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Biologiste médical et maladies auto-immunes 261
caractères biologiques des AC correspondants, ainsi que
des caractéristiques des techniques choisies.
Évolution des techniques de recherche des
auto-anticorps
Une meilleure compréhension de la physiopathologie des
maladies auto-immunes a débouché sur la découverte de
nouvelles cibles antigéniques et par de là, la mise en évi-
dence des effets pathogènes des AC correspondants. Grâce
à ces données et à l’évolution des techniques de purification,
de nouveaux tests ont été mis au point avec des retombées
très intéressantes pour les patients.
Dans la maladie cœliaque, par exemple, diverses tech-
niques se sont succédées depuis 50 ans pour mettre en
évidence les anticorps dirigés contre les protéines du blé,
notamment l’hémagglutination passive (1961), la préci-
pitation en gel d’agarose (1970), l’immunofluorescence
indirecte (IFI) (1978, 1979), les techniques Enzyme-Linked
Immuno-Sorbent Assay (Elisa) (1979) et les techniques mul-
tiplexes au cours des dix dernières années.
La première retombée de ces nouvelles techniques est
l’augmentation de la sensibilité et de la spécificité des tests
et donc l’apport au diagnostic et à la classification. C’est
l’exemple des AC anti-dsDNA (acide désoxyribonucléique
double brin) dans le lupus, l’anti-CCP (protéine circulaire
citrullinée) dans la PR (polyarthrite rhumatoïde) et l’anti-
tTg (transglutaminase tissulaire) dans la maladie cœliaque.
Le revers de la médaille est que l’utilisation d’une tech-
nique trop sensible donne de faux positifs et le contraire
laisse passer des diagnostics. Compte tenu de la gravité
du diagnostic des maladies auto-immunes et de ses impli-
cations thérapeutiques, les laboratoires peuvent se doter
alors de deux tests, l’un très sensible, l’autre plus spéci-
fique.
Le syndrome des antiphospholipides (SAPL), a large-
ment bénéficié de nouvelles techniques avec une meilleure
spécificité. La cible antigénique de l’AC anticardiolipine
(phospholipide anionique présent dans la membrane interne
des mitochondries) est un complexe cofacteur-cardiolipine.
Le cofacteur par excellence est la Béta 2 glycoprotéine1
(B2GP1). Ces AC sont recherchés par Elisa. De part les
caractéristiques du milieu réactionnel, les AC accrochent
les cardiolipines cofacteur indépendant et dépendant. Or,
les AC anticardiolipines cofacteur indépendant sont transi-
toires et associés à des infections et nullement au SAPL.
D’où la nécessité de réaliser un autre test Elisa avec une
cible antigénique différente : anticorps anti-B2GP1 pour la
confirmation biologique du SAPL.
La nouvelle approche des maladies auto-immunes est
l’établissement d’un profil d’AC associé à une pathologie et
non plus un seul AC. Cela a été possible grâce au passage des
techniques conventionnelles aux techniques multiplexes.
Ces techniques permettent la recherche et la quantification
simultanée de plusieurs AC dans un même puits réaction-
nel.
Enfin, l’introduction de méthodes quantitatives de
dosage a permis au laboratoire d’intervenir dans le suivi
et la réponse au traitement. Ainsi, dans la granulomatose
de Wegener, le suivi se fait sur les anticorps anticyto-
plasme des neutrophiles (ANCA) en particulier, les c-ANCA
(PR3 : protéinase 3) [2,3] et dans la maladie de Basedow, par
l’antirécepteur de la TSH (thyréostimuline). Dans le lupus,
un titre élevé des dsDNA signifie une maladie active et per-
met le suivi du patient [4].
Les tests d’auto-immunité utilisent un ensemble de
méthodes qui diffèrent par leur sensibilité, leur spécificité
et leur valeur clinique. Le biologiste médical, pour assurer
une prise en charge correcte et optimale des maladies auto-
immunes, doit choisir après évaluation, la ou les méthodes
qu’il va utiliser, ensuite il est amené à réaliser les examens,
puis à valider et à commenter les résultats obtenus.
Choix de la méthode
Pour chaque pathologie, il existe maintenant des tests de
première intention et des tests de deuxième intention. La
maîtrise des caractéristiques des tests de première intention
permet au biologiste de s’orienter vers le test de seconde
intention. Chaque méthode et chaque réactif possèdent des
caractéristiques que le biologiste doit connaître et maîtri-
ser. Les antigènes sources des réactifs, peuvent être natifs
ou recombinants, les épitopes sélectionnés peuvent être
conformationnels ou non et les seuils de positivité des réac-
tions sont à définir par chaque laboratoire.
Maîtriser les caractéristiques des méthodes
La maîtrise des caractéristiques de la technique est un élé-
ment primordial pour choisir la technique et interpréter les
résultats de manière pertinente. Par exemple, il est impor-
tant de savoir que la recherche des anticorps antinucléaires
(ANA) sur human epithelial cell line type 2 (Hep2) par immu-
nofluorescence indirecte (IFI) doit être réalisée avec une
dilution du sérum à 1/80 et lue au microscope à un gros-
sissement de ×40 [5]. L’aspect de la fluorescence oriente
vers des AC particuliers. Cependant, de nombreuses varia-
bles influencent la fluorescence. Des variables liées à la
méthode, dépendantes du substrat utilisé, son mode de fixa-
tion, son mode de conservation, de la qualité du sérum
testé (existence de facteur rhumatoïde, de cryoglobuline).
Des variables dépendants de l’opérateur (formation, expé-
rience) contribuent à la subjectivité du lecteur lorsqu’elles
sont insuffisantes [6].
L’aspect de la fluorescence peut être simple, homogène
évoquant un anti-dsDNA, un antinucléosome ou un antihis-
tone, ou moucheté, orientant vers des AC antiantigènes
nucléaires solubles (Sm, SSA, Scl70...). Il existe cependant
des aspects mixtes d’interprétation plus complexe. En effet,
plusieurs AC peuvent coexister ce qui donne une superposi-
tion de plusieurs aspects de fluorescence.
Un autre exemple de la nécessité de la connaissance
des caractéristiques des méthodes, pour les utiliser à bon
escient, est la recherche des anti-dsDNA. Le laboratoire
est placé devant la difficulté du choix de la technique de
dosage. En effet, l’IFI et le test de Farr ne détectent que les
anticorps de haute affinité, l’Elisa détecte les anticorps de
basse et haute affinité. Les premiers sont donc plus spéci-
fiques mais moins sensibles que l’Elisa. Les techniques plus
récentes, multiplexes permettent de résoudre cette ques-
tion [4].