Transversal n° 35 mars-avril décryptages
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greffon contre l’hôte », causée par les cellules immuno-
compétentes de la moelle du donneur que le receveur
immunodéprimé n’est pas en mesure de rejeter. Cette
maladie, qui survient lors d’une greffe sur deux, fait
encourir un certain risque au patient, en particulier si
celui-ci est séropositif. Malgré tout et compte tenu des
limites rencontrées avec les greffes autologues, quelques
greffes allogéniques de moelle ont été réalisées chez des
patients porteurs du VIH. Un traitement immunosuppres-
seur est alors nécessaire pour prévenir la GVH, ce qui fait
aussi courir le risque d’aggraver l’immunodépression due
au VIH… Dans leur ensemble, les premiers résultats ont
toutefois montré la faisabilité des greffes chez ces patients
et ouvert la voie à de nouvelles, celles d’organes solides.
Transplantation hépatique. Récemment initiées chez les
patients porteurs du VIH, ces greffes, toujours allogéniques,
impliquent les organes liés aux maladies les plus graves et
habituelles chez les personnes séropositives. C’est le cas
des hépatites virales ou médicamenteuses, fréquentes chez
ces dernières du fait notamment de la coïnfection par un
autre virus, celui de l’hépatite B (VHB) ou de l’hépatite C
(VHC), et qui concerne 20 % à 40 % d’entre elles. Une sur-
consommation d’alcool ou de drogues peut parfois aggraver
la situation. Négligées pendant longtemps, les maladies du
foie sont donc devenues une préoccupation centrale dans la
prise en charge des personnes séropositives.
L’enjeu est de taille, car les hépatites évoluent plus souvent
et plus vite chez un patient coïnfecté, même sous trithé-
rapie, vers une hépatite chronique ou un cancer du foie.
En outre, les hépatites C sont beaucoup plus graves que
les hépatites B. Dans les cas d’hépatopathies les plus pro-
blématiques, une greffe de foie peut alors, sous certaines
conditions, être proposée aux personnes séropositives. Les
critères de cette transplantation chez les patients coïnfec-
tés ont été évalués dans le cadre de l’essai ANRS Thevic,
mis en place au Centre hépatobiliaire (CHB) de l’hôpital
Paul-Brousse (Villejuif).
Essai ANRS Thevic. La première greffe a eu lieu en 1999.
Les candidats étaient en grande majorité des malades por-
teurs du VIH et du VHC et non répondeurs aux traitements
anti-VHC. Les autres étaient coïnfectés au VIH et au VHB
ou atteints d’une pathologie hépatique sévère mais non
virale. Pour la première catégorie, en grande partie atteinte de
cirrhose décompensée
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– la première cause de transplanta-
tion hépatique en Europe –, la greffe est souvent l’ultime
solution. « Elle se pratique sous certaines conditions : elle
n’est proposée qu’à des patients traités pour leur infection
au VIH, dont la charge virale est contrôlée, précise le
DrJean-Charles Duclos-Vallée, hépatologue au CHB de Paul-
Brousse. Par ailleurs, ils ne doivent pas avoir eu d’infection
opportuniste majeure depuis qu’ils sont sous antirétroviraux
[ARV]. Leur taux de CD4 doit être supérieur à 150, mais ce
n’est pas un critère discriminant. Tout dépend de l’histoire
médicale du patient. » Il ne doit y avoir aucune contre-
indication générale. Ce qui suppose un dépistage préalable
approfondi des tumeurs éventuelles. Enfin, après la greffe, il
doit rester au patient candidat un large éventail de solutions
thérapeutiques antirétrovirales en vue de pouvoir traiter une
réactivation du VIH. Dans le cadre de cet essai, les trans-
plantations ont généralement été réalisées selon le schéma
classique du donneur dit cadavérique (lire encadré p. 31).
«Nous avons aussi pu intégrer quelques patients dans un
programme “domino”, un procédé qui permet d’augmen-
ter le pool de donneurs, détaille l’hépatologue. D’autres sont
entrés dans un programme de “donneur familial”, donc
vivant, mais cela reste exceptionnel et complexe à mettre en
œuvre. »
Traitements postgreffe. Après une greffe d’organe et quel
que soit le profil du patient, un certain nombre de pré-
cautions s’imposent. La première est la nécessité de suivre
un traitement immunosuppresseur. Ce dernier empêche
et contrôle la réaction du système immunitaire, qui
consiste naturellement à attaquer, voire détruire, tout élé-
décryptages par Sonia Arfaoui
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La cirrhose est la conséquence d’une inflammation prolongée
du foie. On parle de cirrhose décompensée quand surviennent
des manifestations d’insuffisance hépatique sévère,
d’hypertension dans la veine porte ou d’ascite (accumulation
de liquide dans l’abdomen).
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