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On voit sur la gauche la Synagogue à la lance brisée. C'est là une incarnation très physique,
métaphorique : une lance brisée en signe de défaite, de cette nouvelle élection, de ce "Vrai
Israël" que seraient les Chrétiens après l'Incarnation. Sur ce psautier du Nord de la France,
Synagogue, le visage penché vers le bas, l'air défait, arbore donc une
lance, emblème guerrier, brisée, symbole de la défaite de Synagogue qui est elle-même une
allégorie du judaïsme.
A droite, image fort célèbre, la fameuse représentation sur le portail méridional de la cathédrale
de Strasbourg de la Synagogue aveugle en latin "Sinagoga caeca", la synagogue aveugle
"caeca" frappée de cécité. Cet aveuglement est exprimé sous la forme d'un bandeau. Bien
souvent sur les manuscrits, sur les sculptures, sur des petits ivoires conservées au Louvre comme
sur ce portail strasbourgeois, un bandeau exprime cet aveuglement. La loi juive aurait donc perdu
sa validité.
Paul affirme qu'il est désormais nécessaire de convertir les Gentils à cette nouvelle religion, la
religion chrétienne, et de remplacer la loi juive. Que Jésus ait dit qu'il n'était pas venu je cite
"pour abolir mais pour accomplir" semble ici relativement secondaire. Désormais tout l'Ancien
Testament, toute la Bible juive est lue par les chrétiens comme une préfiguration du
christianisme que l'Église en somme accomplirait. Il ne s'agit pas je le répète de rejeter l'Ancien
Testament. Qui parmi les chrétiens rejetterait l'Ancien Testament serait un hérétique. C'est le cas
d'une personnalité qui vit toujours au IIème siècle, Marcion, dont les sectateurs, les disciples sont
les Marcionites.
Que font ces braves gens? Ils considèrent qu'il faut amputer les Ecritures chrétiennes de l'Ancien
Testament, rejeter comme on dit parfois, la racine juive du christianisme. On aurait trop vite fait
de croire que le christianisme médiéval, si hostile aux Juifs parfois, est marcionite. Non, avec
insistance les auteurs chrétiens, y compris les plus hostiles aux Juifs, comme Martin Luther par
exemple au XVIème siècle, rappellent qu'il ne s'agit pas de rejeter cette partie-là, il faut en faire
une lecture spirituelle. Rejeter ce texte comme trop littéral, comme le fait Marcion, c'est
paradoxalement pêcher soi-même en produisant une lecture judaïsante de l'Ancien Testament.
Pour les chrétiens médiévaux, l'Ancien Testament est une écriture sacrée dont il faut faire une
lecture spirituelle, métaphorique, comme annonciatrice de Jésus, mais c'est une étape importante,
une pierre importante dans l'ensemble des Ecritures Saintes. Evidemment, cette partie
première de l'Alliance est complétée par la deuxième partie à savoir le Nouveau Testament. Ça