Education
La concentration,
ça s’apprend
De moins en moins capables de rester attentifs, les enfants? Entre écran de jeu
et smartphone, le cerveau zappe plus souvent qu’à son tour. Petit quiz pour
mieux comprendre comment les neurones fonctionnent.
Texte: Patricia Brambilla Illustration: François Maret
Dans un monde de distrac-
tions multiples et incessan-
tes, pas toujours facile
de garder son attention
rivée sur une tâche ardue. Trop
souvent, le moment des devoirs
tourne à la foire d’empoigne. Mais
tout n’est pas perdu: on peut aider
l’enfant à acquérir une meilleure
concentration, pour autant que l’on
comprenne le fonctionnement du
corps et surtout du cerveau.
Les neuronesn’ontpastous
la même fonction.
Vrai
Le cerveau est un organe complexe,
doté de quelque cent milliards de
neurones, répartis essentiellement
dans le cortex. On s’en doute: ces
nombreux neurones n’ont pas tous la
même fonction, mais sont assignés
à des tâches spéciques: actionner
des muscles, identier ce qui est
perçu, apprendre un air de musique,
etc. Dans les moments de concen-
tration, ce sont essentiellement les
«neurones-chefs» qui sont mobilisés,
comme les désigne Jean-Philippe
Lachaux, neuroscientique et auteur
des Petites bulles de l’attention (paru
aux Ed. Odile Jacob, 2016 et dispo-
nible chez Ex Libris). Ces neurones
permettent «de percevoir ce qui est
le plus important pour ce que l’on a
l’intention de faire et d’y réagir de la
bonne manière.» Autrement dit, de
rester concentré. Mais le hic: ces
neurones-chefs se fatiguent vite,
laissant le champ libre aux neurones
du circuit de la récompense. Ceux-ci
ont la mémoire de ce qui est plaisant
ou non, adorent ce qui est excitant,
ce qui bouge et ce qui change… et ont
vite fait d’amener la personne à se
laisser distraire: console de jeu,
télévision, regard qui s’envole par la
fenêtre... Garder le contrôle sur les
neurones adéquats est un eort qui
se travaille sur la durée. Mais qui
devient vite gratiant.
La concentration,c’estinné.
Faux
Non, la concentration n’est pas livrée
comme un paquet cadeau à la nais-
sance, elle fait partie de l’éducation et
se développe en grandissant. «On aide
l’enfant à apprivoiser son esprit, à lui
faire prendre conscience de ce qui se
passe avec ses sens. Comme on ap-
prend les diérents goûts, amer, salé,
sucré, on apprend son corps, et la pen-
sée qui va avec la concentration», af-
rme Florence Vertanessian de Bois-
soudy, sophrologue auteure de plu-
sieurs ouvrages sur la concentration
des petits et des grands (par exemple
Je booste ma concentration, Ed. Jou-
vence, disponible chez Ex Libris).
Elle conseille aux parents d’inviter
les enfants, dès le plus jeune âge, à
poser leur esprit sur leur environne-
ment: nommer les aliments, identier
les émotions, mettre des mots sur
chaque perception. «Un enfant qui est
capable de sentir, de regarder vrai-
ment ce qu’il mange, sera capable de
faire ses exercices de grammaire»,
poursuit la sophrologue. Autrement
dit, prendre conscience du monde
permet d’aûter son attention. Et
donc sa concentration. Pour le neuro-
logue, le cerveau, même s’il n’est pas
un muscle, doit s’entraîner de la
même façon. La preuve par les grands
sportifs: «Les champions qui font des
gestes précis et compliqués ont besoin
d’entraîner leur cerveau pendant des
années pour qu’il devienne rapide et
ecace comme leurs muscles.»
Se concentrer surplusieurs tâches
en même temps, c’estpossible.
Vrai et faux
Bien sûr, on peut chanter en faisant
du vélo ou répondre au téléphone
tout en arrosant les plantes vertes.
Mais il est plus dicile, voire impos-
sible de lire une phrase tout en comp-
tant les mots qui la composent.
«On ne peut pas faire en même temps
deux choses qui demandent de l’at-
tention, de la même façon qu’on ne
peut pas regarder à deux endroits
86 |MM8, 20.2.2017|AU QUOTIDIEN