JUIN 2014 – L’OFFICIEL DES TRANSPORTEURS MAGAZINE
économie
Interview
014
En matière de différentiel de compétitivité entre
la France et l’Allemagne, la France part avec un handicap
puisque Berlin a instauré une TVA sociale dès
janvier 2007. Quel est votre commentaire ?
N.B.:
Dans l’hypothèse d’une base bilatérale avec l’Alle-
magne, on n’aboutira jamais à une solution équitable sur la
question de la fiscalité des charges. Au reste, le gouverne-
ment a mis en place la réforme territoriale. La grande ques-
tion qu’il va falloir se poser avec onze futures régions est la
suivante : quid du financement de ces régions ?S’achemine-
t-on vers une plus grande autonomie fiscale des régions ? On
va introduire des distorsions fiscales à l’intérieur même du
territoire français.
La question du temps de travail est-elle plus
pertinente ?
N.B.:
La définition du temps de travail est en soi un sujet
structurant. Cette question est d’autant plus intéressante
que l’on peut commencer à la régler sans faire intervenir les
gouvernements. Tout simplement en instaurant des négo-
ciations syndicales entre la France et l’Allemagne. Les parte-
naires sociaux français sont ouverts à la négociation sur ce
terrain-là.
Que pensez-vous de la coordination des politiques
de transport entre Bruxelles et les États membres ?
N.B.:
Les structures de l’Europe ne sont pas organisées pour
cela. La montée des partis eurosceptiques va plutôt conduire
à freiner la coordination. La coordination nécessite un em-
bryon d’Europe fédérale. Cela veut dire des décisions qui se
prennent au niveau européen par un gouvernement euro-
péen avec des ressources européennes. C’est l’inverse du si-
gnal qui a été lancé par les électeurs le 25 mai dernier même
si la majorité politique au Parlement européen est centre-
droit (PPE). Les transporteurs routiers devraient être les pre-
miers militants en faveur du fédéralisme. La politique des
«corridors» et des infrastructures doit relever de l’Europe.
Lorsque l’on évoque l’harmonisation sociale dans le TRM, on
évoque en réalité l’Europe fédérale. Il y a un énorme malen-
tendu parce que les entreprises voient l’Europe comme une
contrainte. Au fond, l’Europe ne sait pas parler aux citoyens
et aux entreprises parce qu’elle n’a pas d’incarnation démo-
cratique forte. La Commission européenne conserve une di-
mension technocratique.
Selon vous, le renouvellement des institutions
européennes peut-il influer sur la compétitivité des
entreprises de transport ?
N.B.:
A priori non. La vraie question est de savoir si la montée
de l’extrême droite dans les États membres va se traduire par
la constitution d’un groupe politique au Parlement. Ce n’est
pas évident compte tenu des alliances à nouer (1). Le spectre
est très large, qu’il s’agisse des souverainistes britanniques,
des indépendantistes flamands, ou des néonazis grecs. Les
Britanniques ne vont pas s’allier avec les néonazis. Pour que
cela change dans un sens, pour le TRM, il faudrait qu’il y ait
une transformation des institutions avec une prise de déci-
sion à la majorité pour les infrastructures. En outre, il n’y a
pas de ressources propres de l’UE. Or, c’est un vrai sujet car il
concerne la souveraineté partagée. Le scrutin du 25 mai en
France montre que le retour à la souveraineté nationale est
privilégié.
Comment envisager le retour de la croissance
économique dans la zone euro ?
N.B.:
Il faut rappeler que l’on trouve des situations diffé-
rentes au sein de la zone euro. Certains pays sont en stagna-
tion économique comme la France. D’autres sont en phase
FISCALISER LES CHARGES DU TRM
À la demande de la FNTR et dans l’optique de la campagne
présidentielle de 2012, le cabinet Asterès a planché sur des
pistes propres à redonner de la compétitivité au secteur,
notamment par un transfert de charges (L’OT 2638). Grâce aux
statistiques ofcielles du secteur et aux données fournies par
la FNTR, le cabinet s’est employé à faire des propositions
neutres pour les nances publiques. Autrement dit à travailler
à isoscalité. «Je n’ai jamais cru aux grandes réformes scales,
prévient Nicolas Bouzou. Historiquement, la scalité française
s’est construite par segmentation. On ne pourra progresser que
par petites touches. » Le cabinet Asterès propose de scaliser
les charges, c’est-à-dire de diminuer les charges patronales et
les faire nancer par un impôt qui soit payé par tous ceux qui
roulent et qui travaillent en France. Il s’agit d’une scalisation
des charges ou un transfert de charges sur l’impôt. D’après les
calculs, il faudrait envisager un transfert estimé à 662 M€.
Cela peut-être la TVA sociale, cela peut-être l’écotaxe poids
lourd voire une nouvelle taxe. Pour transférer 662 M€, c’est
7 centimes d’euro pour l’écotaxe poids lourd ou 22 cts d’euro
par tonne-kilomètre. «Il me semble que la taxe la plus adaptée
au TRM serait une taxe à la tonne-kilomètre », nous conait
Nicolas Bouzou en 2012. Le débat politique reste ouvert.
L.G.
«Sortir, aujourd’hui, de la zone e
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