects L’atteinte de l’identité subjective: L’identité: conscience que l’on a d’être soi-même. Les troubles cognitifs atteignent le sujet dans sa sensation d’identité et d’existence Cela se traduit par des angoisses de catastrophisme. Le patient perçoit un ébranlement du monde qui l’entoure et de sa propre personne. Psychopathologie des affects La cognition: fonction d’étayage La présence de troubles cognitifs dépendance physique, sociale, quotidienne mais aussi psychique. Pas de lien entre expérience vécue et ressenti. Mécanisme de clivage: coexistence de 2 systèmes Discours/ représentation interne éprouvée. Psychopathologie des affects Ce type d’expérience favoriserait un « faux self ». Thérapeute, accompagnant: fonction étayage. Personnalité altérée suite au coma (expérience de non soi). Psychothérapie: remettre de la continuité, du sens entre l’avant et l’après trauma. Psychopathologie des affects L’anosognosie et le déni: Anosognosie: méconnaissance des troubles cognitifs liée à une atteinte cérébrale. Obstacle à la rééducation et à la réinsertion. Atteinte de la conscience de soi caractérisée par: peu de réactions affectives, perplexité quand handicap abordé. Déni: mécanisme de défense apparu longtemps comme l’une des explications possibles ou le seul diagnostic. Psychopathologie des affects Quand déni: savoir implicite du sujet. Pas de perplexité mais signes d’angoisse. Déni moins stable que l’anosognosie, plus incertain. Se repère dans le discours du patient. Depuis quelques années l’alternative déni/anosognosie dépassée. Psychopathologie des affects Compréhension psychopathologique du handicap s’est complexifiée: Conscience diminuée des troubles cognitifs Réactions de déni Incapacité spécifique à reconnaître handicap, liée directement à la lésion. Psychopathologie des affects Cas clinique M.S: Patient de 28 ans. Vit seul. Consultant en technologie du management et développement en entreprise. Accident de parachutisme. Coma. Souvenirs. Agitation, confusion, désinhibition. Personnalité antérieure Clivage: évènement non intégré Anosognosie/ Déni? Psychopathologie des affects L’anxiété: L’inattendu source d’angoisse Patient est submergé par angoisse, les défenses ne parviennent plus à contrôler l’action et/ou le comportement. Régulation émotionnelle ne fonctionne plus de manière adaptée à situation stressante Traumatisé crânien: sensible et perméable à l’environnement. Tensions perçues avec haute intensité aggravation troubles communication et comportement. Psychopathologie des affects La dépression post-traumatique: Les symptômes de la dépression. Etude publiée au Journal of The American Medical association en 2010 sur cohorte de 559 TC de 2001 à 2005: Environ 53 % patients hospitalisés pour TC: dépression au cours de la 1ère année. Facteurs associés au risque de dépression: ATCD dépression, alcoolisme, âge. Les patients dépressifs avaient un risque accru de 60% d’avoir des troubles anxieux avérés, comparés aux non dépressifs. Psychopathologie des affects les émotions: Suite à une lésions frontale, il arrive que la personne ne présente plus les réactions affectives adéquates face aux évènements Caractéristiques: Absence de réactions dans un contexte chargé en émotions (ex: mauvais nouvelle) Émotions et comportements inappropriés: ex fou rire dans une situation triste. Psychopathologie des affects Réactions excessives par ex: ne plus pouvoir s’arrêter de pleurer devant un film ou rire trop fort à une blague. Il existe plusieurs difficultés: Le patient ressent les émotions mais n’arrivent pas à les exprimer, à mettre des mots dessus. Le patient a du mal à comprendre ses propres émotions et celles des autres. Le patient n’arrive plus à adapter son comportement à ses émotions. Psychopathologie des affects Comment accompagner? L’encourager à mettre des mots sur ce qu’il ressent, l’aider en lui suggérant des mots (par ex: tu es triste, fâché?) L’aider à mieux comprendre les émotions d’autrui en lui expliquant clairement (avec des ex) ou en l’invitant à se mettre à la place de l’autre. Prendre un temps pour revenir sur la manière dont il s’est comporté dans un type de situation, lui expliquer que l'autre a pu être blessé ou ne l’a pas compris. Les troubles du comportements: deux versants Le versant « hypoactivité »: Caractéristiques: Posture, marche, akinésie Restriction alimentaire Mutisme akinétique Apathie Désintérêt, indifférence affective, amimie, absence de réactions à la douleur Diminution des réactions d’orientation Défaut d’initiation et de maintien de l’activité en cours. …. apathie État caractérisé par une diminution de l’initiative et une akinésie. Inclut également symptômes tels que: un manque d’intérêt, une diminution de la conscience de soi, une indifférence émotionnelle et une diminution de la réceptivité. Diagnostic différentiel: délirium, la démence et la dépression. apathie Apathie due à une dépression: la personne est plus encline à exprimer son inquiétude à propos de la perte d’indépendance, de rôle et aussi son incapacité à atteindre des buts. Syndrome d’apathie: la personne va être indifférente ou pas concernée Les patients plus jeunes: plus enclins à avoir des symptômes d’apathie, comparés aux plus âgés, plus enclins à avoir une dépression. Patients avec lésion grave: plus enclins à montrer seulement apathie. (Kant et Smith-Seemiller, 2002) Les troubles du comportements: deux versants Comment accompagner? Symptômes différents de la paresse et d’un comportement volontaire Importance de stimuler verbalement Initier l’activité à chaque étape Ne pas infantiliser Surveillance en cas d’absence à la douleur Aider les proches en expliquant les symptômes. Les troubles du comportements: deux versants Le versant « hyperactivité » Après une lésion cérébrale, la personne peut éprouver des difficultés à se contrôler, à arrêter un comportement inadéquat ou à stopper une action au bon moment. Elle poursuit de manière excessive son mouvement, ses activités, ses idées ou propos (persévérations) Les troubles du comportements: deux versants Caractéristiques: Déambulations Boulimie, grignotage ex: la personne mange et ne peut s’arrêter tant qu’il y a de la nourriture sur la table… Désinhibition Irritabilité Affectivité pauvre, absence d’empathie Réactions excessives à l’environnement, distractibilité (dépendance à l’environnement) Défaut d’organisation, d’anticipation, de planification, de contrôle de l’activité… désinhibition Le sujet présente des conduites sociales désinhibées: Plaisanteries de mauvais goût, patient facétieux, grossier, irritable. Logorrhée, digressions, pauvreté du discours, propos inadaptés ex: la personne ne peut s’empêcher de dire ce qu’elle pense, de dire des gros mots, d’être agressive, d’avoir des gestes déplacés , de lire ce qui lui tombe sous les yeux (affiches…) Passe facilement du coq à l’âne…familiarités La désinhibition peut prendre un aspect social déplacé. Ex: masturbation en public, urination. Euphorie, labilité émotionnelle. Impulsivité, intolérance à la frustration, énervement… Les troubles du comportements: deux versants Ces comportements ne sont pas délibérés même si la personne essaie parfois de donner une justification à ses écarts de comportement. Comment accompagner? Éviter situations susceptibles de provoquer certains comportements. Déplacer ou recentrer l’attention Faire prendre conscience de l’inadéquation de son comportement. (dans un lieu calme, seul, essayer de convenir avec lui de certaines limites à respecter) Les troubles du comportements: deux versants Savoir repérer les comportements qui reviennent dans un contexte particulier pour intervenir en amont: Les signaux de changement de comportement ex: respiration plus rapide, augmentation de la tonalité et du débit de parole, agitation motrice… Situations favorisant l’irritabilité: le bruit, le monde, la fatigue, la contrariété, l’attente… Ajuster votre attitude: Si comportement risqué: trouver un endroit plus distant pour le calmer. Encourager les comportements positifs Mettre du sens sur un comportement Les troubles du comportements: deux versants Les points communs entre les deux versants: Pas de projection dans l’avenir Dissociation entre savoir et agir Persévérations, stéréotypies, fabulations Interprétation erronée du contexte et de l’intention prêtée à autrui. Ces deux versants peuvent se succéder ou coexister par ex: réactions agressives sur fond d’apathie. Autres troubles du comportement Les manies post-traumatiques: Prévalence peu précisée: entre 0,8 et 22% Réduction besoin de sommeil, diminution des capacités de jugement, idées de grandeur, irritabilité, logorrhée. Autres troubles du comportement Les troubles obsessionnels compulsifs: Rigidité des comportements Ces derniers deviennent ritualisés, stéréotypés Sujet impulsif, impatient. Par ex en exercice: le sujet débute une tâche avant la fin de la consigne Défaut de flexibilité et comportements perséveratifs. Autres troubles du comportement Les psychoses post- traumatiques: schizophrénie: 20% des blessés présentent des troubles paranoïdes. Davantage quand traumatismes avant adolescence, lésions temporales gauches, avec troubles cognitifs importants. Autres troubles du comportement La schizophrénie: «A partir des données publiées disponibles, on doit conclure qu’il est peu probable qu’un TC provoque une schizophrénie. » David SA, Prince M. Psychosis following head injury: a critical review. J Neurol Psychiatry, 2005 Mar;76 Suppl 1:i53-60. L’utilisation d’un mécanisme de défense archaïque ne renvoie pas nécessairement à une prédisposition pour un trouble mental. Quelle prise en charge en psychothérapie? Notion de temps psychique Plusieurs phases: La première « supportive ». Le thérapeute agit comme un Moi auxiliaire. Deuxième phase: augmenter la capacité d’autoobservation du patient. Respecter les défenses psychiques du sujet. Comment accompagner une personne cérébrolésée ? Reconnaître la souffrance psychique Ne pas infantiliser la personne c’est la restituer dans son identité d’adulte. Pouvoir remettre du sens, de la continuité dans ce que vit le sujet.