Jean-Marc Lebecque, président de l’Union
régionale des professions de santé (URPS)
pharmaciens, créée avec la loi hôpital,
patients, santé et territoires (HPST), pour porter
les projets et de nouvelles missions des
professionnels, évoque son engagement et
celui de certains de ses confrères pour assurer
le dépistage des maladies rénales, dans le
cadre de la Semaine du rein.
En quoi consiste cette opération
de dépistage menée par les pharmaciens ?
« Les pharmaciens GIPHAR (Groupement indépen-
dant de pharmaciens indépendants) ont été pro-
moteurs du repérage en officine. L’an dernier, ils
m’avaient contacté mais l’URPS n’était pas en
mesure, alors, d’accompagner le mouvement.
Cette fois-ci, c’est possible, avec plus de cent phar-
maciens engagés dans cette opération. Il s’agit
pour nous de repérer précocement des personnes
susceptibles d’être dans une phase de développe-
ment d’une maladie rénale. Cela concerne no-
tamment des personnes qui fréquentent les offici-
nes mais qui ne sont pas suivies régulièrement
par un médecin et que l’on doit remettre dans le
parcours de soins. C’est d’ailleurs vers un méde-
cin traitant que l’on va renvoyer la personne
après avoir établi un premier indicateur (recher-
che d’une protéinurie par bandelette urinaire). »
Comment prenez-vous cette action ?
« C’est valorisant. Les pharmaciens sont impa-
tients de participer aux nouvelles missions pro-
mises par la loi HPST. Là, c’est particulière-
ment intéressant car les personnes en début de
maladies rénales ne s’en aperçoivent pas. Et
comme la région est malheureusement à la
traîne en matière de repérage, l’action a son im-
portance. Si ce que nous faisons pour la Se-
maine du rein tient du domaine de l’expérimen-
tation, nous voulons montrer que nous som-
mes capables d’avoir des résultats tangibles,
tout cela bénévolement. Les pharmaciens sont
acteurs de premier recours pas assez utilisés et
pas uniquement des vendeurs de boîtes. »
Avez-vous d’autres actions
de dépistage prévues ?
« Nous avons une action de dépistage de la
broncho-pneumopathie chronique obstructive
(BPCO), en lien avec la Mutualité française pour
ses adhérents. Mais plus largement, un proto-
cole de coopération est en train de se construire
entre les médecins et les kinés, les médecins et
les pharmaciens, les médecins et les infir-
miers. Tous les professionnels de santé pourront
le suivre- pour organiser un dépistage plus im-
portant. Autant d’actions efficaces pour la santé
publique qui vont faire naître des économies
considérables via un dépistage précoce. » B. Vi.
Les reins sont situés
dans le bas du dos.
FAUX
Et pourtant huit Français
sur dix pensent qu’ils
sont situés à cet endroit.
En fait, les deux reins
sont situés de part et
d’autre de la colonne
vertébrale, en dessous
du diaphragme.
Il faut contrôler son
alimentation pour
préserver ses reins.
VRAI
Il convient notamment
de ne pas manger trop
salé, et de ne pas avoir
une alimentation trop ri-
che en protéines (vian-
des, poissons, œufs,
etc.).
Le docteur Franck Bourdon, néphrologue,
responsable de la commission prévention
de Néphronor (1), nous explique l’intérêt
fondamental du dépistage pour lutter
contre les maladies rénales qui touchent
beaucoup plus la région que les autres,
en France.
Pourquoi, selon vous est-il si important qu’il y
ait une semaine (du 8 au 15 mars) et même
une journée mondiale (le 13 mars) consacrées
au rein ?
« Tout simplement parce que les gens ne
connaissent pas les maladies rénales. Il faut
savoir que 40 % des malades arrivent très
tardivement chez un néphrologue. Il faut
leur annoncer que la semaine suivante, ils
doivent commencer la dialyse. Alors qu’on
pouvait faire autrement… Mais le problème
est que l’insuffisance rénale est un mal silen-
cieux. On peut même vivre très bien avec
une maladie rénale chronique. Les signes,
eux-mêmes, sont assez banals (crampes, fati-
gue) qui n’amènent pas forcément à s’in-
quiéter plus que ça. Et pourtant… C’est quel-
que chose qui peut arriver à n’importe qui.
Il faut aussi savoir que les douleurs aux
reins n’ont rien à voir. »
Comment peut-on dépister la maladie rénale ?
« Cela passe par une prise de sang pour la re-
cherche de créatinine par la recherche d’al-
bumine dans les urines. Il est indispensable
de faire les deux tests pour établir le diagnos-
tic avec certitude. Une partie de la popula-
tion est plus dite “à risques” : les personnes
âgées de plus de soixante ans, les hyperten-
dus, les diabétiques, et ceux qui ont des anté-
cédents familiaux ou personnels. Un seul fac-
teur de risque suffit. Donc, ça vaut vraiment
le coup de faire un dépistage. D’autant
qu’avec l’âge, la perte est, quoi qu’on fasse,
de 1 % de fonction rénale par an, et que la
baisse s’accélère avec une de ces maladies
(hypertension, diabète, etc.), de l’ordre de 6
à 8 % par an. Il faut freiner cette dégrada-
tion. »
Avec le dépistage ?
« Tout passe par là. Le dépistage permet de
faire le diagnostic de la maladie et ce qui en
est la cause. Autre intérêt : freiner l’insuffi-
sance rénale pour garantir un bon fonction-
nement le plus longtemps possible. Cela per-
met d’éviter que la personne ne se retrouve
en insuffisance rénale terminale (10 % de
fonction des reins), sachant qu’au bout du
compte, il ne reste plus que la dialyse ou la
greffe, notamment avec donneur vivant. »
La région est-elle plus touchée ?
« Il y a 3 300 patients en dialyse dans la ré-
gion (40 000 en France). L’incidence est donc
plus forte avec 200 patients par million d’ha-
bitants dans la région, contre 150 en
France. Cinquante personnes en plus font de
nous la région la plus touchée en métropole.
Il faut rappeler quelques règles de base pour
éviter la maladie rénale : avoir une activité
physique et une bonne hygiène de vie (ne
pas abuser du sel notamment). Il ne faut pas
oublier non plus que cette maladie est un fac-
teur de risque cardio-vasculaire (AVC, infarc-
tus). Le rein est un organe extrêmement im-
portant, il ne sert pas uniquement à la filtra-
tion des déchets (régulation de la tension ar-
térielle, stimulation de la production des glo-
bules rouges. »
B. Vi.
(1) Néphronor est un réseau qui regroupe tous
les établissements publics et privés de la
région disposant d’une structure et d’une
équipe spécialisée dans le domaine
de l’insuffisance rénale chronique.
Ce matin, ils sont une dizaine de
patients au CHRU de Lille. Ils ont en
commun d’avoir été greffés
récemment et de suivre un des
ateliers du programme d’éducation
thérapeutique. Une nouveauté.
«Notre but est de permettre aux patients
d’être autonomes et de préserver le greffon
le plus longtemps possible, même s’il a une
durée de vie de dix à quinze ans en
moyenne. » En animant un des sept ate-
liers du programme d’éducation théra-
peutique – ce matin-là, « Savoir reconnaî-
tre les manifestations cliniques pour préve-
nir les complications » – Bénédicte Mignot
et Nathalie Billaud, infirmières, fixent
l’ambition. Alors, pêle-mêle, avec la di-
zaine de patients présents, elles balaient
tout ce qui fait partie des suites d’une
greffe, et peuvent apparaître au domicile
quand le patient est seul ou presque. Des
effets secondaires des médicaments (vo-
missements, diarrhées, voire tremble-
ments) à la surveillance du greffon
(« pour le surveiller mais aussi se l’appro-
prier ») en passant par celle de la peau et
l’indispensable vigilance avec le soleil (en
cause : la prise des immunosuppres-
seurs), sans oublier les mesures d’hy-
giène.
Tout est passé au crible avec les deux pro-
fessionnels qui ne laissent rien au ha-
sard, comme pour la diarrhée qui n’est
«pas un signe anodin, mais peut être lié à
une infection » ou, au contraire, la ten-
sion avec une hausse qu’il importe de « si-
gnaler au médecin
» mais pas forcément
en urgence, sous certaines conditions. «
Il
faut faire la part des choses
» précisent les
infirmières qui ne veulent rien laisser au
hasard, tout en se gardant bien d’inquié-
ter les patients qui se retrouvent vraiment
acteurs de leur santé.
«Les mêmes expériences
que nous »
Nicolas, 35 ans, venu de Valenciennes, ap-
précie : «
J’ai été opéré le 13 février der-
nier. Ces réunions permettent d’avoir des
réponses aux questions qu’on se pose, de
manière très pratique. En plus, nous avons
des échanges avec d’autres greffés qui forcé-
ment partagent les mêmes expériences que
nous. C’est très intéressant
». D’autant
plus que, rappellent les infirmières,
«
après trois mois de greffe, vous êtes en-
core convalescents
».
Visiblement, ces réunions d’éducation thé-
rapeutique – mises en place depuis octo-
bre 2013 – apportent beaucoup, à raison
de deux fois par semaine dans un premier
temps avant que progressivement le pro-
gramme ne s’allège pour finalement per-
mettre au patient d’être suivi par un néph-
rologue proche de chez lui.
En attendant, Bénédicte Mignot et Natha-
lie Billaud apprécient : « On connaît bien
les malades et on a vraiment l’impression
d’être à la source de notre boulot, en leur
apportant vraiment quelque chose. J’ai
l’impression que c’est profitable des deux
côtés. »
B. Vi.
Les médicaments
peuvent être toxiques
pour les reins.
VRAI
Certains anti-inflamma-
toires non stéroïdiens, y
compris les aspirines,
peuvent être toxiques
pour les reins, tout
comme certains analgé-
siques ou le paracéta-
mol quand ils sont utili-
sés à fortes doses ou à
long terme.
« 40 % des malades arrivent
très tardivement chez le néphrologue »
Les greffés de retour à l’hôpital
pour… prendre les bons conseils
Les pharmaciens engagés dans la prévention
pour montrer qu'ils sont de vrais acteurs de santé
Le rein :
VRAI
ou
FAUX
« J’ai mal aux reins »,
est-ce un signe ?
FAUX
Et pourtant, là encore de
nombreuses personnes
le pensent (80 %). C’est
plus souvent le signe
d’une douleur à la co-
lonne vertébrale au ni-
veau des lombaires.
Boire de l’eau est bon
pour les reins.
VRAI
Mais si l’on évoque cou-
ramment la nécessité de
boire une quantité d’eau
adaptée à ses besoins
(au moins un litre et
demi par jour), le doc-
teur Franck Bourdon pré-
cise qu’il faut en fait
«boire à sa soif ».
Une
semaine
de dépistage
Des dépistages sont organi-
sés dans les pharmacies (lire
ci-contre), avec la contribu-
tion de Nephronor, l'URPS
pharmaciens, le groupe-
ment GIPHAR, mais aussi
avec la participation de plus
de cent stagiaires en sixième
année à la faculté de pharma-
cie de Lille.
Par ailleurs, des centres hos-
pitaliers s'associent à l'opé-
ration :
– le centre hospitalier de Douai
(hall) avec un dépistage le
jeudi 13 mars de 10 h à 18 h.
– le centre hospitalier de la ré-
gion de Saint-Omer (Hall
d'entrée) le jeudi 13 mars éga-
lement de 9 h 30 à 17 h 30, en
collaboration avec la clinique
néphrologique de l'Audoma-
rois.
Pour plus d'informations :
www.semainedurein.fr
Bénédicte Mignot et Nathalie Billaud, infirmières, suivent un protocole qui prévoit sept ateliers d’éducation thérapeuti-
que sur six mois.
PHOTO PATRICK JAMES
Le docteur Franck Bourdon rappelle l’importance du dépistage.
PHOTO ARCHIVES PATRICK JAMES
Jean-Marc Lebecque, installé à Marck-en-Calaisis, apprécie cette
opération : «
C’est valorisant
».
PHOTO JEAN-PIERRE BRUNET
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SEMAINE DU REIN
DU 8 AU 15 MARS
CAHIER SPÉCIAL
VENDREDI 7 MARS 2014
DU 8 AU 15 MARS
SEMAINE DU REIN
5
CAHIER SPÉCIAL
VENDREDI 7 MARS 2014
GV02.