DP Songenuitété - Atelier Théâtre Jean Vilar

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DOSSIER PEDAGOGIQUE
Le Songe d’une nuit d’été
William Shakespeare
Distribution
Mise en scène : Nicolas Briançon
Avec :
Patrick Alexis, Marie-Julie Baup, Laurent Benoit, Nicolas Biaud-Mauduit, Jean-Paul
Bordes, Urbain Cancelier, Ofélie Crispin, Dominique Daguier, Lorànt Deutsch, Armelle
Gerbault, Jean-Loup Horwitz, Thibaut Lacour, Léon Lesacq, Carole Mongin, Carole
Richert, Aurore Stauder, Sarah Stern, Jessy Ugolin, Eric Vincent et Marlène Wirth Adaptation française : Nicolas Briançon et Pierre-Alain Leleu
Décors : Bernard Fau
Lumières : Gaëlle de Malglaive
Costumes : Michel Dussarat
Chorégraphie : Karine Orts
Un spectacle présenté par l’Atelier Théâtre Actuel. Une production du Festival d’Anjou, de la
Compagnie Nicolas Briançon et du Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Dates : du 14 au 17 novembre 2012
Lieu : Aula Magna
Durée du spectacle : 2 h sans entracte
Réservations : 0800/25 325
Contact écoles : Adrienne Gérard - 010/47.07.11 – [email protected]
N’oubliez pas de distribuer les tickets avant d’arriver au Théâtre
Soyez présents au moins 15 minutes avant le début de la représentation,
le placement de tous les groupes ne peut se faire en 5 minutes !
N.B : - les places sont numérotées, nous insistons pour que chacun
occupe la place dont le numéro figure sur le billet.
- la salle est organisée avec un côté pair et impair (B5 n’est pas à
côté de B6 mais de B7), tenez-en éventuellement compte lors de la
distribution des billets.
• En salle, nous demandons aux professeurs d’avoir l’amabilité de se
disperser dans leur groupe de manière à encadrer leurs élèves et à assurer le
bon déroulement de la représentation.
•
•
1
1
L’auteur : William Shakespeare
On considère
habituellement William Shakespeare comme le plus grand dramaturge
que le monde ait connu. Aucunes pièces d’aucun autre auteur n’ont été autant jouées que
les siennes, ni traduites en autant de langues.
L’une des raisons principales de la popularité de Shakespeare est la variété de ses
personnages, qu’il réussit toujours avec succès. Ivrognes et meurtriers, princes et Rois,
imbéciles ineptes et bouffons de cour, généraux sages et nobles: chaque personnage fait
jaillir de façon éclatante la vie sur le plateau, et, bien qu’ils s’expriment en beaux vers ou
dans une prose poétique, ils rappellent aux spectateurs
leurs propres personnalités,
traits et défauts. Shakespeare a aussi fait ses personnages très réalistes. Le dramaturge
avait une connaissance étonnante d'une large variété de sujets et ses personnages, bien
développés,
reflètent
cette connaissance : science militaire, grâces de la Cour,
conduite d'un navire, histoire, religion, musique...
A l’époque de Shakespeare, peu de biographies ont été écrites à son sujet. Aucun des
hommes littéraires de l'époque élisabéthaine ne l’a considéré comme assez important pour
lui consacrer un ouvrage. Le premier rassemblement de ses travaux, effectué en hommage
à Shakespeare par des membres de sa compagnie, n'a pas été publié avant 1623, soit sept
ans après sa mort. Sa première biographie a été écrite cent ans plus tard. En conséquence,
beaucoup de faits de la vie de Shakespeare sont inconnus. On sait qu'il est né à Stratfordon- Avon en Angleterre, au début de 1564, car son baptême est enregistré le 26 avril de
cette année. Sa mère Marie avait huit enfants, William étant le troisième. Son père, John
Shakespeare, était un gantier assez prospère, commerçant qui a possédé plusieurs maisons
dans Stratford et a été élu maire de la ville quand Shakespeare était enfant. Le jeune
Shakespeare a probablement étudié dans l'école secondaire locale et a chassé dans les
champs derrière sa maison.
A 18 ans, il a épousé Anne Hathaway, qui avait 26 ans, le 28 novembre 1582. En 1583,
Anne a donné naissance à leur fille aînée, Susanna et ensuite à des jumeaux, Hamnet et
Judith, nés en 1585. En 1592, la famille vivait à Londres, où Shakespeare était accaparé par
ses occupations d’acteur et d’écrivain. De 1592 à 1594, la peste a contraint la plupart des
théâtres de Londres à fermer, ainsi le dramaturge s’est-il tourné vers la poésie à cette
époque. Ses poésies, qui ont été publiées contrairement à ses pièces, sont devenues
rapidement populaires et ont contribué à sa réputation d’auteur. De 1594 à la fin de sa
carrière, Shakespeare a appartenu à la même société théâtrale, connue d'abord sous le nom
d’Hommes de Lord Chamberlain et ensuite de Compagnie du Roi. On sait qu’il était à la fois
le « manager » et l’un des actionnaires de cette organisation, devenue la compagnie de
théâtre la plus prospère de Londres, et qu'il a rencontré autant le succès financier que les
acclamations critiques.
En 1596, il a acquis une propriété considérable à Londres et acheté une des maisons les
plus belles de Stratford, en 1597. Une année plus tard, en 1598, il a acheté dix pour cent des
parts du Théâtre du Globe, où ses pièces ont été produites. En 1608, lui et ses collègues ont
aussi acheté le Théâtre Blackfriars, où ils a commencé à réaliser des productions pendant
l'hiver, retournant au Globe pendant les mois d'été.
Partout, jusqu’à la fin de sa vie, Shakespeare a continué à acheter des terres, des maisons
et des affaires. Il demeurait sans cesse partagé entre le traitement de ses affaires, le jeu
d’acteur et l'écriture ou la collaboration sur les trente-sept titres qui lui sont attribués.
Les années les plus productives de Shakespeare se situent entre 1594 et 1608, la période
dans laquelle il a écrit toutes ses grandes tragédies, comme Macbeth, Hamlet, Othello, Le
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Roi Lear et Roméo et Juliette. Pendant ces quatorze années, il a fourni à sa compagnie
environ deux pièces par an. Après 1608, il entre dans une phase de repos, ressemblant à
une retraite, passant plus de temps à Stratford et ne créant que cinq pièces en quinze ans.
Il meurt le 23 avril 1616. Il est enterré devant l'autel dans l'Église de Stratford, où son corps
se trouve toujours aujourd'hui. Beaucoup d'étudiants en littérature et de visiteurs font le
pèlerinage vers ce lieu saint chaque année pour honorer William Shakespeare.
2
Le théâtre élisabéthain
Héritier des rituels médiévaux d’abord chrétiens puis païens donnés en rue et sur les places
publiques de toute l’Europe, (mystères, moralités, interludes et comédies), le théâtre anglais
contemporain d’Elizabeth I, porte vers son accomplissement une pratique de scène tout à
fait originale et singulière. Les représentations sont données à ciel ouvert, avant la tombée
de la nuit, dans des théâtres en rond bâtis à partir de 1580, outre Tamise, à un jet de pierre
du coeur de Londres.
S’y côtoient tous les publics, entre deux auberges et combats de coq. Un plateau vide
adossé à un mur de fond (avec étage, fenêtre et balcon), quelques trappes, aucun décor,
pas de rideau, un public très nombreux, debout et turbulent accoudé à la scène, habitué aux
conventions qui sollicitent son imagination : cette simplicité est l’écrin de costumes parfois
somptueux, d’objets à forte valeur de symboles, le tremplin d’un jeu d’acteurs physique,
engagé, tonique, d’une grande amplitude de tons et de registres.
Si cette pratique, soutenue par la Reine, s’est peu à peu professionnalisée, elle hérite sans
doute sa liberté jubilatoire de la libre passion de ses premiers acteurs – amateurs au sens
plein du terme. Mais cette liberté –critique, politique, formelle,...-déplaît à l’opposition
puritaine qui accuse le théâtre de corrompre les bonnes moeurs et les lieux de
représentation d’accélérer la propagation de la peste. Sans doute ce théâtre-là est-il surtout
un dangereux creuset de révolte, lui qui expose tout à la fois les lumières et les ombres de la
nature humaine, mais aussi les noirs desseins qui agite le panier de crabes où
convulsionnent ensemble politique, religion et morale, dans une époque bien troublée
(exécutions, conjurations et conspirations).
Les quelques six ou sept sociétés de théâtre animant les faubourgs de Londres, notamment
« The Globe » dont Shakespeare est actionnaire, voient leurs activités interdites et leurs
théâtres détruits en 1642. C’est un exceptionnel patrimoine architectural et artistique, le
flamboyant théâtre élisabéthain et son oscillation entre ces deux pôles que Peter Brook
appelle « le Brut et le Sacré » qui risque alors de disparaître. On doit à quelques rares
documents et surtout à une oeuvre comme celle de Shakespeare, transcrite par ses
compères de scène, que n’aient pas été engloutis avec lui ses personnages surhumains, ou
terriblement humains (corps et âme), versatiles, fascinants, ses fables discontinues et ses
registres contrastés, ses folles actions et sa lucidité, ses poèmes sublimes et la saveur que
lui confère le bon sens populaire.
3
La pièce : Le songe d’une nuit d’été1
Une pièce de théâtre doit être le lieu où le monde visible et le monde invisible
se touchent et se heurtent.
Arthur ADAMOV, Ici et Maintenant, Gallimard, 1964
1
Extrait du dossier pédagogique réalisé en décembre 2011 par Cécile Michaux, animatrice, pour le Service éducatif du Théâtre
National.
3
Voilà les ingrédients –réels ou rêvés ?- d’un étrange chassé-croisé dans une forêt propice
aux métamorphoses, le programme d’une nuit d’été et d’amour très agitée.
A Midsummer Night’s Dream est le titre original de cette comédie écrite entre 1594 et 1596.
Il signifie littéralement : Un songe d’une nuit de la mi-été. Cela ferait référence aux « Rites
de mai » (qu’évoque un des personnages et qui sont repérables dans de nombreuses
traditions folkloriques, anglaises, celtiques...) ou à la plus longue nuit de juin, celle du
solstice d’été. De toute façon, il s’agit d’un moment de fête, de célébration de l’amour, de la
folie, du retour de la belle saison, pleine de promesses de fertilité.
Dans leur version païenne, de telles fêtes nocturnes s’accompagnaient de rituels célébrant
l’éveil de la sexualité, auxquels se livraient jeunes filles et garçons le temps d’une échappée
« au fond des bois ».
Aux changements de saison, -réveil de la terre après l’hiver ou moment de la plus grande
fertilité en été-, correspond souvent dans les groupes humains le besoin de convoquer la
nature ou de s’unir avec elle et de vivre un temps de débordement et de désobéissance (le
carnaval est un de ces moments, rituel d’inversion des hiérarchies qui partage l’essence
transgressive et populaire du théâtre). Plus tard, le monde chrétien a « récupéré » ces fêtes,
faisant de leurs débordements les préparatifs d’un mariage imminent destiné à normaliser
les pulsions, à assurer une procréation « cadrée » compatible avec un ordre social stable, à
éviter la dispersion des patrimoines.
La forêt du Songe d’une nuit d’été, telle que Shakespeare la peuple et la fait vivre, est le lieu
où se rejoue cette bascule entre d’une part un monde païen, archaïque, emprunt de folie et
d’animalité et par ailleurs les festivités d’un mariage qui annonce davantage d’ordre même
s’il est encore entouré de superstitions et continue de s’inscrire dans le cycle des forces
naturelles (la Nouvelle lune est garante de la fertilité d’une union). Du profane au religieux,
s’il y a bien bascule, il n’y a pas rupture complète : dans les rituels de l’un et de l’autre, un
même fil rouge passe, celui du sacré.
Mais le mot-clé du titre, c’est le SONGE.
Un songe ? Est-ce à dire que tout ce qui semble se produire dès qu’on entre dans la forêt
n’est que fantasmagorie, délire imaginaire ? Cet autre monde, passé la lisière, hors de
contrôle, serait celui des forces inconscientes agissant dans le sommeil du rêveur ?
Et si TOUT ce qui est représenté n’était qu’un rêve ? Et tout le théâtre un songe fait par les
spectateurs (qui, après tout, participent, toute imagination dehors, à ce qui advient)? Le
théâtre et les songes seraient-ils de la même étoffe ? Et si le théâtre est un miroir du monde,
le monde alors, -tout ce que nous tenons pour la réalité-, n’est-il pas un songe ? Mais alors
qui le rêve ? Qui « nous » rêve ? A moins que ce ne soit l’amour et le désir qui soient ici
questionnés quant à leur mélange de réalité, de fantasmes et de projections, d’enjeux si
souterrains qu’ils échappent à toute conscience ?
Tout le génie de Shakespeare est dans ce vertige au centre du SONGE : Une question qui
porte en même temps sur l’essence du théâtre, sur la tension de la vie humaine entre élans
du désir et aspirations au sacré, une réflexion philosophique sur la limite, la frontière parfois
floue, poreuse ou mouvante entre réel et illusion, corps et esprit. Un objet disparate aussi,
fait, comme tous les songes, de bribes cousues ensemble, art savant du mélange et éloge
du métissage.
3.1 Datation
On estime en général que Le Songe d’une nuit d’été a été composé entre 1594 et 1596.
L’une des hypothèses récurrentes mais non confirmée consiste à poser que la pièce aurait
été écrite en l’honneur du mariage d’Élizabeth Carey et Thomas Berkeley. Dans cette
4
perspective, on peut envisager Le Songe d’une nuit d’été comme un épithalame, c’est-à-dire
un poème conçu à l’occasion de noces, afin de célébrer l’union des jeunes époux. Si tel
s’était avéré être le cas, les nombreuses références à la lune dans la pièce seraient autant
d’hommages rendus à Élizabeth I, possiblement présente à la noce, et qui était souvent
comparée à Diane, déesse lunaire.
3.2 Les Personnages
THÉSEE, Duc D’Athènes
HIPPOLYTA, sa fiancée, Reine des Amazones.
PHILOSTRATE, ordonnateur des fêtes de Thésée.
ÉGÉE, père d'Hermia.
HERMIA, fille d'Égée, amoureuse de Lysandre.
LYSANDRE,
et DEMETRIUS, tous deux amoureux d'Hermia.
HÉLÈNA, amoureuse de Démétrius.
OBERON, roi des fées
TITANIA, reine des fées
PUCK, créature féérique au service d’Obéron
FLEUR-DES-POIS, TOILE D'ARAIGNÉE, PHALENE et GRAINE DE MOUTARDE, des fées
Pierre QUINCE, charpentier.
Nicholas BOTTOM, tisserand.
Francis FLUTE, raccommodeur de soufflets.
Thomas SNOUT, chaudronnier.
Robin STARVELING, tailleur.
SNUG, menuisier
3.3 Le Synopsis
ACTE 1
Thésée prépare son mariage avec Hyppolyta lorsque survient Egée, troublé. Ce père de
famille est en difficulté : sa fille Hermia refuse d’épouser Demetrius selon le choix de son
père. Elle préfère Lysandre, qui l’aime aussi. Hermia et Lysandre projettent d’ailleurs de
s’enfuir en forêt. Démétrius part à leur recherche. Sur ses talons, l’amie d’enfance d’Hermia,
Héléna qui s’est éprise de lui et ne le lâche pas malgré ses menaces. Au même moment,
des artisans se donnent rendez-vous le lendemain soir en forêt pour les premières
répétitions d’une comédie tragique –Pyrame et Thisbé- qu’ils veulent jouer au mariage de
Thésée.
ACTE 2
Dans la forêt, scène de ménage entre la reine et le roi des fées Titania et Obéron. L’objet de
leur convoitise et cause de leur rivalité est un enfant qu’ils voudraient l’un et l’autre adjoindre
à leur suite. La dispute dérive vers des reproches mutuels d’infidélité. Pour se venger de
Titania, Obéron envoie Puck, créature surnaturelle, chercher le suc d’une fleur magique :
déposé sur les yeux il fait tomber amoureux de la chose aperçue au premier regard.
Arrive Héléna. Et Démétrius furieux que celle-ci le poursuive.
Obéron enduit de suc les paupières de Titania endormie. Puck, chargé d’en faire autant sur
les paupières de Démétrius endormi, se trompe de jeune homme. C’est Lysandre qui au
réveil succombera aux charmes de la première personne qu’il verra : Héléna. Hermia, à son
réveil, réalise que Lysandre n’est plus près d’elle. Héléna pense que Lysandre se moque
cruellement...
ACTE 3
Répétition des artisans-comédiens. Ils donneront un prologue pour rassurer les spectateurs
5
sur l’essence du théâtre : pas de vrai lion ici, Clair de lune est joué par un acteur avec une
lanterne,... Puck qui les épie coiffe le tisserand Bottom d’une tête d’âne. Son apparence crée
un moment de panique qui réveille Titania toujours endormie non loin d’eux. Elle tombe
immédiatement amoureuse de Bottom à tête d’âne.
Hermia croit que Démétrius a tué Lysandre. Entretemps Obéron et Puck entreprennent de
rectifier leur méprise : les yeux de Démétrius sont enduits du suc magique. A son réveil il
tombe amoureux d’Héléna qui passe par là, toujours poursuivie par Lysandre. Les deux
garçons amoureux d’Héléna veulent se battre. Pour les en empêcher, Puck, contrefaisant
leurs voix, provoque une poursuite dont ils sortent tous épuisés. Il frotte les paupières de
Lysandre endormi d’un antidote. Il retrouvera ses perceptions antérieures.
ACTE 4
Antidote et retour à la normale aussi chez Titania, étonnée d’avoir pu aimer en songe un
monstre à tête d’âne. Obéron et elle, réconciliés, décident d’aller aux noces de Thésée.
Celui-ci, parti pour la chasse avec Hyppolita, découvre et réveille au son du cor le quatuor
de jeunes amoureux. Ceux-ci sont très troublés de cette nuit agitée. Thésée promet à
Héléna et Démétrius désormais amoureux réciproques qu’ils pourront se marier. Bottom
resté seul s’éveille à son tour et tente de raconter le rêve qu’il vient de faire. Ayant retrouvé
sa troupe, il les emmène vers la ville car leur pièce a été sélectionnée pour les
réjouissances.
ACTE 5
Thésée et Hyppolita doutent de la réalité de la folle nuit racontée par les amants. Thésée
propose une théorie de l’imagination poétique. Dans la bonne humeur générale commence
la représentation du prologue élaboré pour la « pièce dans la pièce » (Pyrame et Thisbé).
Contresens, erreurs de texte, malentendus font de ce spectacle un joyeux cafouillage
dûment commenté par Thésée et sa cour. Les fées reprennent possession de la scène. Puck
suggère que tout ceci n’était qu’un songe...
4
Note du metteur en scène, Nicolas Briancon
J’ai eu envie de m’amuser. J’ai eu envie de rire. De rêver. De fantasmer. D’aimer et de jouer.
Alors j’ai repensé à Shakespeare. Et dans l’œuvre de Shakespeare qui est si vaste, si
vertigineusement profonde, j’ai relu « Le Songe » !
Le Songe d’une nuit d’été est la liberté absolue portée au théâtre. Shakespeare nous offre le
plus beau regard qu’on puisse porter sur l’être humain. Cette pièce est la plus divertissante,
passionnelle et charnelle de l’auteur.
Le Songe d’une nuit d’été est tout à la fois une pièce pour les adultes et une pièce pour les
enfants. Une pièce sur l’amour et une pièce sur le désir. Une pièce sur la contrainte et une
pièce sur la liberté. Une pièce qui se rit des conventions et une pièce sur le théâtre qui les
contient toutes. Une pièce sur les esprits et une pièce sur les hommes (ou les femmes !).
Une pièce sur la folie et une pièce sur la raison. Une pièce sur le rêve et une pièce sur le
réel. Comment être aussi fou, aussi inventif, aussi délirant, aussi joyeux que Shakespeare ?
Nous nous laisserons porter par cette pièce unique et merveilleuse, en nous autorisant
toutes les audaces, toutes les folies ! Nous nous y amuserons comme des enfants. Et nous
espérons que vous vous y amuserez avec nous.
Et comme le dit Puck :
Si nous, ombres, vous avons offensés, dites-vous simplement, pour tout arranger, que vous
ne faisiez que dormir quand ces rêves venaient surgir. Ces faibles et vains mensonges, ne
les prenez que pour un songe. Chers spectateurs, ne nous condamnez pas, nous ferons
6
mieux la prochaine fois. Aussi vrai que Puck est mon nom, si par hasard, nous échappons à
vos vils sifflets de serpents, nous ferons mieux avant longtemps. Ne tenez pas Puck pour
menteur. Sur ce, il est largement l’heure. Peut-être nous verrons-nous demain ? En
attendant, battez des mains.
5
L’option de mise en scène : la transposition dans les années 60’-70’
Œuvre de jeunesse du très célèbre William Shakespeare, "Le songe d’une nuit d’été" est un
divertissement poétique qui permet beaucoup de fantaisie dans son adaptation et sa mise en
scène car il mêle monde féérique et humain tout en traitant de sujets universels tels que
l’amour, le désir, la contrainte, la liberté, le respect des conventions tout comme le bonheur
de s’en affranchir.
Nicolas Briançon décide d’emmener les acteurs et le public dans les années ‘60-‘70, façon
Chapeau melon et bottes de cuir. Les comédiennes sont vêtues de costumes blancs sortis
tout droit des collections du couturier Courrèges, cuissardes, minijupes et longs manteaux ;
les références à Brigitte Bardot et sa Harley, à James Bond et ses girls nous plongent dans
l’époque soixante-huitarde où souffle un vent de liberté, de rêves psychédéliques et de
douce folie.
Le rideau se lève sur un plateau dans les tons noirs et gris, qui nous renvoie dans un grand
cabaret parisien ou le décor d'une émission de variétés des Carpentier.
Athènes, où se situe l'action de la pièce de Shakespeare, n'existe plus que de nom, on est
plutôt dans Chapeau melon et bottes de cuir, dont on entendra d'ailleurs plus tard la musique
du générique. Du centre de la scène, côté cour et côté jardin se déploient des escaliers
composés de marches circulaires, cernés par de hauts tubes d'aluminium: la forêt
extraordinaire imaginée par Bernard Fau, où les humains croiseront, sans les voir, les elfes,
les fées et leur reine, Titania (jolie Mélanie Doutey). (…) Telles des algues tentaculaires,
7
elles se déhanchent autour des «arbres» tubulaires avec des airs de go-go dancer. Sur des
musiques variées : Barry White, le célèbre Quizas quizás, quizás et autre mélodies yé-yé.
Nathalie Simon 27/09/2011, Le Figaro
5.1 Focus sur les années 60’, terreau de notre société actuelle2
Les années 60 ont constitué un tournant important du XXème siècle et ont révolutionné notre
monde. Sur tous les continents s’ouvre une ère de foisonnement, d’effervescence,
d’ébullition qui se traduit par un profond changement du comportement des hommes. Durant
les Golden Sixties, un souffle révolutionnaire passe sur l’économie, la culture et la politique.
5.1.1
Une révolution politique
1960-1970, dix années au cours desquelles l’Histoire s’accélère. Dans le monde entier, des
hommes se soulèvent, combattent, meurent dans cette lutte pour l’émancipation ou … le
pouvoir. Un vent de liberté souffle sur les peuples, mais il sème sur son passage guerres,
grèves, troubles, massacres, assassinats …
John Fitzgerald Kennedy, Mao et Che Gevara
Des faits politiques changeants la face du monde dans les années 60, citons déjà ceux-ci :
la décolonisation, les émeutes raciales aux Etats-Unis et l’assassinat de Martin Luther King,
la révolution culturelle chinoise, les révolutions latino-américaines de Castro et Che Gevara,
Mai 68, la Guerre froide, la Guerre du Vietnam, la Guerre des 6 jours entre Israël et la
Palestine, les premières grandes grèves en Belgique
5.1.2
Une révolution des moeurs et de la culture...
...balaye les valeurs traditionnelles, la morale rétrograde et les conventions artistiques d’un
monde figé et conformiste. Au début des années 60, on se sent encore à l’étroit dans un
monde verrouillé par l’ordre établi et l’on rêve d’une nouvelle société fondée sur
l’épanouissement de l’individu. La révolution des mœurs et de la culture reste à faire: elle
sera l’œuvre des jeunes, des femmes et des artistes.
Les femmes des sixties remettent en question les valeurs traditionnelles et la morale d’antan
à l’heure où la pratique religieuse connaît d’ailleurs un important recul. La mode féminine
avec la minijupe ou le bikini et une législation favorable à la contraception et à l’égalité entre
les sexes permettent l’émancipation de la femme et ouvrent la voie à une révolution sexuelle,
symbolisée par Brigitte Bardot : les corps se libèrent, les esprits s’ouvrent, les tabous se
brisent et le plaisir devient une valeur.
2
Issu du dossier pédagogique de l’exposition Golden Sixties, réalisé par Jacques Broun
8
Femmes libérées...
La génération hippie...
Musique pop et pop art...
La culture Yéyé...
Marylin version Warhol, The Beatles
5.1.3
Une révolution de la technologie et de l'économie...
...engendre la société de consommation pour une nouvelle génération avide de cueillir les
fruits de la croissance.
Les Golden Sixties sont des années de prospérité et d’expansion qui se traduisent par la
création de multiples emplois, une hausse vertigineuse du pouvoir d’achat, l’émergence
d’une classe moyenne nombreuse et dynamique, l’éclosion de la société de consommation
et des innovations technologiques, favorisées notamment par les progrès fulgurants de la
conquête spatiale.
La course à l’espace...
L’essor de la télévision...
Le cinéma populaire...
Evènements :
LA NASA SUR LA LUNE - JIMI HENDRIX ET WOODSTOCK – MAO ET SON LIVRE
ROUGE – L’INVENTION DE LA MINI-JUPE PAR MARY QUANT –LE RÊVE DE MARTIN
LUTHER KING et son assassinat– LA REVOLUTION DE CHE GUEVARA et son
assassinat– MAI 68 ENFLAMME LA FRANCE – LE PAPE JEAN XXIII REVEILLE L’EGLISE
– L’ASSASSINAT DE JOHN KENNEDY - BRIGITTE BARDOT –
6
Le théâtre comme thème principal3
Mais toute l’histoire de cette nuit qu’ils nous ont racontée jusqu’au bout, et les esprits de
chacun transfigurés au même moment, cela constitue un vrai témoignage plus qu’un délire
d’amoureux, et développe quelque chose de réellement consistant, quoique, de toutes
façons, hors normes et stupéfiant.
Hyppolita, acte V
Ces mots d’Hyppolita, qui opposent la consistance et la vérité du témoignage au délire des
amoureux disent bien le coeur de la pièce hors normes et stupéfiante de Shakespeare. Le
Songe d’une nuit d’été repose en effet sur une série de transfigurations dont l’issue heureuse
est précédée d’une nuit incroyable peuplée de fantasmes, de fantômes et de créatures
étranges, coiffées de têtes d’ânes ou de lions. Et pourtant ce délire est bel et bien « vrai »,
et « consistant » : il est théâtre. Car si tout n’est qu’un songe, il reste quand même une
réalité consistante sous nos yeux, celle de la représentation.
3
Pièce (dé)montée, Services culture Editions ressources pour l’éducation nationale, CRDP, Académie de Paris, n°62, octobre
2008.
9
Cette pièce, qui met en scène le théâtre par le truchement de mises en abyme successives
et d’une constante réflexivité sur l’art dramatique, porte en effet sur le devant de la scène ce
qui est conventionnellement dissimulé hors de la scène : le travail de l’acteur, les efforts et le
travail qui président à la création de l’illusion.
Les personnages arrivent de trois univers différents : l’antiquité grecque et latine (Thésée et
Démétrius), le conte (Puck, les fées) et le quotidien (les artisans). Ces personnages très
différents répondent à la volonté de Shakespeare de créer un monde de fantaisie pour
s’éloigner du réel. Pour lui, le théâtre est avant tout une illusion qui doit permettre au lecteur
et au spectateur de s’évader.
La dernière frontière abolie par Le Songe d’une nuit d’été est celle qui sépare la scène des
spectateurs. À l’image des artisans soucieux de faire comprendre au public que le lion n’est
pas un vrai lion, Shakespeare porte sur le devant de la scène les mécanismes de l’illusion
théâtrale et ses limites. Loin de chercher à créer l’illusion, l’insertion des artisans et de
leurs questionnements sur le jeu théâtral en révèle les coulisses. Il ne s’agit plus de
faire croire mais de se montrer en train de faire croire.
L’effet de réponse entre le prologue des artisans et les derniers mots de la pièce démontre
donc finalement la volonté de Shakespeare d’intégrer tous les personnages du Songe d’une
nuit d’été à la pièce des artisans: c’est Puck qui finit la pièce en reprenant le prologue,
comme s’il rompait l’illusion pour avouer qu’il est, au même titre que les artisans, un acteur
s’adressant à son public pour lui raconter une histoire, fût-elle une ombre chinoise, créée de
toutes pièces par l’imagination
 Comparer le « Prologue des artisans » à l’épilogue de Puck
7
Les autres thèmes
7.1 Un rituel de renouvellement de l’année
Le Songe d’une nuit d’été comme La Tempête sont des dramatisations du thème du
renouvellement périodique de l’univers, et singulièrement, du cycle annuel. La pièce décrit
une allégorie luni-solaire et le passage par la bestialité, qui est aussi l’union de l’homme avec
la Nature et avec les esprits des éléments. L’épisode central de Titania et de Bottom à la tête
d’âne constitue un mariage de la Terre et de l’Air ou de la Terre et du Ciel. Toute la pièce de
Shakespeare baigne dans la lumière de la Pleine Lune. Et la pièce proprement dite se
termine au lever du soleil. Or les hauts dignitaires du culte éleusiaque étaient dits « fils de la
lune », et c’était, croyait-on le mariage du soleil et de la lune qui produisait l’âme nouvelle.
7.2 L’amour aveugle
Shakespeare a construit Le Songe d’une nuit d’été suivant une structure « en abyme » (qu’il
affectionnait tant), articulée autour du thème central : « l’amour est aveugle ». Ce dernier est
souligné et annoncé dès le début de la pièce par un discours d’Héléna :
L’amour ne regarde pas avec les yeux, mais avec l’âme et voilà pourquoi on peint Cupidon
ailé comme aveugle ; et l’âme de l’amour n’a pas l’ombre d’un jugement ; ces yeux absents
et ces ailes symbolisent la hâte étourdie. Si l’Amour passe pour un enfant, c’est que souvent
dans ses choix, il s’abuse.
Le thème sera illustré par la poursuite circulaire des amoureux, par l’épisode de Bottom et
Titiana et par le traitement de l’histoire de Pyrame et de Thisbé (qui dans le mode grotesque
évoque le dénouement de Roméo et Juliette, pièce sans doute écrite vers la même période).
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Mais nous voyons aussi que Thésée, Hippolyte et Obéron ne sont pas à l’abri des caprices
de l’amour et de la jalousie.
C’est à partir de 1200 environ que les mythographes montrent l’amour aveugle ou les yeux
bandés. C’est un enfant parce que les amoureux ont un comportement irraisonné, ses ailes
indiquent le caractère instable et volatil des émotions amoureuses. Les flèches qu’il lance
sont les blessures incurables que l’amour fait à l’âme. Eros est nu et aveugle parce qu’il
dépouille les hommes de leurs vêtements, mais aussi de leurs biens et de leur sagesse.
Aveugle, il s’abat indifféremment sur le pauvre ou le riche, sur le laid ou sur le beau. L’amour
est aussi dit aveugle parce qu’il aveugle les gens.
Dans Le Songe d’une nuit d’été, il ne fait aucun doute que les quatre amoureux représentent
l’amour aveugle et que Puck représente l’amour qui aveugle. Chez Shakespeare, jamais
l’expression de l’érotisme n’a été aussi crue, aussi brutale que dans cette pièce. Si on parle
à ce propos d’initiation et de passage par l’animalité, encore faut-il préciser que, pour le plus
grand nombre des personnages, il ne s’agit que de pré-initiation : au final, trois amoureux sur
quatre, Bottom et Titiana perdront jusqu’au souvenir de ce qu’ils ont vécu durant cette nuit
qui aurait du être mémorable…
7.3 Le désir
7.3.1
L’image d’Eros, Cupidon
Que peut-on contre les forces aveugles du désir ?
Qui est Eros ? C’est le dieu de l’Amour. Eros signifie en grec « amour charnel ». Les
Romains l’appelaient « Amour » ou « Cupidon », le désir. Il existe plusieurs versions
concernant l’origine du dieu, dans la tradition grecque. Selon Hésiode, Eros serait né au
commencement des temps, de Chaos, le Vide, en même temps que le Tartare et Gaia ; il
aurait assuré l’union des éléments primordiaux, Ouranos, le Ciel, et Gaia, la Terre, et présidé
aux mariages entre leurs descendants, les dieux et, enfin entre les hommes. Dans cette
tradition, Eros est simplement la personnification de la puissance génératrice qui envahit les
êtres vivants et les pousse à se reproduire. L’art et la littérature classique le dépeignent
comme un beau jeune homme, fort et musclé.
A l’époque hellénistique, l’amour prit dans l’art et la littérature un tour de plus en plus
romantique et une autre conception d’Eros fit son apparition ; on le présentait comme un
enfant ailé portant un carquois plein de flèches ; l’on distinguait même plusieurs Amours, les
Erotes ou les Cupidines en latin, car les passions qu’il personnifiait paraissaient infinies. De
là vint le mythe qu’il donnait à ses flèches une pointe d’or pour inspirer un désir passionné
chez ses victimes, ou une pointe de plomb pour détourner les personnes de ceux qui
tombaient amoureux d’elles : ainsi Eros pouvait inspirer l’amour aussi bien que le décevoir.
7.3.2
Définition de « désirer »
1. Souhaiter la possession ou la réalisation de ; éprouver le désir de.
2. Eprouver un désir physique, sexuel, à l’égard de quelqu’un
7.3.3
Distinction désir/besoin
Tout le mystère de l'humain résiderait dans le fait qu'il existe en lui deux dimensions du
désir : l'une animale, poursuivant des objets, des situations, des plaisirs, en vue de la survie
et de la perpétuation de son organisme physique et de son génome (procréation), et une
autre dimension, qui ne poursuit pas un objet mais ce que cet objet nous rappelle bien que
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nous ne l’ayons pas vécu consciemment (un fantasme résultant de la confrontation entre le
vécu intra-utérin mémorisé et le vécu extra-utérin après la naissance).
L’objet du besoin se définit par sa fonctionnalité, son adéquation à une finalité. C’est
pour cela que l’objet du besoin est substituable, éventuellement par un objet qui remplirait la
même fonctionnalité. Alors que le désir, lui, porte sur un objet précis et non substituable
(Je veux Juliette et personne d’autre).
L'objet d'un besoin procède donc d'une fonction que je vise à travers lui, alors que l’objet du
désir représente quelque chose d’autre que lui-même (si je désire un verre de Riesling,
c’est parce que je suis un petit alsacien et que cela me rappelle ma jeunesse). Il y a donc
dans le désir une dimension symbolique de représentativité. L’objet est visé parce
qu’il faut « être » cet objet.
C’est cette distinction qui peut être faite entre la réclame et la publicité : alors que les
réclames étaient censée susciter le besoin de posséder tel ou tel objet pour sa fonctionnalité
(on vante les mérites d'une voiture parce qu'elle est plus performante), la publicité montre
des personnes idéales auxquelles il s’agit de s’identifier à travers la consommation (il s’agit
d’acheter une belle voiture pour être un riche et bel homme incarnant la réussite sociale).
7.3.4
Le désir mimétique de René Girard
Il y a des gens qui n'auraient jamais été amoureux
s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour.
(La Rochefoucauld, Réflexions ou sentences et maximes morales N° 136).
Imitation et rivalité sont deux forces sous-jacentes qui organisent nos désirs. René Girard,
philosophe et anthropologue, a proposé une analyse des changements de partenaires du
Songe d’une nuit d’été. Il fait intervenir la notion de désir mimétique : tout le monde aime
Hermia puis tout le monde aime Helena. Pourquoi ?
René Girard donne l'exemple familier d'enfants qui se disputent des jouets semblables et en
quantité suffisante. Cette situation conduit à reconnaître que le fondement du désir n'est ni
dans l'objet (quel qu’il soit), ni dans le sujet (l’autre), mais qu'il est toujours imitation
d'un autre désir. Le désir est mimétique. C'est la convergence des désirs qui définit l'objet
et qui enclenche une dynamique mimétique (apparition d'une rivalité, transformation du
modèle du désir en obstacle, voire recherche de l'obstacle en ce qu'il est le signe le plus sûr
et la mesure de la valeur de notre désir, etc). Ce qui est en jeu ce n’est pas simplement avoir
ce que l’autre a, c’est DEVENIR ce que l’autre EST.
« Tout désir est désir d’être », dit-il.
Pour Rousseau, le Désir naît avec l'État Civil, l'état de société : à l'état de nature, l'homme
n'a que des besoins. C'est la proximité avec autrui, qui fait naître en moi l'amour-propre,
l'amour d'une certaine image de moi : autrui est constitutif de cette image.
Le Désir est aussi, il ne faut pas le négliger, désir de l'autre. Mais qu'aime-t-on dans
l'amour ? Le sentiment amoureux lui-même ? L'autre ? Nous-mêmes ? Le désir d'autrui se
compose à la fois du désir de l'autre en tant que personne, et du désir que l'autre me désire.
8
Les personnages4
 Analyser la liste des personnages en cherchant à définir les raisons qui ont motivé
leur répartition en trois groupes distincts. Puis, envisager un autre classement qui
diviserait les personnages entre ceux issus de traditions et récits antérieurs et ceux
4
Pièce (dé)montée, Services culture Editions ressources pour l’éducation nationale, CRDP, Académie de Paris, n°62, octobre
2008.
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qui ont été créés de toutes pièces par Shakespeare.
8.1 Les Grecs et les fées : la tradition mise à distance
Le Songe d’une nuit d’été est l’une des seules pièces de Shakespeare à reposer sur une
trame tissée de récits multiples dans lesquels Shakespeare puise très librement, sans souci
de respect des histoires originales.
Le premier groupe de personnages renvoie à des figures de la mythologie grecque. On sait
que Shakespeare puise traditionnellement dans Les vies parallèles de Plutarque pour ses
sources mythologiques. On constate néanmoins ici que Shakespeare s’en éloigne quelque
peu, en faisant disparaître le lien de parenté qui unit normalement Thésée à Égée.
Autre écart, la dénomination de la fonction politique de Thésée, défini comme « duc
d’Athènes »5, qui, ainsi que la présence d’Hyppolita, ramène à une autre source, Le Conte
du Chevalier, de Geoffrey Chaucer.
Le groupe des fées fait passer définitivement le lecteur/spectateur du côté du folklore : tous
appartiennent aux légendes et croyances populaires qui circulaient encore dans la seconde
moitié du XVIe siècle. Ainsi Obéron fait-il référence au personnage du Huon de Bordeaux,
Titania aux Métamorphoses d’Ovide ou encore Puck à un personnage récurrent des
campagnes anglaises – elfes, fées et farfadets appartenaient encore à l’imaginaire
élisabéthain. Mais, là encore, Shakespeare s’éloigne quelque peu de la tradition : c’est la
première fois que, dans l’imaginaire élisabéthain, les fées sont décrites comme des êtres
bienveillants (la graine de moutarde ou la fleur de petits pois entrent dans la composition de
certaines décoctions thérapeutiques de la médecine de l’époque et renvoient donc à des
effets bénéfiques de la nature). Ces noms sont en outre révélateurs de la petite taille de ces
créatures, susceptibles de se cacher dans les « cupules des glands » (acte II, scène I), détail
inventé par Shakespeare et non tiré de l’imaginaire de l’époque. La petitesse des fées
5
Dans les sources antérieures Thésée est roi – et non duc – d’Athènes.
13
devient ensuite un élément récurrent du corpus shakespearien.
8.2 Les artisans
Les artisans, eux, sont associés à des corps de métiers qui renvoient très nettement à la
réalité socio-historique de l’Angleterre élisabéthaine. Les artisans censés se produire pour le
mariage athénien de Thésée et d’Hyppolita sont donc issus du milieu artisanal et des
croyances qui y sont associées à l’époque élisabéthaine. Ils introduisent dès lors une
nouvelle « collision » entre des mondes différents : la mythologie rencontre ici l’Angleterre du
XVIe siècle, annihilant ainsi toute unité temporelle ou historique.
9
Le songe, une pièce baroque6
Le Songe d’une nuit d’été semble bien appartenir au baroque. La pièce rompt avec le
classique par le non respect de la règle des trois unités, par ses lieux et intrigues multiples,
par le mélange du monde réel et d’un monde fantastique et plonge des personnages
appartenant à la tragédie dans une comédie (Thésée et Hippolyta).
9.1 Présence de procédés baroques :
- mélange des registres (tragique, comique et fantastique) et de la nature des personnages
(des nobles, des ouvriers, des personnages magiques)
- surcharge (personnages ; intrigues ; langage)
- mise en abyme (« le théâtre dans le théâtre »)
- mélange d'êtres mythologiques, d'êtres des contes et croyances et d'êtres humains.
- jeu de renversement (par l'illusion, tout s'est arrangé)
9.2 Présence de thèmes baroques :
- l'illusion (dans le titre « songe » ; le rêve ; la mise en abyme de la pièce de théâtre ; les
potions issues du merveilleux)
- l'instabilité et l'éphémère (du sentiment amoureux)
- l'impuissance face à des forces supérieures (l'homme est un objet)
- la folie (Lysandre tombe fou amoureux d'Héléna ; Titania tombe amoureuse de Bottom
avec sa tête d'âne)
- le renversement des valeurs : contraste entre le jour (dans la cité d'Athènes, organisée et
régit par des lois) et la nuit (dans le bois obscur et caché qui devient source de magie et de
fantastique → il n'y a plus de règle) ; contraste entre les jeunes et les vieux (les jeunes fuient
Égée, le père qui représente les règles) ; jeu entre l'humanité et l'animalité (Bottom devient à
moitié âne et Titania en tombe amoureuse, un artisan joue le lion dans la pièce, Héléna veut
être « l'épagneul » de Démétrius, les jeunes amoureux ont un comportement bestial).
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www.le-bac-francais.skyrock.com/1901182851-Etude-complementaire
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