perceptions du capital humain dans les projets - LEM Lille

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PERCEPTIONS DU CAPITAL HUMAIN DANS LES PROJETS DE
RECHERCHE COMMUNAUTAIRE : ANALYSE EXPLORATOIRE DE
TROIS SCHÉMAS DE FINANCEMENT TYPES
Isabelle Kustosz
AIRMAP | « Gestion et management public »
Article disponible en ligne à l'adresse :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2015-1-page-33.htm
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!Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Isabelle Kustosz, « Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types », Gestion et management public
2015/1 (Volume 3 / n°3), p. 33-51.
DOI 10.3917/gmp.033.0033
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2015/1 Volume 3 / n°3 | pages 33 à 51
Revue Gestion et Management Public
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
Perceptions du capital humain dans les projets de recherche
communautaire : analyse exploratoire de trois schémas de
financement types.
Isabelle KUSTOSZ1
1
Ingénieure de recherche à l’IAE LILLE et
chercheuse au laboratoire LEM Lille Economie &
Management, Univ. Lille, CNRS UMR 9221, 104
avenue du Peuple Belge 59043 Lille CEDEX,
[email protected]
permettant
de
dépasser
l’approche
économique classique du capital humain,
pour valoriser des approches alternatives.
Mots clés :
Recherche
publique,
Capital
humain,
Programme Cadre, Union européenne,
Gestion des ressources humaines.
Perceptions of human capital within
european research projects: exploratory
analysis of three funding schemes
Abstract The European Framework programme for
research and technical development offers a
fertile ground to investigate the question of
human capital. Since 1984 this framework
programme has brought a renewal of the ways to
manage public research and, by consequence, a
reconsideration of human resources within funded
projects. In the field of human capital theory,
researchers can consider coordination of
European research project as an investment likely
to benefit their career through training,
professionalization, capitalization and networking
which their participation allows. From the analysis
of funding schemes, this contribution exposes the
contrasted ways that researchers perceive
this human capital investment. Underlining three
FP 7 specific funding schemes which draw very
differentiated types of perceptions of human
resources (Collaborative project, European
Research Council, Marie Curie Action) this article
suggests a more subtle characterization of the
roles of researchers. Finally, in reference to these
three cases, the contribution presents some
concepts which can be used to supersede
the classical approach to human capital, to suggest
alternative approaches (Economics of singularities,
capabilities, life-cycle hypothesis).
Key-words: Public research, Human capital,
Framework Programme, European Union, Human
Resources Management.
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Résumé
Le cas du Programme-Cadre de Recherche et
de Développement Technologique de l’UE
(PCRDT) offre un terrain privilégié pour
investir la question du capital humain. Ce
programme-cadre inaugure, dès 1984, un
renouvellement du mode de management de
la recherche publique et contribue, par
conséquent, à reconsidérer le capital humain
dans l’économie des projets financés. Du
point de vue de la théorie du capital humain,
la participation à un projet de recherche
communautaire (a fortiori la coordination)
peut être vue par les chercheurs comme un
investissement susceptible de générer des
« gains de carrière » par la formation à la
recherche,
la
professionnalisation,
la
capitalisation d’expériences, voire l’ouverture
aux réseaux que le projet permet. A partir de
l’analyse de schémas de financement types,
cette contribution expose la façon dont les
chercheurs perçoivent l’investissement en
capital humain induit par leur coordination de
projets communautaires. Elle propose de
mettre en exergue trois schémas de
financement spécifiques du PCRDT 7
(Recherche collaborative, Conseil européen
de la recherche, Actions Marie Curie) qui
dessinent des types de perceptions du capital
humain
très
différenciées
renvoyant
respectivement à des modes d’implication
contrastés de la part des chercheurs. Enfin, à
la lumière de la richesse contextuelle de ces
trois cas, elle présente quelques pistes
conceptuelles (économie des singularités,
capabilités, hypothèse des cycles de vie)
Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types / Isabelle KUSTOSZ
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Dans le cadre d’une recherche sur
l’institutionnalisation
de
l’activité
de
recherche dans le cas du programme-cadre
de recherche et de développement
technologique de l’Union Européenne
(PCRDT), un vaste matériau empirique
(recommandations,
rapports,
communications, documents de travail,
règlements, appels à projets, entretiens et
observations directes etc.) a été rassemblé
pour étudier les impacts organisationnels et
paradigmatiques du programme sur la
recherche
publique,
au
niveau
communautaire et infracommunautaire. Dans
une perspective qualitative, la contribution
présentée ici s’appuie essentiellement, parmi
ce matériau empirique, sur trois entretiens
centrés - menés auprès de chercheurs
coordinateurs de projets - permettant
d’analyser trois schémas de financement
emblématiques du programme-cadre, à
l’aune de la problématique du capital humain.
Les coordinateurs de projets développent en
effet un discours à la fois sur leur propre
capital humain comme sur celui des
chercheurs qu’ils ont recrutés ou associés, et
qui sont généralement qualifiés du terme de
« participant ». Ce choix méthodologique a
été guidé par la volonté de comparer des cas
contrastés en termes d’expériences vécues,
afin « d’atteindre le lebenswelt de
l’informant, de capturer l’essence d’un
compte rendu » (Miles, Huberman, 2010, p.
22). L’intérêt de cette phase exploratoire
réside dans le fait qu’elle est focalisée sur ces
trois cas très contextualisés qui permettent
d’analyser les perceptions des coordinateurs
quant à l’investissement en capital humain
mis en œuvre dans le cadre des projets. Notre
approche est interprétativiste et s’appuie sur
l’observation empathique et compréhensive
d’événements singuliers pour lesquels une
lecture adéquate des situations données est
proposée,
lecture
qui
constitue
la
connaissance nouvelle (Dumez, 2013 ; GirodSéville, Perret, 1999). De fait notre
méthodologie est de type inductive,
puisqu’elle part des observations de données
Partant du principe que la théorie du capital
humain est davantage une question de
représentations, voire de conventions
(Guillard, Roussel, 2010), qu’une question
d’enchaînement causal entre éducation (une
analogie est faite ici entre éducation et
aptitude à conduire des projets de
recherche), productivité et rémunération - tel
que prôné par l’analyse orthodoxe (Becker,
1964) -, il s’agit de s’attacher davantage aux
perceptions des individus qu’à une analyse
économique des gains induits par la
coordination de projets. Considérer que la
théorie du capital humain vaut surtout pour
l’analyse des représentations du rapport que
les individus ont à leur travail - qu’elle
constitue de ce point de vue un « mode de
connaissance
rhétorique
et
non
démonstratif »
(Poulain,
2001,
p.2),
autrement dit qu’elle est avant tout une
métaphore (McCloskey, 1983, p. 504) permet d’analyser les représentations que les
chercheurs ont de leur investissement dans la
coordination de projets communautaires, de
l’évolution de leur carrière et de leur statut. Il
convient tout d’abord de rappeler à quel
point le concept de capital humain reste
ambigu après cinquante ans d’existence. Dans
leur revue de littérature de 2011, Wright et
Mc Mahan soulignent particulièrement les
différences significatives entre l’approche
individuelle et l’approche organisationnelle.
La première s’intéresse à la façon dont
subjectivement, des individus font des choix
de formation susceptibles d’avoir un impact
économique
positif
en
termes
de
rémunération notamment. La seconde en
revanche dépasse le niveau individuel pour
envisager le capital humain comme une
ressource stratégique de l’organisation.
L’ambigüité de la définition (p. 95) réside
donc dans cet écart entre choix individuels et
performance organisationnelle, et par là
même entre la mesure conventionnelle des
caractéristiques
de
formation,
de
compétences, d’expériences supposées avoir
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Introduction
du terrain obtenues par analyse de
documents et recueil de témoignages, qu’elle
met en regard de modèles théoriques
susceptibles d’en offrir une lecture.
Revue Gestion et Management Public
recherche et de la gestion de la propriété
intellectuelle et industrielle alors que les
chercheurs impliqués mettent en œuvre,
outre leurs compétences scientifiques, des
compétences managériale, entrepreneuriale
et connexionniste.
La place du chercheur dans l’économie des
projets revêt alors une importance
particulière, d’autant qu’elle est considérée
par l’institution européenne, à la fois comme
une ressource (le salaire des chercheurs
statutaires est valorisé en fonds propres) et
comme un investissement (la participation
des chercheurs contribue à la création d’un
espace européen de la recherche – (André,
2006)). La structure même des appels à
projets lancés par la Commission, fait de la
GRH un paramètre incontournable au regard
d’une approche classique du capital humain.
La volonté de limiter les risques financiers ou
de non-résultats se traduit par le contrôle des
temps de travail consacrés à la recherche et
l’articulation des compétences. Le système
des feuilles de temps, mises en place pour
convertir le temps passé à mener la recherche
en coûts (Kustosz, 2012) utilise notamment
l’unité personne/mois comme unité de
mesure de base grâce à laquelle le poids
budgétaire du chercheur est calculé soit en
ressources (s’il s’agit de valoriser du
personnel apporté en fonds propres) soit en
dépenses (s’il s’agit de recruter le personnel
spécifiquement pour le projet). Par ailleurs le
découpage et l’assemblage des compétences
en « paquets de travail » organise une
complémentarité
des
tâches
entre
partenaires du réseau de recherche, dont on
attend la plus grande efficacité (Diagrammes
de Gantt et de PERT visant à articuler les
workpackages sont des points de passages
obligés
du
montage
des
projets).
L’intégration, voire la routinisation par les
communautés de recherche de ces
contraintes peut faire l’objet d’une lecture
critique insistant sur la dimension réifiante de
ces pratiques gestionnaires (Honneth, 2006).
Cependant du point de vue de la théorie du
capital humain, la participation à un projet de
recherche communautaire (a fortiori la
coordination) peut également être vue par les
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des répercussions positives et la capacité des
organisations à agréger ces caractéristiques
individuelles pour générer un avantage
compétitif avéré. De nombreux auteurs
travaillent actuellement à établir le lien entre
le niveau individuel et le niveau
organisationnel en insistant sur la façon dont
les traits de caractères et le contexte de
travail notamment favorisent ou pas le capital
humain
entendu
comme
ressource
d’organisation.
Dans cette contribution,
l’approche individuelle est privilégiée, mais
l’éclairage contextuel du programme-cadre
est régulièrement sollicité. Il convient alors de
donner également des éléments de
compréhension du PCRDT, qui est un
instrument complexe et peu connu en dépit
de son influence déterminante sur le
management des ressources humaines d’une
recherche publique en quête de productivité
(Bruno, 2008). Que lui soit associé dans la
communication institutionnelle de l’UE,
l’image du « triangle de la connaissance » qui
associe formation-recherche-innovation ou
de la triple hélice qui associe quant à elle
université-industrie-gouvernement
(Shinn,
2002), c’est l’impact de la recherche sur la
croissance et l’emploi de l’Union européenne
qu’il est censé soutenir. Répondant aux
orientations de l’UE en matière de promotion
de l’économie de la connaissance, le design
de cet instrument de programmation intègre
de nombreuses considérations répondant à
des critères de productivité : d’une part la
programmation est « top-down » pour
l’essentiel, soit les trois quart des 10 milliards
annuels d’euros qu’il représente, afin
d’allouer les ressources financières et
humaines sur des priorités thématiques;
obligation de résultats d’autre part, entendue
comme capacité des chercheurs à rendre
compte de l’efficacité, voire de l’efficience de
leurs recherches dans un certaine logique de
retour sur investissement (Muldur, 2006). La
participation des chercheurs publics à ces
projets
induit
des
changements
organisationnels au sein des organismes
publics de recherche qui touchent
principalement les domaines de la gestion des
ressources humaines, de la valorisation de la
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types / Isabelle KUSTOSZ
Cette contribution qui consiste à analyser la
façon dont les chercheurs perçoivent
l’investissement en capital humain induite par
leur coordination de projets communautaires,
procédera en trois parties. Tout d’abord, elle
propose de mettre en évidence trois schémas
de financement spécifiques qui dessinent
trois types de perceptions du capital humain
très différenciées renvoyant respectivement à
des modes d’implication contrastés de la part
des chercheurs. Dans un deuxième temps, à la
lumière de la richesse contextuelle de ces
trois cas, il s’agira de présenter quelques
pistes
conceptuelles
issues
de
rapprochements analogiques, permettant de
dépasser l’approche économique classique du
capital humain, pour envisager des approches
alternatives. Enfin, des éléments de
discussion
seront
proposés
autour
notamment de l’articulation entre ces
perceptions individuelles et le management
de la recherche à l’échelle communautaire.
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1.
Perceptions du capital humain dans
le cas de trois schémas de
financement types
Cette partie vise à montrer que des
différenciations significatives existent entre
certains schémas de financement du PCRDT 7
(2007-2013) et que des regroupements
peuvent être proposés entre leurs
particularités respectives et la perception du
capital humain qu’elles favorisent chez les
coordinateurs de projet. Les trois schémas de
financement types analysés dans cette
contribution ont été retenus d’une part pour
leur intensité, à savoir qu’ils donnent un accès
riche à une interprétation orientée vers le
capital humain, et d’autre part pour leur
variation maximale, qui nous permet de
dégager de façon contrastée des patterns,
voire des postures archétypales (Miles,
Huberman, p. 60) ou idéaltypiques.
Ainsi trois entretiens ont été menés en 2011
auprès de coordinateurs de projet. Chacun
renvoie à un schéma de financement
particulier. Ces différents schémas de
financement sont aisément distingués selon
plusieurs critères : la durée, le budget,
l’approche top down ou bottom up, le
nombre
de
partenaires
contractuels
concernés etc. Nous présentons dans le
tableau 1 une matrice entre ces critères et les
trois cas ci-dessous :
1- un projet collaboratif Large scale du
programme « Recherche collaborative Coopération »,
2- un projet Advanced grant du Conseil
européen de la recherche - ERC programme « Idée »,
3- un projet IRSES (International Research
Staff Exchange) Marie Curie du
programme « Personne » (People).
L’analyse comparée de ces schémas de
financement (tableau 1) à travers ces cas
contrastés permet de dégager trois types de
perceptions quant à la façon dont les
chercheurs envisagent l’impact de la
coordination du projet sur leur propre capital
humain. Conformément au positionnement
décrit en introduction, selon lequel le
« capital humain » est avant tout considéré
comme une métaphore, des métaphores
utilisées par les informants eux-mêmes dans
les entretiens ont été également extraites et
soulignées pour caractériser ces différentes
perceptions :
-
informant 1 : « L’effet boule de
neige »
-
informant 2 : « Le sillon lentement
creusé »
-
informant 3 :
s’ouvrent »
« Des
portes
qui
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chercheurs comme un investissement
susceptible de générer des « gains de
carrière » par la formation à la recherche, la
professionnalisation,
la
capitalisation
d’expériences, voire l’ouverture aux réseaux
ainsi permises.
Revue Gestion et Management Public
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
Tableau n° 1 : Matrice descriptive des trois schémas de financement analysés
Informant 2
Informant 3
Nom du
programme
Programme spécifique
« Coopération »
Programme spécifique
« Conseil européen de la
recherche » dit « ERC »
Programme spécifique
« Personnes » dit
« Marie Curie »
Objectif du
programme
Favoriser la recherche
collaborative par le biais de
réseaux de recherche
transnationaux et
transsectoriels – associant
Universités et entreprises.
Favoriser une recherche
exploratoire sur la base de
l’excellence scientifique.
Favoriser la mobilité et
le développement de la
carrière des chercheurs
européens ou des pays
tiers.
Extraits du
guide « FP7 en
bref »
« Les projets réalisés en
collaboration sont des projets
de recherche qui définissent
clairement les objectifs
scientifiques et
technologiques à atteindre
ainsi que les résultats
scientifiques escomptés (tels
que le développement de
nouvelles connaissances ou de
technologies susceptibles
d’améliorer la compétitivité
européenne » p. 20
« Nouvelle action au profit des
« équipes individuelles », sans
obligation de coopération
transnationale (…) « la valeur
ajoutée européenne »
consiste à hisser la
concurrence entre
scientifiques développant la
recherche exploratoire
fondamentale du niveau
national au niveau européen »
p. 6
Top
down /bottom
up
Top down. S’applique à dix
priorités thématiques dans le
7ème programme-cadre.
Bottom up. Pas d’obligation
en termes de thématiques
imposées.
Bottom up. Pas
d’obligation en termes
de thématiques
imposées.
Réseau
Obligation de créer des
réseaux de recherche
transnationaux et
transsectoriels.
Pas d’obligation en termes de
constitution de réseaux. Les
projets sont mis en œuvre par
des équipes individuelles
mobilisées autour d’un
chercheur principal.
Obligation de créer des
réseaux de recherche
transnationaux et
transsectoriels.
Budget
Se déclinent selon la taille du
consortium de recherche en
Small, medium et large scale
Essentiellement consacré à la
constitution d’une équipe
pour le projet : recrutements
contractuels de chercheurs,
post-docs, doctorants.
Se calcule
forfaitairement sur une
base personne/mois en
fonction des mobilités
des chercheurs.
Durée :
4 ans
5 ans
2 ans
Large scale
Advanced grant (pour
chercheur confirmé)
IRSES (International
research staff exchange)
Dans le domaine de la
physique
Dans le domaine de la
biologie
28 Partenaires,
Montant de subvention
obtenu : 2 millions d’euros
de 14 pays
Pas de partenaire contractuel
Montant de subvention
obtenu : 98 mois de
mobilité (400 000 euros)
1 seul laboratoire concerné
6 partenaires de 4 pays
Dans le domaine de l’énergie
Cas étudié
Montant de subvention
obtenu : 23 millions d’euros
« Le programme
« personnes » soutient la
mobilité et le
développement de la
carrière des chercheurs
(…) et met en place des
mesures destinées à
aider les chercheurs à
bâtir leurs compétences
et leurs capacités tout au
long de leur carrière »
p. 15
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Informant 1
Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types / Isabelle KUSTOSZ
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La réponse à l’actualité de la demande socioéconomique illustre le cas du coordinateur du
projet collaboratif Large scale qui valorise
dans ses propos le poids des ressources
financières obtenues et sa capacité
personnelle à les mobiliser. Cette posture
« pro-valorisation de la recherche » est
tournée vers les transferts technologiques, les
débouchés industriels dans la perspective
d’une
visée
applicative
répondant
précisément aux besoins ponctuels exprimés
par la CE via ses partenaires industriels. La
recherche est conçue comme une prestation.
Ainsi
sont
valorisées
les
relations
contractuelles avec les partenaires industriels
comme les possibilités de retombées
commercialisables à l’issue du projet. Les
partenariats scientifiques, quant à eux, sont
agencés avec pragmatisme dans le but
d’atteindre une complémentarité maximale
des compétences. Par rapport à sa
communauté de recherche, l’informant 1
reproche aux chercheurs leur académisme et
regrette leur manque d’appétence pour les
projets intersectoriels, les nouveaux modes
de production scientifique, comme pour les
demandes issues de l’environnement socioéconomique. En ce sens, notre informant se
présente comme celui qui « ose », même si
cela doit l’éloigner de sa communauté de
recherche : « C’est dans l’air du temps, mais
scientifiquement il est nul » a-t-on déjà dit à
son sujet. Il est celui qui induit des
changements radicaux dans l’organisation
traditionnelle du laboratoire. Par ailleurs, il se
réjouit de l’effet « boule de neige » provoqué
par le projet en termes de propositions
partenariales, d’opportunités de contrats
industriels « à foison », de renommée
médiatique, voire de perspectives de carrière
le concernant à titre individuel. « J’étais à
mille lieues d’imaginer cela », rapporte-t-il. Il
laisse entendre d’ailleurs qu’il pourrait à la
suite du projet, poursuivre sa carrière dans
d’autres laboratoires, voire dans le secteur
privé « où les propositions sont autrement
Du point de vue du chercheur, ce programme
est un moyen d’obtenir ressources et
reconnaissance, puisque la plus-value de la
coordination de projet rejaillit sur l’individuchercheur en tant que tel. Si la question des
ressources place ce dernier dans une logique
d’abondement de moyens dont le laboratoire
et
l’établissement
sont
finalement
bénéficiaires, il en retire avantage dans le
confort financier et « structurel » qu’il aura
pour mener sa recherche en s’appuyant sur la
ressource humaine recrutée sur projet, en
ayant accès à des infrastructures de
recherche et à des budgets conséquents. Ces
moyens lui donnent aussi l’occasion
d’affirmer ses performances individuelles et
d’impulser une nouvelle dynamique à sa
carrière. La coordination du projet produit un
retour sur investissement susceptible d’ouvrir
des perspectives de carrière ; par ailleurs, elle
contribue
à
augmenter
le
capital
organisationnel (compétences collectives,
routines
organisationnelles,
aptitudes
managériales) et le capital relationnel (capital
confiance
auprès
des
partenaires
scientifiques, industriels, et auprès des
institutions et des financeurs) du chercheur.
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1.1. Le capital humain dans le projet
collaboratif ou « l’effet boule de
neige »
plus intéressantes ». Sa perception du capital
humain est celle d’une inscription dans des
agendas de recherche déterminés par les
rationalités exogènes et envisagée sous
l’angle de sa compétence entrepreneuriale.
Le
caractère
entrepreneurial
du
chercheur (Bruno, 2011) est valorisé ;
Confronté à la raréfaction des ressources
récurrentes, celui-ci favorise les activités
rentables et les logiques de développement
de
carrière
individuelle
plutôt
qu’institutionnelle. Le caractère primordial
attribué aux résultats et à leurs impacts
socioéconomiques
associe
durablement
recherche et innovation et incite le chercheur
à s’adapter à un projet « multi-acteurs »
mêlant paradigmes et intérêts divers : ceux
des financeurs, des consultants, des
industriels et des collègues chercheurs. Sur
cette base, il devient fournisseur de
« transferts de connaissances », de « transfert
de technologies » ou encore de « résultats ».
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Ce schéma de financement correspond à une
approche de type « innovation ouverte »
(Chesbrough,
2006),
c’est-à-dire
une
approche qui prône l’externalisation de la
R&D des entreprises par le biais de
partenariats ou de contrats avec les acteurs
de la recherche privée et publique. Dans la
chaîne complexe qui mène d’un potentiel
d’innovation à une mise sur le marché,
intrants (partenariats, achat de licences,
capital risque…) et extrants (sous-traitance,
cession de licences, désinvestissement…)
s’articulent de façon « ouverte » ou
« distribuée », mais toujours régulée par la
protection juridique loin du modèle de
l’ « open source » auquel l’innovation ouverte
est comparée à tort. Dans ce système, on
peut considérer que la relation contractuelle
avec le partenaire de recherche publique est
un intrant, qu’on acquiert, ou un extrant dont
on se sépare, selon le stade d’avancement du
processus d’innovation. Ainsi le capital
humain que représente le chercheur public
représente une valeur surtout dans le cadre
de l’agencement partenarial contractuel et
ponctuel auquel il contribue. C’est un capital
humain spécifique au projet dans le sens où il
correspond aux besoins d’un agencement
provisoire. L’effet « Boule de neige » pourrait
alors se tarir avec la fin du projet, à moins que
le chercheur ne s’engage dans un nouveau
projet.
1.2. Le capital humain dans l’ERC et « le
sillon lentement creusé »
Cette posture, contrairement à la première,
est essentiellement tournée vers le
développement de la science pour ellemême. L’informant 2 défend l’idée d’une
communauté scientifique capable de
s’autodéterminer et de définir ses propres
voies de recherche. L’activité de recherche est
conçue comme un « sillon creusé » au terme
duquel la reconnaissance induite par le projet
ERC est un aboutissement. Le chercheur
exprime sa préférence pour un type de projet
qui, selon lui, reste « ouvert à une discipline
aussi atypique que la sienne » et donc qui ne
peut être soutenue que hors financements
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
top down. C’est un projet de maturité, issu de
nombreuses années de recherche passées à
approfondir une thématique de recherche,
dont
la valeur est mesurée
par
l’indépendance du chercheur et l’approche en
« rupture » qu’elle apporte par rapport aux
approches scientifiques classiques. Le
chercheur avance des valeurs de liberté
scientifique, de légitimité des chercheurs à
définir eux-mêmes leur voie de recherche et
d’inscription dans un temps long de la
recherche nécessaire pour aboutir à un
renouvellement des approches et des
méthodes scientifiques. Le chercheur semble
motivé par le souci d’être reconnu comme un
« grand scientifique », capable d’initier une
rupture dans un champ et de faire des émules
à travers le monde. « On a besoin d’être à
l’intérieur d’une communauté (…) si on
s’aligne seul sur la finale du cent mètres, on la
gagne
nécessairement
et
les
gens
n’applaudissent pas», explique-t-il. Il est
fortement impliqué, son engagement dans le
travail de recherche « s’éclaire à la lumière de
son histoire personnelle » (Thévenet, 2004,
p.85). Il y a adéquation entre son engagement
professionnel et ses valeurs (la recherche
comme sillon creusé), adéquation avec
l’environnement de travail (son équipe),
adéquation avec la nature de l’activité
produite (la dimension rupture de la
recherche), adéquation avec le métier
(l’appartenance au milieu constitué par les
pairs), et enfin adéquation avec l’institution
(l’université et la recherche publique garantes
de l’indépendance de la communauté de
recherche). L’informant se détourne du
« chercheur-manager » soucieux de trouver
les financements qui légitiment son activité
de recherche au regard de logiques exogènes.
La recherche «c’est quand même une activité
qui est profonde et sans cela on ne la fait pas
très bien (…) on ne peut pas faire en dehors
de sa personnalité ». On notera d’ailleurs que
les projets ERC sont financés sur une période
plus longue que dans les autres programmes
– allant jusqu’à cinq ans - de sorte à absorber
les zones de risques ou de doutes qu’ils
comportent, au contraire des projets courts
qui escomptent des résultats rapides mais
39
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Revue Gestion et Management Public
Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types / Isabelle KUSTOSZ
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Ce schéma de financement, contrairement au
précédent, renvoie à l’éthique déontique
mertonienne (Merton, 1942) et à l’approche
kuhnienne (Kuhn, 1962) dans lesquelles la
science est régulée, plutôt que par des
acteurs exogènes, par les communautés
scientifiques elles-mêmes. A la fois la
référence aux normes méthodologiques et
aux normes éthiques renvoie aux valeurs
d’universalisme, de communalisme, et de
désintéressement, alors que le rôle « des
modèles d’autorités » et des cadres culturels
constitués par chacune des communautés
scientifiques disciplinaires conditionnent le
développement de la science et l’émergence
de nouveaux paradigmes. Ainsi le capital
humain que représente le chercheur se
mesure à la reconnaissance par les pairs,
notamment dans le cadre de la communauté
disciplinaire auquel il appartient. Il s’agit donc
d’un capital dont la valeur est essentiellement
intrinsèque, ce qui n’enlève rien à son
rayonnement. L’image du « sillon lentement
creusé » évoque ainsi non seulement la
durée, mais aussi la cohérence d’un parcours
scientifique au cours duquel le capital humain
du chercheur se construit et se trouve
reconnu
par
« une
communauté
indépendante qui évalue la valeur du chemin
qu’elle trace par elle-même ». C’est un capital
humain générique propre au chercheur et
valorisable en soi.
1.3. Le capital humain dans les actions
Marie Curie et « les portes qui
s’ouvrent »
A une moindre échelle les actions Marie Curie
- étant donnés les faibles budgets qu’elles
représentent par rapport aux autres schémas
de financement du programme-cadre procèdent également des mêmes ressorts
anti-programmatiques que l’ERC. Elles
relèvent également d’une approche bottom
up et s’intéressent de la même façon aux
capacités individuelles des chercheurs. Elles
s’appuient sur des schémas de financement
aussi bien individuels, à l’initiative d’un
chercheur en lien avec une institution-hôte
susceptible
de
l’accueillir
(bourses
individuelles
intra-européennes,
extraeuropéennes, entrantes et sortantes, pour
jeune chercheur comme pour chercheur
confirmé) que collectifs (réseaux de formation
doctorale
et
post-doctorale,
réseaux
d’échanges de chercheurs avec des pays tiers,
réseaux d’échanges de chercheurs entre
sphère privée et sphère publique). Leur
objectif est de contribuer à la formation
initiale des jeunes chercheurs ou à la
formation continue des chercheurs confirmés
par l’expérience de la mobilité - la mobilité
permettant d’avoir accès à des équipements,
des méthodes, des terrains, des sujets
auxquels le candidat n’a pas accès sur son
territoire d’origine. Par ailleurs, dans le cadre
des réseaux de formations, l’objectif des
projets Marie Curie consiste à la fois à offrir
une ouverture extra-académique aux
chercheurs (grâce aux partenariats avec les
entreprises) et à leur prodiguer un large
spectre de compétences complémentaires
appelées soft skills, telles que l’initiation à la
communication et à la vulgarisation
scientifique, à la valorisation de la recherche
et à la propriété intellectuelle ou encore aux
langues (Ces compétences sont par ailleurs
valorisées en France dans le cadre du
dispositif « Doctoriales » (Frances, 2012)). Le
troisième
informant
affiche
un
40
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peu risqués. En effet, le résultat de recherche
attendu ici est un progrès de connaissance qui
doit impacter durablement la communauté
scientifique, ce qui pourrait être défini au
sens kuhnien comme l’émergence d’un
nouveau paradigme. La perception du capital
humain de l’informant 2 correspond à celle
d’une compétence scientifique exceptionnelle
mise au service de l’évolution d’une discipline
et envisagée comme une maturation qui
nécessite patience et approfondissements
continuels : « Moi j’ai travaillé un chemin au
cours duquel chaque thèse étaient reliées à
une autre ». En ce sens, l’ERC est perçu
comme un réservoir de talents qui permet à
ses lauréats de considérer qu’ils constituent
une élite scientifique (Il est d’ailleurs présenté
dans la contribution du conseil scientifique de
l’ERC à la consultation UE 2020 comme a
hotbed of top talents).
Revue Gestion et Management Public
Dans le cadre de son propre parcours,
l’informant considère la recherche comme
une succession d’opportunités saisies, et
d’étapes à assembler, qui lui permettront
d’étendre son réseau et d’être identifié
comme un partenaire compétent pour
d’autres nouveaux projets. L’appétence pour
la mobilité et l’adaptabilité est présentée
comme essentielle. En ce sens, une analogie
avec la théorie du signal (Spence, 1973) peut
être établie : la participation au projet est un
signal émis sur l’aptitude du chercheur à
participer à d’autres projets. Cette
participation est considérée comme un indice
réduisant l’incertitude relative aux qualités et
compétences du chercheur ; indice qui
permet de réduire l’asymétrie d’information
dans laquelle se trouvent les partenaires et
les financeurs.
Ce schéma de financement participe à la
formation de la cité par projets telle que la
décrivent Boltanski et Chiapello (1999) et
dont le principe supérieur commun - selon la
terminologie de la théorie des conventions
(Boltanski, Thévenot, 1991) - repose sur
l’activité, les projets, l’extension du réseau et
la prolifération des liens, de même que la
formule
d’investissement
renvoie
à
l’adaptabilité et à la flexibilité, comme
l’expression du jugement positif se traduit par
le fait d’être « appelé à participer ».
Rappelons que dans la perspective d’un
monde connexionniste, la mobilité est une
qualité alors que l’immobilité est considérée
comme une faiblesse (Chiapello, 2002). Ainsi
le capital humain dans ce cas, vaut pour son
adaptabilité à être intégré dans des réseaux,
participant ainsi à leur extension sans cesse
renouvelée. La métaphore des « portes qui
s’ouvrent » évoque le besoin de se lier qui
constitue la dignité des personnes et a
contrario l’état de déchéance que présente la
fermeture du réseau. C’est un capital humain
spécifique à la tâche qui s’acquiert au fil des
formations et des expériences (Gibbons,
Waldman, 2004).
Le tableau 2 ci-dessous récapitule l’analyse de
contenu présentée ci-dessus en proposant
des groupements conceptuels entre la nature
du projet, son impact sur la carrière, et la
perception du capital humain au niveau
individuel et collectif.
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positionnement opportuniste assumé et
décomplexé : thématique à la mode,
partenaires de circonstances, souci de
contenter des évaluateurs en affichant des
Track delivery conséquents. Ses préférences
s’expriment en termes de possibilités de
mobiliser des ressources humaines, de
bénéficier de personnels doctorants et postdoctorants dans la perspective d’une
ouverture à un projet ultérieur, d’une autre
nature, qu’il qualifie de « vrai projet », et
pour lequel il choisira alors des « partenaires
fiables ». Le propos est pragmatique et
désabusé dans la mesure où l’informant
considère le projet comme insatisfaisant. Le
ressort de l’action qui apparait ici est
véritablement l’opportunisme : l’aptitude à
faire au bon moment, le bon projet (c’est-àdire celui correspondant aux critères des
évaluateurs de la CE) sans autre ambition que
de capter la ressource humaine adaptée au
projet et susceptible de produire des
résultats, qui pourront plus tard être le point
de départ d’autres projets de recherche plus
ambitieux. Dans cette logique kairétique, le
chercheur valorise sa capacité à saisir le
moment opportun et l’occasion favorable. Sa
perception du capital humain est celle de
l’optimisation des ressources humaines
consacrées à la recherche dans le cadre du
projet. Le projet est vu comme pourvoyeur de
ressources humaines pour les laboratoires de
recherche. En effet, qu’il s’agisse de mobilités
de longue durée (deux ans) ou parfois bien
plus courtes (quelques mois), les candidats
recrutés viennent compléter les équipes des
laboratoires partenaires et participent de fait
activement - mais provisoirement - aux axes
de recherche de ces laboratoires. Cette visée
utilitariste s’accompagne en outre d’une visée
connexionniste où la capacité d’extension du
réseau donne valeur au projet.
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types / Isabelle KUSTOSZ
Informant /
financement
Projet scientifique
Impacts en termes de
carrière
Perception du capital
humain individuel
Perception du
capital humain
collectif
1- Large
Scale
Projet de commande
Perçu comme une
prestation de service
à débouchés
industriels.
Effet boule de neige
Chercheur-manager
Comme un puzzle
« J’étais professeur
seconde classe et je
suis passé première
classe grâce à ce
projet, je bénéficie
également de la PES,
la prime d’excellence
scientifique. J’ai été
nommé IUF Junior. Le
fait d’avoir eu ce
projet m’a permis de
décrocher l’IUF » ;
« Quelqu’un m’a dit
que ma carrière était
finie… il voulait dire
que tout allait arriver
tout seul maintenant
et c’est en effet ce qui
se passe » ; « Cela fait
tellement boule de
neige que je
commence à me
sentir à l’étroit ici »
« Je suis passé de 0 en
gestion de projet à 7
ou 8 » ; « On ne fait
pas un brevet pour la
beauté de faire un
brevet. On veut que
ça rapport quelque
chose, on veut tirer
partie de tout le
travail que l’on a
fait » ; « Je fais en
sorte que le projet se
déroule bien, et qu’on
suive la description of
Works, que les
delivrables soient
rendus en temps et en
heure. C’est de la
gestion au jour le
jour »
« Le projet est
comme un puzzle.
Quand il nous
manquait une pièce,
on cherchait
exactement cette
pièce-là, pour des
compétences soit
scientifiques, soit
techniques »
Sillon lentement
creusé
Singularité
Faire des émules
« De fait la situation
actuelle c’est que je
suis le meilleur au
monde, parce que je
suis le seul »
« Dans le projet ce
que j’ai mis c’est
que je veux former
des gens qui vont
prendre des postes
ailleurs (…) je vais
travailler à faire des
émules »
« Honnêtement je
travaille plus à
commercialiser des
choses qu’à avoir des
résultats »
2- ERC
Bottom up
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« Clairement l’ERC a
été une réponse à ça
dans le fait de ne pas
afficher de top down,
de thèmes, de laisser
les sujets
complètement
ouverts et sur des
initiatives
individuelles »
Apports en
« rupture »
« Mon projet c’était
mon point fort.
J’étais vraiment dans
l’aspect rupture et
c’est pour cela que
l’ERC a été possible »
« C’est là aussi qu’on
voit qu’il y a rupture,
c’est une activité que
je mets en place et
que je tire seul pour
l’instant »
« Je n’ai jamais voulu
concevoir ma
recherche comme
une succession de
« Il faut espérer que
l’ERC fera émerger
des talents au plus
vite et sera un
accélérateur
permettant à des
chercheurs de
prendre très vite une
place à leur mesure
sans attendre »
Talent
« J’ai le sentiment que
sans doute un des
points importants de
l’ERC va être de faire
une espèce de club. Je
pense qu’on
commence à
distinguer ce qui
l’auront de ceux qui
ne l’auront pas (…) il y
a tellement peu de
lauréats que très vite
cela va dégager deux
réservoirs » ; « Si ce
dispositif ne servait
pas à drainer les
génies, ce serait
dommage (…) il s’agit
de repérer les
éléments soit les plus
moteurs, soit les plus
prometteurs »
« On peut conseiller
à un jeune
chercheur de
prendre son temps
plutôt que de lui
mettre la pression »
« Je suis quelqu’un
qui croit
énormément à la
richesse de l’équipe
de recherche »
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Tableau n° 2 : Matrice à groupements conceptuels autour des verbatims
Revue Gestion et Management Public
coups »
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
Individualité
« Un projet ERC, c’est
l’empreinte d’une
personne »
Projet de
circonstances
Des portes qui
s’ouvrent
« Ce n’était pas mon
initiative au
départ (…) j’ai juste
regardé ce qu’on
peut faire avec les
partenaires »
« J’aimerai qu’à la fin,
on puisse déposer un
vrai projet européen »
« C’est le type de
sujet très à la mode
actuellement »
2.
Mobiliser des RH
« Beaucoup de
collègues sont passés
par là et ont acquis un
réseau de gens avec
lesquels ils vont
continuer à
travailler »
Capital
humain
et
emploi
scientifique : de possibles approches
alternatives
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La partie précédente nous a permis d’établir
des regroupements entre types de projets et
perceptions du capital humain chez les
coordinateurs, qu’il s’agisse de l’impact d’une
coordination de projet pour eux-mêmes ou de
la façon dont ils envisagent la mobilisation
des collaborateurs participant au projet.
« L’intérêt pour moi
c’est d’avoir du
personnel » ; « Le but
c’est que le candidat
acquière une
formation
supplémentaire qui va
lui permettre d’ouvrir
des portes» ; « Cela
permet d’accueillir un
thésard. Il est jeune
(..) il n’y a pas une
famille derrière (…) on
peut les encadrer »
Former à la
mobilité
« Entre 25 et 35
ans, des personnes
un peu volontaires
peuvent toujours
trouver des
occasions de
mobilité»
« Si le chercheur est
très dynamique, il
continuera d’être
mobile » ;
« Changer de
laboratoire, c’est
essentiel, parce que
c’est changer de
méthodes de
travail »
Le tableau 3 ci-dessous met en regard les
représentations du capital humain traduites
métaphoriquement – sur la base des propres
images utilisées par les informants euxmêmes - et les fondements théoriques qui
prévalent pour appréhender chacun des
schémas de financement correspondants.
Tableau n° 3 : Récapitulatif « métaphores/ modèles / perceptions du capital humain »
L’effet boule de neige
Modèle d’innovation ouverte
L’agencement : Le capital humain vaut dans le
cadre contractuel extrinsèquement motivés.
Spécifique au projet, il peut être déprécié
hors du projet.
Le sillon lentement
creusé
Modèle mertonien et kuhnien
Le progrès de connaissance : Le capital
humain vaut pour la reconnaissance de
modèles intrinsèquement motivés. Général, il
est valorisable en soi.
Des portes qui s’ouvrent
Modèle de la cité par projets
L’adaptabilité : Le capital humain vaut pour sa
capacité à s’inscrire dans des réseaux.
Spécifique à la tâche, il s’accroît avec
l’accumulation de projets.
43
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3- Marie
Curie
Cette seconde partie permettra de proposer
trois pistes d’analyse pour étudier ces
regroupements dans le sens d’une critique
des approches maximisatrices : la première
piste consiste à distinguer une perception du
capital humain tournée vers la singularité
(Karpik, 2012) d’une perception du capital
humain tournée vers l’employabilité, pour
aboutir à la distinction entre régime de
stabilisation et régime de captation (Autier,
2010). Mais valoriser la singularité plutôt que
l’employabilité peut varier chez les
chercheurs selon leur âge ou plutôt le stade
de carrière dans lequel ils se trouvent. Ainsi
l’analogie avec l’hypothèse du cycle de vie,
empruntée à Modigliani, invite à nuancer les
comportements maximisateurs par la prise en
compte notamment de la question du legs et
de l’héritage. Enfin une dernière piste
préconise quant à elle, une lecture en termes
de capabilités qui permet de comprendre la
participation au projet non pas en termes de
profits possibles, mais de projet de vie.
2.1
L’emploi scientifique : un capital
humain à stabiliser ou à capter ?
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Une littérature significative est consacrée
depuis le début des années 2000 aux
mutations du métier de chercheur (Gastaldi,
Gilbert, 2006 ; Pigeyre, Valette, 2006 ; Hubert,
Louvel, 2012). Les chercheurs « remplissent
aujourd’hui des fonctions plus diverses
qu’autrefois. Leur carrière est devenue plus
variée tant du point de vue du lieu où elle est
basée que de la diversité des activités
menées.
Outre
l’enseignant-chercheur
s’esquisse la figure du chercheur gestionnaire,
entrepreneur et consultant » (Connel, 2004,
p. 53). En effet, le passage en mode 2 de la
recherche (Gibbons et al., 1994) est devenu le
modèle dominant de la recherche publique.
Ce
qu’il implique
en termes
de
contextualisation, c’est-à-dire le fait que
l’activité du chercheur entre en résonnance
avec l’utilité socio-économique, est plus que
jamais
une
réalité.
Mais
cette
contextualisation, parce qu’elle rencontre les
logiques d’efficience des dépenses publiques,
comme les logiques marchandes liées aux
intérêts des différentes parties prenantes,
opère sur l’emploi de chercheur une tension
qui conduit à la « réification » du chercheur
(l’utilisation de l’unité personne-mois est à ce
titre
emblématique
comme
signalé
précédemment).
Les
dispositifs
de
financement sur projets nécessitent un accès
à des ressources humaines plus abondantes,
dont l’« employabilité, interchangeable et
multicompétente » prime sur la valeur et la
rareté.
Ainsi
la
question
de
la
multicompétence (Antoine, Pichault, Rénier,
2006) renvoie à l’emprise de la rationalité
économique (Cabiaux et Thys-Clément, 2004)
: recruter des chercheurs au meilleur coût,
recruter des chercheurs susceptibles de
s’adapter au projet, ne recruter que pour la
durée du projet. Ces adaptations suivent les
transformations du marché du travail de la
recherche dans le cadre de l’économie de la
connaissance. La fragmentation des carrières,
la
promotion
de
la
mobilité,
le
fonctionnement en réseaux de compétences
qui en découlent, construisent des « carrières
nomades » (DG Tremblay, 2008) par diffusion
de dispositifs qui permettent de sauter de
contrat en contrat et de projet en projet. Le
financement de la recherche sur projet
favorisant le travail en équipe, en réseaux, en
communauté de pratique virtuelle, et incitant
à la mobilité géographique, disciplinaire,
sectorielle, peut aussi favoriser la flexibilité du
chercheur sur la base d’une succession de
temps, une succession de projets, une
succession de financements.
Pourtant, il s’agit de prendre la mesure du fait
que l’activité de recherche ne saurait se
résumer à une approche standard coûtbénéfice héritée de l’approche économique
néo-classique, mais qu’elle relève plutôt
d’une « économie des singularités ». La
dimension créative de l’activité scientifique
fait qu’elle renvoie à « l’univers des biens et
des services singuliers » (Karpik, 2012, p.
118) où l’orientation symbolique (découverte,
originalité, plaisir intellectuel, reconnaissance
des pairs) prédomine sur l’orientation
matérielle (maximiser le gain). Une approche
réductrice du capital humain prompte à
valoriser l’employabilité est susceptible
d’induire une tendance à la désingularisation.
44
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Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types / Isabelle KUSTOSZ
Revue Gestion et Management Public
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Cependant, dans le cas des trois projets
présentés, il est aisé de distinguer le cas de
l’ERC des deux autres. D’un côté, il s’agit de
faire évoluer une discipline scientifique sur le
plan paradigmatique, de l’autre de manager
un projet de recherche appliquée et de
former de jeunes chercheurs à la recherche
par la mobilité notamment. Dans le cas de
l’ERC, la motivation scientifique est première,
la carrière est envisagée en lien avec le
déploiement de la thématique scientifique et
s’avère stable institutionnellement (dans un
cadre académique) comme scientifiquement.
L’atypicité du chercheur et son parcours
personnel sont valorisés. Ainsi la perception
du capital humain qui est associée à ce type
de projet, aboutit à la promotion d’un régime
de stabilisation : la valeur et la rareté des
compétences du chercheur conduisent à
tenter de le fidéliser dans sa thématique,
dans un cadre stable, de sorte à internaliser le
capital humain (Lepak et Snell, 1999). Alors
que dans les deux autres cas, la thématique
scientifique n’est qu’un moyen d’entrer dans
les projets avec l’espoir d’en tirer profit pour
accumuler les expériences qui permettront
d’avancer dans la carrière. Dans le premier
cas, le projet arrive quant la carrière atteint
un certain seuil de reconnaissance ; Dans les
deux autres cas, le projet initie une carrière
ou lui impulse une nouvelle dynamique. Il est
alors possible de considérer que la perception
du capital humain associée aux deux autres
projets types promeut cette fois un régime de
captation ; régime où la relation d’emploi se
caractérise par sa faible durée et son faible
rattachement institutionnel, dans une stricte
adéquation avec des besoins ponctuels. La
relation d’emploi sera alors essentiellement
transactionnelle et donc possiblement
externalisée.
La tendance actuelle consistant à privilégier le
régime de captation, comme le souligne des
prises de positions récentes (Cri d’alarme de
l’Académie des Sciences sur le financement
de la recherche, décembre 2013 ; La crise de
l’emploi scientifique en France et ses
dangers : introduction à l’analyse chiffrée du
Conseil scientifique du CNRS, mars 2014),
produit évidemment des impacts sur les
organisations de recherche publique, ainsi
que sur la nature des contrats, les
perspectives de carrière, l’évolution des
statuts des chercheurs. Les concepts
d’employabilité, de mobilité, de la fléxicurité
sont alors mobilisés par les faiseurs de
politiques publiques de recherche et
présentés comme des atouts pour les
chercheurs. Pourtant ils questionnent le rôlemême du chercheur : est-il appelé à devenir
un exécutant dont les tâches quotidiennes
sont déconnectées d’un rapport structurant à
sa discipline, un technicien spécialisé pour
des objectivations scientifiques ponctuelles,
sans engagement durable vis-à-vis des objets
qu’il étudie, et sans mise en contexte
intensive des problématiques qu’il investirait
durablement ?
2.2
Perceptions du capital humain
selon les âges : l’hypothèse du
cycle de vie (HCV) à la lumière du
legs
Il apparaît que si certains schémas de
financement favorisent la captation du capital
humain de façon utilitariste dans le cadre de
projets
spécifiques
ou
de
tâches
interchangeables, d’autres au contraire
semblent traduire d’autres aspirations. A ce
sujet l’analogie avec l’hypothèse du cycle de
vie de Modigliani nous semble intéressante à
mobiliser pour au moins deux raisons : tout
d’abord parce qu’elle permet une prise en
compte des différences de comportements
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Or les singularités qui répondent aux critères
de multidimensionnalité, d’incertitude, et
d’incommensurabilité (Karpik, 2008) si elles
devaient caractériser le capital humain dans
l’économie des projets de recherche,
reviendraient à accepter de financer une
recherche dont on prend le risque de ne pas
très bien savoir ni ce qu’elle est, ni ce qu’elle
vaut, ni comment l’évaluer ; cette prise de
risque va de toute évidence à l’encontre de la
performance organisationnelle recherchée
par les concepteurs de la plupart des schémas
de financement.
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
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liées à l’âge des acteurs, mais aussi parce
qu’elle intègre la question du legs et de
l’héritage
dans leur
rationalité.
La
dimension
de
la
transmission
intergénérationnelle peut ainsi être prise en
compte pour interpréter les perceptions du
capital humain à l’œuvre dans les différents
schémas de financement de la recherche.
Ceux-ci par leurs différents designs
permettent l’imbrication de plusieurs
générations de chercheurs qui selon leur âge,
leur statut, ou les stades de leur carrière
peuvent avoir des représentations différentes
du capital humain à investir et par
conséquent des propensions à privilégier
certains schémas de financement plutôt que
d’autres. Initialement la HCV explique en effet
que les ménages auront tendance à épargner
durant toute leur vie active en prévision du
moment de la retraite où il leur faudra
désépargner pour maintenir leur niveau de
vie. Conformément à l’hypothèse de la
maximisation de l’utilité, on peut considérer
en se rapportant à ce modèle, que les jeunes
chercheurs, dont la carrière est encore à faire,
auront tendance à vouloir accumuler les
projets constitutifs de leur propre capital
humain (être captés d’un projet à l’autre,
faire croître par la formation et l’expérience
leur capital). Les projets permettraient de
constituer une épargne de légitimité, de
relations, de compétences, d’expériences qui
produiraient des gains de carrière. Mais une
fois la carrière faite, il ne serait plus
nécessaire de s’investir dans des projets. On
pourrait donc imaginer qu’à un certain âge,
correspondant au sommet de la cloche
d’épargne ou de richesse décrite par
Modigliani
(p.
25),
les
chercheurs
« maximisant leur utilité et affectant de
manière optimale leurs ressources à la
consommation durant leur vie » (p. 21)
pourraient alors se contenter de décumuler
(dépenser le patrimoine accumulé) et de
désépargner. Pourtant de la même façon que
les ménages peuvent conserver leur
patrimoine voire continuer d’épargner dans
l’optique de léguer un capital à leurs proches,
les chercheurs peuvent eux-aussi, selon ce
même modèle, être motivés par le désir de
transmettre.
Cette
transmission
intentionnelle peut alors les inciter à s’investir
encore dans des projets même si leur capital
humain a déjà atteint un seuil de
reconnaissance et de valorisation très élevé.
Ainsi certains schémas de financement
semblent conçus pour des chercheurs
avancés en carrière (c’est le cas de l’ERC
advanced grant) précisément dans cette
perspective de legs. « Motif d’orgueil » pour
Keynes, ou désir profond de participer au
développement scientifique (comme a pu le
théoriser l’épistémologue Mario Bunge), la
question de la transmission relativise les
interprétations purement utilitaristes quant
aux motivations des chercheurs à s’investir
dans des projets de recherche. Ainsi en début
de carrière, les projets de recherche servent à
la constitution d’un capital humain propre, en
devenir : le chercheur est alors en quelques
sortes un consommateur d’opportunités.
Dans ces cas, les projets offrent la possibilité
d’investir dans un capital humain personnel.
En revanche, dans le cas de carrière avancée
et accomplie, c’est le capital humain déjà
constitué qui initie et porte le projet : le
chercheur se conçoit alors davantage comme
transmetteur que comme consommateur.
Dans le cas de l’ERC, l’économie du projet est
ainsi essentiellement tournée vers la
constitution d’une équipe ; ce qui conforte
notre analogie.
2.3
L’approche par les capabilités :
projet de recherche et projet de vie
Mobiliser l’usage des capabilités définies par
Sen dans l’économie du bien-être en
l’étendant à d’autres domaines comme la
gestion des ressources humaines dans le
secteur de la recherche publique, revient
précisément à inverser la proposition induite
par la théorie classique du capital humain
(Bryson, Merritt, 2007). Plutôt que
d’envisager le capital humain que constitue le
chercheur comme une contribution à la
productivité du projet de recherche, il s’agit
d’envisager les projets de recherche comme
permettant aux chercheurs de « mener la vie
qu’ils ont des raisons de valoriser » (Sen,
1997). En effet, l’approche par les capacités
peut être mobilisée pour pointer les limites
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Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types / Isabelle KUSTOSZ
Revue Gestion et Management Public
Certains schémas de financement seraient
plus aptes que d’autres à développer
l’approche par les capabilités. Le temps long,
celui de la maturation lente de sa propre
recherche comme le bottom up, à savoir la
liberté de déterminer de façon autonome sa
thématique de recherche, seraient plus
conformes à envisager la recherche comme
projet de vie et par là même à envisager le
capital humain accumulé durant sa vie de
chercheur comme un capital humain
générique, valorisable pour soi-même. Alors
qu’au
contraire
d’autres
schémas
favoriseraient
davantage
des
fonctionnements – c’est-à-dire l’acquisition
de compétences considérées certes comme
autant de ressources, mais déconnectées
d’une finalité correspondant à un choix
authentique.
Ces
fonctionnements
constituent alors un capital spécifique à la
tâche (être mobile, être adaptable, être un
manager), voire un capital spécifique « au
projet » (être formé à telle thématique, à telle
méthode, à tel instrument ou à tel
équipement) dédiés à des projets à la fois
circonscrits dans leur durée et dans leur visée
(Gibbons, Waldman, 2004). Ce capital humain
est accumulé dans le cadre de « contrats à la
tâche », ou de « contrats de projet », souvent
financés sur des temps courts, qui mis bout à
bout ne s’apparentent pas nécessairement à
un projet de vie, mais plutôt à une
compilation de projets partiels et provisoires
dans lesquels la compétence du chercheur est
comparable aux pièces d’un « puzzle » à
assembler.
3.
Discussion
L’analyse de ces trois cas a permis de prendre
la mesure de perceptions très différenciées
du capital humain. Les schémas de
financement de par leur design spécifique,
reflètent ces différentes perceptions. Ces
outils de mise en œuvre de la recherche
communautaire constituent à ce titre un
terrain fertile sur lequel poser les questions
qui permettent de saisir la notion de capital
humain dans toute sa complexité. A travers
nos trois cas, on comprend notamment
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des politiques publiques relativement au
développement des compétences des
chercheurs tout au long de la vie, et pour
analyser leurs orientations en termes de
mobilité géographique et sectorielle et donc
d’employabilité. Les opportunités de carrières
offertes aux chercheurs ne sont pas toujours
en phase avec les discours publics sur le
soutien à la recherche, notamment
concernant la nature des débouchés
professionnels offerts qui sont de plus en plus
précaires. Or, dans l’approche par les
capacités, ce qu’il s’agit de distribuer de façon
équitable pour les chercheurs, comme pour
n’importe quel autre travailleur, ce ne sont
pas seulement des libertés formelles (CDD,
CDI, bourses, financement de la mobilité,
financement de la formation tout au long de
la vie etc.), des revenus, mais des
« capabilités » de développer des modes de
fonctionnement humains fondamentaux
permettant de vivre de façon digne et sensée
son métier de scientifique. Les conditions
actuelles d’organisation de la recherche
(concurrence
sur
les
financements,
concurrence
sur
les
opportunités,
concurrence sur les territoires, concurrence
sur les thématiques, concurrence sur les
disciplines, concurrence sur l’accès aux
carrières)
réduisent
les
perspectives
d’accomplissement personnel des chercheurs
(limitation des choix, limitation des libertés,
limitation de l’autonomie, limitation des
moyens et des ressources, limitation des
perspectives sur un temps long). Pourtant
l’épanouissement de la plénitude des
potentialités humaines (human flourishing)
prônée par Sen peuvent se manifester dans
certains projets quand ils permettent aux
chercheurs d’exercer leur « liberté réelle de
choix ». Si les fonctionnements du chercheur
sont formellement rendus possibles par des
politiques publiques qui permettent de créer
facilement mais provisoirement de l’emploi
scientifique, sont-ils pour autant susceptibles
de devenir « capabilités » au sens de liberté
réelle de réaliser la vie à laquelle on aspire,
« liberté réelle d’accomplir les réalisations
auxquelles les personnes accordent de la
valeur » ? (Bonvin, Farvaque, 2008).
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
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qu’au-delà des caractéristiques cognitives
mobilisées, il y a aussi des motivations et des
comportements particulièrement mis en
évidence selon le schéma de financement
utilisé. Le capital humain repose donc non
seulement sur ce que l’individu est capable de
faire (« can do »), mais aussi sur ce qu’il a la
volonté de faire (« will do ») (Ployhart,
Moliterno, 2011, p. 134). Cependant, il
convient de souligner deux limites à cette
contribution : une approche essentiellement
individuelle d’une part et un échantillon limité
à trois cas d’autre part. Pour réduire la
première limite, l’articulation micro-macro
doit être investie. En effet, loin de son
interprétation purement économique, voire
mécanique, qui déclencha bien des hostilités
(Becker, 1964), la notion de capital humain
est désormais questionnée sous l’angle de la
plus-value qu’elle peut représenter en tant
que ressource organisationnelle sur le plan
collectif. Cette plus-value ne saurait se
réduire au simple agrégat de caractéristiques
individuelles, sinon comment expliquer que
recruter les collaborateurs les plus qualifiés
ne signifie pas nécessairement obtenir de
meilleurs résultats ? Elle repose au contraire
sur les conditions qui favoriseront au sein
d’une organisation leur synergie et leur
amplification (Klein, Kozlowski, 2000). Or une
politique publique de financement de la
recherche telle que l’UE en a l’ambition, et
telle que les Etats, les Régions en ont aussi
l’ambition, doit précisément permettre
l’articulation entre ces caractéristiques
individuelles et leur impact collectif. Des
recherches ultérieures pourraient porter
précisément sur cette articulation. Ainsi le
modèle multiniveau de Ployhart et Moliterno
(2011), tourné vers cette approche
micro/macro, insiste sur l’importance à
considérer comme constitutives du capital
humain les caractéristiques non cognitives
(personnalité, valeurs, intérêt) aux côtés des
caractéristiques
cognitives
(capacités
intellectuelles, connaissances, compétences,
expériences). Ce modèle souligne aussi
l’importance du contexte de travail
susceptible de les amplifier et notamment le
niveau de coordination et de coopération
qu’il favorise. Pour réduire la deuxième limite
cette-fois, il conviendrait de mener des
recherches toujours basées sur l’analyse des
schémas de financement mis en œuvre, mais
de façon plus larges afin de monter en
généralisation relativement à leur impact sur
l’emploi scientifique. En effet, l’utilitarisme
associé au capital humain dans la mise en
œuvre des projets peut être plus ou moins
présent selon que les préférences des
chercheurs sont extrinsèquement motivées
ou intrinsèquement motivées, c’est-à-dire
selon qu’elles sont conformes aux contraintes
de programmation ou de gestion imposées
par des agents extérieurs au champ
scientifique (Freitag, 1995) ou qu’elles
correspondent aux choix propres des
communautés
scientifiques
concernées
(Bunge, 1983). Cette contribution invite donc
à considérer le poids des valeurs et des
modèles épistémologiques auxquels se
réfèrent les scientifiques pour analyser le
design des appels à projets communautaires
et
des
schémas
de
financement
correspondants. Sur cette base, il est possible
de distinguer parmi ces schémas ceux qui ne
sont pas seulement consommateurs de
capital humain, mais aussi tournés vers la
production de connaissances et leur
transmission. Cette conception d’un capital
humain qui se transmet - et non pas
seulement qui s’utilise - est une composante
essentielle du management de la recherche
communautaire, soucieuse de s’appuyer sur
ses communautés de recherche pour
s’assurer un avantage compétitif durable. La
notion de transmission invite ainsi à envisager
ces efforts sur un temps long qui dépasse de
loin la stricte temporalité des projets. Il
apparaît donc que les schémas de
financement ne sont pas de simples outils de
gestion, mais bien des instruments de
politiques publiques susceptibles d’infléchir
durablement des types de comportements.
En ce sens, les schémas de financement
peuvent être étudiés pour évaluer les impacts
de la généralisation du financement de la
recherche sur appels à projets dans
l’évolution de l’emploi scientifique, et
l’incidence de leurs différents designs sur la
stabilisation ou la captation du capital
humain. Une phase ultérieure confirmative
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Perceptions du capital humain dans les projets de recherche communautaire :
analyse exploratoire de trois schémas de financement types / Isabelle KUSTOSZ
Revue Gestion et Management Public
Conclusion
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Cette contribution a exploré les possibilités de
corrélations entre schémas de financement et
perceptions du capital humain dans le champ
de la recherche publique, à travers le cas du
programme-cadre de recherche et de
développement technologique de l’Union
Européenne. Du point de vue des
coordinateurs de projet, l’implication dans ces
projets complexes a un impact sur le
développement de leur carrière. Relativement
à leur propre capital humain, ils pourront
valoriser grâce à cette expérience, leur
aptitude au management et à la valorisation
de la recherche, ou leur potentiel à faire
évoluer leur discipline sur un plan
paradigmatique, ou encore ils pourront tout
simplement se signaler comme un partenaire
scientifique susceptible d’être enrôlé dans
d’autres consortia ou de porter d’autres
projets eux-mêmes. Relativement au capital
humain que constituent les collaborateurs
participant à leur projet, on remarque, selon
les schémas de financement, différents types
de postures dont l’utilitarisme va croissant
selon que les coordinateurs envisagent le
projet comme une possibilité d’accompagner
la carrière scientifique de futurs collègues
qu’ils considèrent d’ailleurs comme des
émules, ou qu’ils utilisent au contraire le
projet pour mobiliser et recruter des
doctorants et des jeunes chercheurs alors
considérés comme une ressource humaine
adaptée et d’autant plus employable qu’elle
est mobile. Les chercheurs n’ont donc pas
nécessairement
un
comportement
strictement maximisateur vis à vis du projet,
ni en ce qui concerne leur propre perspective
de carrière ni relativement au recrutement de
leurs collaborateurs. Le système de valeurs et
de préférences dans lesquels leur rationalité
s’inscrit ne constitue pas un pur mécanisme
d’optimisation individuelle. La transmission
notamment peut être considérée au même
titre que la coopération et la coordination,
comme un élément clef du contexte de travail
permettant de transformer le capital humain
individuel en ressource collective.
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nécessiterait un plus grand échantillonnage,
une instrumentation plus lourde, pour faire
apparaître de façon plus méthodique les
régularités et les regroupements entre
schémas de financement et effets sur l’emploi
scientifique. Il serait intéressant de suivre
notamment sur un temps long les cohortes
constituées par les chercheurs financés - du
participant Marie Curie au lauréat de l’ERC pour observer les réels impacts de leur
participation au projet sur leurs capabilités à
être chercheur et à transmettre ces
capabilités.
Vol.3, n°3
Mars/Avril 2015
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